Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Festival du Film 2012 (1ére partie)

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des années où la Palme d’Or semble naturelle, évidente, incontournable… C’est bien le cas en cette 65ème édition du Festival du Film, pour une année 2012 qui restera celle de mon dernier Festival officiel en tant que Directeur de l’Evénementiel. Un prix suprême pour Amour de Michael Haneke, une 2ème palme pour le réalisateur mais surtout, un hymne à l’amour pour Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant, un duo de comédiens sur le fil halluciné d’un crépuscule flamboyant. Il est regrettable qu’une Palme d’Or exclue toute autre reconnaissance car si jamais un Prix d’Interprétation pouvait être ordonné en cette année 2012, c’est bien à ces deux vieux revenus de tous les honneurs, de toutes les guerres qu’il pouvait être attribué.

Petite revue d’effectifs sur les films du monde qui viennent tenter leur chance sous les sunlights d’un mois de mai pourri par une pluie torrentielle.

Franchement, entre le G20 et le Festival du Film, quelle image donnons-nous de la Côte d’Azur avec ses parapluies ouverts qui ont tendance à prendre le pas sur les canotiers ensoleillés ?

L’objectif initial était de visionner 40 films… dont je dois avouer, à mon grand regret, qu’il ne fut pas tenu… La faute au temps, à quelques parties de rami corse, à la vague présence d’un bureau où il fallait bien parfois faire acte de présence, de quelques rendez-vous sur Nice et de la fatigue due à mon âge presque vénérable qui m’ôte désormais la capacité de dépasser 5 films par jour… On ne peut avoir été et perdurer…

 

Sur les 38 films vus, 14 provenaient de la Compétition, 9 d’un Certain Regard et 7 de la Quinzaine des Réalisateurs, les autres se répartissant dans des catégories annexes bien souvent passionnantes comme la Semaine de la Critique, le Cinéma des Antipodes, Visions Sociales… Et justement…

Les Voisins de Dieu un 1er film de Meni Yaesh, en est un bel exemple. Des jeunes intégristes juifs se battent pour faire respecter les préceptes d’un Dieu d’intransigeance tout en fumant des joints et en composant de la musique de transe… La rencontre avec une jeune juive délurée va bouleverser l’existence d’Avi et déséquilibrer son rapport aux autres et à la violence…

Monsieur Lazhar du Canadien Philippe Falardeau est un film magnifique et émouvant sur le déracinement et l’exil. Un enseignant algérien obtient un poste de remplacement dans un collège pour pallier l’absence de la précédente titulaire qui s’est suicidée dans sa classe. Les élèves et l’enseignant vont se découvrir et apprendre à s’aimer et à se respecter. C’est simple comme une belle tranche de vie d’êtres déchirés devant la beauté et la cruauté, la gentillesse et la méchanceté naturelle des enfants.

Petit bijou avec une perle de Nouvelle Zélande. L’Orateur de Tusi  Tamasese campe un nain marginalisé par sa taille mais dont la femme, elle-même bannie de son clan, est une  prêtresse étrange. A la mort de celle-ci, il va oser enfin affronter la nécessité de devenir un « orateur », un chef de village, pour récupérer le corps de sa femme volée par son ancien clan. C’est bouleversant, un des chocs de ce Festival, un film au cordeau de tous les sentiments, permettant à la laideur de devenir grâce, à la faiblesse de se transformer en force brute et au cinéma de devenir la vie réelle.

 

Pour ce qui est d’Un Certain Regard, l’autre versant de la sélection officielle, quelques perles : Les Bêtes du sud sauvage dont le réalisateur, Benh Zeitlin, sera récompensé de la Caméra d’Or (prix du premier film). Dans un lieu improbable, portion de terre immergée, quelques humains survivent et un père agonisant, tente d’insuffler la force à sa petite fille afin qu’elle lui survive. Beau et poignant, étrange et désordonné…

Les Chevaux de Dieu de Nabil Ayouch où comment cerner concrètement le basculement vers le terrorisme afin de devenir martyr et de gagner un paradis peuplé de vierges offertes. Tout ce que vous avez voulu savoir sur ces porteurs de ceintures explosives et que vous ne pouviez comprendre. Le rapport entre la misère sexuelle et la pauvreté menant vers le chaos intérieur. Un vrai film poignant, à la fois didactique et imagé sur le désespoir du monde et les grandes frustrations qui mènent vers le renoncement. C’est aussi un extraordinaire bréviaire sur les méthodes des fondamentalistes pour endoctriner les plus faibles et construire cette armée d’Allah qui doit nous indiquer les voies aux forceps de la rédemption.

 

Je n’étais pas fan du Mammouth de Délépine et Kerven. Aussi suis-je entré à reculons devant Le Grand soir pour rapidement laisser choir mes préventions. Il faut avouer que « Not », le plus vieux punk à chien d’Europe, interprété par Poelvoorde et Jean-Pierre (Albert Dupontel) son frère vendeur en literie licencié pour insuffisance de résultats, l’accompagnant sur les chemins de la dérive, en un duo de pieds cassés éperonnant le bon sens et le bon goût, ce n’est pas piqué des vers. Il y a du rythme, de la comédie, de l’émotion, énormément de dérision (Brigitte Fontaine en maman sculptant les frites !), un reflet cruel d’une société engoncée dans son conformisme et ses certitudes et bien sûr, de la tendresse pour ces pieds nickelés de toutes les frontières.

Deux films enfin pour cauchemarder. Aimer à perdre la raison de Joachim Lafosse ou Tahar Rahim fait des enfants à une Emilie Dequenne enfermée sous l’œil omniprésent du tuteur de son mari, (l’abominable Niels Arestrup !), jusqu’à perdre la notion du bien et du mal, entrer dans le cercle d’une dépression profonde et tuer ses enfants sans réussir à se suicider. Glaçant, déprimant, horrible et mystérieusement fascinant…

Quant à Después de Lucia, film mexicain de Michel Franco qui obtint le Prix « Un Certain regard », c’est tout simplement un chef-d’œuvre macabre, une plongée en apnée dans un monde de violence délétère et de soumission bestiale. La belle et jolie Alejandra vient de perdre sa mère Lucia et porte sa mort accidentelle comme un fardeau. Avec son père, elle déménage pour vivre à Mexico et intègre un lycée de la haute bourgeoisie. Elle va devenir, par un enchaînement de circonstances, un enfant martyr, le bouc émissaire, celle qui concentre toute la haine et les frustrations d’une bande d’adolescents où les valeurs de la vie sont relatives, les frontières de la permissivité rendues floues par les pulsions du sexe et de la drogue. Ridiculisée, avilie, violée sans qu’elle réagisse jusqu’à sa fuite mimant un suicide, déclenchant un horrible final, une vengeance ignoble de son père contre son tortionnaire en chef, en une séquence qui est un vrai viol de la morale !

Film nauséeux, par-delà le bien et le mal, film d’interrogations sur une société malade des valeurs d’humanité, filmé comme si c’était un dernier cri devant l’empire d’un mal qui ronge l’être humain !

Suite au prochain numéro…..

 

Commenter cet article