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HUBERT-FELIX THIEFAINE

Publié le par Bernard Oheix

 

1985. Printemps de Bourges.

Un ovni chantant, poète rockeur, avec des textes longs comme des jours d’espoir, une musique au vitriol, un seigneur de la scène devant un public en délire. C’est dans ces années de folie d’une culture libérée qu’Hubert-Félix Thiéfaine forge sa légende avec des titres comme la Fille du coupeur de joints ou Alligator 427, Loreleï et tant d’autres textes abscons que seule son énergie permet de comprendre. Subtilité et passion, intelligence et déraison d’un rock sophistiqué dans l’outrance.

On ne sort pas indemne d’un concert d’Hubert-Félix Thiéfaine.

HFTetBO

 

Banni des plateaux télévisés, ne passant que très rarement sur les ondes, il va produire avec constance des albums beaux comme des lueurs d’espérance dans un monde de grisaille avec des scores de vente à faire hurler des producteurs engagés dans une course au formatage télévisuel dans une période où les rêves se transforment en cauchemars. Il égrènera comme dans la discrétion mais avec régularité des tournées lui permettant de sillonner la France, retrouvant son public dont la fidélité étonnera plus d’un opérateur, toujours présent sans être sous les feux d’une notoriété que la télévision impose éphémère… Lui, ailleurs, à côté, continuera son chemin, entre cris d’espoir et constat « rimbaldien » d’un monde en décomposition. Hubert-Félix Thiéfaine existe, je l’ai rencontré !

Avec mon adjointe Sophie Dupont, elle-même fan inconditionnelle de H-FT, en automne 2010, après avoir trimbalé mon désir de programmer Hubert-Félix (Non ! Mais quel nom pour un rocker !), au Palais des Festivals pendant des années, à l’aube de ma dernière saison, je peux enfin conclure. Après Christophe, Bashung, Higelin, Murat, Nilda Fernandez, Bertignac, Etienne Daho… Je peux toper avec son tourneur pour une conclusion de ma vie professionnelle : Thiéfaine sera à Cannes le 23 mars 2012 et je bouclerai ainsi la boucle. De 1985, jeune et sémillant Directeur de MJC à Bourg-en-Bresse, à 2012, sénior actif de l’action culturelle sur la Côte d’Azur… une vie de culture pour les « survivors » de l’agit-prop post-soixante-huitarde !

La mise en place de la billetterie, dès juin 2011, nous rassurera sans équivoque : -FT a toujours son public et les achats de places montrent une progression constante, une régularité rassurante.

Heureuse opportunité, lui, le grand marginal en dehors de tous systèmes et inconnu des coteries des bien-pensants, va alors se débrouiller pour rafler 2 Victoires de la Musique 2012 à la surprise générale, m’offrant le cadeau inespéré d’être enfin sous les feux de la rampe… Vous avez dit flair ? Le résultat est trébuchant et sonnant pour nous. La courbe régulière de vente des billets se retrouve fouettée vers une verticale annonciatrice de griserie des sommets ! Champagne à partir de 1700 tickets, score explosé avec à la clef une salle bondée de tous ses fans réveillés par son passage cathodique et son exposition médiatique.

Conférence de presse surréaliste dans sa loge. Il convoque Rimbaud et Nietzsche, invoque les muses, définit son approche d’une poésie moderne ciselée dans les volutes d’un rock primitif. Il est humble et fier, sûr de lui et rasséréné, quelques drames pudiquement éludés (la maladie, le temps de l’hôpital) le laisse en état d’apesanteur, cadeau d’une vie qu’il sait riche et accomplie dont il goûte encore plus chaque instant. « -J’ai  vécu de ma musique, j’ai pu rêver éveillé, c’est un privilège que la vie m’a offert ! »

Le concert sera un concert typique de Hubert-Félix Thiéfaine. Foule chamarrée de babas, vieux nostalgiques retrouvant leur jeunesse,  refrains entonnés en canon sans que jamais le chanteur ne joue avec ses « fans » en utilisant les ficelles du métier. Bien au contraire, son exigence est réelle, authentique. Il est heureux d’être ce héraut sans artifices dispensant une poésie moderne et sophistiquée, des mots d’entendement que son public attend et qui le rendent inimitable. HubertFelixThiefaine.jpg

Ce public que, trop souvent, je trouve si peu à la hauteur de l’événement, aujourd’hui est en phase avec l’exigence d’un monde meilleur, rendu plus intelligent par la force des idées, l’énergie d’une passion. Ce public ne cède pas à la facilité et devient disponible pour toutes les aventures intérieures.

Elle est belle cette soirée même si je l’ai attendue pendant 27 ans !

 

Dernier contact avec l’artiste. Dans sa loge. Seuls. Je lui dis mon émotion, je lui explique que c’est mon ultime concert dans cette salle en tant que Directeur de l’Evénementiel du Palais des Festivals et combien je suis fier de conclure cette page de ma vie professionnelle avec lui. La retraite à l’horizon proche d’un 1er juillet. Il sourit et m’annonce que lui, il la prendra dans deux ans, pour ses 65 piges ! Gag !

Puis, on évoque ce métier et son évolution des deux dernières décennies. On est en phase sur cette paupérisation générale des idées et sur le constat d’une culture qui s’est couchée devant la réalité ! Les idées fusent, il est amusé de notre partie de ping-pong, dans cette ville qu’il craignait, poids de l’image et des cérémonies d’un Festival omniprésent pour cet homme de discrétion ! Il m’interroge sur la vie pendant le mois de mai !

La nuit aurait pu s’étirer, mais ses invités attendaient. Je me suis éclipsé avec la certitude d’avoir rencontré un homme dont je pourrai dire avec fierté ; « -Je l’ai connu, je l’ai aimé et nous avons partagé quelques bribes d’humanité ! »

Merci Monsieur Thiéfaine !

 

HFT2.jpg

 

                        Une photo d'Eric Dervaux, mon ami photographe. Vous pouvez aller voir toutes les autres sur son nouveau remarquable site : http:// www.ericdervaux.com

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