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Le grenier de la mémoire 22 : le sésame du cinéphile Cannois !

Publié le par Bernard Oheix

Il y a de nombreuses méthodes pour assister à la séance Graal d'un film en compétition au Palais des Festivals. Je pense que j'ai eu l'opportunité en 45 éditions de toutes les explorer ! Petit bréviaire donc du chercheur d'or cinéphilique à la conquête de sa toison d'or !

Et tout de suite, 2 possibilités à déconseiller. La première est humiliante. Se vêtir d'un smoking avec noeud papillon, se poster dans l'environnement direct du Tapis Rouge avec un petit écriteau "cherche deux places pour assister au film en compétition : PS : une seule suffirait !"

Soyons lucide, outre la possibilité infime d'en trouver une (et à fortiori 2 !) vous allez être ridicule dans votre frac loué pour l'occasion avec, en prime, de grandes chances de terminer seul votre soirée devant la télé, sans votre copine qui aura compris que vous étiez prêt à l'abandonner pour un Kurosawa, ou pire, un film Bulgare de 3 h 27 sous-titré anglais !

La 2ème a bien fonctionné mais est devenue obsolète. Se promener dans la contre-allée de l'ancien Palais, lancer une oeillade au gardien de la porte de secours qui s'avère être l'oncle d'un copain de classe, lequel vous fera un signe discret pour vous donner le feu vert, au moment du générique du festival, quand les places libres ne pourront plus être occupées. Avec moi cela à bien fonctionné une vingtaine de fois mais pour ce faire, il était nécessaire d'être Cannois, de tomber sur le bon vigile et tout cela bien avant que les consignes de sécurité drastiques de l'époque actuelle vous fassent apparaître comme un dangereux terroriste de vouloir satisfaire votre appétit de 7ème Art !

Bien évidement, il y a aussi la possibilité permanente d'être le fils d'un commerçant de la rue d'Antibes... mais ce n'est pas donnée à tout le monde, hélas !

 

C'est donc vers une 3ème option qu'il faut se tourner.

Avoir une carte de presse d'un quotidien local...

Le grenier de la mémoire 22 : le sésame du cinéphile Cannois !

...ce qui n'est pas toujours facile, mais possible si vous écrivez sur le Hand-Ball dans Nice-Matin ou si vous êtes communiste et que vous faites des articles de cinéma dans le Patriote vendu par vous-même à la criée du Marché de Magnan !

Toutefois, ce petit sésame ne vous permet en aucun cas d'accéder à la Montagne Magique de la compétition, tout au plus vous autorise-t-il d'accéder à un de ses périphériques comme la Quinzaine, moins regardant sur les états de service de l'impétrant critique !

Voir les films de la Quinzaine, c'est bien, surtout quand on voit la liste des réalisateurs qu'ils ont promus à Cannes... mais impossible alors de prétendre faire son palmarès en même temps que les jurés !

Voir les films de la Quinzaine, c'est bien, surtout quand on voit la liste des réalisateurs qu'ils ont promus à Cannes... mais impossible alors de prétendre faire son palmarès en même temps que les jurés !

Alors comme 4ème option, il reste la débrouille... Ou l'art d'être faussaire ! Dès 1973, une bande de cinéphiles enragés, tournant autour de l'université de Nice et de la section Histoire du Cinéma, dont j'étais, sous la houlette d'un Jean A Gili, notre maître impérial et amusé, a trouvé la martingale magique : de vraies fausses cartes de presse !

Un ami étudiant Corse honorablement connu (dont je tairais le nom !) ayant un cousin Bastiais qui possédait une imprimerie, sur la base d'une authentique carte récupérée à la fin du Festival 1972, réalisa une trentaine de passeports pour le paradis pour une modique somme incluant son temps de travail (et le temps de travail en Corse, c'est sacré !). 

Vous pouvez voir que les noms sont aléatoires et les médias interchangeables, magie du cinéma, Méliès quand tu nous tiens !

Vous pouvez voir que les noms sont aléatoires et les médias interchangeables, magie du cinéma, Méliès quand tu nous tiens !

Des talons détachables, la signature contrefaite de "La Fargette", la cerbère intransigeante qui gérait la presse du Festival du Film ! Tout y était !

Des talons détachables, la signature contrefaite de "La Fargette", la cerbère intransigeante qui gérait la presse du Festival du Film ! Tout y était !

Et l'aventure dura 2 belles et merveilleuses années pendant lesquelles 30 chevelus de la FAC de Nice, se promenaient dans les conférences de presse, assistaient à toutes les séances et pouvaient enfin dignement composer leur palmarès sans rougir en récupérant au passage, le matériel promotionnel des attachés en train de vendre leur film à la presse du monde entier... et à nous !

Mais quand même ! Nous en avons peut-être un peu trop fait ! Et pour la 3ème édition de notre opération piratage, au dernier moment, et sans avoir la décence de nous en informer, le service de presse du festival fit plastifier les cartes et passa les consignes aux cerbères des entrées !

Las, c'est notre copine, mademoiselle X, qui fut la première (et unique), à tomber dans les rets de l'administration outragée, le 4ème jour du festival 1975. Elle se retrouva dans le bureau d'une Fargette extatique devant la fausse carte confisquée, touchant le lisse de l'authentique de son ongle carmin en hurlant "- je le savais, les faussaires c'était donc vous, qui sont les autres ? J'exige des noms !"... rugissant qu'elle allait appeler la police, que cela nous couterait gros, la prison, la galère, le bagne ! Bon, quelques ruisseaux de larmes plus tard, elle fut relâchée sans avoir citer les noms de ses complices d'infamie (dont le mien !) et nous lui avons fait un triomphe à sa sortie en séchant ses larmes !

Sauf, bien évidement qu'il a fallut pour continuer à voir des films dans cette édition, renouer avec les procédés artisanaux décrits dans la première partie de l'article !

Et puis le temps passa et vint la potion magique, l'option + qui autorise tous les phantasmes...

Le grenier de la mémoire 22 : le sésame du cinéphile Cannois !

Et là... qu'ajouter qui ne serait superfétatoire ! Un badge authentique de Directeur du Palais, une invitation permanente officielle, et en prime, quelques rencontres réjouissantes autour de la prise des empreintes de stars dont j'était le directeur du service responsable ! Le pied et la main en osmose ! Sharon Stone, Kim Bassinger, Cameron Diaz, mais aussi Michelangelo, mon Bertolucci, Polanski qui a été très correct avec moi(!) et tant d'autres stars comme Tarantino, Lynch, Francis Ford....

Alors même si avec le temps, un badge cinéphile est venu simplifier la méthode, un seul conseil : faites au moins une fois dans votre vie la montée à 19h15 des 24 marches de la séance en compétition (c'est le nombre de phonogrammes du défilement du cinéma, 24 images secondes !). Une fois suffira d'ailleurs car le prix à payer et lourd : arriver une heure en avance, se frayer un chemin au milieu de la foule des badauds sans invitations, un frac qui engonce, un noeud papillon qui étrangle, des chaussures vernis qui endolorissent les pieds... pour vous ! Une robe de soirée pour elle ! Mais au bout du compte, entre la haie de gendarmes emplumés, les flashes des photographes, et le fait de gravir cet Everest entre Meryl Streep et Michel Piccoli, vous garderez le souvenir ému d'avoir été pendant 12 mn un des rois du monde !

Bon, pour la petite histoire, je n'ai plus fait cette montée depuis 10 ans... même et alors que je pouvais aisément obtenir des invitations ! Les meilleures choses se distillent et le film est plus important que son habit de soirée !

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