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Charles Gobi : un Héraut à Marseille

Publié le par Bernard Oheix

Cela a commencé à Marseille, brasserie des Templiers, derrière le vieux-port, par un déjeuner de travail au dernier printemps, avec mon ami Luc Michel Tolédano, portant sur le Jeu du Cinéphile que nous développons. Le patron Fred, un pur local à l’accent rocailleux et au rire contagieux, débordant de vie, nous offre le digestif et nous entraîne chez son copain, juste à côté, qui tient une boutique, Marseille in the box (13 rue reine Elisabeth).

Petite échoppe débordant de souvenirs à la mode Marseillaise, boites avec slogan, savon avec idéogrammes, boules, babioles et autres magnets et affiches détournées. Le patron, un homme jovial et sympathique, nous reçoit avec plaisir. Il nous dévoile sa collection de slogans marseillais. Je reste dubitatif.

A un moment, il se tourne vers moi et me dit : « -on a aussi cela ! » en me tendant un livre au format 13/19cm, couverture aux couleurs criardes, 200 pages que je feuillette, d’un lettrage assez gros...

«-Et si vous ne l’aimez pas, vous me le ramenez, je le reprends et vous choisissez n’importe quel objet de la boutique d’une valeur équivalente ! »

Plus par amitié et pour être au diapason de cette rencontre toute de saveurs, je tope dans sa main et il me lance un regard goguenard... Le marseillais a eu le petit cannois d’un billet de 20€ !

Sauf que...

Il est resté quelque temps sur mon étagère, un auto-produit marseillais, avec en titre Le Bar de la Sidérurgie pondu par un mec qui s’appelle Charles Gobi... cela ne pousse pas, à priori, à la consommation !

Et puis un jour, devant prendre le TGV pour Paris, mes yeux tombent sur le bouquin esseulé et je m’en saisi distraitement, l’accompagnant d'un Henning Mankell, histoire de me faire une petite récréation avant un vrai livre !

Las ! J’avais mis le doigt dans un engrenage... et je ne le savais même pas ! Je n’avais pas remarqué un papillon qui stipulait, dans le coin gauche de la couverture, PCPPP* autrement dit, *Pratiques Criminelles à la portée du Petit Peuple.

Le Bar de la sidérurgie s’ouvre dans un Marseille qui semble filmé par Robert Guédiguian, avec ses pastis et son accent, les parties de boules chaleureuses entre amis et des personnages hauts en couleurs. Ce lieu, acheté avec les petites économies d’un homme qui aime la vie, devient le havre de rencontres de gens simples qui cherchent le bonheur. Deux légionnaires homos qui «s’enfilent avec constance» mais sont des as de la cuisine et surtout du combat, un joueur de boules intellectuel orphelin au talent inouï, capable de viser par ricochet, une aventurière et belle femme et quelques boulistes aux talents divers se l’approprient entre pastis et parties endiablées de boules.

Hors, le patron débonnaire au grand coeur, voit un jour, quelques malfrats jeunes et inconscients, ayant décidé de jouer dans la cour des grands et de se tailler un territoire à la mesure de leurs ambitions, se pointer pour le «racketter» en assurant «sa» protection.

Disons-le tout de suite, ce n’était pas la meilleure idée qu’ils pouvaient avoir !

En effet, les légionnaires du coeur, le bouliste impétueux, la femme sauvage et quelques autres, décident de s’occuper du petit problème de leur copain en créant au passage, un phalanstère destiné à lutter contre le crime organisé, même s’ils ne sont pas contre l’utilisation de quelques colis tombés du camion pour assurer leur approvisionnement divers en armes et produits hautement toxiques pour certains !

Que dire de plus si ce n’est que je n’ai pu lâcher le livre et que j’ai authentiquement rit dans ce TGV qui fonçait sur Paris, un vrai rire à gorge déployé, comme rarement avec un livre ! Imaginez la tête de mes voisins, je les revois encore dans mes éclats me regarder comme un extraterrestre !

Du coup, j’ai passé le bouquin à mes enfants qui l’ont dévoré, eux-aussi, et depuis ce Bar de la sidérurgie fait une carrière à Paris dans la colonie des Oheix and c°.

Je suis donc retourné en juin sur Marseille, toujours pour Le Cinéphile, toujours chez Fred des Templiers, mais avant, petit détour par l’échoppe de Marseille on the box pour engueuler le patron...

«-Votre proposition était malhonnête, vous saviez que l’on ne peut ramener ce livre, c’est impossible !»

II a sourit et m’a tendu un deuxième volume... «-voilà, maintenant, vous êtes prêt pour un deuxième roman de Gobi... Il y en aura d’autres, bienvenu au club !»

Après mes réunions diurnes et un repas sur le pouce, je suis donc retourné Rue Crinas dans l’appartement de mon ami Philippe C et j’ai eu le tort, malgré l'heure tardive, d’ouvrir la première page de Chemin des prud’hommes(N’y allez pas !). J’avais un rendez-vous à 7h du matin mais je n’ai pu lâcher le livre avant la dernière page.

Rosette, une enfant de l’Assistance adoptée par un couple de braves gens, découvre dans un numéro de cirque, des lanceurs de couteaux. Elle s’entraîne alors pour devenir une experte et la vie est belle dans ce chemin perdu dans les collines, tout proche du Bar de la sidérurgie, au milieu d’un peuple d’amis, tous plus humains et truculents les uns que les autres. Sa rencontre avec le joueur de boule, Francis le Rat va l’entraîner dans un monde d'amour et de violence, de règlements de comptes où chaque habitant de ce quartier apportera sa pierre à la défense de l'orpheline et de l’opprimé. Des voyous de Marseille ont en effet, la mauvaise, (très) mauvaise idée, de mettre à l’amende Francis le Rat qui a gagné à la pétanque contre le chef d’une bande de malfrats qui se pique d'être un grand bouliste. Cela va être encore très dur pour les truands qui, avouons-le, en prennent plein la gueule et voient leur effectif fondre avec constance au fil des chapitres.

Au petit matin, la tronche de traviole de n’avoir dormi que 4 heures à cause de Charles Gobi, je suis retourné à la boutique et après avoir copieusement engueulé le patron, je l’ai supplié de me vendre le 3ème opus, ce qu’il a fait avec un grand sourire, et c’est dans le train de retour vers Cannes que j’ai dévoré Hercule des trois ponts !

Dans cet ouvrage, l’auteur va tisser, entre Le Bar de la sidérurgie et Le chemin des prud’hommes, une nouvelle histoire improbable. Hercule, un géant ermite, trappeur (sic) débonnaire qui vit de sa chasse dans les collines qui surplombent Marseille, va nouer des liens avec la tribu de Rosette la lanceuse de couteaux et l’équipe du bar de la sidérurgie emmené par les deux légionnaires homos. Entre les deux bandes qui se lient d’amitié, Esprit, un nain handicapé va découvrir la solidarité contre des voisins particulièrement haineux et Lenuta, une prostituée roumaine, l’amour avec Hercule... Entre temps, il faudra quand même affronter une bande de proxénètes bien décidés à préserver son cheptel humain en mettant les collines à feu et à sang, le leur surtout d’ailleurs !!!!!!

Il y a, chez Charles Gobi, dont on sait que c’est un pseudonyme, une force dans la peinture d’une vie simple qui percute des situations rocambolesques avec des traits énormes et un vrai talent humoristique. Il s’agit d’une BD pour adultes où les méchants en prennent plein la gueule, où la bienséance est foulée au pied, de «l’héroïc fantasy» à portée du peuple, Robin des Bois des calanques au service de la vie quotidienne, Superman en maillot de bains et tutu rose. Dans une écriture simple mais jubilatoire, l’auteur nous fait partager la saveur d’un pastis, le doux sentiment d’un carreau particulièrement soigné dans une pétanque solidaire, les émois de femmes et d’hommes que tout semblerait désaccorder mais que la force de l’amour cimente. Il n’y a aucune morale mais de l’humain à la recherche d’un bonheur possible. Les hommes baisent avec les hommes, les vieux portent en étendard une sexualité débridé, les blessés de la vie retrouvent la fierté et les méchants sont condamnés à être lacérés, étripés, pulvérisés, dépecés... et j’en passe !

Ces livres sont d’utilité publique, devraient être remboursés par la sécurité sociale, et vous offriront le plaisir de rire en compagnie des mots imprimés, comme le plaisir simple et profond d’un rêve qui chasserait les nuages d’un revers de la main.

PS : si vous voulez vous les procurer, (et je n’ai pas été payé pour écrire ce texte) adressez-vous à www.marseilleinthebox.com... Moi, je vais me précipiter vers le tome 4 !

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