La compagnie des Femmes. Yves Simon
Vous connaissez mon amitié pour Yves Simon (confère les articles dans le blog....). Je ne pouvais qu'attendre avec impatience un nouveau roman succèdant à sa monographie sur Jack London et son éphéméride. Acheté et dévoré...Un début tonitruant par un style d'une richesse inouie, puis une vague qui s'alanguit et s'emmêle parfois dans les bons sentiments pour finir étrangement en un une rencontre avec la mort de l'autre et le début d'un amour pour l'éternité. C'est du Yves Simon, un livre en équilibre des sentiments les plus nobles sur l'aventure intérieure d'un road-movie à la Française.
La signature est française, tellement française que l’on pourrait instinctivement reconnaître cette marque déposée d’une littérature spécifique, une façon d’enchaîner les mots, de composer des phrases qui respirent le parfum de l’autre, de parler des sentiments en interpellant la part noble de l’individu, d’intellectualiser les gestes et de les transfigurer pour en composer une chanson d’amour subtile.
Conçu sur le principe très américain d’un road-movie, un homme, écrivain auquel son éditeur commande une autobiographie, explore les voies d’une nationale hexagonale en pondant à chaque étape quelques pages, compensant l’étroitesse des paysages traversés par la dimension intérieure d’un voyage crépusculaire, quand l’amour se dessine pour donner un sens à l’existence et redonner une perspective à l’avenir.
Le héros prenant le volant de sa vieille Mercedes de collection au volant serti de diamants, s’enfonce à la recherche de quelques miettes de son passé, (des caves à vin en Bourgogne, la tombe d’un ami à Lyon, les remparts d’Avignon, l’image d’une mer bleutée et d’un soleil doré sur les rives de la Méditerranée), simples stations d’un parcours susceptible d’éclairer son présent en faisant resurgir des émotions en équilibre sur cette nationale 7.
Il va rencontrer des personnages « on the road again », vivre un présent d’interrogations et accepter de vivre cet amour qui le retient à une femme qui l’enchaîne. Que ce soit sur le marbre d’une tombe perdue de l’ami qui en finit de vivre parce que c’est trop dur de grandir et de perdre ses illusions, d’une femme (de son âge !) avec laquelle il jouera de sa séduction pour ne pas l’aimer, lui léguant le cadeau d’une blessure d’amour de plus, où d’un (grand) enfant de circonstance, rencontré par hasard et se substituant à un fils absent dont on perçoit le vide dans une vie de richesses et de trop plein, ces personnages en reflets dans son œil d’or vont nourrir une réalité « fictionnelle » au présent, arabesques subtiles comme des divagations s’ancrant dans un passé assagi.
Il ne fera qu’effleurer cette vie d’avant, qu’elle soit celle d’une enfance marquée par un père disparu et une mère forte qu’il garde en lui, où celle brièvement évoquée, d’un chanteur à succès…
Tout le ramène toujours à cette femme deux fois aimée, qui ne sait où il est et avec laquelle il correspond par quelques mails ou sms. Elle devine que c’est sur son propre avenir qu’il écrit, une histoire en train de mourir pour renaître comme un dernier chant ultime du désir. Se dessinent sous la trame d’un passé de nostalgie, la beauté de sentiments bruts, le souffle court de la passion, la fin du rêve.
C’est parfois à la limite de la préciosité, mais c’est toujours beau ! Si l’homme est le style, alors Yves Simon est un grand homme car son verbe est cristal, sa ponctuation, scansion du temps, les mots des couleurs, les phrases, une longue litanie douce amère d’un enfant du XXème siècle perdu dans le XXIème à la recherche de sa madeleine éternelle.
Un livre à lire pour comprendre pourquoi on est français, pourquoi notre littérature vit et bouillonne et comment on restera pour l’éternité, des adolescents perdus dans un monde d’adultes !