Les 50 ans de Christine.
Situons le contexte... Mon amie est étrange, une copine sorcière, Christine Raggava. Elle désirait que je sois présent à son anniversaire, un chiffre bien rond qui claque comme un coup de fouet, 5O balais, circulez, y a rien à voir !
Bon, je tenais à être avec elle pour franchir cette frontière d’une demi vie, un cap particulièrement important, l’impression étrange de monter des escaliers, d’arriver sur un palier après un demi siècle et d’entamer une descente dans un temps désormais mesuré....vers l'eden ou l’enfer ?
Christine est attachante, amie de coeur, douée d’étranges pouvoirs. Elle me masse et me magnétise depuis des années. De temps en temps, elle pousse des incantations bizarres en une langue incompréhensible, puis égorge un poulet avec ses dents et asperge mon corps de son sang....
Non, c’est une blague !
Je reste un cartésien et matérialiste convaincu, mais elle est chargée d’ondes ma copine, et je l’aime comme elle est, à la fois attachante et bien plus fragile qu’elle n’y parait et que ses pouvoirs de magnétiseuse ne pourraient le laisser penser... C’est une femme qui a cherché toute sa vie quelque chose en sachant qu’elle ne le trouverait jamais, une harmonie de l’air, une perfection du sentiment, l’absolu d’un moment unique que son compagnonnage avec les mystères de la vie lui dérobent...
Elle vit avec un ami, son Raphael, un black antillais génial, un homme qui la comprend et lui offre un peu de cette sérénité et de ce fatalisme issus d’une culture qui connait le poids des ombres.
Bon, à part cela, quand on est ensemble, on boit normalement, on raconte des stupidités et on mange avec des fourchettes...
Qui dit un chiffre rond, dit discours de Bernard.
Alors je lui ai offert, à elle et à toute sa famille réunie, ces quelques mots de tendresse.
Il y a un fait avéré aujourd’hui. Tu as 50 ans ma belle Christine ! 50 printemps derrière toi... plus que tu n’auras jamais d’automnes devant toi !
Il y a deux façon de prendre la chose.
La première est d’une logique désarmante. Tu es vieille désormais, tu rentres dans l’hiver de ton existence et le crépuscule s’annonce ! On t’autorise à pleurer, ma chère Christine, toutes les larmes de ton corps, il y a assez de serpillères pour éponger ce bal des occasions manquées.
Il y a la deuxième, celle qui implique de prendre un peu de recul (sic) !
Christine, soit positive. C’est un miracle que tu aies vécu jusque là, c’est un mystère, tu as eu une chance insolente !
Car il est évident, à quelques siècles près, que l’on t’aurait brûlée comme sorcière, que tu aurais fini sur le bûcher des peurs, immolée comme la rebouteuse de l’horreur, la main gauche de la nuit, celle qui fraye avec les forces occultes... Condamnée à finir suppliciée, on ne fraye pas avec l’au-delà sans en payer le prix.
Soyons optimistes. Tu as eu de la chance finalement car à partir du XXème siècle on a (presque) cessé de brûler les sorcières !
Tu vois, il y a du positif dans tout... même dans le fait de franchir le mur des 50 ans... qui est tout sauf un mur des cons puisque nous sommes un certain nombre à l’avoir déjà franchi, dont moi d’ailleurs... regarde autour de toi !
Analysons alors ce que tu as fait de ces quelques dizaines d’années dont tu as héritées.
Un calcul très précis me permet d’affirmer que tu as massé 6632 fois pour dispenser cet étrange bienfait d’un magnétisme que tu ne demandais qu’a transmettre. Comment j’en arrive à ce chiffre ?
J’enlève les 20 premières années de ton existence car il faut exclure les jeux adolescents du docteur et de l’infirmière auxquels tu t’adonnais comme toutes les petites filles, ces impositions de mains s’apparentant plus à des jeux érotiques qu’à des massages régénérants... mais il fallait bien que tu en passes par là, comme tout le monde, car même les sorcières ont droit à l’enfance !
Evaluant un massage par jour sur une base de 5 jours par semaine (tu as aussi le droit de te reposer les week end) et comptant 10 mois de travail par année (les deux mois restant étant consacrés à 4 semaines de congés payés et à un grand voyage en Inde où tu te rends régulièrement chez tes gourous où en Afrique qui te fascine tant, que tu tentas même de t’y installer)... cela donne : 5*4*10*30 soit 6000 massages auxquels je rajoute 632 actes en bonus pour les périodes plus intenses où tu croulais sous les rendez-vous, soit, bien la somme annoncée de 6632 fois où tu pratiquas ton art sur des corps inconnus.
D’après cette enquête très poussée, cela a permis ma chère Christine :
1) De redonner goût à la vie à 143 personnes
A 75 autres de remarcher normalement
27 de tes clients ont pu arrêter de fumer (hélas, avec moi, cela a échoué !)
8 suicides ont pu être évités de justesse
Et enfin, deux hommes ont retrouvé leurs pulsions sexuelles décuplées...mais rassure-toi, je ne donnerais leurs noms et leurs numéros de téléphone que contre une somme d’argent conséquente que nous partagerons.
Si j’avais le temps de creuser un peu plus, je trouverais, il fait nul doute, bien d’autres bienfaits à tes impositions de mains confirmant l’évidente efficacité de ton art magnétique... Entendre à nouveau le gazouillis des oiseaux, retrouver le sens de l’odorat, marcher sur les mains, réinventer la vie, multiplier les petits pains...
Voilà sans doute dévoilées quelques unes des raisons qui nous permettent, ma chère et tendre Christine, de te dire MERCI, et de te supplier de t’accrocher encore quelques années.
Nos corps ont besoin de tes mains, Christine, et nos têtes sont plus sereines une fois que tu as dompté nos flux intérieurs.
C’est pour cela que nous sommes fiers d’être avec toi en ce jour anniversaire de la moitié d’un siècle.
50 ans et après ?
Tu es belle comme un soleil brun, tu as trouvé un authentique trésor des caraïbes avec Raphael, tu as des enfants qui sont magnifiques, alors accroche-toi... Il faut que tu me masses la semaine prochaine... et le mois prochain... et toutes les années jusqu’à l’extinction de tes forces, vers 2075 après Jésus Christ.
Merci Christine et bon anniversaire !
Voilà, c’était le dimanche 28 avril, à Aix en Provence, et si vous pensez que j’exagère, j’ai son numéro de téléphone.
A bientôt Christine !