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La Quebrada de Humahuaca

Publié le par Bernard Oheix

L’estafette que nous avons louée s’essouffle sur la route qui monte de Salta vers San Salvador de Jujuy. 90 km sur une route qui serpente dans la forêt tropicale, avec de nombreux lacs alentours. Au volant, Oscar, un ténébreux Argentin et la belle Monica, visage rond aux yeux curieux, sourire large, cheveux noirs sur les épaules, une métisse indienne parlant un Français délicieusement châtié qui va nous servir de guide. Sabine notre hôtesse de Salta nous a proposés cette expédition de deux jours dans la Quebrada de Humahuaca et sur la «puna» Argentine.

La Quebrada (vallée) de Humahuaca est classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour son patrimoine culturel et sa bio-diversité. 10 000 d’histoire dans cette région reculée, frontière avec la Bolivie et le Chili, où la diversité indigène continue d’exister, comme si le souffle de l’histoire tourmentée de cette région ne pouvait s’effacer devant la civilisation moderne. Région de transit et de guerre, ce passage obligé des envahisseurs virent s’opposer aux natifs indiens, les tribus Omaguacas et Fiscaras, (de redoutables guerriers bâtisseurs), l’envahisseur Inca vers le début du XVIème siècle puis les colons Espagnols dans la foulée, attirés par leur rêve d’un Eldorado impossible.

A partir de Jujuy, la route se glisse entre les contreforts de la vallée où coule le Rio Grande, les montagnes majestueuses lui font un écrin minéral. Notre première étape sera Purmamarca, un village miraculeusement préservé, avec ses ruelles pavées, ses maisons en pisé aux toits de torchis, sa place centrale avec une église à l’ombre d’un caroubier millénaire.

A pied, nous allons sur un sentier qui contourne la cité pour découvrir unes des nombreuses merveilles de la journée : la montagne au sept couleurs. Un peintre fou semble avoir laissé libre cours à son imagination pour décorer les parois des motifs les plus étranges. Les sels minéraux se conjuguent en une palette infinie où les strates s’enchevêtrent afin de créer cette oeuvre unique que l’érosion transforme à chaque tempête, la faisant évoluer sans cesse au grès des caprices d’un créateur invisible.

Après un déjeuner délicieux, nous reprenons la route vers la Purcara (fortin) de Tilcara.

Construit sur un piton rocheux, ce fortin protégeait le village indien en contrebas, offrant un angle de vue parfait pour contrôler le passage de la vallée. La culture dynamique et l’organisation sociale très sophistiquée des Fiscaras, se retrouvent dans les vestiges de cette forteresse dont certains des éléments ont été reconstitués par les archéologues. Quelques maisons de pierres jointes, avec un toit en troncs de cactus et en torchis de boue et de paille, l’autel des sacrifices d’animaux à la Pachamama (la terre-mère), (il n’y avait pas de sacrifices humains chez eux, à la différence des Incas qui offraient des enfants de bonne famille à leurs Dieux afin de maintenir un dialogue et de s’attirer leurs graces). D’innombrables cactus dressent leurs bras vers le ciel, des fleurs blanches en corolles comme une couronne, le ciel est pur et l’air frais dans un soleil de plomb. le sentier de pierre descend vers la ville où nous allons visiter le musée archéologique. Il confortera cette impression fascinante d’une richesse historique hors du commun pour notre culture européenne qui fait la part belle à celle des colons au détriment des indigènes. Le musée offre un panel d’objets usuels et cultuels du Chili, de la Bolivie et de la vallée de Humahuaca. Emotion devant l’incroyable modernité des poteries, des bijoux, des outils issus de la nuit des temps pour nous renvoyer vers notre passé.

Plus loin encore, le Tropique du Capricorne avec photo obligatoire pour le capricorne que je suis avant d’arriver enfin à Humahuaca, la cité qui ouvre sur la région désertique qui jouxte la Bolivie à plus de 3000m d’altitude.

Maisons basses au long des rues pavées qui convergent vers la place du village arborée où une église immaculée tranche avec le gris des murs, la poussière qui vole, le son des tambours et flutes indiennes, l’immense escalier de pierres comme une agora qui monte vers la statue du Cacique Viltipoco, dressé l’arme vers le ciel, en train d’accorder la paix à ses ennemis à terre. Humahuaca est un rêve, c’est aussi une preuve de la profonde survivance des indiens échappant à tout contrôle dans cette région inaccessible que les argentins connaissent peu mais que les touristes depuis son classement au Patrimoine de l’Humanité découvrent avec ferveur.

Il restera le retour à Purmamarca où nous allons dormir pour communier avec cette nature grandiose, le ciel qui s’assombrit, l’air vivifiant (nous sommes à plus de 2000m), les bruits si particuliers d’une terre inconnue... Un concert d’aboiements de chiens couvrent la musique d’une fête dans une cour proche. Il est temps de s’endormir avec des rêves d’or dans les songes d’une nuit de printemps.

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Salta... avant !

Publié le par Bernard Oheix

On l’a fait ! Iguazu Salta... plus de 1500 km, 25 heures de bus ! Une expérience très enrichissante sur notre capacité à rester confinés dans une Flèche d’Or qui pour 60€, vous permet quasiment de traverser un continent en regardant filer le paysage uniforme, route droite sans virages, coucher de soleil fabuleux sur des prés inondés par une averse tropicale, la lumière rouge du soleil semblant surgir de la terre où des vaches impavides se paraient de carmin.

La nuit aussi, quand le noir envahit tout, les corps écroulés sur des sièges à 160°, en «Camas». Ils vous autorisent à dormir par césures, dans le ronflement incessant d’un moteur qui reste en arrière d’un cerveau qui se gélifie au fil des heures et des centaines de kms de pampas dévorés.

Salta pour deux jours de repos. Petite ville de 300 000 habitants à 1200 m d’altitude, ceinturée par des montagnes qui l’encerclent culminant à plus de 4000m. La population y est métissée, on perçoit le sang indien dans les traits des femmes, leur longue chevelure noire, les vêtements des hommes aux visages rudes brunis par le soleil. Au centre de la cité, une magnifique place coloniale qui semble tout droit sortie du du XVII siècle, où il fait bon traîner le soir, une cathédrale somptueuse riche de lumières et de dorures, les nefs regorgeant de cierges immenses en train de se consumer, des arcades ceinturent la place abritant un musée, l’hôtel de ville rococo et d’autres institutions préservées du temps et de la modernité.

Nous logeons dans le «petit hôtel» tenu par Sabine, une française qui est arrivée à Salta à l’âge de 4 ans dans les bagages de ses parents soixante-huitards, routards avant l’heure, ouvrant cette auberge en terre andine dans laquelle elle travaille depuis plus de trente ans accueillant toujours plus de touristes et nombre Français. Les chambres sont propres, confortables et donnent sur un patio où l’air chaud semble se mettre en suspend pour le confort de ses locataires. 10€ par personne et l’impression de vivre en dehors du temps.

Sabine vous parle de son Argentine, de sa région, avec des yeux qui brillent, l’envie d’offrir un peu de ce rêve dans laquelle ses parents l’ont plongée, sa double culture s’inclinant devant la magie de ce territoire ouvert sur des millénaires d’une histoire tragique.

Sabine est une belle rencontre, de celle qui vous donne l’envie de croire en l’autre, en l’échange, au partage des émotions...

Et comme s’il fallait en rajouter une dernière couche, dans la nuit tombante, une marche de la fierté LGBT en musique, nous permet d’assister au spectacle de femmes costumées, hommes travestis, corps dénudés, transexuels à poitrine flamboyante, paillettes et rires, Carnaval de Venise en version trash, tout cela dans le son des tambours et dans le cadre d’une avenue longeant le magnifique parc central. La modernité aussi, avez-vous dit ?

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C'est la chute finale...

Publié le par Bernard Oheix

Aucun mots aucune phrase, aucune image ne pourront restituer l’incroyable magie qui se dégage du spectacle des chutes d’Iguazu ! Il y a de l’ordre du surnaturel, du divin dans le spectacle offert par cette nature envoûtante. Comment exprimer l’inexplicable puissance d’une eau qui surgit de la forêt pour se précipiter dans le vide...

Je vais quand même tenter de vous faire partager une journée d’émotions.

Petit déjeuner à 8h servi par Javier. Café toujours aussi ordinaire, médialuna (croissant), toasts grillés tartinés de Dulche de lecche (succulent) et jus d’orange divin.

A 9h 30 un bus «citadin» nous dépose devant l’entrée du parc d’Iguazu. De l’extérieur, rien d’apparent, pas de bruit particulier en fond sonore, une entrée anodine. Le prix du billet est de 70 pesos argentins (soit 5,88€ au change de 12 pesos pour un euro, bien loin des 7 du taux officiel). Le petit train «de la selva», wagonnets ouverts sur la végétation subtropicale, nous emporte à travers les collines pour nous déposer à la station centrale. De là, deux circuits sont proposés, le supérieur et l’inférieur. Nous optons pour le second et par des passerelles nous nous retrouvons sur des postes de guets au dessus des cataractes (il y en a 250 sur le site). La vision d’ensemble est incroyable ! Sur 180°, un arc de cercle est constellé de chutes de plus de 50 à 80 mètres de hauteur. L’ensemble aboutit à une gigantesque vasque où trône l’île San Martin. Au loin, un bouillonnement étrange de vapeur d’eau bouche l’horizon. Quelques arbres se découpent sur les éperons rocheux. Des oiseaux tournoient dans le ciel et se précipitent dans les flots et les nuages de vapeur d’eau !

Puis, par le circuit inférieur, nous longeons les chutes pour nous retrouver sous ses mêmes cascades tonitruantes, arrosés par les embruns, fouettés par le vent humide, dans le bruit infernal de millions de litres se déversant en une masse grisâtre menaçante, convulsive, à portée de main.

Sur les passerelles de bois serpentant sous la sylve, nous croisons des tapirs avec leurs longues queues et leur nez en pointe quémandant un peu de nourriture, des iguanes énigmatiques, gros comme un bras paressant au soleil, des «marats» repoussants, avec leur gros derrière, fouissant la terre, un singe caquetant, jambes dans le vide, exécutant un numéro de voltige, goguenard... Des oiseaux multicolores sillonnent le ciel, des papillons tourbillonnent par centaines, jetant des éclairs de couleurs sur le fond rouge de la terre, le vert de la végétation et le gris azuré du ciel.

Mais ce n’est pas tout, le plus impressionnant est à venir.

Reprenant le petit train, nous nous dirigeons vers la «garganta del diablo», la marmite du diable. 20 minutes pour contourner les chutes, et 1,1km sur des passerelles de fer, ancrées sur des plots de béton dans une eau qui s’écoule en fuyant vers le même point. Rien ne laisse présager ce que l’on va découvrir. Un îlot au loin, le drapeau Argentin flotte au vent, de temps en temps, un nuage blanc semble monter au dessus des arbres pour exploser comme une bulle de savon. Sur la dernière portion de la passerelle, nous voyons alors l’eau s’engouffrer dans une immense cuvette à ciel ouvert, un trou énorme dans le plan étrangement calme de l’eau. C’est en accédant au dernier plateau, quasiment au coeur de la cavité, que l’on découvre, de toute part, des pans entier de murs d’eau rugir et s’engouffrer dans le vide, que l’on devine sous soi, à travers la nuée blanche. Le «spectacle» est hallucinant, terrorisant, au delà de ce que l’on peut imaginer, rêver... On est au centre d’un maelström, dans l’abîme du temps. Ce n’est plus de l’eau qui coule, mais la vie de la terre pour embraser le coeur de l’homme.

Une simple rambarde nous isole des trombes distantes de quelques mètres, le vent claque des nuages de vapeur d’eau qui nous trempent en quelques minutes, des martinets exécutent un ballet aérien surréaliste, flèches noires émergeant du coton blanc des eaux virevoltantes. Et toujours ce grondement infernal, comme pour nous rappeler que nous ne sommes rien, que des siècles impavides nous contemplent nous agiter pendant que l’eau s’écoule et que nous tentons de dompter une nature qui ne se laissera pas enfermer sans réagir à la puissance de nos cauchemars !

Pour finir, et comme en récompense, nous décidons de foncer à marche forcée par le «Senderro Macuco», 3,5 km serpentant sous le toit de la végétation. Au bout, le Salto Arrechea, une cascade de 25 mètres de hauteur qui a une particularité...on peut se baigner dans sa vasque et nous terminerons, sous une douche naturelle d’une puissance sans égale, nous lavant des 15 km de marche de la journée, hurlant comme des enfants, et heureux de pouvoir clamer : j’ai vécu Iguazu, je sais désormais ce qu’est le destin de l’homme !

Je vous l’avais bien dit... les mots sont pauvres ! Et il y a tant à dire encore. J’aurais pu vous parler par exemple de Cabeza de Vaca, le «découvreur» des Chutes. Un homme au destin particulier. Un des 4 survivants d’une expédition en Floride à 20 ans en 1527, il va vivre plusieurs années au milieu des indiens, puis de retour en Espagne, se faire nommer comme gouverneur du Rio de Plata (c’est là qu’il découvrira les Chutes d’Iguazu), entrer en conflit avec les colons et les réprimer durement, se faire renvoyer d’Amérique. Jugé et condamné en Espagne, embastillé puis gracié et exilé à Oran avant de revenir et finir sa vie comme juge à Séville pour y mourir à 57 ans.

Vous avez dit un destin de légende. Les Chutes d’Iguazu ne pouvaient s’offrir qu’à un homme hors du commun.

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