Festival du Film... des raisons de rêver !
22 films et le miracle perdure. On se souviendra de cette édition comme d’un moment de grâce que les propositions des réalisateurs parent de toutes les gammes des émotions et des sentiments. Et la fête n’est pas terminée !
Souffle d’air frais avec une rafale de films français de qualité. A genoux les gars, de Antoine Desrosières, montre un quatuor adolescent en train d’éperonner tous les codes de l’amour. Dans une cité de banlieue, deux soeurs Rim et Yasmina à la verve haut en couleur, vont se retrouver en train d’expérimenter les jeux de l’amour sans le hasard ! Rires garantis et fraicheur des acteurs pour une comédie sans romantisme.
Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin offre un autre visage de l’amour sur les trottoirs de Marseille. Un jeune délinquant tombe amoureux de la première prostituée du réseau qu’il monte. De souteneur à soutien, il n’y aura qu’un pas qu’il franchira en endossant le rôle de « la balance » si honnie dans ce milieu de la délinquance aux codes d’honneur inscrits dans le marbre. Pour la sauver, il retournera en prison, perdra un oeil mais en trouvant la lumière. Traitre à sa bande, il va enfin accepter ce grand amour qui le sauvera !
Joueurs de Marie Monge oppose un Tahar Rahim étincelant en joueur accroc, à une jeune fille bien sage dévorée par l’ennui et la solitude. Happée par ce tourbillon de sentiments et cette griserie d’un monde de la nuit où le jeu dévore l’ennui, elle va glisser à ses côtés vers la pente fatale de la mort. Elle tentera bien de le sauver malgré lui, mais cet amour sauvage ne peut que se briser sur les illusions d’une fuite vers le néant. Marie Monge, pour ce premier film, démontre une belle maitrise, un sens inné pour raconter et filmer une histoire éternelle, celle des jeux de l’amour et du hasard, même s’il n’y a plus de hasard dans sa capacité à devenir une metteur en scène dont on attend désormais les prochaines productions !
O Grande Circo Mistico voit un revenant renaître de ses cendres. Carlos Diegues n’avait plus tourné depuis 18 ans. Ce seigneur du Cinéma Novo brésilien des années 70/80 s’était muré dans le silence. Avec ce film qui suit la vie d’un cirque sur un siècle, entre les deux passages de la comète de Haley, il crée un univers baroque et sensuel, des personnages décalés dans des situation absurdes. C’est du grand cinéma, inspiré, et on peut noter la participation exceptionnelle d’un Vincent Cassel métamorphosé.
Wildlife est une plongée dans l’Amérique profonde du Montana, près ère Trump ! A la hauteur d’un adolescent, le film montre le délitement d’un couple qui s’enfonce dans une crise de confiance, une fuite en avant où tout est prétexte en faire surgir l’incompréhension et le désarroi. Cet angle si précis donne une dimension de proximité au drame en train de se jouer et annonce les désastres à venir d’une société américaine sans illusions.
Enfin 2 bijoux pour conclure cette deuxième livraison.…
3 visages de Jafar Panahi, le banni iranien interdit de sortie du territoire. Il va poser un des visages sur son film, le sien. Mais il y a aussi dans cette histoire tous les ingrédients d’un mystère à résoudre. Un message filmé d’un portable est arrivé chez une actrice célèbre de la télé iranienne. C’est un appel au secours d’une jeune fille. Sa famille veut l’empêcher de devenir élève dans une école d’art dramatique et la marier de force. Elle décide de se pendre en se filmant. Ce message va déclencher le départ pour son village reculé dans les montagnes de l’actrice et de son réalisateur, Jafar Panai lui-même. Ils vont enquêter sur cette affaire et au passage, dévoiler toutes les contradictions d’une société iranienne engoncée entre le passé et l’absence de futur. C’est un film d’une rare puissance, une pérégrination sur les chemins de l’émancipation des femmes dans une société corsetée par les codes du machisme et de l’honneur.
Girl de Lukas Dont, un flamand est sans doute l’oeuvre la plus passionnante de ce Festival. présenté à Un Certain Regard, elle méritait de pouvoir se mesurer aux autres films en compétition.
Par le thème d’abord, celui d’une jeune fille Clara engoncée dans un corps d’homme et qui entame sa mutation médicale soutenue par son père et un corps professionnel attentionné. Par la personnalité exceptionnelle de son acteur principal, Victor Polster qui d’ores et déjà aura gagné la palme de toutes les interprétations, masculine comme féminine ! La jeune fille partage sa vie entre cette académie de danse (rarement on aura montré cet art du mouvement comme une douleur si intense de la répétition vers la perfection), et ses séances avec les psys et médecins. C’est une ode à la liberté, à la tolérance et à l’amour. Dans sa nature si troublée, elle trouve une force incroyable pour jeter à tous ceux qui pensent qu’une « manif pour tous » suffit à remettre des frontières, un pavé dans la mare de la bienséance et du poncif. Le drame final lui permettra enfin d’être cette jeune femme libre qu’elle a toujours été dans sa tête.
A voir avec urgence !
Et le Festival s'avance, de séance en séance. A chaque ouverture, nous espérons toujours et encore être surpris, émus, amusés… et cela tombe bien, car cette édition 71 restera dans les annales du cinéma ! Jusqu’à maintenant tout au moins ! Bon, avouons-le, il y a toutes les raisons d’espérer, au vu de l’état du monde, que le 7ème Art aura encore de belles pages à écrire pour tenter d'éclairer le monde !