Le grenier de la mémoire 27 : IDIR s'impose !
Triste actualité que l'on ne peut ignorer... Et étrange coïncidence !
Dans le précédent article du 2 mai, je vous parlais de ma fierté d'ouvrir ma 1ère saison "Sortir à Cannes" le 18 octobre 1997 avec un berbère Idir et son tube envoûtant : A Vava Inouva.
Aujourd'hui j'apprends qu'il est décédé le 2 mai, à l'instant précis où j'écrivais ces mots, où je retrouvais sa trace dans ma documentation, où je prononçais son nom !
Mais qui est IDIR ?
C'est dans Intervista (1/10/1997) que j'avais fait paraître cet article, grâce à mon ami Michel Sajn qui en était le Directeur. Cet article fut signé de mon pseudo traditionnel, Jean Paul Icardi, pour des raisons évidentes ! C'était moi qui le programmais et j'y raconte ma rencontre avec lui et l'admiration que je lui voue !
La vie de Hamid Cheriet est un conte oriental. Né en 1949, destiné à faire de grandes études d'ingénieur, il ne rêvait que de musique. Au début des années 1970, en cachette, il enregistra un morceau A Vava Inouva qu'il signa d'un pseudo et transmis à une radio. Cette chanson déclencha un raz de marée, diffusée en boucle sur toutes les ondes de l'Algérie. Mais personne ne connaissait l'auteur qui se cachait derrière le nom d'IDIR.
Il dût se résoudre à l'annoncer à sa famille et devint l'icône des Kabyles, arrêtant ses études pour porter le flambeau de toute cette région de l'Algérie en lutte permanente contre le pouvoir central. Il renouvela une authentique culture berbère en lui donnant une résonance internationale !
Sa carrière fut menée en dehors de toutes contraintes. Seulement 7 oeuvres discographiques, une absence de scènes volontaire pendant une dizaine d'années à partir de 1981. C'est en 1980, à une de ses dernières apparitions avant son interruption, que j'ai eu le privilège d'assister à un concert à Rennes. Par la suite, il revint sur le devant de la scène, fit de nombreuses collaborations avec d'autres chanteurs (Manu Chao, Titi Robin, Maxime le Forestier, Alan Stivell...). Chacune de ses apparitions a marqué des générations de musiciens et il est un des vecteurs de l'essor de la "Musique du Monde" qui fit fureur à partir des années 90.
Les traces noires sur la pochette du CD sont les restes d'un superbe autographe qu'il m'avait dédié... Las ! Après les inondations de La Bocca de 2015, j'avais retrouvé mon CD dans 10cm de boue, et sa trace s'est envolée ! Je ne peux plus lui demander de réparer l'outrage du temps !
Le 29 avril 2006, c'est au Grand Auditorium du Palais (2400 places) que je l'ai reprogrammé dans une soirée partagée avec Enrico Macias. Le pied noir et le kabyle ! Complices, ils s'étaient entendus à merveille et la soirée fut un délice de sonorités de "la-bas !"
Et cette fois-ci, c'était pour la clôture de ma saison 2005/2006. Boucler la boucle, d'une ouverture à une clôture ! Idir reste une des personnalités qui m'a marqué parmi ces innombrables belles rencontres que ma vie professionnelle m'a offertes !
Je n'aurais plus l'occasion de voir sa silhouette gracile se dessiner dans les cônes des projecteurs. Il me reste son souvenir, sa voix chaude et fine, la noblesse de ses traits de seigneur berbère, la certitude d'avoir croisé un barde qui exprimait avec ses mots et ses mélodies, la richesse d'un monde et l'amour de l'autre.
Et un sourire qu'il m'avait envoyé quand je lui avais raconté mon premier concert d'Idir à Rennes en 1980. C'était dans sa loge après un concert d'émotions et il m'avait offert cet autographe envolé !
Il a rejoint mon ami Nilda Fernandez, Christophe et nul doute qu'ils me prépareront une sacrée fête pour mon arrivée !
En attendant, un conseil : si vous voyez apparaître votre nom dans cette série d'articles du "Grenier de la Mémoire" de mon blog, calfeutrez-vous, adoptez la distanciation sociale à défaut de Brechtienne, mouchez-vous dans le coude et lavez-vous les mains... On ne sait jamais !