Voyage au bout de la nuit !
Il est sans doute un peu vain de parler des Nuits Musicales du Suquet à peine quelques heures après la tuerie de Nice... A 30 km d'un bitume encore sanglant de 84 victimes !
Quoique ! Justement, s'il fallait vraiment en parler, c'est bien le moment ! La culture est un vecteur de re-connaissance, une façon d'aborder l'autre, un moyen de mieux le comprendre, une main tendue vers l'inconnu chargée de toutes les émotions qui régissent un être pensant. J'ai tant vu au fil des 3000 spectacles programmés, des larmes de bonheur, des rires de désespoir, des émotions à fleur de peau, pour ne pas être persuadé de la charge réelle, de la capacité certaine des êtres humains à communier ensemble autour du génie de l'homme !
Dans la folie meurtrière d'un individu fonçant sur des enfants, des femmes, il n'y a que le vide d'une disparition souhaitée et espérée, que des charlatans entretiennent à coup de promesse d'un avenir par delà la vie d'aujourd'hui... Moi c'est le présent qui m'intéresse, c'est de construire une société plus humaine, plus fraternelle en s'appuyant sur le génie de l'homme et de la femme, sur son coeur et sa tête et pas sur ses instincts les plus vils.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Par une somme d'erreurs qui conduisent les peuples à désespérer ? Par le mépris et l'inconsistance des puissants à se pencher sur l'état du monde ? Par la sauvagerie qui conduit le monde des affaires et son inconscience à ne pas vouloir assurer sa pérennité ? Certes, il y a tout cela et beaucoup plus encore. La naïveté du pouvoir politique devant les drames humains et le jeu politicien des calculs au présent. L'incroyable refus des individus à concevoir un monde plus juste et qui creuse sa tombe en brûlant ses richesses. Le goût amer des solutions toutes faites et l'abandon à un chef qui hurle plus fort que les autres et peut promettre tout et son contraire...
Alors oui, j'assume. Ce soir je monterai sur scène pour l'ouverture de mon dernier festival en tant que Directeur-Artistique, je ferai respecter une minute de silence pour tous ces enfants qui n'auront jamais le privilège d'assister à un concert parce que la barbarie leur a ôté la vie... Et après ce recueillement indispensable, je présenterai avec fierté Giovanni Belluci, un immense pianiste italien et le plus iconique de nos acteurs, Francis Huster, dans une jonglerie où la poésie des mots de Shakespeare, le plus grand des dramaturges, précurseurs de tant de drames futurs, se fondra dans la musicalité des oeuvres de Mozart et d'autres compositeurs qui ont souffert dans leur chair pour léguer à l'humanité des trésors de beauté.
Alors peut-être que le monde se mettra à tourner rond, que les fleurs ne seront plus fauchées avant de s'épanouir et que les yeux brilleront de mille espoirs d'une vie meilleure !