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Sénègal (2) : la Casamance

Publié le par Bernard Oheix

 

Départ de Dakar la mardi 10 janvier. Un port saturé dans les hurlements de la ville. Les lumières crues qui s’allument. Une nuit de bateau  pour arriver à l’aube, dans un estuaire de mangroves, une coulée bleue dans un océan vert. Quelques barques de pêcheurs sillonnent les eaux calmes. Il fait chaud, des cris d’oiseaux, d’étranges rumeurs parcourent les étendues d’eaux et de végétations se confondant.

 

Zigenchoir. L’armée en contrôle comme un rappel des troubles passés. Une route suit la côte et nous fonçons à travers  les terres à moitié immergées vers Kabrousse, un hôtel sur la plage, les pieds dans l’eau. Le bruit des vagues d’un océan placide, propreté du sable fin et immaculé.

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La plage de l'hôtel, le soir, quand les odeurs de l'océan montent dans la nuit tombante, au bruit des vagues. Et la rue principale de la capitale touristique, Cap Skering...

 

Cap Skering, ancienne ville de tourisme à l’agonie. Les bruits de la guerre ont chassé la plupart des touristes et les hôtels au luxe désuet restent désespérément vides. La vie s’écoule comme un rêve, entre les soirées chaudes, un spectacle de chorales de jeunes filles, des repas dans des « loadges » et des balades dans la journée.

Une journée extraordinaire vers l’île d’Elioubaline. Après 1h30 de pirogue, un village accroché à des lambeaux de terre, 400 personnes y vivent sans eau potable ni électricité. Dans des cases collectives en « pluvarium », (recueillant l’eau de pluie devenue une denrée rare limité à un litre par personne), des familles vivent  du poisson toute l’année et de la culture du riz pendant la saison humide.

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Pourtant, la vie existe, les enfants rient et jouent. Un vague musée des traditions ouvert aux quatre vents pour rappeler que ce peuple, chassé au siècle dernier par les guerres tribales, a élu domicile sur cette terre des confins, dans la sécurité du dénuement le plus extrême.

C’est l’Afrique du temps  révolu, quand les femmes à la pagaie vont chercher l’eau à 3 heures de canaux, quand le rythme des saisons conditionne les récoltes et la nourriture, que la vie est suspendue aux aléas des blessures et des maladies. La polygamie structure la base familiale et l’animisme règne avec ses secrets et ses mystères.

 

Conakry sera notre guide attentif. Son nom, il le tire d’une malédiction. Sa mère ne pouvant enfanter, le conseil des femmes lui jeta un sort afin de la fertiliser. Mais ce faisant, cet enfant n’appartenait plus seulement à la famille mais au village et le nom atypique symbolisait alors le refus d’attirer l’attention sur lui. En le dénommant ainsi, les sages affirment qu’il n’est qu’un objet et les dieux détournent leur colère sur d’autres enfants. Si vous rencontrez un Sénégalais qui s’appelle, Mercedes ou Peugeot, ne vous étonnez pas, sachez simplement qu’il était trop désiré et en cela, fragilisé devant les dieux. Par exemple, il ne faut jamais dire à une petite fille, devant sa mère, qu’elle est belle, mignonne et craquante…cela ne peut que rendre jaloux les divinités qui la surveillent. Alors n’hésitez pas, annoncez qu’elle est laide, mentez et sa mère sera contente !

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L’Afrique est un pays de grande culture, d’une profondeur et d’un humanisme ancrés dans le respect de la vie. Il y a moins d’insécurité la nuit à Zigenchoir que le jour sur un quai de métro parisien. Le Sénégalais est attentionné, respectueux, bien éduqué, Il a un sens profond de l’amitié et le cœur sur la main. Manger un poulet yassa dans une case, grand plat collectif où chacun se sert, dans l’intimité d’une famille qui vit dans des conditions modestes, mais vous offre de partager le peu  qu’elle possède, est une leçon de vie dont beaucoup devrait s’inspirer à l’heure ou l’individualisme forcené de nos sociétés de consommation nous pousse à nous replier et à jeter l’anathème sur l’étranger…

Que les racistes de tous poils se rendent sur le terrain, ils verront les ravages de l’impérialisme et du néocolonialisme et constateront que l’on peut rester humain, digne, même quand la faim est gardienne de votre avenir !

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SENEGAL (1) : ELECTIONS PIPEES

Publié le par Bernard Oheix

 

Petite chronique d'un voyage de 3 semaines au Sénégal... Un volet  politique, avec des élections, des manifestations et une inquiétude réelle. le syndrôme d'une Côte d'Ivoire est-il envisageable au Sénégal ?

 

Arrivé le 7 janvier à Dakar, je suis reparti du Sénégal le 28. Depuis mon atterrissage, dans toutes mes  déambulations, à travers toutes ces régions visitées d’un pays d’une beauté rare, à l’occasion des rencontres avec une population d’une étonnante qualité morale, accueillante, fière,  d’une nature fondamentalement chaleureuse et optimiste, j’entendais le leitmotiv « -Vous verrez le 27, cela va faire du bruit ! »… et cela n’a pas manqué quand la Cour Constitutionnelle rendit son verdict, les pierres se sont mises à voler, les barrages à s’édifier. Ce n’était vraiment pas une surprise pour qui avait passé 3 semaines dans ce pays et possédait le moindre sens d’une écoute des Sénégalais !

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Levons un leurre ! Le rejet de la candidature de Youssou N’Dour par la Cour Constitutionnelle n’est absolument pas un élément déterminent de la vie politique sénégalaise et n’est pour rien dans les nombreuses manifestations qui agitent le pays ! Que sa candidature ait eu un écho dans la population occidentale est une évidence au vu des nombreux articles sur ce non événement. Sur place, en Casamance comme à Thiès, à Dakar ou à Faidout, sa candidature est considérée comme une plaisanterie… On aime le chanteur, on aime l’homme… mais c’est un peu comme si Cali se présentait à la présidentielle dans quelques semaines ! Cela ferait pour le moins sourire, et c’est ce que les Sénégalais ont fait… Ils en ont même rit !

 

 

 

 

L'abomination du monument érigé par le clan "Wade". La renaissance Africaine, un hymne réalisé par la Corée du Nord, 35 m de hauteur, l'horreur du réalisme socialiste en terre sénégalaise ! 

 

Les Sénégalais ont une haute conscience politique et savent parfaitement décrypter la réalité. Ils sont nombreux à considérer que le bilan du « vieux » Président Wade n’est pas (trop) mauvais et qu’il a été globalement un bon Président. Des chemins ont été goudronnés traversant ces terres sèches, l’économie maintenue à des niveaux relativement dynamique avec des taux de croissance

 

manif 2 autour de 5 à 6%. On voit  partout des constructions émerger de terre et le bâtiment donne le tempo d’une croissance certes inégale mais bien réelle ! Et s’il y a de si nombreux Sénégalais qui se lèvent en sachant qu’ils vont devoir gagner de quoi survivre, qu’ils devront se débattre à chaque heure pour réussir à se nourrir, et cela tous les jours, ce n’est que le reflet d’une réalité qui dure depuis de longues années et qu’un certain fatalisme permet d’accepter.

Que la corruption règne est une évidence…mais c’est le degré de cette gangrène qui compte ! De ce point de vue, il n’apparaît pas que celle-ci soit plus importante que par le passé ou que celle des pays environnants !

Ce que les Sénégalais n’acceptent pas, c’est que la famille du « Vieux » tente de capter le pouvoir. Sa femme avide de reconnaissance en permanence dans son ombre, son fils imposé, venant de « l’étranger », tout le clan accroché à ses privilèges s’accaparant  l’avenir, installé dans une corruption active,  reproches fondamentaux qui sont portés contre le pouvoir en place et contre sa tentative de fuite en avant pour le conserver.

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De longue date, les Sénégalais décrivaient les avantages supposés reçus par les membres de la Cour Constitutionnelle. Une voiture 4/4, une villa, le doublement du salaire… Réalité ? Reste que tout le monde était persuadé que cette règle de deux mandats maximum, édictée par une constitution qu’il a lui-même proposée, ne serait pas appliquée par la grâce d’un quarteron de juges gangrenés et que la rue s’embraserait !

Mais le Sénégalais est profondément démocrate … On peut supposer que la contestation s’éteindra, tout en espérant que les urnes donneront tort à ceux qui tentent d’escamoter le pouvoir !

 

 

 

Les manifestations lycéennes rythment la journée. Quelques pierres volent, des fumigènes en réponse, réactions épidermiques aux désordres ambiants d'une jeunesse désabusée !

 

 

 

La France est très présente sur cette terre… Orange, Canal +, Eiffage, la BNP… sont inscrits dans le paysage quotidien… L’Afrique n’est pas sortie du piège létal d’un néocolonialisme qui la gangrène. Entre l’impérialisme économique de la France et des occidentaux (et désormais des Chinois omniprésents, rois du dumping !) et des pouvoirs corrompus adoubés par les puissances tutélaires, les richesses naturelles s’exportent hors des frontières sans retombées sur les populations locales abandonnées à leur sort.

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Et pourtant, que cette terre du Sénégal est  orgueilleuse, fière… et que ces populations sont belles avec ses enfants aux yeux en promesse d’avenir !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La belle Adama, curieuse, passionnante, ouverte, notre mascotte à Thiès !

Elle vient tous les jours après l'école à notre rencontre, elle discute, elle pose des questions, elle est l'espoir d'un pays qui souffre !

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Julien Doré

Publié le par Bernard Oheix

Petit souvenir de l'année dernière. C'était le 3 décembre. Une programmation d'un artiste qui a un univers particulier et défend une langue pleine de saveur et d'intelligence. Le premier choc viendra de l'écoute attentive de son CD avec un long poème chanté, Glenn Close, un bijou, et des morceaux qui enchaînent le cristal des mots et la précision des rythmes. Le deuxième sera provoqué par sa présence sur scène et la qualité de son jeu, de la technique, d'une harmonie et d'une dérision qui sont portées par une énergie et un tempo sans faille.

Artiste à écouter et à voir, bien loin de tous les clichés. Attachant.

 

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Un concert magnifique dans un grand auditorium chamarré, plein de couleurs et de jeunes enthousiastes. Julien Doré s'avèrera un artiste abordable, acceptant même une interview sauvage de jeunes collègiens, sans affectation, avec sincérité. Un timide extraverti, dont la retenue se libère sur scène mais qui reste humain dans les coulisses. Une belle personnalité qui saura me convaincre de sa profonde humanité.

Sur scène il virevolte, se déglingue, ose tout, se met une couronne de fleurs blanches, gesticule et se roule par terre. Il se donne sans complexe. Il est porté par des musiciens d'une extrême sensibilité, qui le suivent et sont en osmose même dans ses divagations, alternant des plages sensuelles pour déclencher un feu continu de notes exacerbées. C'est un spectacle qui refuse le formatage, invente des pas nouveaux, des moments d'une grande dérision succédant aux phrases sérieuses de poèmes étirés !

Voilà, si vous ne connaissez pas vraiment Julien Doré, et même si vous n'en avez pas vraiment le désir...Courez à son concert, vous le découvrirez dans toute sa richesse et sa complexité !

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Le Monopoly de l'Evènementiel...

Publié le par Bernard Oheix

Je t'achète le Carlton si tu me vends le Martinez sans passer par la case prison pour malversations (on connait !), heureusement que la chance est avec toi et que tu toucheras le pactole en franchissant la case départ.

165 000 000 de jeux vendus dans le monde... et moi, et moi, et moi !

Cannes, Capitale des jeux en février, 12 000 joueurs inscrits à tous les jeux imaginables venant de tous les continents, 150 000 visiteurs en famille, de toutes les origines, races, cultures, sexes, âges, réunis en une gigantesque tour de Babel où le dénominateur commun est le jeu décliné sous toutes ses formes ! Une humanité sans frontières est possible, nous l'inventons chaque année du côté de cette ville atypique de Cannes, cosmopolite, hors de toute grille d'analyse.

 

 

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Il fallait bien que la folie du jeu à Cannes se concrétise par une édition originale du Monopoly sur les lieux cannois ! Et il y en a, du Palm-Beach à la Croisette, de la Californie au marché de La Bocca... Redécouvrir ce jeu en évoluant dans sa ville, acheter des maisons dans des rues que l'on connait... Ah capitalisme primitif et sauvage, quand tu nous tiens !

Rarement un évènement aura déclenché autant d'enthousiasme...Nombre incalculable d'articles et d'interviews. Il fallut même le présenter par un beau soleil d'hiver sur les toits du Palais des Festivals et pour ce faire, nous jouâmes retrouvant rapidement, les élans de la jeunesse et l'esprit de compétition inhérent aux grands enfants que nous sommes restés. Vous dire que j'ai gagné serait quelque peu mensonger puisque c'est toute l'équipe de l'Evènementiel qui sortit victorieuse de cette partie endiablée....

Notez au passage, la beauté du cadre Cannois, le Vieux-Port en arrière plan !

 

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Sourires béats des 9 mousquetaires de l'Evènementiel. Ils sont beaux, ils sont généreux, 100 jours de spectacles dans l'année, vivre tambour battant pour le bonheur des autres, pour le plaisir de ceux qui se reconnaissent dans une culture ouverte et plurielle... Si l'on cumule les années passées ensemble, cela représente environ 150 ans de vie commune... Une éternité ? Même pas, juste un souffle d'espoir ! 

 

La vie dans l'Evènementiel Cannois est vraiment une aventure de tous les instants... Alors rendez-vous au 17 février à Cannes pour jouer à perdre haleine à être encore de grands enfants ! Et parfois, avouons-le, rester innocent est une belle condamnation !

 

 

 

 

 

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Voeux 2012

Publié le par Bernard Oheix

  
En ce 26 décembre, jour de son anniversaire et d’une fin d’année 2011, alors que se précisent à l’horizon, pour le nouveau millésime , une élection présidentielle pour la France et tout aussi capital, un départ à la retraite d’un Directeur (encore en état de marche) du Palais des Festivals de Cannes, par un temps ensoleillé et une mer d’huile, affirmant hautement son désir d’indépendance et de liberté, Bernard Oheix a le plaisir de vous transmettre ses vœux les plus sincères plongé dans sa Méditerranée chérie. 
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Du haut de son « Rocher de Bernard » situé à La Bocca, s’élançant vers l’azur tel cet ange miséricordieux qu’il tenta vainement d’incarner tout au long de sa carrière, il s’affranchit des règles de l’apesanteur afin de vous délivrer un message d’espoir :  
 « -Oui, on peut encore rêver à une harmonie universelle dans ce monde de brutes. »
 
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Bien sûr, tout n’est pas parfait à l’heure des bilans… et le rétropédalage d’un saut périlleux arrière n’est pas sans danger.  Illustration d’une vie, Bernard survivra-t-il à ce plongeon désordonné vers un destin obscur ? Demain est déjà aujourd’hui, et la retraite en chantant, un hymne invitant à la sérénité du devoir accompli ! Mais les ombres sont présentes qui tentent de l’attirer dans le gouffre de l’absence. Saura-t-il y résister ?
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 Et la sérénité vint ! Noël à la mer, janvier au Sénégal. Il y en aura encore des rencontres et des moments d’amitié, de l’humour et de l’amour, de la tendresse et du respect. Et si la culture sert à quelque chose, a la moindre utilité, alors elle lui rendra  modestement un soupçon de cette joie de vivre qui le caractérisa  jusqu'à aujourd'hui.
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Et pour conclure  : merci à Eriic Dervaux pour le reportage photos et  
Champagne et bonne année, bonne santé, plein de belles choses pour les 12 mois qui arrivent. .. A vous aussi ! 

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Italia per sempre !

Publié le par Bernard Oheix

C’était il y a plus d’un an, lors d’un voyage à Rome pour un projet de co-production du Canto General de Mikis Théodorakis. Monica Reggini, l’assistante du directeur de la Fondazione Parco della Musica, me remet en cadeaux, une série de CD produits par leur structure en guise de bienvenue. J’ai des centaines de CD's qui croupissent sur mes étagères, jamais ouverts, en attente du jour où j’aurais le temps de les glisser dans mon lecteur. Il faudra bien s'y atteler !

Dans la voiture, 3 semaines après, au cours d’un déplacement à Marseille pour visionner la dernière création de Frédéric Flamand, le Directeur du Ballet de Marseille et nouveau Directeur Artistique du Festival de la Danse. J’écoute distraitement quelques CD's, profitant de la route pour tenter de me mettre à jour. Entre un classique et un jazz, je glisse un objet étrange, L’Orchestra Popolare Italiana. Choc. J’arrête la voiture sur une aire d’autoroute et je vais ainsi m’écouter 30 mns d’une musique étrange sur ce titre « Taranta d’amore ». Secousse tellurique ! Attention...Révélation !

 

La Tarante est ainsi appelée, parce que lorsqu’une tarentule (l’araignée) vous pique, vous entrez en transe et l’écoute de cette musique du sud de l’Italie est censée vous provoquer ce même état d’abandon et de dissociation entre le corps et l’esprit. Cette transe, je l’ai réellement vécue du côté de Draguignan, entre quelques camions à l’arrêt et le flot ininterrompu de voitures fonçant sur l’A7.

De retour au bureau, je téléphone à Monica Reggini et lui demande si l’orchestre tourne et s’il est libre. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous prenons rendez-vous pour la saison d’après, presque un an à attendre. J’obtiens la présence d’une star Italienne, Carmen Consoli, que j’avais déjà accueillie il y a 5 années, et qui interprétait un morceau sublime sur le CD Tarenta d’Amore et le temps passe. Pour corser la soirée, je rajoute une première partie, Sylvia Malagugini, et me voici doté d’une belle « Nuit Italienne » pour ma dernière saison à programmer, le jour de la Fête Nationale de l’Unité Italienne.

 

Arrive donc le 10 décembre 2011. Si le public n’a pas vraiment répondu (mais où sont donc les si nombreux italiens de la Côte ?), les 400 personnes dans la salle Debussy permettent de lancer la soirée dans de bonnes conditions. Sylvia Malagugini tente de s’imposer… Elle y arrive difficilement ! En effet, son spectacle étonnant, sa représentation exigeante se dilue sur cette grande scène jonchée des instruments de musique de l’OPI. Idéal pour une scène intimiste et pour un public en communion, ses vocalises et poèmes se perdent dans l’immensité du vide de la salle, caisse sans résonnance pour une artiste de proximité. C’est beau pourtant, élégant et fort, voix puissante, entre un tour de chant et un spectacle visuel mais c’est une erreur de casting qui ne sert, ni l’artiste, ni le public.

Don't acte !

Entracte.

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Ambrogio Sparagna. Un leader branché sur une pile d'énergie. Dans une salle pas forcément acquise au départ, il va faire monter la température jusqu'à un point de fusion où tout le monde debout sera en communion avec le groupe !

 

Un musicien soufflant un son aigre dans une peau de mouton pénètre sur scène. C’est un « zampogne », sorte de cornemuse typique de la Sicile dans lequel il souffle à perdre haleine. Un immense barbu le rejoint et entonne un chant guttural en hymne d’ouverture. Voix basse et grave sur les sonorités acides du zampogne.

 L’orchestre s’installe, une douzaine d’hommes et de femmes, jeunes, beaux. Dès les premières mesures du chant inaugural, on sent une force nous aspirer. Une vraie énergie en flots tumultueux envahit l’espace. Le leader, Ambrogio Sparagna, avec son accordéon, va impulser le rythme démoniaque d’une cérémonie païenne, une bacchanale où chacun danse, soliloque, et fusionne avec les autres. C’est un son puissant, qui évolue en boucles qui se resserrent, se confrontent et débouchent sur une explosion générale. Comme un boulet que l’on projette vers le spectateur et qui s'accélère au lieu de s’épuiser, qui prend son envol jusqu‘à percuter le public de plein fouet.

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Avec son tambourin, elle va introduire un moment de pure poésie, une claque pour ceux qui pensent que la sophistication et la quantité de matériel sont indispensables pour créer l'émotion !

 

Des moments inoubliables vont se succéder dont un solo de tambourin à faire oublier la réalité de cet instrument. Variations infinies entre la percussion et une « base » de frottements qui sécrètent des sons étirés, véritable synthèse entre le coup et le « glissando », 10 minutes de jouissance. Tous vont chanter, de belles voix fortes qui tirent les sons, qui attirent les notes s’agrégeant en torrents qui peuplent le silence d’une mémoire ancestrale. Beaucoup danseront, sautillant sur scène dans des chorégraphies qui épousent les rythmes syncopés des mélodies.

C’est une formidable soirée où se conjuguent la tradition séculaire d’une Italie du Sud et la modernité d’une mise en scène sans concessions, sans facilités, tournée vers la communion et le partage avec le public.

 

Et quand Carmen Consoli entrera dans le cône de lumière, seule avec sa guitare et sa voix rauque, un frisson va courir dans la salle depuis longtemps conquise. Ambrogio Sparagna viendra la rejoindre pour un « chiami-rispondi » entre leurs voix et leurs instruments. En final, elle interprétera avec l’ensemble des musiciens, un morceau sublime de beauté, un opéra moderne, un bijou ciselé de toute l’humanité d’une soirée hors du commun.

 

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  La belle et troublante Carmen Consoli. Une voix à faire chavirer la salle. Nous sommes tous des Italiens !

 

Italien ou pas, en ce 10 décembre 2011, il fallait se trouver du côté de Cannes, dans un Palais des Festivals transformé en auditorium de toutes les cultures, de toutes les facettes de la magie musicale d’un art populaire authentique, quand la tradition bien comprise débouche sur la modernité et que le talent nous offre l’éternité !

 

PS : les photos sont de mon pote Eriiic Derveaux !

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Système Castafiore

Publié le par Bernard Oheix

 

LES CHANTS DE L'UMAI 

Voici donc la création 2011 de cette compagnie de danse atypique, perchée sur les hauteurs de la ville de Grasse, oeuvrant aux quatre vents de tous les espoirs. Un solo de Marcia Barcellos sur une heure. Vous avez dit « casse-gueule » ?

Exercice obligé ou véritable projet artistique ? Délire mégalomaniaque ou contrainte économique ?

Disons-le une fois pour toute afin de clore le débat : ce spectacle est un chef d’œuvre, un conte enchanteur situé dans un étrange monde souterrain conçu par des visionnaires, partagé entre la magie d’un Méliès et la puissance d’un Matrix…ou quand la haute technologie qui nous enserre dans ses fils devient le contrepoint d’une ode à la liberté.

Marcia est sublime, troublante, captivante et Karl lui offre un superbe chant d’amour, une lettre ouverte à toutes les passions. Couple dans la vie, égérie dans la création. Equilibre entre l’imagination brutale et étrange d’un Karl Biscuit et la grâce d’une chorégraphe traçant les chemins d’une démarche personnelle, pas de côté, chassés entre l’élégance classique et les formes extrêmes d’une volonté de se libérer de la pesanteur. C’est tout le pari de cette équipe de création que d’inventer une scène où se pressent, tel des êtres vivants, des formes suggestives peuplant d’ombres le vide de l’espace. Extraordinaire solitude d’une héroïne de chair évoluant dans la luxuriance de fantômes absents. Procédant par des projections et des filtres qui donnent une épaisseur à l’obscurité, Marcia, dans des costumes inventés par Christian Burle, un fantastique metteur en rêve qui donne une consistance aux délires de Karl Biscuit, évolue comme si les frontières entre la réalité et la fantasmagorie venaient d’être bannies, soulignées par les lumières ciselant l’obscurité de Jérémie Diep.

Les Chants de l’Umaï est un poème en 5 chants, quatre essences plus la quintessence. C’est un parcours poétique dans l’univers d’une féminité mystérieuse, femme déesse, femme fatale, mère de toutes les origines. Chaque époque commence par une complainte que sa voix si belle, si pure (encore une découverte des trésors de Marcia !) pare d’un mystère. Et si chaque spectateur peut donner libre cours à sa propre interprétation, c’est parce que la pièce est ouverte comme le songe d’une nuit de charme, quand tout est possible, tout est envisageable, même la beauté des profondeurs de l'inconscience !

Alors merci encore à Marcia Barcellos, à Karl Biscuit, et à toute leur équipe créatrice qui ouvrent des portes dans la perception du spectateur.

 

Et pour terminer, quelques phrases tirées du dossier de présentation :

 

« Une archéologie imaginaire qui puise dans les mythes

issus de la nuit des temps.

Tellement anciens qu’il n’en subsiste aucune trace.

L’Utopie à l’envers sera notre véritable endroit.

Dans l’au delà du réel se dressent les forces de l’action

Poétique face à la désespérance du monde.

Nous chanterons la dignité de l’Homme.

Et sa révolte. »

 

« Le réel, c’est ce qui n’existe pas.

Par le non-être, saisissons le secret :

Darkness within darkness

La porte des merveilles. »

 

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Magie Africaine

Publié le par Bernard Oheix

Cela ne s'invente pas !

C'est à Nice et une publicité dont on peut penser qu'elle ne peut que convaincre. Notez ce "mondialement connu dans le quartier"

  

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En conclusion : si vous avez des problèmes de disque dur ou d'érection avec en plus un cancer de la rate...ce qui est particulièrement gênant quand vous voulez séduire votre voisine de palier si belle que vous en rêvez toutes les nuits, un seul numéro de téléphone et une carte bleue suffiront. Mamadou sera très content, et vous un peu plus pauvre mais bandant comme à vos 20 ans !!

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Guitares passions...

Publié le par Bernard Oheix

Une soirée d’exception…

Une bande de guitaristes amis, de ceux qui croisent notre chemin et restent dans le cœur, bien après que les notes se soient évanouies. Nostalgiques de Cannes Guitare Passion, un Festival que j’avais géré pendant 10 ans et dont Pierre Olivier Piccard était le directeur artistique. Des concerts d’anthologie, des rencontres, des stages et un parfum inimitable d’une culture ouverte, entre le génie des stars de la guitare et la passion d’un public d’amateurs. Pour ma dernière saison, j’avais proposé une soirée retrouvaille à tout ce beau petit monde, un cachet minimum (au moins j’étais sûr qu’ils ne viendraient pas pour l’argent !), le même pour tout le monde, un hôtel, un concert atypique dans une salle de La Bocca et une grande bouffe pour clôturer ce début de ma dernière saison culturelle. Ils ont répondu présents… Et j’ai missionné Jean-Claude Rapin, mon ami de 20 ans, de la coordination, du montage de la soirée et de la couleur de l’événement !

 

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Il y a plus de 20 ans, Bernard et Jean-Claude Rapin au Festival de la Guitare.

Et quelques années plus tard, ci-contre...comme quoi, vieillir n'est pas toujours une punition !

 

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                   

 

Et ce fut un grand moment ! Inoubliable ! 3h30 d’un show débridé devant un public qui avait rempli les 500 places de la Licorne. Toutes les facettes de la guitare, parcours atypique de blues, du rock, du classique et du flamenco, avec des artistes généreux, en dehors de tout système pour le temps d’une gigantesque « jam », une façon de faire un pied de nez au showbiz et de faire la fête à la musique... pour Bernard ! 

 

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Ils sont tous là...Pour la postérité : de gauche à droite. Michel Haumont, Vincent Absil et Michèle Barré, Mauro Serri, Patrick Rondat,Juan Carmona, Bernard Oheix, Mélodie Choir, Michael Jones, Bruno Clavel, Franck Agulhon, Jean-Claude Rapin, Daniel Yvinec

 

 

 

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Patrick Rondat, guitariste de Jean-Michel Jarre et Mauro Serri, guitare et voix chez Bill Deraime. Un duo de complicité, des envolées, quand la guitare est reine... L'un est un guitar heros qui joue tout en retenue, l'autre estoque la musique pour la faire vibrer et la ployer à sa volonté. Tous les deux sont des coeurs d'or et prennent leur plaisir de se réunir pour un set à cheval entre l'improvisation et les ficelles du métier avec le public en témoin privilégié.

 

 

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Quand la musique est belle ! Michael Jones. Un gallois au coeur de blues. Compagnon de route de JJ Goldman, il existe aussi par son réel talent de guitariste, une voix inimitable avec un phrasé rock à l'"anglaise". Il est adorable, un vrai seigneur qui ne méritait pas que son équipe de rugby perde contre la France. Jusqu'à 5 heures du matin, nous allons boire et parler de musique avec Haumont, Clavel, Absil and co.... cela me coûtera un peu de champagne, mais quel pied !

 

 

Soirée magique. Mélodie Choir, la fille de mon ami Gilles Choir, qui est parti l'an dernier pour un dernier voyage et dont cette soirée était aussi en hommage, avec le guitariste "local" Bruno Clavel, ils ouvriront le show pour un duo guitare/voix qui a du le remuer, l'autre, mon frère Gilou, sur son nuage de sérénité dans son paradis de notes. Et Vincent Absil/Michèle Barré, Absil, mon copain, ex-leader du trio Imago que j'avais découvert à la fin des années 70, le folk singer à la voix râpeuse, le fan de Dylan que j'avais programmé tant de fois. Ils ont une magnifique formule, belle voix de Michèle sur un gospel magique, percussions discrètes...Ils sont beaux sur scène et permettent le voyage vers les lointains bayous, les plaines arides d'une Amérique profonde parcourue dans une vieille Cadillac brinquebalante.

Et Michel Haumont, l'héritier du "picking" de Marcel Dadi qu'il a eu comme professeur, dont l'humour transparait dans ses interventions toutes de finesse. Notes suspendues, en équilibre, pas comme le torrent débridé et impétueux que déverse les doigts d'or du flamenquiste Juan Carmona. Encore des copains de toujours, dont la carrière a souvent échouée sur les scènes que je programmais. Symphonia Flamenca au Suquet, quel beau souvenir ! Là, en 3 morceaux, il va littéralement éblouir le public de sa virtuosité avec des créations d'une limpidité à faire briller les sons comme des perles.

Et cette rythmique incroyable assurée par le Directeur de l'Orchestre National de Jazz, Daniel Yvinec à la basse, et Franck Agulhon à la batterie.

Et les jams finales, sur un morceau que j'avais demandé, Le train de minuit de Vincent Absil et sur l'éternel Stand by me...homériques chorus, ambiance de folie dans la salle. 

 

Une vraie soirée de musique, pour ceux qui sortent des sentiers battus et aiment l'imprévisible. Quand de grands musiciens ont le désir de se rencontrer et d'ouvrir une porte sur l'inconnu, le talent en fil conducteur, le public en témoin assisté, jams débridées comme si le futur devait s'inventer dans l'urgence de l'amitié.

Voilà, c'était la fête à Bernard, et Bernard, il était heureux !

 

 

 PS : toutes les photos magnifiques sont d'Eric Derveaux, except l'incunable de Jean-Luc Rapin en post-adolescent (qu'il me pardonne le bougre !) et celle du groupe au complet sur la scène de La Licorne par le reporter officiel de Nice-Matin, Gilles Traverso.

 

 

 

 

 

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Caramella

Publié le par Bernard Oheix

Dans mon jardin, 21 septembre 2010. C’est la fête. Quelques amis pour manger et boire en célébrant la fin de l’été. Caramella Riccardo, pianiste, ami, raconteur d’histoires. Nous avions vécu une soirée étonnante ensemble, sur cette scène de la Licorne que je lui avais offerte. Il avait fait hurler de rire avec ses petites anecdotes autour des grands maîtres de l’opéra…et pleurer en interprétant des morceaux sublimes réadaptés pour le piano. Ombres et lumières. C’était il y a 3 ans et il annonçait à sa manière, la fin d’une carrière classique avec ses tournées qui l’avaient promené aux quatre coins du monde, ses concerts, hôtels, avions…Ce rituel « classique » qu’il ne supportait plus !

Mais le démon de la scène et la liberté retrouvée…Confidences. Il n’a jamais pu, malgré son désir, jouer le Concerto pour Varsovie de Richard Addinsell, une musique de film trop triviale pour les organisateurs !

Alors un projet nait de la discussion, enrichi de larges rasades d’un breuvage rosée de Provence… Et si on refaisait, pour ma dernière saison de programmateur, un ultime tour de chauffe, juste pour la route…Et cette fois-ci, le thème serait Musique et Cinéma, une façon de pouvoir enfin faire découvrir le Concerto pour Varsovie au public de Cannes.

Tope là, mon gars !

 

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Présentation enlevée. J’arrache quelques rires, je me suis mis en frais pour être à la hauteur de l’événement et donne le tempo d’entrée. Je raconte l’histoire de la naissance de cette soirée et le public décolle. Riccardo les récupère avec une suite en hommage aux Frères Lumière, enchaîne avec quelques grands thèmes (L’Arnaque, le 3ème homme, Over the Rainbow…) pour suivre avec un spécial Morricone. La soirée est lancée, il peut s’épanouir et après quelques grands thèmes classiques (Schubert, Satie, Tchaikowsky) finir la 1ère partie sur le Concerto de Varsovie. Entre temps, il aura raconté des histoires, lancé des répliques cultes, déclenché des cascades de rires dévoilant son vrai visage de show man amuseur public tout cela sous un écran qui dévoile des bouts de films et des affiches des films concernés !

 

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Le talent n’est pas qu’au bout de ses doigts !

Reprise et suite prestige (Le thème de Lara, Lawrence d’Arabie, Love Story…), puis hommage à Nino Rota, grands compositeurs (Debussy, Rachmaninov), Suite Française et en final, des Charlie Chaplin pour un adieu sur la route… avec à chaque fois des contrepoints illustrant le propos, des histoires de cette saga cinématographique du XXème siècle.

Verve et brio. Humour et amour du 7ème Art, proximité du public, images et extraits de films, mouvements classiques d’une sobriété sans égale…

 

 

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Au final, il me fera monter sur scène pour me remercier par une spéciale dédicace. Je reste comme une godiche devant ce piano ouvert pendant qu’il joue « Brindisi » et je sens son amitié, ce lien qui nous unit. Entre le sacré et le profane, du classique et de l’humour, un respect et ce non-conformisme, il s’est offert au public, prise de risque maximum pour résultat sans bavure. Il n’a pas visionné plus de 1000 films pour rien, il n’a pas écrit des centaines de fiches inutilement, il l’a fait pour lui, pour nous et pour ce public qu’il adore. Une soirée comme on les aime, sur le fil du rasoir, qui prouve que la performance peut se conjuguer à l’émotion et le brio côtoyer la bonne humeur !

 

 

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