La compétition... Festival n.2
Je sais, il se fait tard et le Festival est bien loin.... Mais j'ai des circonstances exténuantes, un voyage à Paris, plein de dossiers à remplir pour mon futur départ à la retraite, mille choses à terminer....
En cette 65ème édition du Festival du Film de Cannes 2012, j’ai pu visionner 14 films de la compétition sur les 22 présentés… score honorable sans plus ! Mais il y avait beaucoup d’autres films dans des sélections parallèles et, tant de sollicitations !
En ce qui concerne les « Palmés » :
Belle et méritée récompense pour l’émouvant et pétillant Ken Loach, La Part des anges. Une comédie douce amère d’une totale humanité bien que basée sur un présupposé moralement très contestable !!! Imaginez sauver vos jeunes héros et leur permettre de sortir de la délinquance, de la violence et du chômage… et pour ce faire, un dernier casse suffira, comme l’alcoolique pour son dernier verre, rondement mené, avec au bout ce couple qui échappe à la misère du monde par l’obtention d’un travail. Les périodes ont les rêves qu’elles peuvent et le paradis aujourd’hui, n’est même plus de ne pas travailler, mais bien d’obtenir un emploi… Vive le chômage de masse ! Quant au film, dans la veine des comédies sociales de Ken Loach, avec un humour et des moments de « non-sens » à faire hurler de rire. Entre la violence moderne et le rire de la déraison, juste un interstice pour continuer de rêver !
J’espérais mieux pour La Chasse de Thomas Vinterberg, à l’évidence un des bijoux de cette sélection, bien que snobé par une partie de la critique ! Une petite ville du Danemark, une fillette adorable et un homme, sortant d’un divorce difficile et souffrant de l’absence de son fils. Il aime les enfants et travaille comme assistant dans une école pour petits. La fillette va accuser cet homme de l’avoir abusé. Concours de circonstances débouchant sur le soupçon, puis sur les certitudes de la masse et sur l’horreur d’une véritable chasse à l’homme qui ne laisse plus de place au doute. Il est forcément coupable… même innocenté, comme le signale la dernière scène. Un film sur la manipulation, les frustrations et le désir de vengeance collective qui gomme les responsabilités individuelles. Un film à méditer, cruellement d’actualité en cette heure où les boucs émissaires bien basanés font florès dans la bouche de certains de nos hommes (et femmes) politiques. Le prix d’interprétation masculine pour Mads Mikkelsen est totalement justifié mais me semble un peu réducteur au vu de la densité du scénario et de la qualité de la réalisation.
Comment le film mexicain, Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas, s’est-il retrouvé dans le palmarès ? Mystère et Festival ! Soulignons que chaque édition accouche systématiquement d’au moins un extra terrestre pour se glisser entre les lignes des récompenses, comme s’il fallait justifier automatiquement que l’on est juge de la norme et que le cinéma est aussi affaire de vision extralucide ! Qu’adviendra-t-il de cet opus ennuyeux et pompier, figé dans un esthétisme exhibitionniste, si ce n’est le sort peu enviable d’être oublié avant même d’avoir été visionné !
N’ayant pas eu le plaisir de voir le film roumain multi primé de Cristian Mungiu, Beyond the Hills, je ne me prononcerai pas… si ce n’est pour affirmer que la seule Palme d’Interprétation possible et envisageable était une récompense au couple de cinéma Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant pour Amour de Haneke. Phénoménaux, énormes, gigantesques monstres sacrés habitant leurs personnages, ils illuminent le film d’une aura mortifère, une lente mort au travail sertie dans un écrin sobre et sombre. Mais la Palme d’Or est exclusive de tout autre prix et ne permet qu’une mention, ceci expliquant cela !
Reality de Matteo Garrone, le réalisateur de Gomorra. On connaît le poids de la télévision et ses dangers. Brisant les vies de familles, le temps des lectures et des dialogues, divertissement et approche individuelle d’une sous-culture… Dans cette œuvre héritière du néoréalisme italien, un homme va plonger dans l’univers de la téléréalité et voir son existence voler en éclats. Son désir éperdu et son phantasme d’intégrer une émission « le grand frère » lui font perdre contact avec le monde extérieur. C’est une problématique particulièrement contemporaine en cette heure où la lucarne animée est bien le réceptacle de tous les espoirs et où le quart de gloire « Warholien » est trop souvent assimilé au passage obligé d’un inconnu dans une émission de télévision. Une comédie douce amère, grinçante, avec un acteur amateur, en semi-liberté, qui donne une âme à son rôle de Napolitain débordant de vie !
Et donc cette Palme d’Or d’Amour. Je faisais partie des laudateurs du Ruban Blanc, un choix difficile pour un film exigeant. Là, rien de tout ceci, juste l’évidence d’un chef-d’œuvre hors du commun. Des acteurs transfigurés, cruels de naturel, une technique discrète et maîtrisée, parcourue d’éclairs étranges comme des déflagrations incongrues dans une norme toujours plus prégnante de cette agonie d’un couple amoureux. Il y a toute l’humanité du monde et toute l’animalité de la chair en décomposition dans ces 126 minutes d’un chemin de croix vers la rédemption finale. C’est aussi un thriller, un film surréaliste, un poème… C’est la magie de l’esthétisme au service d’une cause qui ronge chacun d’entre nous, l’angoisse de la vieillesse, de la décomposition et la beauté de l’amour qui sublime cette lente usure de l’espoir.
Merci Monsieur Michael Haneke.
Je n’ai pas vu et ne dirai rien de Holy Motors de Leos Carax, Paradies : Liebe de Ulrich Seidl et le dernier Resnais… films dont on a dit le plus grand bien… Mais pourquoi donc ignorer De rouille et d’os de Jacques Audiard. Belle histoire étrange habitée par une Marion Cotillard transfigurée. Sur un fond mélo et tragique (décidément, les handicapés font recettes au cinéma en ce moment !!!), une histoire de violence et d’amour, de courage et d’espoir. Superbement filmé, décors magnifiques, acteurs justes, tous les ingrédients d’un grand succès populaire annoncé… et donc trop « beau » pour le Festival. Le syndrome du Grand Bleu a encore frappé !
Légère déception chez les américains, The Paperboy, Lawless, Mud même s’il y a un bémol pour Moonrise kingdom de Wes Anderson sauvé par son humour grinçant. Tous ces films sont dans la même veine, œuvres pas vraiment hollywoodiennes et bourrées de bonnes intentions… sauf qu’il leur manque ce soupçon iconoclaste, cette insouciance que s’autorisaient leurs glorieux aînés (Scorcese, Lucas, Spielberg, Coppola) en train de forger un style sur des histoires nouvelles pour une vague déferlante partie à la conquête des grands studios. Là, on trouve de belles histoires décalées, des acteurs et actrices performants, des cadres exotiques… mais cela ne suffit pas à nous faire sortir du cadre !
Voilà avec un peu de retard la dernière page du Festival du Film 2012. Belle édition avec énormément de films intéressants même s’il a manqué quelques bijoux aux côtés d’Amour de Michael Hanneke pour notre félicité. C’était mon dernier Festival en tant que Directeur de l’Evénementiel… Alors vive le Festival 2013 et cette fois-ci, j’y arriverai à ma ligne de crête des 40 films ! Non mais !