Dansons la Sévillane
Enchaîner Montréal et Séville, c'était travailler dans le contraste ! Voilà donc le compte-rendu de cette manifestation. Il ne sert à rien de se voiler la face, la lumière est trop
belle dans cette ville pour être filtrée. Alors, rendez-vous à l'année prochaîne pour de nouvelles aventures...
C’est la 2ème édition du Womex, le marché des musiques du monde, qui se déroule dans la belle ville de Séville. Je loge dans un appartement au rez-de-chaussée d’une ruelle pavée dans le quartier historique de Santa-Cruz, la vieille ville adossée à la cathédrale. L’an dernier je n’avais presque rien vu d’une Séville éventrée par les travaux du tram, étant excentré dans la zone des expositions et n’investissant les murs que pour des restaurants de nuit. Dès la descente de l’avion, les effluves d’un air chargé de senteurs vous emplissent d’un bonheur trouble, suavité d’un ciel azur, le temps est magnifique, équivalent à un mois de juin de chez nous, petit tee-shirt, soleil dans les yeux. Les Sévillanes sont belles à croquer, elles parlent comme des moulins à paroles, à toute vitesse, arpentant en groupe les trottoirs pavés des rues piétonnières, les vêtements estivaux laissent entrapercevoir une peau dorée par un soleil qui règne en maître sur la ville et impose ses contrastes de lumière. Elles sont désirables et le savent, vêtues de chemisiers de couleur vive, si brunes, les traits fins, cheveux de jais, le regard en panache. Je n’avais décidément rien perçu de la beauté de cette ville en 2006. Je la découvre dans les yeux noirs de ces jeunes Ibères qui chantent leur bonheur sur les pierres ocre patinées par des siècles d’histoire.
C’est la 2ème édition du Womex, le marché des musiques du monde, qui se déroule dans la belle ville de Séville. Je loge dans un appartement au rez-de-chaussée d’une ruelle pavée dans le quartier historique de Santa-Cruz, la vieille ville adossée à la cathédrale. L’an dernier je n’avais presque rien vu d’une Séville éventrée par les travaux du tram, étant excentré dans la zone des expositions et n’investissant les murs que pour des restaurants de nuit. Dès la descente de l’avion, les effluves d’un air chargé de senteurs vous emplissent d’un bonheur trouble, suavité d’un ciel azur, le temps est magnifique, équivalent à un mois de juin de chez nous, petit tee-shirt, soleil dans les yeux. Les Sévillanes sont belles à croquer, elles parlent comme des moulins à paroles, à toute vitesse, arpentant en groupe les trottoirs pavés des rues piétonnières, les vêtements estivaux laissent entrapercevoir une peau dorée par un soleil qui règne en maître sur la ville et impose ses contrastes de lumière. Elles sont désirables et le savent, vêtues de chemisiers de couleur vive, si brunes, les traits fins, cheveux de jais, le regard en panache. Je n’avais décidément rien perçu de la beauté de cette ville en 2006. Je la découvre dans les yeux noirs de ces jeunes Ibères qui chantent leur bonheur sur les pierres ocre patinées par des siècles d’histoire.
Je n’avais surtout pas remarqué les jardins innombrables, l’ombre immense des ficus, les encorbellements des fenêtres dégorgeant de fleurs et de verdure, les entrées ouvertes sur des patios
brillants, la propreté luisante de la ville au clair de lune. Dédale enfanté par un architecte tortueux résonnant des sons des guitares et des chants d’un flamenco dégorgeant des bars à tapas.
Séville est si belle, si touchante dans ses vestiges d’un passé flamboyant, les marques d’un temps préservé, cette place d’Espagne où trône un château gigantesque enserrant entre ses deux ailes
recroquevillées, les tentes où se déroulent les show cases, passages obligés de 45 minutes en live pour tout groupe désirant atteindre à la notoriété du monde des musiques du monde, confronté au
2800 congressistes cherchant cette pépite que tout organisateur rêve de déterrer pour assurer sa clairvoyance. Etre le premier, sentir le succès du lendemain, offrir la certitude d’un événement…
c’est d’autant plus grisant qu’à Séville, au Womex, nous sommes le public, le juge suprême, déconnecté de toutes les contingences.
Juan Carmona et Trilok Gurtu, les plus beaux sourires du Womex
Juan Carmona et Trilok Gurtu, les plus beaux sourires du Womex
La World-Music n’est plus seulement le reflet d’une tradition figée. Elle est aussi ancrée dans la modernité, dans le choc des cultures induit par une mondialisation de l’art et de la
communication, par l’irruption des sons électroniques sur des instruments ancestraux. C’est sans doute une des principales constatations qu’il faut tirer des dernières éditions de ce marché, un
mouvement d’accélération évident s’emparant des créateurs et leur autorisant de mixer leurs sons aux sons venus d’ailleurs, d’inventer un langage universel qui parlerait à tous, qui, d’une région
reculée de notre planète, réussirait ce « cross over » pour séduire les spectateurs de tous les pays, de toutes les races, de toutes les cultures.
Au-delà de ces restaurants où l’on se réunit la nuit venue, de ces tapas, passage obligé d’une gastronomie effrénée, de ces bières à 2€ que l’on boit accoudé au bar du festival, de cette boîte à
ciel ouvert où l’on se retrouve jusqu’à l’aube pour parler d’une internationale de la musique et du spectacle, il y a la magie des concerts, la puissance phénoménale d’un groupe se livrant pour
45 minutes d’un combat sans merci aux désirs d’un public de professionnels.
Auparavant, dans des séances de déambulations permanentes, les rencontres avec les acteurs de la vie des groupes, producteurs, managers, tourneurs, acheteurs de spectacles, organisateurs de
festivals, rythment la journée dans les halls du Palais des Congrès de Séville. Ils sont tous là ceux qui sont des voix de téléphone tout au long de l’année, qui m’informent et me conseillent, me
guident et ouvrent mon horizon. Grande famille informelle, ils composent une fratrie bizarre que le lien de la musique cimente, que les espoirs de découvertes enrichissent, longs palabres où la
réalité du terrain refait irruption. Ce n’est pas tant la qualité des groupes qui est en jeu mais bien la capacité à trouver un public trop souvent formaté par une télé décérébrante. Mais de
cela, il sera toujours temps d’en parler de retour dans nos lieux respectifs. Pour l’heure, vive la folie de l’abstraction et le refus des contraintes.
Bertrand D, Annie R après boissons !
Bertrand D, Annie R après boissons !
Et que vivent les concerts !
Jeudi 25 octobre :
Toumast L(Niger/France). Aminatou a des yeux de velours, la guitare en bandoulière, elle lance des « youyous » stridents qui couvrent les riffs
sanglants de berbères aux tenues chamarées. Entremêlant les sons plaintifs d’une Afrique saharienne qui se révolte aux sons basiques d’un rock sanglant, la musique oscille avec énergie entre deux
cultures, deux mondes ouverts. C’est beau et pur, une vraie fusion. Ils seront cet été sur le parvis du Palais pour étrenner un cycle « découvertes du Womex » et apporteront un peu de
ce vent chaud qui fait miroiter le sable du désert.
Les Albanais de la Fanfare de Tirana et les Russes de l’ensemble Altaikai déroulent leur set propre avant une des révélations absolues de ce festival.
Les Balkan Beat Box, (Israël/USA) prennent alors le public à bras le corps. Ils rentrent sur scène comme des fauves, balancent leur musique des Balkans à la gueule du public, y
greffent des ordinateurs qui « scratchent » et arrosent largement d’une sauce aux cuivres en survoltant la scène. Leur jeu outrancier fait mouche, les sons montent vers un diapason
ultime et ce set ébouriffant décoiffe les présents ébahis d’une telle décharge de violence. Ce sont les BBB, retenez ce nom, ils vont recroiser ma route et finiront leurs hurlements dans la fosse
d’un concert cannois, c’est sûr !
Et pour finir, une extraterrestre, Tanya Tagaq (Canada), une Inuite déjantée encensée par Bjork. Robe échancrée sur des cuisses d’haltérophile et des épaules de déménageurs,
Tatouages apparents, col de fourrure dans la moiteur de la salle, elle est accompagnée d’un ordinateur lancinant et d’un violoncelle pleureur. Elle éructe, gémit, sanglote, rit et plus si
affinité pendant deux morceaux interminables de 20 minutes devant un public abasourdi. Parfois l’émotion est perceptible, souvent elle s’agite comme un animal ferré dans un piège létal et se
débat dans un vide austère, souvenir des grandes plaines verglacées de son pays, il fait nul doute ! Elle donne le vertige, une impression de décalage intolérable entre son projet inabouti
et notre capacité d’acceptation pourtant plutôt large. Il nous faudra bien quelques verres pour se remettre en état de fonctionnement !
Vendredi 26 octobre.
Mamani Keïta et Nicolas Repac (Mali/France) La fusion est douce entre les harmonies Africaines et les apports du guitariste et du batteur Français. Une belle musique au cœur d’un
projet de rencontre. La voix de Mamani Keïta est chaude, elle est belle comme une reine d’Afrique et convainc aisément le public sous le charme.
Je passerai sur la Shica (une Espagnole exhibitionniste qui épuise son public) et sur les Mono Blanco (un énième orchestre de Mexicains basanés avec des
sombreros qui hurlent comme si leurs doigts s’étaient coincés dans les cordes des mandolines !). Plus étonnant le Melingo d’Argentine, où un clone de Pierre Arditi va
interpréter des tangos en y apportant une touche d’un humour décalé. Il jette ses chaussures en l’air, improvise des contorsions, crache sur scène, (on ne comprend pas toujours pourquoi !)
afin d’endosser un habit de clown blanc que sa crinière argentée souligne d’un trait de désespoir. Enfin, l’orchestre était vraiment bon, à part cela !
Et avant de plonger vers le comptoir pour l’anniversaire de ma copine Cendryne R, Un Kuti de derrière les fagots, dans la famille Anikulapo, je voudrais le fils
Seun avec ses guerriers aux maquillages tribaux, les peaux de lions et les regards noirs, les choristes callipyges bien en chair qui ondulent et les innombrables cuivres qui
tanguent sur scène. C’est la 3ème fois que je les vois, c’est toujours aussi efficace, un afro-rock bourré de vitamines, destiné à faire danser le bassin et à oublier les fatigues de
la journée.
Samedi 27 octobre.
3canal (Trinidad et Tobago) Inaudible pour cause de sono récalcitrante et mal réglée. Leur salsa avec 3 voix et un jeu de scène dynamique s’épuise sur la bouillie sonore qui se
dégage. Cherchez l’erreur !
Mayra Andrade (Cap Vert) est belle comme une déesse, sensuelle, elle se démarque d’une Cesaria Evora, icone de cette île perdue dans les vents de l’Atlantique, et trouve un
compromis entre les sons de son univers et des complaintes plus personnelles attachantes. Elle a du rythme et sait jouer de toutes les fibres de sa séduction pour nous chanter au cœur l’espoir et
la joie de vivre. Une belle rencontre d’une future très grande dame de la chanson sans frontières.
Arrive le Caravan Palace. Deuxième choc de ce Womex. A l’image des BBB, ils déboulent sur scène avec la faim au ventre. Sur des musiques tsiganes, la chanteuse décoiffe ses
partenaires et les entraîne dans un show tout aussi ébouriffant que leurs collègues des Balkans. Les ordinateurs rugissent, les chanteurs se donnent, le violon grince et l’ensemble assure une
somptueuse frénésie bourrée de surprises et d’enthousiasme. Dans ma tête se dessine une soirée avec les Balkan Beat Box et le Caravan Palace et je vois le public sortir les cheveux dressés, la
mine réjouie et les oreilles bourdonnantes. Le « Caravan » passe, le public aboie, rendez-vous à Cannes à l’automne 2008 !
Et nous terminerons sur notre Cor de la Plana d’un Marseille émouvant. A la polyphonie originelle, les percussions des talons et des mains, des tambourins et des cymbales,
syncopent les airs lancinants de voix qui s’enchâssent. Belle mise en espace du chœur aligné en demi-cercle, un final en apothéose qui cingle le vent du large et résonne dans la plus primitive
des musiques, celles des voix sans artifices d’une ville de Marseille, port de toutes les angoisses et de la mixité où s’échouent les rêves d’un monde meilleur.
Batzen et Oheix en discussions animées...
Batzen et Oheix en discussions animées...
Il est temps de conclure sur ces soirées chaudes et de rentrer à l’aube, faire les valises sur un dernier soupir, d’engranger quelques espoirs dans des yeux de compassion, de rêver d’un monde
d’étrangeté où le public se ruerait sur ces programmations d’un lendemain d’utopie, d’accorder un dernier crédit à l’humanité qui se cherche et ne se trouve que si rarement. Et si demain les
pavés de la scène dévoilaient un sable de douceur et d’amour. Hardi, camarades !, encore un effort pour être révolutionnaire !
Magali L et son équipe à l'aéroport de Séville. Notre avion est annulé pour cause de grève !
Magali L et son équipe à l'aéroport de Séville. Notre avion est annulé pour cause de grève !
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