Tirant sa révérence...
Voilà, c'est fait... J'ai atteint cette ligne d'horizon qui semble si lointaine en début de carrière... la retraite en chantant ! J'aurais dû me lever ce lundi 2 juillet, prendre ma moto et rejoindre mon bureau du Palais des Festivals de Cannes... Mais le temps se brise, et l'écho du passé vient résonner. J'ai bientôt 62 ans, j'ai choisi de suspendre ce qui a représenté 40 années de ma vie sociale, mon métier, ma place, une façon d'être, d'exister dans le regard des autres.
J'ai eu mon comptant de satisfactions et bien plus d'un quart d'heure de cette gloire dont parlait Andy Warhol même si c'est bien dérisoire de regarder son passé pour comprendre son avenir.
Cela a été si rapide, un éclair ! Petits jobs d'été, Maître d'internat dans l'Education Nationale, les MJC, Directeur adjoint de l'Office de la Culture de Cannes, Directeur de l'Evènementiel au Palais des Festivals...
Voici un texte qui est paru dans le dernier bulletin des salariés. On me l'a demandé comme le dernier hommage au fossile de la Culture que je représente et je l'ai écrit avec beaucoup de sincérité et une grande émotion !
Parce que la vie continue mais qu'une page s'est définitivement refermée pour moi. Parce que derrière toutes ces lignes qui se fondent dans l'azur au fur et à mesure que l'on avance dans la vie, le néant guette et la nuit se rapproche. Mais c'est ce que l'on appelle la vie, une extraordinaire fuite vers notre propre fin !
Point de larmes mais des sourires, sans aigreur, bien au contraire, avec bonheur.
Un choix assumé. A près de 62 ans, après plus de 20 ans au Palais des Festivals, les sirènes de la satisfaction du devoir accompli.
15 ans à programmer… ça use, ça use !! L’angoisse de bien faire, la pression d’un public à trouver, les artistes qui dessinent une fresque vivante, toujours mouvante, les aléas de la pluie, des règlements qui changent, des chiffres impitoyables, des déceptions même si elles furent rares… car si souvent cette force du sourire, de l’émotion brute !
Adossé à une Direction Générale qui m’a toujours soutenu, et de ce point de vue, je tiens tout particulièrement à remercier Martine Giuliani, mais aussi Bruno Demarest et nombre de collègues Directeurs qui m’ont pardonné ce que j’étais en m’acceptant comme je suis…
Etrange étranger d’un Palais qui sut m’offrir d’être un trublion, le fou du roi, celui qui peut porter la pluie car il ne représente aucun danger et nous annonce les éclaircies des jours nouveaux… Tous ces collaborateurs d’un Palais qui s’est embelli au fil des années et qui m’accordèrent le droit d’être moi-même.
Et bien sûr, cette formidable équipe de l’Evénementiel. Petite par la taille, grande par le talent.
Neuf personnes attelées à démonter les montagnes, escalader les à-pics, explorer les abysses. Multicartes, multifonctions, multi-tout, chacune et chacun passionnés d’écrire cette page d’un Art vivant toujours renouvelé.
Les saisons hiver et été qui s’enchaînent, les Festivals d’été, la Danse en biennale, les Jeux toujours, rien ne résiste à ceux qui ont la passion au fond du cœur.
Et naturellement, Sophie Dupont qui me succède pour le plus grand bonheur de ceux qui aiment la culture, ceux qui pensent que dans une note de musique, une tirade ou un pas de danse, toute la beauté du monde se niche.
Nous avons constitué un formidable tandem, je sais qu’elle trouve déjà un nouvel équilibre dans la situation actuelle, une dynamique sans égale pour son talent et sa force authentique : elle sera bien cette Directrice de l’Evénementiel qui nous permettra de rester dans les coulisses de la modernité.
Je tiens aussi à remercier les pouvoirs politiques qui ont toujours considéré que le Palais des Festivals était le cœur vibrant de la Ville de Cannes, son supplément d’âme en même temps que son poumon économique.
Et de ce point de vue, Bernard Brochand et David Lisnard n’auront pas été en reste, tant ils ont le souci d’une culture vivante et moderne, destinée au plus grand nombre, mais capable de dessiner des lignes de fractures au sein du conformisme.
Je ne peux aussi que remercier celles et ceux qui m’ont accompagné tout au long de ces années. Certains ont renoncé, d’autres ont disparu mais leur présence discrète rappelle que la mémoire fut, que les actes furent et que l’espoir demeure.
A mon épouse si présente par mes absences, à mes enfants, à ma famille…de sang comme de cœur !
Et à la vie bien sûr qui force le respect et donne un prix à l’avenir.
Bernard Oheix