photos et livres

Hervé Koubi dans Bref séjour chez les vivants !

L'enfant étrange des Castafiore...Des fleurs rouge vont lui pousser dans le cerveau !

Les Betty Boop de Zoopsie Comedi ! Démultipliées à l'infini dans une comédie musicale déjantée !
Quelques photos du Festival de Danse réalisées par Eric Derveau...Pour se souvenir d'heures magiques !
Quand l'imaginaire des créateurs rencontre l'oeil du spectateur !
Quelques livres.
Trois femmes puissantes. Marie NDiaye.
Chaque année c’est avec une certaine émotion que l’on se plonge dans le Goncourt et les autres prix. Un rituel, passage obligé souvent convaincant pour comprendre l’état de la littérature en France. Non que ce soit les seuls livres à lire, mais bien la partie remarquée, visible, d’un iceberg qui parfois se confond avec le Titanic. Que dire du cru 2009 ?
Femme, noire, écrivaine, iconoclaste et libre, tout pour plaire à priori chez l’auteure !
Le livre est composé de 3 nouvelles vaguement reliées entres elles, très différentes les unes des autres. La première nous permet de suivre une femme avocate revenant sur son passé en retrouvant son père africain qui l’a appelée à la rescousse. Un plat à la sauce aigre douce, orange amère où affleurent les sentiments d’amour et de haine d’une fille délaissée se confrontant à la statue du commandeur. Comment vivre la déchéance de celui qui symbolisait la force dans toute sa brutalité ? D’autant plus forte qu’il l’a abandonnée !
La deuxième campe le paysage flou d’une femme en filigrane, vue à travers l’agonie d’un couple mixte déraciné, un authentique amour qui se brise sur les rivages impossibles d’une terre d’exil.
La troisième est la plus forte, la plus bouleversante, récit d’une tentative d’évasion vers cette terre d’exil, la longue agonie d’une femme brièvement entrevue dans la première nouvelle qui est contrainte de choisir la voie des clandestins pour atteindre l’oasis d’une Europe aux ventres pleins. Une tragédie terrifiante, choc salutaire pour ceux qui campent sur leurs certitudes dans la forteresse assiégée des pays développés. Comment ne pas entendre les cris de ceux qui ont faim et fermer les yeux devant ces scènes quotidiennes de barques échouées avec leur lot de cadavres gorgés d’illusions ? Comment continuer d’ignorer ceux qui n’ont rien, que la mort comme compagne et vivent sur le fil d’un rasoir ? Comment ne pas comprendre que la misère engendre le pire des systèmes où l’exploité est opprimé par ceux qui survivent sur la misère des autres en une chaîne ignoble d’asservissement et d’ignominie !
C’est un chant bouleversant avec des mots d’une beauté qui ne rend que plus dramatique l’horreur des situations.
Le club des incorrigibles optimistes. Jean-Michel Ghénassia.
On rentre doucement dans cette histoire qui sinue dans une France qui naît pendant la guerre d’Algérie pour s’échouer aux prémices d’un 68 enfiévré. Des personnages étranges, diaspora des réfugiés politiques de l’empire soviétique sous le joug d’un Staline tortionnaire, se retrouvent dans l’annexe d’un restaurant de famille pour jouer aux échecs et partager des moments d’abandon. Ils sont des génies échappés aux drames de l’histoire, ont participé aux combats les plus terrifiants de cette moitié du XXème siècle, portent les cicatrices de la peur en eux mais n’ont pas renoncé à hurler leur désespoir. Chacun est une somme de science et de courage et leur phalanstère est un condensé de tous les espoirs trahis, de tous les reniements du possible.
Un adolescent va pénétrer dans leur cénacle, suivre leur parcours sans épouser leur cause, entrer à la lisière de leur univers sanglant pour grandir et se forger un devenir. Il va étrangement occuper une place centrale, miroir du désespoir, parce qu’il est un témoin sans passé, parce qu’il est le ferment d’un lendemain de mutation et parce qu’il ne juge pas. C’est l’histoire que l’on enterre dans les dernières convulsions de ce monde en train d’agoniser.
Il faudra bien qu’il grandisse et que l’on enterre Camus, Kessel et Sartre… et sur les ruines de ces passions, que l’histoire aboutisse à un grand pardon général dans le souffle apaisé de l’abandon.
C’est beau, tonique, effrayant et magique. Le Goncourt des lycéens est une immense ode à la liberté, celle qui est emprisonnée dans les mailles du passé et que seule la mort peut affranchir.
Pêle-mêle, car il n’y a pas que les prix dans la littérature, je suis tombé sur un petit bijou de Didier Daeninck, Camarades de classe. Un perdu de vue étrange, rapports
épistolaires entre d’anciens élèves qui débouchent sur un coup de théâtre étonnant. C’est troublant, une confrontation entre les rêves du passé et le futur en marche, tranches de vie à l’épreuve
du temps. Cela se lit avec plaisir et le retournement final est surprenant.
Plus étonnant encore, Vers les blancs de Philippe Djian. Quel écrivain ne s’est pas posé la question : « -et si j’écrivais un porno » ? Djian y répond en insérant à l’intérieur de son œuvre, une dimension purement érotique, une plongée dans les arcanes d’une sexualité débridée, les frontières s’estompant petit à petit jusqu’à produire un roman sulfureux, crépusculaire. A la différence de nombre de ses prédécesseurs, il réussit à conjuguer l’univers de la fiction et le trash crû de mots libérés. C’est à lire en s’accrochant aux racines de la raison !
Enfin, dernier petit livre (par la taille !), Bertina Henrichs nous propose avec La joueuse d’échecs, une énième variation sur ce jeu ancestral. Pourquoi ces figurines attirent-elles tant d’écrivain ? On peut se poser la question, mais elle y répond par un texte court, ciselé, sans fioriture ni aspérité. Une femme sans relief découvre par hasard, dans le vide de sa vie, ce jeu et les figures improbables d’un échiquier infini. Cela provoquera une transformation profonde, à la fois de sa perception du monde et de sa propre existence, pion dans une comédie ritualisée de la vie, reine par la grâce d’un mouvement stratégique d’une dame de bois. L’échiquier est bien le terrain fertile d’une vie rêvée et permet son émancipation.
Voici donc une livraison de commentaires sur quelques livres lus et à lire. Il y en a tant dans notre bibliothèque idéale, qu’il semble illusoire d’aborder la culture du monde avec des
certitudes. Juste des mots alignés pour sanctifier ceux des autres et leurs ouvrir quelques portes. Les échecs, le sexe, les africaines opprimées et les réfugiés politiques forment une famille de
cœur de mon bestiaire personnel, je vous les offre sans retenue !