Roman Polanski... L'ambiguïté et l'incertitude en miroir !
Ce titre, tiré d’une interview de Bernardo Bertolucci, et support de ma maitrise de cinéma soutenue en 1974 à Nice sur son oeuvre, (Bernardo Bertolucci, Etudes Cinématographique. 122/126), semble parfaitement adapté à cerner le dernier film de Roman Polanski.
« D’après une histoire vraie » est l’adaptation à l’écran du roman éponyme de Delphine de Vigan. Et n’en déplaise à nombreux critiques qui font la fine bouche sur son ultime opus, le film fonctionne parfaitement et livre une parenthèse sur le bien et le mal particulièrement réussie. Une oeuvre très Polanskienne où la réalité et la fiction s’affrontent subtilement sans que l’une puisse prendre le pas sur l’autre.
Une écrivaine décidée à se livrer à un travail « fictionnel » en échappant à sa marque de fabrique (l’autofiction) qui a fait son succès, est en panne devant sa page blanche. Entre deux signatures de livres, elle tente d’accumuler dans des petits carnets, un matériel pour trouver l’inspiration et se lancer dans la rédaction de ce roman que tout le monde attend.
Sa rencontre avec une fan, elle même « nègre » sur des biographies d'artistes, de vedettes ou de personnalités médiatiques, va l’entrainer dans un jeu de séduction et de pouvoir où tout se dérègle. Les ingrédients qui vont gripper le quotidien sans aspérités de ses jours sont subtilement dévoilés, par petite touche, comme si rien n’avait d’importance. Pourtant, la présence de plus en plus envahissante de « l’autre » la coupe de son réseau, la rend dépendante puis victime de son bourreau.
Un séjour dans la maison de campagne vide de son compagnon en déplacement va crisper les évènements et déclencher une crise violente…
Mais la réalité est-elle aussi simple ? L’ «autre » est-il un leurre pour accoucher d’une oeuvre où un vrai personnage qui fait irruption dans sa vie pour l’empêcher de créer ?
Les deux lectures s’emboîtent parfaitement et tant l’une des hypothèses que l’autre sont plausibles au final dans une grille de lecture totalement ouverte et symétrique.
Il reste alors la superbe réflexion sur le travail de la création, sur les fantômes qui peuplent les nuits de l’écrivaine, sur le processus d’accouchement d’un livre, sur le rapport de dépendance à l’autre, sur la violence des sentiments et la perversité de la séduction.
Tous ces thèmes que Roman Polanski a décliné avec tant de talent dans toutes les oeuvres qui parsèment une carrière où il ne s’est jamais trahi cinématographiquement parlant.
Comment ne pas être particulièrement touché par cette mise en abîme, ce glissement progressif de la normalité vers la déraison, cette peinture cruelle d’une solitude de la création qui ne peut se partager.
Peut-être que dans cet accueil mitigé, Polanski paye pour d’autres fantômes issus des nuits de feu d’un passé jamais cicatrisé et qu’un évènement a brutalement ravivé. L’explosion Harry Weinstein n’en finit pas de déclencher des vagues. En cela, son oeuvre sulfureuse renvoie bien à un présent particulièrement douloureux qu’il ne pourra jamais solder.
Mais est-ce bien une histoire vraie qu’il tente de décliner à l’infini ?