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Festival de Danse 2009 (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

C’est parti pour la biennale 2009 qui, du vendredi 27 novembre au vendredi 4 décembre, nous a proposé 14 spectacles. La programmation est l’œuvre de Yorgos Loukos, Directeur du Ballet de l’Opéra de Lyon, un des meilleurs spécialistes de la Danse en France et dans le monde, personnage atypique et attachant, parfois irritant mais toujours passionnant… même si j’y ai apporté une petite touche avec entre autre, nos amis de la Castafiore ! Avec le temps, les aspérités s’émoussent et les relations se fluidifient. Revue d’effectif !

 

Vendredi 27 novembre. 20h30
Michèle Anne de Mey

Charleroi/Danses

Neige

Où et comment composer une scénographie magique tout en se loupant lamentablement sur la chorégraphie !

Dommage ! Un dispositif fascinant de neige artificielle, un tourbillon de flocons blancs qui noient la scène sous un manteau immaculé et composent un hymne à la nature, une mise en scène fabuleuse que les éclairages magnifient, l’intelligence d’une technique au service du cœur…Tout cela pour voir s’agiter quelques danseurs sans âme errant dans le paysage désertique d’une chorégraphe perdue. On appelle cela se « planter » ou je ne m’y connais pas ! Et on ne peut que le regretter !

 

Samedi 28 novembre. 18h
Système Castafiore

Stand Alone Zone

Pour tout savoir sur cette pièce, se reporter à mon article du mois de novembre. J’avais eu la chance de voir une première version… un mois après, c’est encore mieux, plus fou, soigné jusqu’au moindre détail, une fresque baroque futuriste. La chorégraphie de Marcia Barcellos habite l’espace torturé de Karl Biscuit, le virtuel flirte avec le réel, la réalité s’imbrique dans nos cauchemars. C’est une œuvre magistrale. Attention, chef-d’œuvre en marche à consommer sans modération et de toute urgence !

Une petite pensée pour le solo éblouissant de Monique Loudières, ex-étoile de l’Opéra de Paris qui fut la directrice de l’école de Rosella pendant ces dernières années. Clin d’œil particulièrement réussi, dans le décor en images de synthèse d’un opéra à la dérive, sa silhouette menue, évolue comme un fantôme de l’opéra, technique préservée, arabesques en boucle du temps.

 

Samedi 28 novembre. 20h30
CCN Ballet de Lorraine

White Feeling

Organic Beat

 

Une soirée autour de Paulo Ribeiro, jeune chorégraphe portugais avec la recréation de deux pièces de 2004 et 2008.

Mouvements et croisements, lignes brisées qui s’affrontent et créent l’harmonie dans un apparent chaos, corps qui tournent et tentent de s’affranchir de la pesanteur. Il y a, chez Paulo Ribeiro, une énergie sauvage, une dynamique débridée du groupe auquel les individus tentent vainement d’échapper, des moments d’unisson fragile (l’ensemble chorégraphié dans Organic Beat est de ce point de vue d’une force et d’une violence maîtrisées impressionnantes). Un grand corps de ballet (30 danseurs), des figures amples qui investissent l’espace, une utilisation de la musique live dans White Feeling ou de la vidéo qui fait basculer les repères dans Organic Beat, Le Ballet de Lorraine nous a présenté une belle soirée de danse, de la vraie danse qui prend les corps et touche les cœurs, quand la technique est au service du muscle.

 

Dimanche 29 novembre. 16h
Hommage à Rosella Hightower

 

Exercice toujours complexe que de rendre hommage à quelqu’un qui a disparu. Rosella a inventé la danse à Cannes. Ancienne étoile du Marquis de Cuevas, son école a formé des générations de danseurs et de chorégraphes. Figure de légende, on lui doit la création du Festival de Danse avec René Corbier, directeur des Affaires Culturelles à l’époque (et encore aujourd’hui d’ailleurs, belle marque de longévité que nous avons l’honneur de partager, tous les deux, ayant survécu à toutes les tempêtes cannoises de ce dernier quart de siècle !).

Une nouvelle directrice (Paola Cantalupo, ancienne danseuse des Ballets de Monaco), un statut d’Ecole Nationale difficile à maintenir dans une période non moins facile pour l’Art en général, des problèmes de finances mais toujours cette âme qui semble régner en maître au-dessus de l’Ecole, cette silhouette fragile d’une femme que j’ai connue et qui m’a fasciné. Je me souviens d’un voyage en voiture, retour d’une réunion où, en veine de confidences, elle répondit à mes interrogations sur sa famille indienne (des Etats-Unis, descendante d’authentiques Utes) se livrant sans affectation. Elle a tout connu de la vie, les plus belles scènes, les partenaires les plus incroyables, égérie et muse de génies, condensant sur une vie l’histoire d’un art du XXème siècle, entre ses mains si fines et un corps qui jusqu’à la dernière limite pouvait se plier à la souffrance d’une sculpture humaine. Je l’ai vue danser son dernier ballet (avec Jean Babilée en 1990), j’ai entrevu aussi la perte de contrôle des derniers instants  quand l’usure se faisait plus forte que l’acier de son caractère. J’ai eu le bonheur de croiser son chemin et ce fut une grande chance que d’avoir partagé quelques bribes de son histoire.

L’hommage organisé par sa fille fut à la hauteur de sa carrière, sobre, sans pathos, avec le Cannes Jeune Ballet dans de belles chorégraphies permettant de mettre en valeur le travail de formation de l’Ecole et quelques invités dont un couple du Ballet de Genève dirigé par un de ses anciens élèves dans un sublime duo aux seins nus. Rosella, c’était aussi et avant tout la modernité jusqu’à son dernier souffle et ce dernier spectacle lui a rendu justice ! Une grande Dame a disparu, vive la danse !

 

Dimanche 29 novembre. 20h30
Danses Concertantes-Benjamin Millepied

Closer

Whithout

Anima

 

La coqueluche des médias, le soliste du New York City Ballet, les danseurs de l’Américan Ballet Théâtre, odeur de soufre, vent d’attente sur l’événement du Festival 2009. Il n’a pas déçu le porteur de nos rêves dans ces 3 pièces dont la dernière était une création pour Cannes.

Closer est un duo de 2005 remonté, quand un couple cherche à bannir tout espace entre les corps et que les mouvements fusionnent afin d’éliminer les failles du hasard. Porté, glissé, agrippé, la femme et l’homme évoluent sans à-coups, fluidité de ces deux masses qui s’entremêlent, ne se séparent que pour mieux se retrouver. Sensualité et osmose, grâce infinie de la lenteur opposée à la vivacité de cette interpénétration physique. C’est beau et troublant.

La deuxième pièce voit des couples surgir de rideaux disposés en cadre de scène, sur la partition en live des études de Chopin. Ils virevoltent et donnent du mouvement aux notes, glissent et modèlent l’espace, se retrouvent et s’évanouissent. Un peu académique malgré tout, même si la qualité des danseurs permet au temps de s’étirer et à la beauté des attitudes de figer l’espace.

Restait la création 2009. Anima.

Musique de Bach, sons sourds de l’orgue, basses atonales qui écrasent la scène en un continuum angoissant. Un couple vêtu de longues robes noires asiatiques se cherche, bientôt rejoint par d’autres couples. Dans cette musique et ces décors en noir, seuls les glissandos des corps sont fluides, éclairs de chair qui trouent l’obscurité, masses physiques en perpétuelle évolution à la recherche d’une union impossible. C’est de la sculpture vivante, une ode à l’esprit des corps qui tentent de fusionner dans le mouvement. Autant la musique étire l’espace, autant les corps rétrécissent le temps. C’est haletant et majestueux, un rythme en contrepoint, comme le souffle d’une poésie sauvage, l’ivresse d’une plongée dans ce qui se dissimule sous la nature du vide.

Benjamin Millepied est un génie, l’histoire nous dira si ce génie trouvera le temps de devenir éternel !

 

 

Voilà, on en est à la moitié du Festival, encore des compagnies, des œuvres et des interprètes pour rêver, des images à n’en plus finir, des sons qui percent sous le froid qui envahit Cannes. On est en hiver, il reste les projecteurs des salles sombres pour illuminer l’espoir. C’est la Danse, un art du mouvement, l’occasion d’explorer les limites des corps humains et  l’esthétique de l’urgence des chorégraphes…Le rêve d’une réalité à façonner ! 

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