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De Brignoles à Buenos-Aires

Publié le par Bernard Oheix

Je rêvais d'un autre monde, même si le monde est parfois bien étroit pour mes rêves ! Fuir la grisaille d'un lendemain d'élection dans le Var et bondir vers les cieux, prendre l'avion et se réfugier en Amérique du Sud pour 6 semaines. Voilà au moins un aspect positif (sans doute l'unique !) de l'élection d'un représentant du Front National comme Conseiller Général à Brignoles.

Comment est-il possible que ce peuple tricolore bascule avec autant de complaisance et d'indifférence dans les filets d'une idéologie porteuse de chaos ? Que ce soit le pseudo programme économique de ces apprentis sorciers, que ce soit l'évidente division de la société française qui souffre déjà tant, que ce soit la montée incroyable de l'intolérance et des interdits, que ce soit dans la fermeture des idéaux, le retour du conservatisme et de la "moralité" comme censure... C'est une soupe nauséabonde que l'histoire a déjà servie il y a bien longtemps, que l'histoire même récente à déjà honorée. Regardez la gestion des villes "prises" par le FN dans les années 90,regardez les divisions entre les chefs de l'Extrême Droite, les innombrables dérapages, et autour de nous, regardez l'élection des députés d'Aube Dorée en Grèce, la conduite de Orban en Hongrie, en Autriche et en Angleterre...Ecoutez et lisez le vide de ces phrases toutes faites sur lesquelles ils cultivent leur fumier ! Tous pourris, l'UMPS, les élites de Paris, les immigrés, musulmans et les intégristes, les fainéants et les tricheurs...

Pauvre France. Tu as déjà succombé tant de fois aux démons. Tu fais semblant d'être résistante, mère de la révolution, grande, cultivée et généreuse, porteuse de Mai 68 et de révolutions...

Mais tu pues la morgue des français à l'étranger, la médiocrité de tes sentiments égoïstes, tu exploites les richesses de l'Afrique pour en regarder ses enfants se noyer sur tes rivages de notre indifférence. Tes riches sont de plus en plus riches et de moins en moins nationaux avec leurs coffres en paradis fiscal et nos usines déménagées en Asie, tes sportifs fuient en Suisse dès qu'ils ont gagné un tournoi grâce à la qualité de la formation dispensée, tes artistes demandent la nationalité Russe après avoir éclusé toutes les ressources de nos systèmes de protection de la culture pour ériger des fortunes...

Et les riches français vont habiter la Belgique où le capital est peu imposé pendant que les riches Belges émigrent en Angleterre parce que le travail y est poins imposé que chez eux !

L'Europe de la discorde, est-ce vraiment de cette union de la finance et des grands patrons que nous rêvions ? Ou plutôt d'une Europe des peuples, de la culture, de l'amitié, du développement, de la jeunesse, de la différence !

Et pendant ce temps le bon peuple vote Front National et se rapproche un peu plus de la falaise aux sons de la flute des désaccords, comme dans une fable qui commence dans le sourire et finie dans l"horreur d'un précipice où la foule est emportée !

Et pendant ce temps, Gilbert Collard adhère avec délectation, Delon se prostitue comme une épave, et les jeunes "tendances" assimilent avec gourmandise les recettes de la haine, tissent les fils du chaos, les édiles soufflent sur les braises... Elles savent d'expérience, que le désordre engendre les conditions propices au rétablissement de l'ordre par les terreurs ! Quand la terre tremble, on édicte des lois liberticides, on sépare le grain de l'ivraie, on tranche des membres pour faire vivre des corps décomposés... C'est l'histoire qui nous l'a apprit !

Alors, vous les enseignants, les fonctionnaires, les syndicalistes qui rejoignaient le Front... êtes-vous prêts à vivre votre cauchemar ?

Et pendant ce temps, la droite joue,avec le feu, divise et récupère la copie de la peste brune, assume l'héritage idéologique ignoble d'un Sarkosy teinté de Buisson, Copé est égal à lui-même et même Fillon craque par l'envie aveuglée du pouvoir absolu.

Et pendant ce temps, la gauche balbutie, fais des demies mesures, des réformettes pour les banques, ne tranche pas sur le cumul des mandats, s'enlise dans les dissensions internes, derrière un falot premier ministre copie de son maître, un ministre des finances au service des patrons qui nous ont menés à notre perte... Elle ne réforme pas le système parlementaire inconvenant des retraites pour les politiques, nous demande des sacrifices mais s'en exonère, continue à perpétuer l'idée que la gauche et la droite, c'est pareil, ouvrant un boulevard à l'extrême droite et à la peste brune !

Alors, Buenos- Aires pendant une semaine, puis les bus et on the road again ! Montevideo, les mythiques chutes d'Iguazu, les déserts de sel de Salta et les rampes escarpées des Andes, Mendoza, Santiago de Chile, Valparaiso avec la soupe de crabes sur le vieux port, toute la côte Chilienne, la région des lacs et retour par la côte Atlantique jusqu'à Buenos Aires...

Oui, cela me fera du bien, me lavera des odeurs pestilentielles qui montent des urnes de la France, ce pays que j'aime, beau comme parfois les Français ne le méritent pas, que tout le monde critique mais où beaucoup veulent vivre, plein de ressources et d'énergie, où le système de santé nous protège, qui nous donne une bonne éducation et nous permet encore de nous exprimer librement...

Mais pour combien de temps ?

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Hervé de Lumières

Publié le par Bernard Oheix

Il avait toujours été là, bien présent dans notre vie depuis ce début des années 70 où nous avions croisé nos chemins, entremêlant l’amitié définitive d’un groupe constitué à la fin des universités, quand l’heure des études doit faire place à celle des responsabilités professionnelles, l’insouciance à la gravité d’une vie à construire, les amours adolescents se confrontent à l’épreuve d’une vie d’adulte... Quand les rêves s’effacent et que fait irruption, au présent, ce monde réel que nous voulions tant transformer dans l’impatience d’une génération qui avait vécu un mois de mai 68 comme une révolution sans effusion de sang, une ode à la modernité d’un vieux monde en train de craquer !

Il y avait Maria et Amparo Fuentes, les belles brunes incendiaires filles d’immigrés espagnols, soeurs et épouses dans une période où les moeurs s’affranchissaient des liens du sacré, toujours à la recherche d’un équilibre à trouver entre leurs deux cultures et la place des femmes dans cette société mutante des années soixante-dix. Elles étaient fragiles et fortes, fières et si complexes de leur racines partagées.

Il y avait le grand Philippe Catalan, futur promoteur immobilier, celui qui devait réussir, à la personnalité fascinante, fils de militaire, cerveau enfiévré, curieux de tout, avide de savoir et d’échanges, appelé à diriger comme d’autres respirent, cassant mais sensible, si proche des autres qu’il en devenait le grand frère avant d’endosser la figure tutélaire du père symbolique de ce groupe disparate. A ses côtés, l’étrange Nicole, discrète en apparence mais tellement présente, le feu sous la glace.

Il y avait Olivier Poulin, le technicien du cinéma, goguenard marginal, buvant et fumant pour narguer la réalité. Rejeton de la haute bourgeoisie aux mains d’or et au coeur grand comme l’infini, il débarquait dans votre vie sans gêne, comme si tout lui était dû par ce que le monde lui appartenait de ne pas s’y insérer. Et tout le monde lui ouvrait la porte et son coeur. comme si c’était naturel et évident.

Il y avait nous aussi, Thérèse et Bernard, les petits derniers, couple atypique forgé dans l’airain, fils de prolos parmi ces enfants de la bourgeoisie qui s’inventaient un avenir échappant à tous les codes. Nous regardions, sans passé, un présent à bâtir, avec nos mains et nos cerveaux, seuls d’une histoire à créer, sans autre protection que notre futur à ériger. Il était beau ce futur car il nous appartenait !

Nous étions à quelques années seulement de notre mai «68», nous l’avions tous encore dans nos chairs, dans nos souvenirs, imprimé sur le parchemin d’un avenir que nous étions en train d’inventer, en rupture de toutes les normes. Nous allions changer le monde !

Nous mangions ensemble, sans s’inviter, en passant les uns chez les autres. Parfois dormions dans des lits de rencontre. A l’époque, il n’y avait pas de téléphone, quelques cartes arrivaient de destinations exotiques, pour nous rappeler à la mémoire des nôtres ! Tout se passait dans le contact, avec la présence physique. On organisait de grandes fêtes, essentiellement dans les villas cossues de Philippe. Nous nous retrouvions pour des journées de jeux, l’alcool coulait à flots, nous fumions tout ce que nous trouvions, nous parlions de politique, de cinéma et de livres. On organisait des jeux, on dansait, on se baignait dans la piscine, on faisait des randonnées. Il y avait toujours un relent de sexe, un indéfinissable parfum d’érotisme dans cette vigueur que nous affichions et dans cette volonté de partage.

Nous étions si jeunes et plein de vie.

Et puis il y avait Hervé Chauvin, né d’un ambassadeur dans un confort sans risque, rejetant le fardeau d’une classe sociale qui l’avait accouché, (mais en cela, Philippe et Olivier aussi vivaient ce rejet), sans prise sur le réel mais ancré dans le présent, à jamais déterminé par une certaine conscience de la vacuité du monde qui les avait enfanté, sans la peur des lendemains qui déchantent car issu de ceux qui possèdent les certitudes du pouvoir, mais désormais incapable d’assumer la place qu’on leur prédestinait.

Hervé était lumineux, comme une lumière chaude qui n’aveugle pas mais donne du relief à la vie.

Il avait décidé de vivre, tout simplement. Des études naturelles, des amours finalement bien sages dans cette période riche en dérèglements (deux femmes et quelques maîtresses), rien n’était jamais extrême chez Hervé, tout résidait dans la nuance de celui qui compose sa fugue comme un nocturne de Chopin.

Extrême sensibilité d’un esprit avide, capable de toucher à tout sans jamais devenir un spécialiste... si ce n’est d’un art de vivre sans contrainte.

J’ai en tête encore un Hervé envoyant une lettre à tous ses amis (nous étions encore jeunes et toujours pauvres, même si notre apparent dénuement de l’époque ressemblerait furieusement à une grande richesse aujourd’hui !). Dans cette lettre, il demandait à chacun d’entre nous, un peu d’argent pour s’offrir un piano à queue afin de nous honorer en musique quand nous viendrions partager des agapes chez lui. Il a obtenu le piano, ce qui n’était pas un mince exploit et démontrait à l’évidence combien on l’aimait, et jusqu’au bout, il en a joué, jamais comme un virtuose mais toujours avec passion. C’était bien sa signature d’échapper à la course de la perfection afin de jouir en esthète d’une existence libérée. Un morceau de cet instrument de musique, une touche blanche ou noire de ce piano, m’appartient à jamais, même si j’aimerais tant qu’il en ait encore la pleine jouissance et ouïr le jaillissement de ses notes sous ses doigts fins comme son esprit !

Je me souviens aussi d’un Hervé en capitaine courage d’un paradis perdu retrouvé, Barccagio, une baie du Cap Corse où il nous entraina pour des «robinsonnades» en camping sauvage qui emplissaient nos étés de soleil, d’amour et d’amitiés. C’était au début des années 80, nous étions jeunes encore, même si nos enfants courraient partout en poussant des cris d’orfraie. Une anse sublime au bout du monde, une vie sans chaînes dans un Eden bucolique, des camps de fortune que chaque famille bâtissaient en architecte éphémère où l’inventivité tenait lieu de savoir faire à coup de planches, toiles, pierres et cordages... Il y avait des puits entre les oliviers et nous nous «désalinisions» à grands coup de jets de seaux d’eau en hurlant de rire avant des soirées de partage, de bouffe et de jeux.

Au menu, on trouvait le poisson qu’il péchait pour les amis, les poulpes qu’il attendrissait et préparait à la poêle avec de l’ail et du persil pour des soupers à la chandelle des étoiles. Car Hervé, en bon vivant, était un redoutable cordon bleu, apte à improviser avec des riens afin de marier les arômes subtils, les saveurs les plus délicates... De ce point de vue, il n’était pas un fils de la Grande Bourgeoisie pour rien !

Hervé aimait le foot, nous regardions chez lui à chaque édition, les coupes du monde des années fastes, celles où l’on pouvait encore rêver, c’était avant l’Afrique du Sud, en un cérémonial païen destiné à accroitre les chances de notre équipe tricolore si mosaïque dans sa composition qu’elle nous apparaissait comme un symbole de cette France que nous aimions. Hervé aimait modérément le jeu... quelques pokers à 3 sous lui permirent de se prouver qu’il avait bien raison de ne pas être accroc... même ses enfants, Raphael et Samuel le battaient régulièrement.

Hervé aimait surtout parler, creuser, lire, se cultiver, discuter, voir des spectacles. Il aimait la musique et nous avions pris l’habitude de nous envoyer des «cassettes» (cela a existé, c’est vrai !) où nous enregistrions des morceaux que nous aimions, à faire découvrir et partager. Il vint plusieurs fois avec la belle Manu, sa femme, au Palais des Festivals de Cannes pour des soirées découvertes. Il était curieux de tout, sans jamais s’obstiner ni se prendre au sérieux.

Hervé n’était pas le père, ce rôle, c’est Philippe qui l’avait endossé à jamais dans notre phalanstère. Hervé était le grand frère dont tout le monde rêve. Les amis de la belle Nina, sa dernière réussite, sa fille, en savent quelque chose, eux qui trouvaient en lui le confident parfait, celui à qui l’on peut tout dire et qui en raconte si peu et si justement qu’il donne l’impression de n’être qu’une caisse de résonance de ses propres aspirations.

Nous avions, dans les années 90, l’âge aidant, imaginé acheter tous ensemble, un grand hôtel désaffecté, mas au soleil, pour y finir nos vieux jours, afin d’y vieillir de concert, notre maison de retraite à nous, un abri dans lequel nous saurions nous rapprocher de la mort avec sérénité, entouré de ceux que nous aimions. Utopie certes, mais si belle réalité ! Nous en avons déliré des soirées à l’inventer ce paradis où trouver la paix ! Pas trop loin de la ville pour les cinémas et les spectacle, proche de la mer, notre passion à tous, des chambres individuelles avec des lieux communs, une mutualisation des biens de culture (quelle gigantesque bibliothèque et discothèque aurions-nous constituées !), avec une répartition des tâches à la clef : Thérèse aurait ré-endossé sa blouse d’infirmière (on en aurait bien l’utilité d'une infirmière même si, n’en déplaise à Olivier, elle n’aurait plus été nue dessous !), moi, j’aurais incarné le «grand» animateur, metteur en scène des grandes fêtes, ordonnateur des pompes célestes avant de passer à celles des veillées funèbres et des panégyriques émus, Philippe aurait assumé la responsabilité de tout (comme à son habitude !), Olivier, la cave à vins et les clops (même si l’âge aidant, la nécessité d’arrêter de fumer se fait sentir !), les Espagnoles au Flamenco et à la cuisine (je sais c’est un peu cliché, elles ont d’autres qualités !), Manu l’épouse d’Hervé, la plus jeune, pour conserver nos fantasmes érotiques cacochymes, Nicole, la tenancière des tables de poker et conscience d’un principe de réalité intangible...

Curieusement, dans toute ce délire fantasmagorique, Hervé avait réussi à n’avoir aucun rôle précis, sans doute parce qu’il représentait l’archétype même du membre symbolique, unique et indispensable, bien à l’image de ce qu’il a tenté d’être toute sa vie, ailleurs et ici, futile et capital, indispensable et dérisoire, élégant jusqu’au plus infime détail...

Hervé était un sourire de la vie. Il avait une façon si particulière de vous regarder et de vous aimer. Un peu distant mais si proche, un peu caustique mais si humain, classe jusque dans les douleurs de son dos qui le terrassait dans les dernières années de sa vie.

Hervé à eu une vie professionnelle comme cette génération du baby-boom a pu l’avoir, par nécessité et sans drame : cadre à l’ANPE, lui qui méprisait au fond de lui le travail et les oripeaux de ce qu’il implique en relations sociales désincarnées !

Il a conçu trois enfants magnifiques qui représentaient vraiment ce que nous espérions tous de nos générations futures, pleins d’humour et d’intelligence, vivant même dans le regard qu’ils portent sur les autres. Il y a Raphaël le «businessman», cadre qui gagne beaucoup d’argent dans l’immobilier mais n’a jamais oublié d’en rire, et Samuel l’artiste, producteur fauché de cinéma mais qui tire son épingle du jeu et survit dans une jungle impitoyable en gardant toute son intelligence et sa finesse... Et puis il y a Nina, la petite dernière, qui est a un âge où l’on ne devrait pas vivre de drame, entre les amours et les études. Elle était avec son père la nuit ou il a décidé de s’en aller visiter les musées des fantômes de l’ailleurs.

Et puis il y a Manu, l’épouse, celle qui venait de prendre sa retraite et pouvait envisager de changer de vie pour se mettre en phase avec son «vieux» mari. Elle nous avait contacté en secret afin d’organiser l’anniversaire symbolique des 70 ans d’Hervé, une grande réunion de tous ses amis, à la mi-septembre avec surprises et amitiés en dessert. C’est aujourd’hui, samedi 14 septembre, que nous aurions du nous retrouver pour l’honorer !

Quand l’on regarde bien, Hervé a toujours été le premier. Premier de sa classe, premier à faire des enfants, premier à fêter ses 50 ans, premier à partir à la retraite... Au fond, peut-être n’est-il que justice que ce soit lui qui nous montre la voie : premier à décéder pour nous préparer aux parfums de l’automne, premier à pouvoir contempler tout ce que l’on a pas fait et que l’on ne fera plus désormais, premier à ne pas pleurer les autres, premier à nous faire sentir combien l’âge a rattrapé notre vieillesse, comme ont fuit les espoirs et les rêves, premier a se demander si nous avons vraiment vécu et pourquoi ?

Voilà, Hervé nous a fait sa révérence, avec classe et ironie, comme d’habitude, parce que c’est Hervé, et qu’il nous manque déjà !

Parfois, dans un groupe, entre amis, la fréquence des liens est intense, parfois ils s’étirent, plus lâches, comme l’est la vie tout simplement.

Ces derniers temps, coincés dans nos vies séparées, une petite faille temporelle était apparue. Il y avait bien plusieurs mois que nous n’avions plus eu de contacts. Fins de carrière professionnelle, des jours qui s’effilochent, un rendez-vous raté quand, devant partir en Corse, ils nous téléphonèrent pour une halte à Cannes avant d’embarquer à Nice... maison pleine ! Un week-end prévu à Aix... mais la famille Chauvin était partie à la campagne... C’est la vie de l’amitié, des rendez-vous que l’on rate parce qu’on a l’éternité pour les réussir. Thérèse avait envoyé, il y a quelques semaines, un mail pour renouer ce contact distendu depuis quelques mois... Il avait répondu avec enthousiasme, nous annonçant nos retrouvailles, pour bientôt, maintenant que sa Manu était enfin libérée, comme nous, des liens sacrés du travail !

Alors, on devait se revoir, manger, boire, fumer et rire...

C’est vraiment ce que l’on a fait, mais devant son cercueil, en un dernier clin d’oeil qu’il aurait aimé, avec ironie et distance, un peu hautain mais charmeur, avant de s’envoler en fumée, et ses cendres seront déposées dans l’anse de Barccagio, pour une dernière «robinsonnade» éternelle !

Combien allons-nous couper de fleurs dans les hivers qui s’annoncent ? Et quelle ironie que ce Hervé goguenard en train de nous attendre en souriant dans les vagues sereines de notre mémoire...

A toi, mon Hervé de lumières !

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La meilleure façon de marcher...

Publié le par Bernard Oheix

Bon, on peut dire que c’est de mettre un pied devant l’autre, et de recommencer, et que dans la troupe y a pas de jambes de bois...

Sauf que ce n’est pas toujours vrai, le pied devant l’autre, et que des jambes de bois, on en trouve beaucoup si on se décide à regarder avec attention ceux qui nous entourent et croisent leurs chemins aux nôtres.

Regardez par exemple, cette africaine aux fesses rondes tendues dans un pantalon de toile jaune, elle est légèrement penchée en avant, découvrant sa poitrine pleine comprimée dans un décolleté violine. Elle slalome du haut de ses si hauts talons qui lui cambrent le dos et font ressortir ses fesses, mais mettent en péril un équilibre précarisé par l’ambition affichée de grandir vers le ciel, alliée à la nécessité d’avancer en ligne droite. A gauche, balancier, à droite, un instant d’hésitation, et comme dans une mécanique bien rodée, cet assemblage si disparate et excitant, se remet en mouvement dans une chorégraphie bancale destinée à tout, sauf à évoquer un simple déplacement, et dont les principaux spectateurs sont ceux qui ont le privilège de la suivre par derrière à hauteur d’oeil. Elle envoûte, charme si naturellement, que ce balancier se transforme en comptine pour enfant, mélodie pleine de noires et de rondes, chanson de geste dont l’objectif avéré est de nous subjuguer et de faire tout pour que l’on se rappelle qu’elle ne marchait pas, mais bien dansait en lisière de nos désirs.

C’est comme cet homme que vous ne verrez jamais, même si vous le croisez si souvent ! Vêtement gris, chemise blanche légèrement froissée au bout de cette journée de travail. Eternelle barbe naissante mais jamais assumée dessinant un halo sombre sur les joues, des lunettes pour voir et non être vu, rondes aux bords en écaille, verres épais légèrement teintés. Ses chaussures n’ont pas de formes mais assument le confort d’enrober des pieds sans illusions. Si vous le regardez attentivement, vous découvrirez le néant de sa vie, un rien si intense qu’il en devient transparent. Mais vous ne le regarderez pas, c’est certain, cheminant tête baissée le long du mur, esquissant ce déplacement qui ne laisse aucune trace, pas de sillage. Les autres n’existent pas dans son univers car il les évite avec art, ne les observe pas pour ne point être vu. Mais si les autres sont des fantômes, lui est un ectoplasme sans reliefs, une esquisse, un présupposé aléatoire que rien ne confirme.

Sa façon de marcher n’est surtout pas de mettre un pied devant l’autre. Il les juxtaposerait plutôt, décrivant un minimum d’espace entre ses segments, ne tolérant aucune surprise, écart ou autre façon de progresser. Il ramperait plutôt, entre le mur et le vide, plus près du vide que du mur, d’ailleurs.

Rien à voir avec celui qui descend cette côte en gesticulant. Tout chez lui est mouvement, agitation et dérèglement. Il n’y a que ses pieds dans l’alignement d’une trace invisible pour faire illusion et donner un semblant de normalité. Il incline la tête et ses bras se désarticulent, la hanche effectue une torsion, le genou bloque. Même ses yeux semblent posséder une vie propre et il souffle bruyamment en éructant quelques paroles inaudibles. Pourtant, il trace son chemin, me croise sans me remarquer et disparait de ma vue en laissant un sillage d’air brassé et un halo de perplexité.

J’ai vu cette asiatique aussi. Toute petite et menue tel un cliché de livres pour enfants. Elle chemine à petits pas discrets, si discrets, tête baissée, sans regarder, comme si elle s’inventait un chemin que nul autre ne peut connaître. Ses yeux ne laissent qu’un éclair pointer sous les paupières tombantes. Elle a des jambes toutes raides et fragiles et flotte au dessus d’un sol qu’elle a décidé d’ignorer. Elle est déjà ailleurs, arrivée dans son monde qui n’est jamais le notre, si loin de tout qu’elle n’existe qu’à peine. Mais elle marche vers un destin que personne ne peut entrevoir, pas même elle !

Tentez de progresser avec une jambe et deux cannes ! Par ailleurs, où est-elle celle qui manque si cruellement à son propriétaire ? Version héroïsme de guerre avec défense de la veuve et de l’orphelin sous le pilonnage ennemi, accident domestique d’une infection stupide avec un clou rouillé qui dégénère, chute d’un train presque à l’arrêt duquel on tente de s’échapper afin de resquiller ? Tout est possible, même la banalité ! En attendant, avec son sac à dos et ses trois pattes, il ne passe pas inaperçu dans le toc-toc du heurt de ses béquilles sur le ciment sale du trottoir. Il a une barbe en broussaille et dégage une odeur rance de mal lavé, comme si tout s’était déréglé depuis que sa jambe avait pris son envol. Il se dessine un air misérable sur sa face sans expression, et dans ses yeux aussi morts que sa jambe lui manque, on discerne ce chemin, sans pouvoir l’emprunter, dans lequel il erre maladroitement.

J’ai même été dépassé par quelqu’un qui marchait naturellement. La quarantaine, grand mais pas trop, bien vêtu, le regard droit, d’énormes es enjambées exprimant un désir d’aller de l’avant avec décision, les bras rythmant sa progression, le monde semblait lui appartenir et ne pouvoir l’enfermer. J’ai senti son souffle quand il m’a rattrapé et attaqué cette longue avenue bordée de lumières. Peut-être était-il divin ? Il s’est fondu dans la foule qui marchait, un pied devant l’autre, et dans la troupe, y avait plein de jambes de bois...

Mais au fait, comment marche-je moi ? J’ai naturellement tenté de le comprendre, j’ai tant analysé de mon port altier, de l’image que je me devais de dégager, de l’impression que j’imprimais chez l’autre, de ce que j'entendais transmettre...que perdu dans mes pensées profondes et dans le tintamarre de mon introspection, je n’ai pas vu déboucher du coin de la rue ce camion de livraison brinquebalant et que je l’ai percuté de plein fouet.

C’est à ce moment précis, en entendant les sirènes de l’ambulance, que j’ai compris que la meilleure façon de marcher, c’est quand même de regarder devant soi !

Voilà, cela m'apprendra de marcher dans les rues de Montréal ! Désoeuvré, errant de la rue Sainte-Catherine au Saint-Laurent, de la Place des Arts au quartier chinois, juste le temps d'observer et de vous rendre quelques images et impressions !

Une autre façon aussi d'avancer !

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Les Nuits Musicales du Suquet 2013

Publié le par Bernard Oheix

Les Nuits Musicales du Suquet ont offert des soirées bien atypiques en cette édition 2013, et si certains mélomanes ne se reconnaissent pas toujours dans les programmes proposés, d’autres s’y retrouvent malgré tout et une partie du public vient pour la rareté et l’émotion d’un Festival qui se démarque des manifestations du même format. Tous les Festivals classiques tentent de se régénérer, mais ce n’est jamais facile... Cette année, une partie du public purement classique a snobé les propositions pourtant bien alléchantes. A cela, ajoutons le cataclysme d’un mois de juillet sur la côte boudé par les touristes avec des taux de fréquentations des hôtels en chute libre (autour de 40 à 50% en moins que l’année dernière. Résultat, une fréquentation moins bonne et des rentrées financières écornées !

Mais bon, c’est la crise, et il n’y a pas de raison qu’elle ne touche que les pauvres !

Au programme de cette année :

Cyprien Katsaris en ouverture, c’est un symbole de ce que je tente de faire dans ce Festival classique : régénérer les codes, ouvrir des portes entre les genres et rendre la musique classique plus humaine, plus proche de notre environnement et de nos préoccupations. Voilà bien un grand pianiste qui ose transgresser les rituels du récital. Dans un savant dosage entre improvisations, découvertes de morceaux rarissimes et d’oeuvres plus larges, il excelle dans la pédagogie, l’éclairage didactique des oeuvres en les re-situant dans leur contexte. Il fait aimer la musique classique en la rendant vivante ! C’est en plus un homme adorable, plein de prévenance et d’attention.

Cette année, opération ambitieuse autour de Albert Camus. Un hommage rendu en musiques et en textes avec L’Orchestre de Cannes dirigé par Philippe Bender en support et Marthe Villallonga lisant des extraits du Premier Homme, ce roman au destin funeste, retrouvé inachevé après la mort de son auteur. Un roman ou tout son génie s’exprime avec les failles d’une construction inachevée pour nous faire comprendre la genèse d’un chef d’oeuvre.. En 2ème partie, la voix envoutante de Daniel Mesguich nous emportera sur les traces d’un «instit» du bled, une nouvelle déchirante, L’Hôte tirée de L’exil et le Royaume avec en prime, les images de la BD que Jacques Ferrandez a tirée de cette nouvelle, projetées sur les pierres du fronton de l’église dnas la nuit étoilée. C’est tout le drame de la Guerre d’Algérie qui se trouve en filigrane de cette histoire qui finit comme une tragédie antique. Une soirée fascinante.

La Carte Blanche à mon ami, Michael Guttman, Directeur du Festival de Pietrasanta, nous aura permis d’assister au concert d’un maître du Clavier, Boris Berezovsky, dans un programme russe ou il excelle.

J’attendais beaucoup de Mozart versus Salieri. Cette confrontation en musique tentant de mettre en regard leurs oeuvres manquait cruellement de pédagogie et d’explications pour que cette musique baroque de cour puisse s’épanouir. Dommage, car il fait nul doute que si l’histoire a quelque peu maltraité Salieri, il n’en reste pas moins que le génie d’un Mozart ne pouvait tolérer la moindre ombre ! Au passage, cassons le mythe d’un vieux Salieri accroché au pouvoir contre le jeune prodige. Seules six petites années les séparaient, tout comme en terme de précocité, Salieri n’avait rien à envier au jeune Mozart lui qui, dès l’âge de 13 ans, composa ses premières oeuvres... Mais voilà, l’histoire choisit toujours ses vainqueurs !

L’Hommage à Mikis Théodorakis fut émouvant. Un homme plusieurs fois revenu de l’enfer, donné pour mort plusieurs fois, enterré vivant deux fois, engagé de tous les combats pour la démocratie et qui eut le temps d’accumuler une oeuvre gigantesque dans tous les registres de la musique, du classique au sacré, du populaire à la musique folklorique. Et tout cela en en plus de ses activités sociales et politiques. Théodorakis un mythe en Grèce, qui en a bien besoin, même s’il est désormais un vieil homme !

C’est dans les chansons, (il en a écrit plus d’un millier), que son génie s’est imposé, partant sur des mélodies sophistiquées mais accessibles à tous, avec des textes d’une grande profondeur. Toutefois, cette création pour le Festival aurait gagné encore à la mise en valeur de quelques instrumentaux, et à une construction plus harmonieuse. Il n’empêche, que malgré ces petites réserves, le public ovationna le groupe et qu’un «sirtaki» endiablé vint secouer les gradins dans un rappel de folie.

Tout comme pour La Sinfonia Flamenca, de mon ami Juan Carmona, dont j’avais eu l’honneur de créer le premier mouvement, (il a 10 ans, déjà !) et qui fut présentée enfin, après avoir été jouée dans le monde entier, dans son intégralité à Cannes, son berceau. Accompagnée par l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, cette symphonie mêle les codes de la musique savante avec ceux de la musique d’instinct du Flamenco. Juan Carmona est un grand monsieur, un artiste de la guitare, un visionnaire qui a su canaliser toute l’énergie de sa performance d'interprète pour donner une oeuvre composée sensuelle, à mi chemin entre une cérémonie profane et un récital sacré. Pour achever cette soirée de clôture, son groupe de Flamenco où rayonnait Jésus Carmona (un homonyme du compositeur, danseur de formation classique, adonis de la «talonnade» et roi du jeter de jambe) vint enthousiasmer le public, et achever en apothéose cette série de concerts.

A noter dans les concerts découvertes de 19h la performance de David Levy, un talentueux pianiste cannois, dans un programme de musique espagnole, qui a gagné à cette occasion, le droit de revenir en deuxième édition, sur la grande scène ! Et n’oublions pas Forabandit, l’incroyable trio composé d’un occitan, Sam Karpiena, voix et mandolocelle, Ulas Ozdemir, un turque au Baglama et au chant, et Bijan Chemirami, un iranien au zarb et percussions. Ce groupe envoutant venu des horizons de la Méditerranée, nous emporte dans des ballades dont on garde l’empreinte au fond de nous, comme un rappel entêtant d’une musique qui plonge ses racines dans notre inconscient d’homme libre !

Et pour finir, chapeau aux jeunes solistes de la région, John Gade (piano) et Dorian Rambaud (violon) et à Riccardo Caramella qui nous a proposé une soirée pour enfants avec les ineffables Babar et Pierre et le Loup servis par la belle récitante Maria Alberta Navello devant, pour la première fois, aux Nuits Musicales du Suquet, un parterre d’enfants éblouis !

Voilà une édition de plus ! Les résultats moyens en terme de fréquentation, compensés par une grande adhésion du public et un renouvellement partiel des spectateurs, nous projettent vers l’avenir, la saison 2014 où je vous retrouverai au paradis, tout là haut près des étoiles, entre les cris des sternes et les cornes des bateaux, sur la colline du Suquet... à Cannes, pour toujours !

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Spectacles à Montréal

Publié le par Bernard Oheix

Pléiade de jeunes Français dans ce Juste pour Rire de l’été 2013, par une canicule épouvantable, à faire rêver de se tapir dans les salles climatisées du Quartier des Arts, le plus longtemps possible.....

Deux volets, Zoofest, avec les jeunes pousses françaises en stand-up, souvent passées par Le Jamel Comédy Club, et une cohorte de comiques Québécois, pour 100 spectacles découverte, et le grand Festival Juste Pour Rire avec ses galas réunissant autour d’un thème unique (la sexualité, le sport, l’argent, la loose...), le gratin des humoristes de la Belle Province, mais aussi des shows enlevés et des comiques en série auxquels il faut rajouter les scènes en extérieur, gratuites, tous les jours, exercices casse gueule pour certains en train de chercher une page de notoriété dans la Ville du Rire.

Et tous cela en 15 jours de folie, au milieu d’autres manifestations (Festival du Cirque, Nuits d’Afrique, Festival de Cinéma...), dans un quartier grand comme un demi arrondissement parisien, au milieu d’une foule asphyxiante !

Bienvenue à Montréal !

Petite revue parmi la trentaine d’artistes visionnés !

En ce qui concerne nos jeunes Français, mention spéciale à Greg Romano, Dédo, Mohamed Nouar et Alban Ivanov.

Greg Romano, un niçois, impose un personnage en auto-dérision, à la limite du bon gout, exercice sur le fil qui peut à tout instant basculer dans le fou rire ou dans le «bide»...Il aura quelques moments de gloire à se souvenir ! Dédo, le Prince des Ténèbres, fait dans le noir et le caustique, tout en grincements et en rictus, un spectacle construit en interaction avec le public, sans filets, où il projette ses angoisses. Mohamed Nouar est l’arabe élégant et sarcastique, décalage permanent entre ce qu’il est sensé représenter et ce qu’il joue avec beaucoup de subtilité. Alban Ivanov lui, joue de son corps maladroit et mime beaucoup, scène d’anthologie avec un sac de farine dans lequel il plonge sa tête en une parodie d’un «Scarface» dont beaucoup se souviendront !

Dans tous ces comiques dont on entendra parler, mes deux coups de coeur vont à Bun Hay Mean et à Claudia Tagbo.

Bun Hay Mean est un chinois survolté, il a une énergie phénoménale, se tire de toutes les situations, entraine le public avec lui jusqu’à plonger littéralement dans la foule. Il est sans limites. Avec lui, les Vietnamiens deviennent les Arabes de l’Asie, les Chinois colonisent l’Afrique et les légendes poussent comme des feuilles sur des branches de bananiers. C’est un vrai grand, retenez son nom ! C’est en plus, un homme adorable, plein de tact et d’interrogations.

Quant à Claudia Tagbo, respect ! Elle est noire, petite, de grosses fesses dont elle joue avec dérision. Elle utilise son corps comme un tableau noir pour y inscrire les contours d’un paysage imaginaire. Sa face s’illumine, elle roule des yeux, tire la langue, danse, mime, et entre les traditions africaines, la place du père, l’éducation des enfants et sa vie sentimentale, tout passe à la moulinette des idées toutes faites, des images convenues et se termine en un immense concert avec le public. Attention, succès et rires garantis !

Dans les grands shows, il faut noter une comédie musicale qui débarquera en France l’an prochain et dont vous entendrez parler. Hairspray, replonge dans les années soixante, la ségrégation et l’ambiance «high school». Une jeune adolescente corpulente devient une star de la danse grâce à ses amis «blacks» dans un Baltimore plein de préjugés, entre les «bimbos» blondes racistes et celles qui vont se décoincer et trouver l’amour et la vie !

Plaisant, dans une belle mise en scène qui met en valeur une très belle distribution d’artistes chantant, dansant et jouant à la perfection, un vrai moment de détente.

Signalons la présence de Die Mobiles, jeu d’ombres sur des corps qui se désarticulent et recomposent une réalité mouvante, les vainqueurs de l’émission «Incroyable Talent» dont Gilbert Rozon, le capitaine du navire Juste Pour Rire est un membre du Jury particulièrement caustique et actif !

Et comment ne pas signaler le Gala Komedy Majic Show qui réunit autour d’Arturo Brachetti des magiciens dans un processus décalé et atypique ! Un angle de vision déjanté, entre la prouesse des numéros et une présentation toute en humour, enchaînement virevoltant et surprenant qui permet de rire en s’émerveillant. Brachetti reste un grand enfant, apte à s’enthousiasmer et à entrainer le public dans son monde d’illusions !

Signalons un excellent «Gala de la Loose» présenté par Jean-Luc Lemoine et Simon Gouache, un Québécois dont le talent acide est au service d’une charge contre les Français et les Parisiens à donner envie de lui répondre par l’humour.

Pour ce faire, il suffit de l’envoyer assister au spectacle des Pic-Bois, «Corps à corps avec frite et moule», une troupe locale déjantée dans un spectacle sur le corps et le sexe à faire hurler de mauvais gout et de médiocrité. Ce show manifestement est un «hénaurme» succès la-bas et concurrence l’accident industriel du Festival, une pièce de théâtre, Un homme, deux patrons, tiré avec beaucoup de cheveux d’une oeuvre de Carlo Goldoni, dans une mise en scène indigente et le vide abyssal d’une agitation épileptique d’acteurs à la dérive !

Comme quoi, même chez nos cousins entreprenants et dynamiques du Québec, la perfection plonge parfois dans la misère de l’échec !

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Montréal is a festival !

Publié le par Bernard Oheix

Montréal en juillet a la Festimania aiguë, un délire apocalyptique où se télescopent un nombre incalculable de manifestations dans un choc culturel sans égal. Entre le Jazz à Montréal, Juste Pour Rire et Zoofest, Les Nuits Africaines et le Festival du Cirque, Festival du Film Fantastique, de la Pyrotechnie et autre Juste pour Jouer...

Le centre de la Ville est transformé en agora permanente où se succèdent concerts gratuits devant des dizaines milliers de personnes, animations de rue, démonstrations de danse où cavalcades d’échassiers sous un soleil de plomb ou un orage violent, c’est selon !

Dès la fin du Festival de Jazz, le lendemain, une équipe de 100 personnes fait table rase des scènes installées aux carrefours des artères d’un centre ville interdit à la circulation. Le quartier des Arts porte bien son nom ! De grosses machines drainant des dizaines de milliers de personnes (Wax Tailor, Amadou et Maryam, ...) s’y sont succédées, complété par des bluesmens tout droit sortis de leur bayous, des canadiens avec leurs violons et leurs accordéons, des fanfares balkaniques, un délire hallucinant complété par des concerts payants dans la vingtaine de salles qui offrent un panorama incroyable de la musique actuelle.

200 personnes avec leur tenue jaune JPR (Juste pour Rire dont le boss est Gilbert Rozon) envahissent alors les lieux pour bâtir d’autres échafaudages, des scènes circassiennes, aménager des lieux atypiques, suspendre des filins d’acier dans les airs, accrocher des formes fantomatiques aux réverbères, ériger un restaurant «Bouffons Montréal»dans des cabanes peinturlurées avec un service humoristique à la carte...en sus de la poutine !

Un délire permanent, une inventivité et une dynamique de la dynamite pure. En 22 ans de parcours Cannois, ayant vécu au coeur du Palais des Festivals pendant des saisons chargées d’évènements majeurs en tant que Directeur de l’Evènementiel, jamais je n’ai vécu une telle sensation de dépassement par la culture du mouvement, eu cette impression étrange d’être immergé par un climat où tout est possible, imaginable. Ivresse de l’action.

Il faudrait sans doute se poser de nombreuses questions. Comment et pourquoi en arriver-là, combien cela coûte, quelles sont les retombées d’un tel investissement, qui gagne et quoi ?

Il n’empêche ! Cela mérite vraiment d’être vécu de l’intérieur !

Après 12 jours de ce rythme effréné, j’ai assisté à 12 spectacles en salle, 6 concerts en plein air, mangé 35 hamburgers insupportables et bu 12 hectolitres d’un café qui n’en porte que le nom !

Et ce n’est qu’un début car aujourd’hui, Juste Pour Jouer, la manifestation dont je suis le consultant pour Gilbert Rozon, entame son parcours sur les fonds baptismaux de cette orgie évènementielle.

Le bébé est un peu rachitique, certes, il a bien failli naître mort-né... mais quelques fées veillaient autour de lui et s’il survit à son premier cri, on en fera un bel athlète apte à remporter une médaille d’or aux jeux olympiques de Montréal !

Et sans dopage s’il vous plait !

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Aphorismes Oheixiens (3)

Publié le par Bernard Oheix

2 heures du matin à Montréal. Au moment de m'endormir, une vague phrase commence à tourner dans ma tête. Je sais qu'elle ne me lâchera plus, alors autant rallumer l'ordinateur et la coucher par écrit.

En cette période d'examens, voici donc mon aphorisme personnel, en hommage à tous ceux tentent de décrypter la réalité au prix de leur sueur et d'heures à se morfondre en lisant derrière les lignes.

L'échec n'est qu'une des facettes de la réussite.

Que l'on peut compléter par celui-ci :

La réussite est le produit de ses propres échecs.

Bon, à vous de réfléchir désormais ! Moi, je vais enfin pouvoir m'assoupir et c'est vraiment une réussite !

PS : espérons que ces aphorismes soient vraiment originaux...

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La Nuit de la Tchache

Publié le par Bernard Oheix

C’était en mai... Chantal Veuillet, mon amie et ancienne collaboratrice, à l’époque où j’étais Directeur de la MJC de Bourg en Bresse (prononcer Bourk !) de 1980 à 1986, m’avait contacté il y a 6 mois afin de reprendre une manifestation que j’avais créé à la fin des années 80 à Mougins, la Nuit de la Tchatche, (bien avant la mode des matches d’improvisation) dans le cadre d’un Festival organisé par la Ville, «C’est pas sérieux». Vous imaginez, c’est pas sérieux... alors j’ai foncé comme un taureau devant un chiffon rouge !

Et après une période de préparation par skype et mails, je me suis retrouvé avec l’équipe actuelle de la MJC, en train de «monter» cette Nuit de la Tchache pour les Burgiens. Une co-présentatrice efficace, Christine, et quelques séances de travail pour se régler me font arriver le vendredi et le samedi, tous réunis au QG des bobos locaux, «Chez Jeanne», nous travaillons au filage de la soirée du lundi quand, levant la tête, je vois apparaître mes enfants, tout droit descendus de Paris en nous faisant la surprise. Heureux !

Nous décidons de manger tous ensemble le soir, dans un restaurant en dehors de la Ville et sommes tombés alors dans le plus beau des traquenards comme de grands benêts que nous restons et resterons à jamais !

A l’entrée du restaurant, toute la bande des jeunes de l’époque qui constituaient ma «task-force» nous attendait pour une haie d’honneur, Thérèse et moi. Une fête de retrouvailles au parfum de l’amitié. Surprise, surprise. Tous ceux qui avaient investit la MJC quand je leur avais tendu la main, et que j’avais perdu de vue depuis 25 ans, étaient présents pour une «boum des anciens !».

Emotion. J’étais arrivé en septembre 1980, Directeur de mon premier poste et j’avais trouvé un bâtiment sain dans une ville propre...mais qui sentait un peu le renfermé militant, le sérieux à tous les étages !

Alors j’avais ouvert les fenêtres et la porte à tous ces jeunes de 20/25 ans qui n’attendaient que cela et nous avons vécu ensemble 6 ans de créativité et d’un réel bonheur de faire et défaire la vie culturelle Bressane ! Et cela avait marché !

La soirée fut délicieuse et l’émotion réelle des retrouvailles comme une madeleine douce aux saveurs de la fraternité.

la «Nuit de la tchache» fut une immense réussite, mais de cela nous reparlerons dans un prochain article...

Et en attendant, imaginer que ces hommes et femmes d’âge plus que certain désormais, puissent avoir l’envie de revenir, de loin souvent, Grenoble, Annecy... sur les lieux de nos crimes, uniquement dans le but de se retrouver, nous a donné la certitude d’un bonheur à portée de mains, d’une justification, si besoin été, d’avoir partagé quelque chose de si fort et si intense, comme un bonheur qui submerge et donne une raison d’être à ce qui fut notre jeunesse.

Je n’avais que quelques années de plus que la plupart d’entre eux, ils m’ont rattrapé, mais nous avons toujours tous 20 ans dans le coeur.

C’est Chantal Veuillet et Pascal Ainardi qui avaient élaboré ce beau traquenard avec la complicité de mes enfants et de ma belle soeur ! Grâce soit rendue à tous ceux qui le méritent.

je me devais de me fendre d’une lettre. La voici donc !

Cher(e)s ami(e)s,

Comment vous décrire l’incroyable moment d’émotions qui nous a étreint à la seule vue de vos visages (certes un peu corrodés et avilis par le temps) mais aux regards encore si juvéniles. Thérèse et moi avons vraiment plongé dans un maelström de souvenirs, d’images, de petits riens et d’un grand tout qui caractérisent ces quelques années où nous sommes côtoyés, aimés, engueulés et pendant lesquelles nous avons transformé le monde...de Bourg en Bresse sûrement, beaucoup moins, hélas, de la France !

Vous avez fait l’effort de venir en la capitale de la Bresse quelques heures seulement pour retrouver le souffle ténu de nos rêves, quand on était jeune et que rien ne nous semblait impossible.

J’étais sous le coup de l’émotion lors de mon discours totalement improvisé (et pour cause !) et j’ai peur de ne pas avoir assez fait transparaître ce que représente ce moment unique de notre vie, d’insouciance et de sérieux, de passion et de création, avant tout, ce compagnonnage qui nous a permis de nous retrouver, près de 30 années après, comme si le désir d’être ensemble ne nous avait jamais quitté.

Bien sûr, il y a eu la vie, les distances, les chemins du coeur et du portefeuille qui nous ont séparés...mais combien de fois, un peu ivre, au sommet (!!) de ma gloire dans un Palais des Festivals où j’ai pu accomplir d’autres rêves, me suis-je remémoré ces heures de passions Burgiennes, cette légèreté incroyable, cet engagement sans réserve permis parce que nous étions si forts tous ensemble !

Ces ingrédients, je ne les ai jamais retrouvés ailleurs. J’ai produit les plus grands artistes, organisé des Festivals avec des moyens inconcevables, programmé 100 jours spectacles à l’année pendant 20 ans d’une vie culturelle Cannoise intense. J’ai créé les saisons «Sortir à Cannes», remonté le festival de la Pyrotechnie, développé le Festival des Jeux pour finir en apothéose avec les 20 girls du Crazy Horse (elles m’ont toutes embrassées pour le réveillon du 31 décembre 2012)...

Mais dans mes souvenirs, c’est bien la nuit de l’horreur et du polar réalisés avec des bouts de ficelle qui trônent, ce sont les éditions de SAC 1 et 2 (pourquoi donc cela s’est-il arrêté ?), le concert de Patrick Abrial, le mois Italien... c’est aussi le «hamburger» spécial de Michel Hutinel que nous dévorions entre midi et deux heures en refaisant le monde, entre deux réunions de la commission d’animation où Dominique Gauthier, Mylène et les autres s’escrimaient à inventer l’impossible en empruntant les chemins les plus tortueux, les réunions du CA avec la Mère Touton et le saucisson et le pinard à la fin en récompense, Mamie Crépon et son papier noir scotché sur les murs de la MJC, le jeune objecteur de conscience aux cheveux d’or, fier comme un bar-tabac d’être avec les grands pour s’occuper des petits, Kiki le chanteur rockeur et Chantal que j’ai embauché parce qu’elle était comme un double et que j’ai même tenté de la former... ai-je réussi ? (Apparemment oui au vu de ce brillant week-end qu’elle a organisé pour moi !), Pascal, le grand décalé marginal aux mains d’or (et c’était bien avant qu’il ne transforme mon grenier en un loft qui vous attend !) qui s’est inscrit dans le temps comme une valeur si sûre et indispensable pour notre groupe, et Jean-Claude Gayet, l’inaltérable pilier de la MJC, celui qui nettoyait (au propre comme au figuré) toutes les conneries que nous nous ingénions à concocter, et les Petitpoisson, mes amis, avec une pensée particulière pour Danielle qui a accepté d’enterrer les ombres du passé pour ne garder que la lumière, et toute la famille, mes enfants Julien et Angéla, et Sarah, les neveux et la belle soeur présents comme un cadeau sur cette soirée surprise-surprise...et les conjoints qui se sont intégrés avec tant d’harmonie...et les gens de l’AGLCA, et tous les autres, même ceux qui ont disparu...les Michon, Bernard, Maryvonne et autres Cayot, Autelain, Veylon, Durafour... Toute cette famille improbable du coeur ! Et je ne cite pas tout le monde mais ils sont présents dans les «greniers de la mémoire !!!» (le nom de notre première exposition !). Remember for ever !

Il semblerait que la Nuit de la Tchatche ai eu un certain succès...(n’est-ce point Christine ?) aussi vous propose-je de nous retrouver l’an prochain pour deux jours. Le premier sera consacré aux anciens combattants avec, par exemple une randonnée et un pique-nique dans la journée et en soirée, un repas dans un lieu adapté où je vous imposerai une épreuve : raconter au moins une anecdote qui vous a particulièrement marquée sur cette période... (et si possible qu’elle tourne en dérision l’un d’entre nous !). Vous avez un an pour la travailler ! Attention, ce sera filmé et enregistré ! Le deuxième jour, on assisterait à la nuit de la Tchache, version deux.

A priori ce serait sur un week-end d’avril... Challenge relevé ? Je n’aimerais pas vous reperdre pour 30 ans !

C’est aussi pour cette raison, qu’avec Thérèse, nous avons décidé d’offrir à chacun d’entre-vous un séjour à Cannes pour 3 jours (et plus si affinités !), dans notre loft aménagé par Pascal, les pieds dans l’eau avec la plus belle des piscines, la Méditerranée...si possible pas tous en même temps et pas pendant le mois de mai du Festival du Film, on est complet jusqu’en 2018 !

Voilà, on vous aime et on vous aimera toujours et pour finir, un grand coup de chapeau à Chantal Veuillet et Pascal Ainardi qui ont su trouver le courage de canaliser toutes ces énergies si positives au service de la plus belle des causes, celle de l’amitié.

La vie est belle de vous avoir retrouvés.

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Mon festival du Film 2013.

Publié le par Bernard Oheix

MON FESTIVAL DU FILM....2013

Premier Festival de l’ère de la retraite... Terminé le badge Directeur du Palais, passer devant tout le monde, entrer par les «artistes», faire les empreintes des stars (Ah ! Kim Basinger !)... Etre in...

Place à l’anonymat des longues heures d’attente dans des files interminables, à la cohue pour se battre afin d’obtenir un siège bien placé, aux regards scrutateurs des cerbères sur le badge cinéphile suspendu à la poitrine comme une prothèse permanente... Etre out...

Et vous savez quoi, j’ai aimé mon Festival du Film 2013 et ces 37 films ingérés à raison de 3 à 4 par journée. Détaché de toutes contingences autres que celle d’une maison pleine (3 corses, 1 allemand, 2 enfants, quelques neveux et 1 marocain...), hôtel California, complet... mais si vivant ! Quand on est heureux, on partage ce bonheur. Quand on a la chance d’être dans la ville du cinéma en étant cinéphile, on s’offre le plaisir extrême d’aller à la découverte du monde par des pellicules interposées, entouré d’une famille recomposée, dans un happening cinématographique que même le mauvais temps ne peut entraver.

Etre heureux et donner du bonheur en en recevant, c’est cela mon festival de 37 films concentrés en deux salles périphériques, la MJC Picaud et la salle de la Licorne et un jardin de La Bocca.

Cette année, disons-le, ce fut un très bon crû, même s’il a manqué un chef d’oeuvre pour parachever ces 12 jours de folie. Beaucoup de très beaux films, passionnants, sur des sujets attractifs, comme si le coeur de l’homme venait battre à notre porte, avec des résonances étranges qui créent des parenthèses dans des univers improbables.

Deux thèmes se sont taillés la part du lion. Le premier est celui de l’homosexualité décliné dans toutes ses variantes, rebondissant d’un Libérace à La vie d’Adèle, la Palme d’Or, de films tragiques en comédies, de scènes très crues en esthétique suggestive. Le monde en ébullition des manifestations contre le mariage pour tous résonnait comme un écho délétère de ce mouvement d’idées traversant toutes les cultures de nombre pays. Et quand on ne transgresse pas le genre, alors, on dispense son corps comme une monnaie d’échange, tel la jeune fille de Jeune et Jolie de François Ozon qui se prostitue pour combler un vide, et parce qu’il n’y a plus de repères entre son corps et la «marchandisation» de son sexe, ou l’on construit sa vie sur une imposture, comme le remarquable et jouissif Les garçons et Guillaume, à table de Guillaume Gallienne, hilarante comédie où le garçon élevé pour être une fille et aimer les garçons, s’aperçoit qu’il aime les filles et pas les garçons !

Le deuxième est paradoxal puisqu’il concerne l’enfance et la filiation. De la naissance à l’adolescence, le poupon fut roi en ce festival de la recherche d’une filiation impossible. Sujet au coeur du japonais Kore-Eda Hirokazu, Tel père, tel fils, justement primé, qui tranchera pour la loi du coeur contre celle du sang, pour les liens de l’amour contre ceux plus hypothétiques du gène. Il y eut de fréquentes naissances, des bébés fripés grandissant pour devenir des enfants maladroits, sous l’oeil d’une caméra inquisitoire saisissant les rapports tendus entre adultes et enfants (Ilo, Ilo du singapourien Anthony Chen entre une servante philippine et un enfant roi insupportable, les rapports père-fille du magnifique et très cinéphilique Michael Kohlhaas de Arnaud des Pallières, l’ambigüe relation entre une petite fille et le docteur nazi Menguele dans l’émouvant et saisissant Wakolda de l’argentine Lucia Puenzo).

Mais dans ce déluge de scénarii, d’histoires renvoyant souvent à la réalité d’un monde en crise où les plus faibles (les pauvres et les jeunes) sont broyés par la violence (l’incroyable la Jaula de oro, de Quemada-Diez, épopée tragique par les trains poussifs chargés d’émigrants qui mènent 4 jeunes des bidonvilles du Guatémala au «paradis» des Etats-Unis, (un seul survivra), Omar de Hany Abu-Assad, ou l’impossible survie de 3 jeunes palestiniens plongés par l’absurdité d’une terre occupée qui sécrète sa propre violence et broie les individus, The Selfish Giant de Clio Barnard quand deux jeunes exclus du système anglais dévoilent l’intolérable misère de ceux qui restent en marge et survivent des miettes du festin de la société.

Et maintenant donc, passons à quelques aspects particuliers de ces films en miroir. Des éléments qui surgissent au fil des heures de projections, qui se renvoient la balle et que l’on retrouve comme en leitmotiv. 5 tics sont apparus pour constituer un alphabet improbable de l’année 2013. Signalons que pour avoir l’honneur de figurer dans ce palmarès, il faut avoir été repérés 5 fois dans 5 films différents, dûment constatés par une cour de justice assermentée composée de l’ensemble des résident de mon «hôtel California».

  1. En 2013, on urine énormément dans le 7ème Art. Homme comme femme, avec des jets puissants, des commentaires acerbes (c’est les chutes du Niagara), dans toutes les positions, en devant de scène ou en arrière plan. Les «pisseurs» ont manifestement pris le pouvoir contre les «déféqueurs».
  2. En 2013, la sonate de piano envahit la bande sonore. Parfois, elle déborde même et s’insère comme un élément de l’image, les interprètes maniant le clavier comme moi, une boîte à outils, avec une certaine nonchalance et un immense talent. Les états d’âmes torturés des protagonistes retrouvent en contrepoint du jaillissement des «urineurs» désinvoltes, les notes cristallines de Schubert, Bach, Chopin...
  3. Les Films de cette année sont très souvent découpés en saisons, voire en mois. De l’été à l’hiver, de décembre à juillet, la fuite inexorable du temps, rythmée par les sonates de pianos bien qu’entrecoupées par des jets de pisse, montre à l’évidence que la linéarité est un leurre dans un monde où s’entrechoquent les violences d’un univers sans âme.
  4. Tout n’est pas aussi noir. Même brisé et à bout de souffle, les acteurs et actrices se lavent les dents avec régularité, et même la langue d’ailleurs, dans ce monde qui nous opprime. Ne jamais aller au lit sans passer par la case brosse à dents, quelque soit l’âge du protagoniste.
  5. Mais le danger guette. Opportunément, des plans de coupe avec des nuages viennent signaler les menaces extérieures, et quand on montre des nuages à l’écran, en 2013, ils sont forcément énormes, envahissant, cumulus-nimbus aux teintes bistres. Il ne suffit pas de les voir... Ils se décident à crever mais attention, quand il pleut au cinéma à Cannes, forcément, il tombe des trombes d’eau, des orages cataclysmiques, qui balayent tout sur leur passage et empêche même les essuies-glaces des voitures de fonctionner. Remarquez, les cinéastes étaient synchrones avec la météo cannoise de ces deux semaines de Festival. Prémonition quand tu nous tiens !

Voilà donc un petit tour d’horizon des manies du crû 2013 de nos cinéastes....Il faut signaler qu’un film réussit le tour de force de conjuguer les deux thèmes et la quasi totalité des tics de l’année. Il s’agit du Chateau en Italie de la soeur de..., enfin, de Valeria Bruni Tedeschi, film au demeurant intéressant, où la cinéaste tente une auto fiction dans la lignée des deux précédents opus...mais en s’améliorant nettement. Encore un effort, Valéria, et tu l’auras ta Palme !

Reste le Palmarès, éternel sujet de controverses, les pressions imaginaires, ou pas, que sont sensés subir des juges en train d’élire les vainqueurs de cette édition dans une tambouille que ne désavouerait point un gâte-sauce réfugié dans un temple du 7ème Art culinaire.

Pour tout vous dire, je ne crois pas une seconde à un Steven Spielberg engoncé dans des choix partisans. Subjectifs certes, et c’est le propre d’un jury que d’exprimer sa sensibilité, de trancher entre les options multiples d’un agrégat de personnalités aussi diverses et prestigieuses. Forcément injuste et partial, mais reflet de leurs goûts, de leurs rencontres et de ce que d’authentiques professionnels du cinéma pensent de leur art et de son devenir.

Alors primer le mexicain Amat Escalante, Heli, mauvais film, pourquoi pas ? Reste que, même si Nebraska d’Alexander payne n’est pas un chef d’oeuvre, le prix de l’interprétation masculine à Bruce Dern, récompense une belle ballade douce amère d’un vieux père et de son fils à la recherche du temps retrouvé, moment intime de grâce et scanner de la société américaine de l’intérieur. Bérénice Béjo est excellente, mais le film Le Passé de l’iranien Asghar Farhadi méritait mieux que cette récompense en trompe l’oeil (un prix du jury me semblait plus adapté !). Tel père, Tel fils de Kore Eda Hirokazu et le Inside Llewyn Davis des frères Coen sont bien justement reconnus à leur place dans le palmarès final. Je n’ai pas vu le chinois A touch of sin de Jia Zhangke.. aussi n’en dirais-je rien, si ce n’est que le cinéma asiatique, longuement annoncé depuis des années, arrive à maturité et s’impose avec logique dans le concert général des films. Il lutte enfin à armes égales avec les cinématographies occidentales.

Des absents naturellement il y en a. Le troublant et réfrigérant Jeune et Jolie de Ozon, le Jimmy P de Desplechin, le Kohlhaas de Des Pallières... les français étaient vraiment au top niveau cette année, cocorico pour nous, il y a quand même des choses positives dans notre hexagone même si la météo est pourrie !

Reste la Palme d’Or, consécration définitive et baromètre de l’année. Je n’aurais pas misé un kopeck sur une adhésion des deux anglo-saxons (Spielberg et Kidman) sur l’opus sulfureux de Abdellatif Kéchiche, La vie d’Adèle. Raté ! Et ce n’est que justice. Même si je suis critique sur certains aspects du film, c’est une vraie oeuvre de cinéma, une plongée dans le coeur embrasé d’une jeune fille, et la force de son amour dépasse largement le strict cadre d’un amour lesbien. Elle devient universelle dans le tragique de ce qui réunit et divise un couple et les larmes amères n’ont pas besoin de sous-titres ni de commentaires pour exprimer la profondeur humaine. Alors pourquoi une certaine complaisance dans la longueur, pourquoi une redondance dans la crudité de la vision de deux corps féminins faisant l’amour ! Passion quand tu nous tiens ! Un peu d’humilité peut-être et de respect pour le travail des autres (il n’y avait même pas de générique, et que l’on ne me dise pas que c’est la faute d’un manque de temps !). Pas sûr de ce point de vue que cette Palme donne plus d’humanité au réalisateur. Mais son film restera comme un évènement, sans aucun doute le plus torturé et le plus incisif des commentaires sur la vie réelle qui tapait à notre porte dans les actualités d’un monde télévisé affichant les haines et les dissensions.

Bon, 37 films, c’est 3 de moins que mon objectif initial... Je ferai mieux l’an prochain ! Il faut juste que j’améliore mon rendement...

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Les Affres du Festivalier de base !

Publié le par Bernard Oheix

Cet article aurait dû sortir le 1er jour du festival... Problème avec mon blog aidant, le voici donc juste avant la fin du Festival...En attendant, 28 films après l'avoir écrit, il reste totalement d'actualité.

A bientôt donc !

Bon, d’accord, il pleut des trombes pour l’ouverture du 66ème Festival du Film. Mais c’est pas vraiment une surprise, il pleut à toutes les ouvertures ! Il pleut pendant le G20, il pleut toujours sur Cannes dès que les caméras du monde entier se pointent à l’horizon. A se demander comment nous pouvons conserver l’image d’une région où le soleil brille en permanence. Un micro-climat, peut-être, mais certainement pas pas quand les yeux de l’univers sont rivés sur nous. Dès que les caméras s’en retournent dans leurs pays pluvieux et venteux, alors soyez rassurés, nous on retrouve notre soleil !

Et la pluie, ce n’est pas vraiment pas le «top» pour le Festival du Film. En effet, le principe de base étant que pour un film visionné en salle, il faut passer un tiers du temps dans la queue qui est en extérieur pour y accéder, donc sous la pluie, (et sans parapluie pour ne pas avoir à le trimballer...), cela donne sur la base moyenne de 30 films d‘1H30 (ce qui est un film court dans l’esthétique médiane du Festival où le standard est de plus de 2H05 pour obtenir une palme), soit 30*30= 900 mn ou l’équivalent de 10 films sous des trombes d’eau ! De quoi être imbibé même si l’on sait qu’en général la pluie ne tombe que les jours d’ouverture et de clôture du Festival, juste pour ennuyer les organisateurs et permettre aux stars de brandir des parapluies pour affronter la montée des marches.

Il faut avouer que les marches, avec le tapis rouge, les caméras, les hallebardiers, cela en impose . Vous ne pouvez pas imaginer, les feux de la rampe éteints, combien sont déçus les touristes nippons qui déferlent en bus tout au long de l’année, en les contemplant. On les entend caqueter (en japonais) «-Comment cela, si petits ces escaliers ? pourtant, à la télé, ils sont grands, imposants, majestueux...» Et ils repartent au pays du Soleil Levant avec la certitude que l’Européen est hâbleur, menteur et fourbe, alors que l’on n’a même pas les yeux bridés, et nous taillent des croupières économiques pour se venger !

Bon, une fois dans la salle il faut trouver le bon siège. Ce n’est pas facile, les cinéphiles sont grégaires et cherchent toujours la bonne place, 1/3 de l’écran, légèrement décalé sur la gauche, meilleur angle de vision et balayage optimum de l’écran et des sous-titres dans une perception occidentale de lecture de la gauche vers la droite. Pour les arabes qui lisent de la droite vers la gauche nous conseillons d’inverser le positionnement en basculant vers la droite et pour les japonais qui lisent de haut vers le bas, de monter au balcon en central (cela uniquement s’il y a un balcon, bien naturellement). Bon, le problème c’est qu’il y a moins d’asiatiques et d’arabes que d’occidentaux et qu’on se retrouve tous dans la même zone à se battre pour ne pas être déporté vers les ailes de la salle de cinéma avec des angles de vision tellement latéraux que l’on a l’impression de voir le film à travers un prisme déformant.

Une fois que l’on est installé, on peut jouer sur son smartphone à Freecell, (mais discrètement en dissimulant l’écran, ce n’est pas toujours bien vu du vieux cinéphile de base qui est jaloux de ne pas maîtriser la technique !) même s’il est plutôt conseillé de se plonger dans les synopsis des films à venir, et cela jusqu’à ce que retentisse la musique du générique du Festival et que les lumières s’éteignent.

C’est là qu’il faut commencer à trouver une place pour ses genoux même si c’est une opération complexe et délicate. Dès que vous faites plus d‘1,72m, vous avez les genoux qui s’écrasent sur le dossier du spectateur qui vous précède. Il s’agit alors de caler vos articulations sur le fauteuil du devant pour basculer la tête sur votre propre dossier en infléchissant votre postérieur vers le rebord de votre propre siège. Il y a deux inconvénients majeur, si le spectateur qui est devant dépasse les 1,65, il occulte les sous-titres, ce qui est pénalisant pour les films Ouzbeck doublés en anglais. Le deuxième inconvénient est indépendant de la taille mais touche au volume et à la nature contondante des genoux. En général, ils font une pression sur le dos de celui qui vous précède qui a tendance à se retourner en grognant ce qui fait réagir les gens qui l’entourent, éructant des «-Chut» pour faire cesser ces bruits incongrus, ce qui entraîne tout le monde à réagir en un concert d’exclamations énervées sensées faire naître le silence... Et là, vous avez honte de votre taille et de vos genoux mal placés et contondants... De toute les façons, au bout de 20 mn, vous avez mal à vos articulations et serez dans l’obligation de changer de position, ce qui fait que tout le processus recommence et que la salle re-grogne a échéance régulière comme une bête agonisante !

Le spectateur est un étrange animal à sang chaud qui a tendance dès le 4ème jour du festival à s’endormir pendant le 3ème film de la journée (vers 15H35) sur un total moyen de 5 pellicules quotidiennes, (remarque : ce n’est pas mal, et démontre à l’évidence une résistance certaine). Il faut dire qu’un plan fixe Hongrois de 6mn32 après un pan-bagnat, c’est long. Cet assoupissement temporaire et la position inconfortable provoquent alors des ronflements intempestifs mais étrangement, même les plus sectaires des cinéphiles hésitent à réveiller un spectateur qui dort. Il y a des principes sacrés et le besoin de récupérer est une frontière que très peu s’autorisent à transgresser. Comme quoi, que vos propres genoux soit endoloris, tout le monde s’en fout, alors que les narines bruyantes du voisin n’offusquent pratiquement personne. C’est la dure réalité du festivalier.

Il y a, heureusement, la sortie du film pour reprendre ses esprits en parlant de l’oeuvre que vous avez presque vue en entier. De nombreuses méthodes vous permettront de passer à travers les gouttes d’un jugement initial toujours délicat. Imaginez que vous annonciez que le scénario est nul et que ce réalisateur est un «branquignol» (bon, c’est vrai, vous vous êtes assoupi pendant la moitié du film !) alors que tout le monde clame au génie et lui attribue d’office une Palme d’Or (c’est un sport national de décerner les Palmes d’Or à Cannes, à se demander pourquoi il y en a si peu à l’arrivée... c’est comme pour les dimensions des marches, une distorsion de l’espace-temps caractéristique de la déformation due à une consommation excessive d’écrans), et que les critiques (que l’on vomit par ailleurs), lui octroient plein de petites Palmes dans les journaux...

Bon, on a un thermomètre pour se situer intuitivement, les applaudissements ou sifflets à la fin de la projection, car à Cannes, on manifeste toujours à la fin du film et même pendant la projection, d’ailleurs.

A partir de là, vous pouvez adopter plusieurs attitudes. Soit aller à contre-courant et encenser ce que les autres ont hué, ce qui vous assure d’être au centre des débats intenses d’après projections (avec son corollaire où vous démolissez ceux que les autres ont adulé), soit vous vous inscrivez dans le droit fil de la foule et vous vous épargnez toutes arguties (cela dépend parfois du fait que vous avez faim ou envie de faire pipi, car la position assise récurrente est tyrannique pour la prostate des cinéphiles de plus de 60 ans). Dans tous les cas, vous pouvez utiliser deux ou trois fois pendant le Festival quelques arguments massues, tels la distanciation Brechtienne ou le rapport entre la forme et le fond, en veillant toutefois à ne pas systématiser ces apports sous peine d’être taxé de pédant ce qui est contradictoire avec l’image de l’intellectuel proche du peuple cinéphile que vous désirez incarner.

Il reste aussi l’attitude interrogative qui peut vous donner la stature de celui qui cherche et soupèse mais là aussi, il ne faut pas s’enferrer dans sa reproduction, car on pourrait assez rapidement vous taxer d’être incapable de juger les films et vous marginaliser dans les discussions.

Mais pour voir les films, il faut avoir des invitations... et à Cannes, ce n’est jamais gagné, même pour les plus grands. Activité principale du mois de mai, la recherche du sésame qui autorise la montée des marches s’apparente à un chemin de croix. Les badgés et les VIP ont bien une longueur d’avance mais la véritable démocratie festivalière (les places ne s’achètent pas et les puissants doivent courber l’échine devant les responsables des bureaux divers et variés qui répartissent les milliers d’invitations quotidiennes) fait que les compteurs sont régulièrement remis à zéro et que tout le monde se bat pour avoir le passeport béni. Avouons malgré tout, que dans cette démocratie, quelques commerçants Cannois de la rue d’Antibes ont une longueur d’avance sur le cinéphile de base.

Le problème malgré tout, c’est qu’une fois que vous avez obtenue, après une heure d’attente dans une file bigarrée, une invitation pour la séance qui débute deux heures après, vous refaites la queue pour accéder au film et que, c’est à ce moment précis, en général, qu’un cerbère vous bloque alors qu’il n’y a plus que douze personnes entre vous et l’entrée... car la salle est pleine ! Et parfois il pleut, en plus !

Mais Cannes, c’est Cannes et pendant quelques jours vous êtes au centre du monde, dans le temple de la cinéphilie, au coeur de toutes les tensions du monde médiatique. C’est vrai que vous ne pouvez plus circuler en ville (d’où l’utilité d’avoir une 650 bandit Suzuki vendue par des Japonais qui vous détestent parce que vous lui avez fait miroiter une montée des marches sans commune mesure avec la réalité !), que se garer (même avec un deux roues) est un cauchemar, et que vos interlocuteurs pendant ces deux semaines de folie se résumeront à des hordes de cerbères, gardiens du temple et autres forces de police qui vous imposent dans la plus grande des confusions de cheminer en dehors des clous, sur des voies qui empruntent plus à Kafka qu’à un plan de la Ville... Mais quand les marches rouges apparaissent sur l’écran de tous les désirs, que la musique (Haendel ? Water Music ?) du générique retentit et que le noir se fait complice, alors, vous pouvez vous laisser aller et entrer de plein pied dans le monde d’un imaginaire débordant, celui de tous les rêves du possible.

Et vous pourrez tout au long de l’année dire «-Oui, j’y étais au 66ème Festival du Film.» Oui, depuis 1969 et la première édition de la Quinzaine des Réalisateurs (Easy Rider et If), j’ai participé à quasiment toutes les éditions (à l’exception de mes six années d’exil Burgien). J’ai eu des badges divers, des invitations de raccroc, des entrées par les portes de sorties, des cartes de Directeur ou des fausses cartes de presse imprimées en Corse, j’ai visionné 30 à 40 films par édition même s’il y en a 400 de présentés (ce qui fait que le vrai étalon d’un Festival n’est pas le nombre de films que vous avez vus mais bien l’ensemble de ceux que vous avez ratés !), j’ai rencontré Polanski et j’ai fait les empreintes d’Antonioni, j’ai joué dans la cour des grands et subit toutes les avanies d’un cinéphile mordu par le désir d’embrasser cette fenêtre sur le monde des images. Oui j’ai discerné à chaque édition des thèmes transversaux qui, de Singapour à la Bolivie, du Niger à l’Islande, entraient en résonance pour mieux comprendre le monde, pour mieux le lire en nous rendant plus intelligent...

C’est mon Festival du Film, et il n’appartient à personne d’autre qu’à moi, et je suis heureux d’aller voir dans quelques heures le film d’ouverture, Gatsby le magnifique, même si je n’attend pas grand chose de Léonardo Di Caprio.

Alors, Vive le Cinema !

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