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Etat d'Apesanteur

Publié le par Bernard Oheix

Lassitude, mots vides de sens qui s’enchaînent, perte d’un équilibre, refus de s’installer dans un conformisme où la production de textes devient un substitut à la fuite du temps. Pourtant, depuis plus de 4 années, le plaisir de se retrouver, de lancer des phrases comme des bouteilles à la mer et de croire que l’on peut mieux comprendre le monde de tenter de l’interpréter au fil de ces pages à partager.

 

Le doute aussi s’instillant, même si, la satisfaction de figer un événement du passé, de narrer une aventure de ce métier, une rencontre parfois surprenante, l’emportaient sur les hésitations d’une « vanitude » en train d’observer la face cachée de ce monde du spectacle dans lequel je suis plongé. Quelques nouvelles que j’aime, des points de vue sur l’actualité, (rares par devoir de réserve), des écrits du passé, quelques discours prononcés pour une équipe de travail passionnée qui m’accompagne depuis tant d’années, des comptes-rendus sur les films et les spectacles visionnés, un quotidien magnifié mais au service de quelle cause !

Et pour quels effets ? Combien de ricochets à se perdre pour se fondre dans la nuit ?

 

Peut-être qu’il est temps de suspendre le fléau de cette balance, de trouver le courage de s’avouer l’inanité de cette mécanique, de « déstocker » en masse et de prendre un peu de recul.

Crainte que le nombrilisme l’emporte, photos de stars, regards complaisants, ailes des célébrités m’effleurant !

Aussi ai-je décidé de suspendre mon blog et d’attendre la fin de l’été avant de prendre une décision définitive. Vous pouvez toujours vous replonger dans l’index et (re)lire certaines de ces pages qui ont meublé mes nuits. Peut-être y dénicherez-vous un soupçon de talent, un zeste de rire, une envolée stylistique…que sais-je !

Mais ce qui est certain, c’est que j’ai aimé ces 4 années de partage. Il m’en reste des images, des mots d’échange, des sourires quelque peu narquois aussi, l’impression d’avoir parfois atteint un subtil parfum d’honnêteté et de sincérité, trop rarement sans doute, mais c'est arrivé, je vous le jure.

 

Quelques chiffres :

Le blog a été ouvert le 29 mai 2006. Depuis sa création, il y a eu 198 articles et c'est le 199ème que vous avez sous les yeux. J'ai produit 26 nouvelles, 76 articles sur la culture, 9 essais, 31 histoires vraies et 42 textes d'information. On rajoute à cela 14 textes écrits dans le passé et repris, soit en fac-similés, soit retapés. A l'intérieur, une dizaine de discours, quelques cris de colère et quelques complaisances en regardant mon nombril !

D’après l’observatoire des statistiques, je totalise 25 146 pages vues pour 12 146 lecteurs avec une journée record le 23 juillet 2008 de 282 pages vues et d’un mois de mars 2008 qui en compte 1052.

J'ai totalisé 87 abonnés à mon blog et n'ai jamais atteint ce 100ème pour lequel j'avais prévu de me mettre à nu en direct avec la webcame...tant pis pour les absents ! J'ai expédié une cinquantaine de newsletters et reçu une centaine de commentaires.

 

Je vais donc mettre en suspension ce blog, attendre le mois de septembre et je déciderai alors de son sort définitif. Je sens déjà qu'il va me manquer mais comme le dit mon épouse en reprenant un philosophe célèbre : c'est le manque qui crée le désir, alors laissons faire la nature et le désir reviendra peut-être !

Et à bientôt pour de nouvelles aventures !

 

Si vous voulez m'écrire, vous pouvez toujours m'envoyer un mot sur mon mail : bernardoheix@hotmail.com, il sera le bienvenu !

 

Quelques photos pour la route :

 

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Nilda Fernandez, mon ami avec son chef d'orchestre, Nathalie Marin. On prépare son concert avec l'Orchestre de Cannes du 22 septembre 2010 au Palais des Festivals.

 

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Sosno, il y a quelques années, membre du jury de la pyrotechnie, une rencontre belle et rare avec un grand monsieur, un immense artiste et un jouisseur de la vie.

 

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Firmine Richard, intelligente, pétulante, une énergie et un coeur gros comme un île des caraïbes. Basile à ses côtés, animateur, organisateur du Festival Panafricain et ambassadeur de toutes les bonnes volontés

 

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La belle et troublante Sophie Duez. Une femme au caractère bien trempé...

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Inventaire avant destockage (14)

Publié le par Bernard Oheix

C'est une lettre expédiée à un ami. Un mot pour lutter contre la mort des êtres aimés. De cette bande d'adolescents attardés qui usaient leur fond de culottes sur les bancs de l'université en 1969, la grande faucheuse a initié un nettoyage par le vide. Des têtes tombent et roulent sur notre chemin, emportant à chaque fois un peu de notre innocence. B... était l'une de nos amies, une vraie avec qui nous avions partagé des rêves et des galères. Un cancer de plus !

 

 

C...,

 

Il n’est pas toujours facile d’exprimer par des mots, la réalité de la tristesse, du chagrin, l’expression d’une profonde injustice, le désarroi de la solitude que provoque le départ de l’être aimé.

 

Alors parfois les écrits sont bien inutiles. Mais comment dire à celle qui est partie, qu’elle nous manque ? comment dire à son frère et à sa mère, à toute sa famille que l’absence est partagée, que les liens qui ont existé restent intacts ?

 

Elle a fait partie de nos vies, elle est encore en nous, elle y restera.

 

Quelques sourires, de grands yeux qui interrogeaient la vie, des moments gravés qui émergent parce qu’elle a fait un grand saut définitif dans l’inconnu.

 

C’est cela notre B... Même si le temps était passé, que la distance s’était installée entre nous, elle est un morceau de notre histoire, une belle page de cette histoire où nous avons partagé des repas, des espoirs, de la colère… et surtout du rêve !

 

Alors à toi qui reste pour nous, notre C..., par delà le temps, parce que tu nous relies à notre jeunesse, à la beauté de la vie, même si l’âge accomplit son œuvre et nous rapproche tous ensemble de ces frontières mystérieuses qui voient s’évanouir tant de nos êtres chers, qui nous rapprochent aussi de nos  propres peurs…

 

Nous te disons des mots d’amitié pour celle qui ne pourra plus les recevoir. A toi, à ta maman, à son mari et à tous ceux qui l’ont connue et aimée et qui, aujourd’hui, doivent trouver la force de vivre avec son souvenir.

 

Bises de B...et T....

 

C'est étrange de se retourner et de voir ces visages en train de s'estomper. Combien de morts pour se sentir vivant ? Combien de temps faut-il durer pour entrer dans l'éternité ? Chaque disparition autour de soi est un pas vers sa propre fin, vers le désert de ses illusions perdues, vers le passé de ceux qui sont l'avenir ! C'est difficile d'expliquer aux autres sa propre angoisse de la mort, nos frontières sont si proches et le temps s'écoule trop vite !

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Inventaire avant destockage (13) : Idir

Publié le par Bernard Oheix

Un texte écrit il y a près de 10 ans sur un concert auquel j'ai assisté il y a plus de 40 ans... J'ai de la suite dans les idées ! C'était un article à destination de "la Strada" de mon ami Michel Sajn, une (la) revue culturelle branchée de la Côte d'Azur. Compte tenu que je programmais enfin Idir à Cannes pour la première fois (il reviendra à 2 reprises), je ne pouvais décemment signer de mon nom...et c'est à cette occasion que j'ai exhumé ce pseudo qui dormait depuis des lustres dans les greniers de ma mémoire ! Inutile de vous dire que j'ai adoré écrire ce clin d'oeil d'une époque ou j'étais jeune, beau, et ou je mordais dans la vie à pleines dents !

A vous de juger ! 

 

 

C’était à Rennes. Miterrand n’était pas encore élu, la France de Giscard vivait ses dernières heures mais ne le savait pas. L’ouest me tendait les bras, terres de découvertes et de mélanges aves ses « indiens » et ses « cow-boys », cette allure de France profonde dans des habits de modernité.

 

Un copain est passé me voir et m’a entraîné à un drôle de concert d’un homme à lunettes, au visage juvénile et qui portait un nom qui sonne comme un coup de théâtre : IDIR.

 

Dans la salle pleine à ras bord d’une foule colorée, les femmes portaient leurs enfants en bandoulière avec leurs yeux clairs comme un message d’espoir. Quelques youyous résonnaient sous les regards ébahis d’un public occidental qui venait chercher l’aventure.

 

L’exotisme se parait d’humanisme. Les Kabyles côtoyaient  les Arabes comme si les drames du futur ne devaient jamais exister ou comme si, dans l’exil d’une culture la terre comptait plus que la religion.

 

Il est entré dans un flot de lumière et ses musiciens ont entamé une curieuse musique. Les instruments traditionnels perçaient les nappes légères des claviers et la fée électricité occidentalisait les mélodies. Sa voix chaude, douce s’est glissée à l’intérieur de ces notes égrenées liant d’un seul coup la langue kabyle, l’Orient fastueux des instruments traditionnels et la modernité occidentale d’une terre d’asile.

 

A VAVA INOUVA s’imposait comme un tube, comme un morceau de musique arraché au temps et qui ciselait des diamants dans les volutes sonores imaginées par un musicien hors du commun.

 

Son histoire est une légende qui parcourt les terres hautes de l’Algérie, son talent s’exprimait dans la discrétion la plus absolue.

 

Depuis des années il vit en France et sillonne ces terres qui ont su être hospitalières pour lui. Il permet la rencontre des publics et l’échange généreux des cultures. Il reste IDIR, un musicien génial, un interprète doux et magistral de mélodies bouleversantes, un ambassadeur de la musique du monde qui fédère le bonheur de vivre ensemble…et son concert est un des plus beaux concerts qu’il m’ait été donné de vivre. Il reste gravé en moi et chaque note me rappelle que la musique est bonheur.

 

Il est à cannes le 18 octobre, salle Mérimée à la Bocca, et j’ai hâte d’être au premier rang comme un « fan » qui n’aurait pas honte de dire à IDIR que ses chansons peuvent transformer le monde.

 

Jean-Paul ICARDI

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J'aime (plus) Merce Cunningham !

Publié le par Bernard Oheix

 

Surprenante journée monégasque, entre Nadal exécutant un Ferrero éberlué, Nalbadian atomisé par Djokovic sous un soleil printanier et un déjeuner offert par mes amis de la communication d’Eurosud  dans le village VIP du tournoi de tennis de Monte-Carlo. En fin d’après-midi, petite promenade dans une ville sinistrée par l’installation des structures du Grand Prix de Monaco. Amoncellement de tubes d’acier, de tribunes, de sacs de sable et de pneus utilisés pour le carrousel des chevaux mécaniques qui vrombiront dans plus de 3 semaines dans cette cité aux allures d’un Disneyland pour adultes. Monaco n’est pas une ville, n’est pas un Etat, c’est un phantasme imaginé par un créateur atteint du syndrome de Peter Pan !

 

A 19h, je retrouve mon adjointe, SD, avant de plonger dans la salle des Princes du Grimaldi Forum, ce Palais des Congrès construit en rognant sous la mer pour trouver un peu d’espace dans une ville confinée où la moindre surface carrée et plane vaut son pesant d’or.

 

Au programme, un grand héros de notre jeunesse culturelle, un nom de légende qui a marqué l’histoire de la Danse du XXème siècle. Leader de l’avant-garde américaine, innovateur de talent et de génie qui a explosé les limites de la danse et les a confrontées aux techniques modernes, aux arts visuels, à tout ce que la planète du moderne pouvait concevoir. Son compagnonnage avec John Cage a insufflé une dimension particulière à son travail de création en structurant des colonnes sonores propices à sa volonté d’exploser les codes traditionnels de la danse classique. Robert Rauschenberg signant des décors et des costumes en phase avec l’univers d’une modernité en train de reculer les limites du réalisme introduit cette déstructuration du cadre de la scène.

Enfin, tout cela c’est la théorie…

 

La soirée commença par Suite for five, une œuvre de ses débuts datée de 1956. Musique de John Cage interprétée en direct par un pianiste, costumes de Robert Rauschenberg. Du beau monde pour 5 danseurs évoluant aux sons contrapuntiques d’un piano ivre. Mouvements en saccades, gestes amorcés, ruptures permanentes des lignes de fuite, comme un alphabet de tout ce que cette danse moderne allait importer d’usant et d’artificiel. C’est vieillot à souhait, drame absolu d’imaginer que ce qui était rupture et novation en 1956 devient le triste reflet d’un ennui récurrent un demi-siècle après.

Au fond, c’est peut-être la première fois de ma vie que je ressens avec tant d’acuité ce décalage que le temps induit qui transforme le moderne en ancien, renvoie la novation à l’académisme et fait apparaître poussiéreux ce que l’on portait aux nues de la révolution créatrice. La recréation est parfois redoutable pour les sens émoussés de brûler ce que l’on a adoré…Mais c’est la dure réalité des idées que de s’épanouir avant de se faner !

La pièce suivante MinEvent, toujours avec Cage et Rauschenberg, permet au groupe de danseurs de se livrer et rompt avec l’esprit de rupture permanente qui est la signature du chorégraphe. Il réintroduit une certaine fluidité poussant même jusqu’à permettre aux interprètes de se trouver à l’unisson, aux gestes de définir une fresque, aux rythmes d’atteindre une fusion qui exalte la qualité technique de la compagnie.

Le dernier opus date de 2007. Il reste une des dernières œuvres composées par le génie vieillissant. Dans Xover, par couples, les danseurs viennent composer leurs éternels duos saccadés, rencontres avortées, ébauches de complicité d’une technicité brillante et enlevée se brisant en permanence sur les sonorités décalées d’un trio de musiciens et d’une chanteuse développant des arabesques vocales d’où surgissent cris d’oiseaux, onomatopées, textes en langues diverses éclatés. Cela pourrait avoir du charme, cela pourrait surprendre…mais est-il encore l’heure de s’ébaudir à ces recettes qui ont été surexploitées par les cuisiniers fades d’une nouvelle danse qui n’en peut plus de vouloir surprendre sans surprises ? Où est passé la magie d’une démarche de rupture, les codes volant en éclats n’ont laissé que des ruines fumantes sur les scènes des théâtres de la danse actuelle, comme si à force de hurler des messages vidés de leur sens, on ne pouvait plus entendre les variations d’un esprit libéré !

 

C’était ainsi, une soirée de connivence pour régler ses comptes avec son passé dont il reste la certitude d’une grandeur évanouie, d’une période où tout était possible et ouvert, une technique brillante de danseurs capables de rendre esthétique les gestes les plus atypiques, une démarche permanente d’équilibriste installant des passerelles entre les arts, l’aventure du « choquer » pour remuer les consciences…mais un demi-siècle se s’est écoulé, et dans les vagues qui balaient et effacent les vestiges de la création, il y a le conformisme actuel, toutes les fuites dans une provocation dont la seule finalité est l’installation de l’individu au faîte d’une gloire médiatique au service d’« egos » surdimensionnés, il y a l’appauvrissement intellectuel d’un zapping permanent et des effets de mode où les limites se sont évanouies.

Alors c’est vrai, je n’aime plus Merce Cunningham, mais c’est aussi parce que l’époque d’aujourd’hui n’est plus aimable et transforme son travail en jeux du cirque, en page d’histoire dont la seule finalité serait de dire, « j’ai existé et j’ai créé les conditions de l’ennui…admirez donc mes ruines et passez donc comme des ombres sans vous poser les questions d’un pourquoi vide de sens… Posez-vous les questions essentielles car de toutes les manières, on n'y répondra plus ! »

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Inventaire avant destockage n° 12

Publié le par Bernard Oheix

 

 

Deux annnées se sont écoulées. La saison culturelle venait de se terminer et comme à chaque fois, une impression de vertige devant l'inéluctable, le temps qui passe, les spectacles qui s'enchaînent, la certitude de franchir des étapes importantes, ceux qui nous rapprochent des frontières, des limites, le vide qui nous aspire. Ce mot, je l'ai envoyé à toutes celles et ceux qui travaillent avec moi depuis de longues années, comme une bouteille à la mer, pour dire merci et parler de la mort !

 

 

 

FIN DE PARTIE !

 

 

Une saison vient de se terminer…une de plus d’effectuée ! une de moins à imaginer…pour vous à réaliser !

 

Cette année 2007/2008 a été généreuse en belles images, en souvenirs, en événements majeurs.

 

Souvenons-nous…les Concerts de Septembre avec Archive et l’Orchestre de Bender (le plus beau et émouvant concert que j’aie jamais produit professionnellement), ces chanteurs que nous aimons, Mano Solo, Arno, Taha et surtout Eicher, Susheela Raman et Salif Keita, Abd Al Malik, Gréco (un mythe qui nous a donné quelques émotions pures) et Daho pour clôturer en élégance…une saison musique comme on en avait jamais réalisée par sa diversité et sa qualité !

 

Le Festival de Danse… de nouveau accessible où Sylvie Guillem et Russell Maliphant nous ont permis de rompre avec les lois de la pesanteur et qui nous a réconcilié avec Maguy Marin et l’art du mouvement, Mayumana, le coup de cœur endiablé des fêtes de fin d’année, Jolivet et les Chevaliers du rire avec fiel, l’humour de Boublil et de Benureau, les grands airs de la Traviata et de Nabucco, même les chœurs de l’Armée Rouge pour nous faire aimer les slaves… le théâtre en comédie (Toc Toc, La valse des pingouins, Adultères…) !

 

Et le Festival International des Jeux, avec ses 135000 visiteurs/joueurs et sa belle soirée de remise des prix et ses nuits du OFF à étirer les heures jusqu’à l’aube.

 

Voilà donc une page de tournée, un livret à ranger dans l’armoire des souvenirs, au milieu des autres, dans le foutoir des images que nous conservons enfouies en nous et qui font que nous sommes différents. A force de tutoyer les muses, on récupère un peu de leurs rêves !

 

Je vous remercie du fond du cœur  pour tous les efforts que vous avez consentis, pour la passion que vous démontrez au jour le jour au service de ceux qui créent l’émotion… C’est grâce à vous que le public peut communier, c’est par votre souci et votre précision que nous avons la fierté de réaliser des saisons pleines qui rencontrent le succès dans une période de crises et d’incertitudes.

 

J’associe à ces remerciements, tous les stagiaires qui trouvent leur place dans notre petite entreprise et donnent leur soif d’apprendre en gage de leur investissement.

 

Il nous reste de beaux combats à mener, un été se profile, une nouvelle saison et toujours votre compétence et votre enthousiasme en fil conducteur de notre action au service du public et du Palais des Festivals.

 

Merci à tous !

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FIF (5) : Une histoire de Palmarès !

Publié le par Bernard Oheix

Cette année, foin de billevesées…M’étant fixé comme objectifs de voir tous les films et de donner un palmarès exact le dimanche 23 mai à 18h45, je me suis attelé à mon travail de critique parallèle, pendant tout ce festival, ce qui implique de ne pas dormir aux films en compétition et de n’en rater aucun !  Sauf bien sûr, quand Nadine S et Eurielle D, deux de mes collaboratrices adorées, émergeant de la salle noire, me confièrent qu’elles avaient enfin vu le « navet » (il y en a toujours un !) de l’année, que son réalisateur portait un nom imprononçable et que le film avait un titre à coucher dehors ! J’ai donc fais l’impasse sur ce chef d’œuvre en péril et parmi les 32 pellicules ingérées, 18 appartenaient à  la compétition, m’autorisant un jugement sûr et une autorité toute neuve…J’étais donc bien armé pour faire mon palmarès et prouver aux cinéphiles du monde entier la justesse de mes goûts !

 

19h, 15 devant mon écran. Les prix s’égrènent…L’homme qui crie du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, Prix du jury, parfait, mérité amplement ! Petit accroc avec le Prix de la mise en scène à Tournée, (que je n’ai pas aimé !) même s’il m’apparaissait évident qu’il se retrouverait parmi les élus. C’est un moindre mal, une médaille en chocolat, concession au style déjanté de Tim Burton, le président du jury….Pourquoi pas ?

Bingo avec le Prix du scénario pour Poetry du Coréen Lee Chang-dong. Là, il fallait le trouver, petit frisson d’adrénaline ! Pas de problème pour l’interprétation féminine de Juliette Binoche. J’ai détesté le film mais il était évident qu’elle obtiendrait son bâton de maréchale…Rebingo pour l’acteur masculin, Emilio Germano du film de Luchetti, La nostra vita avec une surprise, le partage de cet honneur avec l’éblouissant Javier Bardem de Biutiful…Tout va bien donc jusque là !

Arrive le Grand Prix du jury pour le magnifique film de Xavier Beauvois, Des Hommes et des dieux…encore dans le mille. Je suis au bord de l’apoplexie, comme le jour où sont sortis les 5 premiers chiffres du Loto… (Bon, pour la petite histoire, le 6ème, on l’attend toujours et mon gain potentiel de plusieurs millions s’est transformé en une enveloppe de 5000€, seulement !).

Du haut de mon Olympe cinématographique, il ne me reste plus qu’à ouïr le nom de la Palme d’Or, à l’évidence Biutiful d’Inarritu pour atteindre l’orgasme, la certitude d’être un visionnaire, au top de la critique… Quand, patatras ! Le président se lève et jette en pâture un nom totalement imprononçable, une nationalité thaïlandaise, un titre de l’autre monde : Oncle Bonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures  de Apichatpong Weerasethakul, coiffe sur le poteau le Inarritu ou le Mike Leigh, voire le Hors La Loi ou l’autre coréen…Ô rage, ô désespoir, …le seul film de la sélection que je n’avais pas vu ! Le seul à avoir échappé à ma vigilance !

 

Bon, qu’à cela ne tienne, il me reste la séance du lundi pour rattraper la Palme d’Or et finir sur un sans faute. Chaque année, le vainqueur est présenté aux Cannois, le lendemain de la cérémonie de la remise des prix, pour 3 séances. Dès 15h, dans la grande salle, j’attends enfin de visionner l’objet du délit quand soudain, l’adjoint au Maire rentre sur scène et annonce que le film projeté ne sera pas la Palme d’Or, mais le Grand Prix du Jury, Des Hommes et des dieux… de Xavier Beauvois pour des raisons obscures où l’on comprend que le film thaïlandais, trop difficile, pourrait ne point plaire aux pauvres Cannois incultes et qu’une bonne dose de piété ne pourrait qu’élever leur âme !

 

Il va falloir que je m’y fasse, je ne verrai jamais la Palme d’Or 2010 ! Aurais-je voté comme les membres de cet éminent jury de choc ? Je ne le saurai jamais…Je vais réfléchir à l’an prochain…tous les films je verrai, c’est certain, et après, je sortirai un palmarès à moi, tout neuf, complet et personne ne pourra rien y redire, non mais !

 

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FIF (4) : Enfin des films !

Publié le par Bernard Oheix

  

Il faut savoir ne pas désespérer. Dans ce festival de films avortés, bien à l’image d’une société malade et d’un cinéma en crise, les moments de bonheur peuvent aussi nous rattraper ! Il suffit de peu de chose finalement pour nous rendre au plaisir d’une manifestation hors norme… juste un enchaînement de bons films qui font pleurer et rire, d’histoires touchantes et bien interprétées, d’une lumière qui embrase la nuit, d’un réalisateur qui a décidé de parler au spectateur, de créer pour lui…

Cela arrive aussi à Cannes ! Et n’en déplaise aux sceptiques, je vais arrêter de commenter les mauvais films, par exemple le Kaboom de Gregg Araki, ou le médiocre Tavernier, La Princesse de Montpensier, ou…

 

Parlons plutôt d’Un homme qui crie, de Mahamat-Saleh Haroun. Un film tchadien, bien éloigné des clichés que véhiculent les cinématographies de ce continent, souvent taxées d’être naïves, « surjouées », techniquement faibles. Ici, l’image est parfaite, les acteurs justes, la dramaturgie cohérente. Même les lenteurs sont puissantes, incluses dans le développement logique d’un drame en train de se dérouler sous nos yeux. N’Djamena, capitale du Tchad, est lentement encerclée par les insurgés, sa situation se détériore en même temps qu’un homme « champion », maître-nageur d’une piscine dans un hôtel de luxe qui se vide de ses clients, voit sa vie basculer dans l’horreur, la trahison et un drame cornélien. Jamais la violence n’est montrée, jamais le sang jaillit, pourtant, un sentiment de détresse et d’oppression inexorable grandit chez le spectateur. C’est un vrai drame sans issue, magnifié par la beauté des paysages, la grandeur des hommes et femmes qui y vivent, l’amour et les sentiments les plus nobles confrontés à la rigueur de sociétés déchirées.

Parlons Des hommes et des dieux, la somptueuse oeuvre de Xavier Beauvois, oscillant entre le sacré et le profane, l’univers clos des Moines de l’Atlas et le village arabe de Tibéhirine qui l’entoure, le jeu entre les groupes armés du GIA et les forces officielles de l’Algérie, la montée des périls extérieurs et l’action collective de ces moines pour créer un havre de paix et d’hospitalité dans un territoire dévasté par la haine. Composition picturale et chants rituels contre effervescence populaire et tension de la société en guerre fratricide, subtil dialogue entre ces deux forces où la terreur triomphera. Là aussi, la violence n’est jamais explicite, lovée qu’elle est dans la vie réelle et dans la vision de ses conséquences, pas de ses actes. Cela la rend d’autant plus insoutenable… comme si les deux cinéastes précités retrouvaient la vertu de ne pas exhiber pour mieux dévoiler et asséner. La lente procession dans la forêt neigeuse des moines en route vers leur calvaire restera un des moments les plus poignants de ce Festival 2010.

Parlons de La nostra vita de Daniele Luchetti, anticomédie à l’italienne, tranche de vie d’un maçon heureux soudain confronté au drame de sa femme qui décède en accouchant de son 3ème enfant et le laisse avec la nécessité d’inventer une nouvelle vie, cherchant dans le travail la force de survivre en compagnie de ses ouvriers clandestins, cerné par les maffieux de l’immobilier d’une société civile sans cadre ni lois, et d’une famille qui le soutiendra contre l’adversité. C’est un hymne à la vie réelle, à la beauté d’une Italie du terroir, hospitalière, ouverte sur elle-même et sur les autres, en dehors des codes figés et des règles, borderline dans sa façon de se pérenniser mais vivante, avec de l’humanité et de l’honneur, de l’amour sans normes, sans couleurs, sans frontières. Un vrai film sur la vraie Italie d’aujourd’hui.

Parlons enfin de Biutiful de Inarritu. C’est ma Palme d’Or à l’heure actuelle, sans hésitation et sans regrets. Après l’académisme de Babel, le réalisateur revient vers un cinéma moins « propre », plus « trash », plus authentiquement ancré dans la misère actuelle. Un homme, extraordinaire performance de Javier Bardem, atteint d’un cancer en phase terminale, doué de la faculté de communiquer avec les morts, tente de mettre de l’ordre dans sa vie afin de partir en paix. Il élève ses deux enfants, vit d’expédients, entre les vendeurs sauvages africains qu’il approvisionne et les Chinois qui produisent des contrefaçons dans des locaux insalubres. Il touche l’argent de la misère mais n’est pas corrompu par lui, restant un individu se battant dans un monde cruel en éprouvant la compassion de ceux qui souffrent de concert. Il tente d’humaniser l’abomination. C’est un hymne à la beauté sauvage, à l’horreur quotidienne de ceux qui sont les rebuts de la société, clandestins, chairs bonnes à toutes les surexploitations, la mort comme viatique, l’horizon bouché par les sociétés occidentales qui vivent de leurs trafics en les niant comme individus. Corps inanimés allongés sur les plages dans l’aube grise, funèbre et crépusculaire, le réalisateur montre ce que nous savons, ce que nous lisons, ce que nous ne voulons pas voir de nos turpitudes de sociétés gavées se vautrant dans l’indicible afin de préserver leurs privilèges. C’est du cinéma de révolution, où tout est pensé, ajusté et mis en déforme afin que le spectateur ne puisse plus jamais dire, -je ne savais pas !- Et en prime, il nous offre un regain d’optimisme, tant avec une immigrée, Ige, qui assumera le rôle de mère pour le futur qui lui attribuait, que dans cette mort enfin apaisée d’un homme que les démons avaient pourchassé toute son existence morcelée !

 

Voilà, j’aime encore et toujours le cinéma, j’aime cette foire de pellicules de Cannes où le meilleur peut côtoyer le pire, où la vie rêvée peut naître des décombres de nos empires à la dérive. Le 7ème Art a encore un rôle à jouer pour éveiller nos consciences. Merci à Alejandro Gonzalez Inarritu, à Xavier Beauvois, à Mahamat-Saleh Haroun, à Daniele Luchetti pour les émotions si fortes qu’ils sont capables de provoquer en nous !

 

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Mon maître en cinéma à l'Université de Nice : Jean A Gili avec sa toge d'apparat pour la soutenance de thèse de Julien Gartner sur la place de "l' Arabe dans le cinéma français depuis 1970". Mention très honorable avec félicitations, 10 ans d'études sanctionnées par une note maximale...Et moi, j'en profite pour retrouver celui qui a été un de mes maîtres spirituels, un de ceux qui m'a transmis le goût d'étudier et de comprendre. Bernard ému !

 

PS : dernière minute. Vous pouvez rajouter aux belles aventures du Festival du Film 2010, Route Irish le dernier Ken Loach, opus mortifère sur la guerre d’Irak et ses conséquences, les trafics d’armes et les profiteurs de guerre et Hors la Loi de Rachid Bouchared sur lequel nous n’avons pas fini de gloser. Le talent cinématographique du réalisateur et d’acteurs d’exception au service d’une page peu glorieuse de notre histoire…Nostalgiques d’une France forte et coloniale…réveillez-vous, bon sang !

 

 

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Crime de lèse-Godardisme assumé !

Publié le par Bernard Oheix

 

Pour une génération de soixante-huitards dont je suis, il y a d’innombrables figures tutélaires qui parsèment ce long cheminement de l’acquisition d’une conscience politique et d’une culture universelle se voulant embrasser tous les savoirs. De Wilhelm Reich à Kérouac, des Beatles aux leaders « maximos », de Lacan à Robbe-Grillet… Il y a aussi, les pères fondateurs, les dieux vivants, maîtres parmi les maîtres, que personne assurément ne pouvait toucher, au panthéon des esprits supérieurs, tel Jean-Paul Sartre, le philosophe écrivain engagé, Picasso, l’homme qui restitua la peinture au temps présent ou Jean-Luc Godard, le pape du Cinéma…Film socialisme arrive sur la Croisette, en 2010, quelques décennies après, âge et rides en plus, et il est l’heure des constats…

 

Que Jean-Luc Godard ait transformé le cinéma est un fait. De A bout de souffle à Pierrot le Fou, de Week-end au Mépris, de Deux ou trois choses que je sais d’elle à tous ses films qui dans les années soixante ont inventé une nouvelle façon de filmer, mieux, de penser (panser ?) le Cinéma. Une décade prodigieuse, une tornade respirant les vents de la création. J’étais donc Godardien parce qu’il ne pouvait en être autrement et que chacune de ses œuvres ouvrait les champs de l’impossible, une réflexion tendue entre le savoir et le connaître, entre le possible et l’improbable. La rupture violente de 68 consacrera son isolement dans une logique de contre-production. Il émergera de son utopie créatrice révolutionnaire, et sonnera le glas du temps de l’expérimentation pour entamer un lent chemin de croix vers sa propre glorification, vers l’institutionnalisation de tout ce magma tonifiant qui fondait sa légitimité. A parler de la marge pour investir le centre, il se retrouvera soudain, par l’usure du temps et l’érosion des utopies, à camper au centre du centre, comme l’histrion assumé d’un monde marchand qui avait bien besoin d’un fou du roi pour se régénérer en redéfinissant ses frontières.

Film socialisme est le dernier opus du Maître, sélectionné dans Un Certain Regard, il se devait d’apporter une réponse au temps qui fuit, ambition d’une somme esquissée à travers ses Leçons de cinéma, émergeant d’un silence que sa statue de commandeur imposait aux détracteurs. Tout tourne toujours autour de Godard, que pouvait-il alors nous offrir dans ce chant crépusculaire ?

Entre images sublimes (la mer et l’horizon) et trashs (les lieux de vie), des dialogues cachés par des bruits de fond, des citations parcellaires, des montages en opposition, des collages, du contrepoint, de la distanciation… tout le rituel de l’alphabet d’un cinéma à la Godard est développé sans aucune distance, comme si Godard jouait à être Jean-Luc, comme s’il n’y avait plus de marge entre ce qu’il dynamitait joyeusement et ce qu’il fabrique laborieusement, quête d’un sens caché, étalage de tics et de moments si convenus.

Dans ce prétexte, une croisière sur «Mare Nostrum» déclinant des villes portuaires charnières, plus rien n’a d’importance, que le vide créé par son torrent créatif. -L’imagination au pouvoir- déclinions-nous dans les années ferventes, mais à quelle fin désormais ? Pour perdre le sens du spectateur et la finalité d’un film ? Godard est ailleurs, dans un monde que lui seul reconnaît et peut mesurer, celui d’un alphabet figé qui lui ôte tout espoir de « dire » au détriment d’un « faire ». Et si certains d’entre nous, lui accordons toujours notre crédit, c’est parce qu’il continue d’être celui qui a embrassé pour l’éternité son rôle de bouffon d’une société marchande.

Pendant ce temps, la vie continue. Il restera toujours Le Mépris pour signifier que Jean-Luc Godard fut un des plus grands cinéastes du XXème siècle. Son œuvre restera immortelle même s’il lui faut abdiquer, désormais, tout espoir de se dépasser pour atteindre cette zone improbable où l’instinct vient au secours du génie pour composer une œuvre définitive !

Non, décidément, Film socialisme de Jean-Luc Godard est assurément ennuyeux, très ennuyeux !

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FIF (2) : 15 films après !

Publié le par Bernard Oheix

 

Dans mon précédent billet, je restais sur une opinion mitigée…Ce Festival, 63ème du nom, me semblait bien poussif en son début et si les premières images sont à l’image de ce qui doit suivre, alors cela veut dire que les nuages s’amoncèlent au-dessus de nos têtes et que les dieux du 7ème art nous ont peut-être abandonnés…

 

Pourquoi et comment oser exhumer le Lions love (Quinzaine des Réalisateurs) d’Agnès Varda, grotesque pantalonnade sur l’amour libre et les couples à 3 du floper-power ? Avec un tel film, il est certain que l’esprit soixante-huitard en prend un sacré coup et que nos enfants doivent nous trouver bien ridicule ! Cette oeuvre dormait depuis tant d’années, elle aurait pu rester dans les limbes, cela n’aurait offusqué personne et certainement pas moi !

Quand Woody Allen parodie Woody Allen, cela donne You will meet a tall dark stranger, un film (hors compétition) sur des tranches de vie tissées, un patch-work de ce qu’il nous a donné à aimer depuis de longues années mais qu’il semble avoir de la peine à régénérer. Nouvel opus donc au goût légèrement acidulé de déjà vu, déjà entendu…On attendait mieux ! Et quand Kitano parodie un film sur les yakusas de Kitano, cela donne Outrage (compétition), une énième version avec coups (et écho sonore sur chaque direct asséné), hémoglobine, morts particulièrement sophistiquées (pas mal, la tête décapitée !), histoire tortueuse à souhait où chacun trahit l’autre, où les protagonistes hurlent sans cesse, sortent les révolvers pour dézinguer à tout bout de champs, où les voitures et les costumes sont noirs et le visage de Beat Takeshi Kitano, une carte de toutes les violences d’une société gangrenée par la drogue et tous les vices. Bon, d’accord monsieur Kitano... pas besoin de hurler !

Bedevilled (Semaine de la critique) du Coréen Cheol-soo Jang est une pochade gore ou une femme décide de se venger à coups de faucille et de marteau en éventrant et décapitant toutes celles et ceux qui l’ont faite souffrir, (il y en a beaucoup !), dans son humble vie sur une île perdue à être l’esclave des autres. Réjouissant petit premier film où l’on rit sans retenue de tant d’abominations !

The Housemaid, (Compétition), autre Coréen, Im Sang-soo, film glacé sur l’oppression des riches sur les pauvres, quand l’homme au pouvoir domine aussi le corps de la femme et son destin. Film intéressant, irruption d’une lecture particulièrement «militante » du rapport homme-femme et de la notion de pouvoir et de sexe. A noter la belle facture de l’image, de la lumière, et du jeu des comédiens pour une œuvre qui mérite une vision plus riche que celle d’un festivalier zappant d’un film à l’autre sans temps mort.

Chatroom (Un Certain Regard) de Hideo Nakata est insupportable. Les adolescents ont leur espace virtuel réellement symbolisé par des pièces dans lesquelles ils donnent libre cours à leurs idées. Verbeux, artificiel…comme cet espace virtuel dont ce film n’aurait jamais dû émerger !

Mardi, après Noël (Un Certain Regard) de Radu Muntean est l’histoire d’un adultère. Ce film roumain, dans la tradition d’un néoréalisme héritée de la Palme d’Or obtenue il y a quelques années, propose quelques moments particulièrement bien sentis (la rupture vue de l’intérieur, la préparation du repas de Noël). C’est pourtant un peu lent et long, défauts, avouons-le, qui touchent la plupart des films présentés cette année !

Que dire de Belle Epine (Semaine de la Critique) de Rebecca Zlotowski ? Que c’est un 1er film sur des adolescents perdus dans l’univers de la moto, qu’il est prometteur et qu’elle passe désormais au 2ème pour nous prouver son authentique potentiel ! Où du glacé et froid Unter dir die Stadt (Un Certain Regard) de Christoph Hochhaüser, film situé dans le monde des grands banquiers, entre pouvoir et chair humaine…qu’il est incompréhensible, part dans tous les sens, et qu’il faut nous donner le mode d’emploi afin de saisir ce qu’il a voulu (ou pas) dire… Mais que de toutes les façons, son film, même compris, restera ennuyeux et vide malgré une superbe photo qui embellit Francfort de ses innombrables reflets !

Reste deux petits bijoux. Le premier Banda Bilili (Quinzaine des Réalisateurs), de Renaud Barret et Florent de la Tullaye. C’est un film reportage qui dessine une véritable fiction. Sur 5 ans, dans une ville dévastée par la pauvreté et la misère, (Kinshasa, République du Congo), une équipe de cinéastes va suivre et soutenir un orchestre d’handicapés jusqu’à leur tournée triomphale dans les grands festivals et les capitales d’Europe. Leur musique est la colonne du film et la raison même de ce film, elle contient tout leur espoir, leur dynamisme, leur optimisme dans le plus extrême des dénuements. Ce film est une leçon de vie, un baume au cœur, une façon de mieux comprendre les autres et leurs différences, l’handicap et la force de vie de ceux qui n’ont rien, si ce n’est l’espoir au fond du cœur. Le personnage de l’enfant qui joue de sa boîte à lait monocorde, que l’on voit grandir jusqu’à devenir un homme, est magnifique : pour une fois, la caméra n’arrête pas le temps, bien au contraire, elle l’accompagne et l’enrichit de sa mémoire !

Le deuxième, Another Year de Mike Leigh (compétition) est dans la veine de My name is Jo de Ken Loach. Sur 4 saisons en 4 chapitres, un couple heureux (elle est psychologue, il est géologue) voit graviter autour de lui, des amis désemparés, des victimes de la vie, des épaves, la mort, tout cela en jardinant, en recevant beaucoup, en buvant (pas mal !) et en parlant (énormément !). C’est un réalisme à l’anglaise, humour et drame entremêlés, acteurs exceptionnels, notes sur des vies si humaines et si belles. On rit, on est ému, et même si le film pêche un peu par sa longueur (ces fameuses 15 mn de trop !), il emporte l’adhésion et transmet une vraie ration de bonheur au spectateur !

 

Bon, la lumière s’éteint, c’est le Godard, Film Socialisme qui commence…On en reparlera, et puis, il reste encore 5 jours… Peut-être qu’on le gagnera notre paradis des images, notre éden filmique ! A voir !

 

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Douloureux Festival du Film (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Première livraison de critiques portant sur le Festival du Film de ce mois de mai 2010…Début laborieux, avouons-le, avec une certaine colère et beaucoup d’incompréhension. Snobisme à l’envers ou enthousiasme programmé de nos amis critiques. Il faudra m’expliquer comment Robin Hood peut devenir pour Libération, un héros prolétarien, après son traitement « Scottien » ou la tournée, un hymne à la nuit "qui met la barre très haut (sic)", pour le Festival... Désolé, Bernard pas comprendre !

 

Film d’ouverture du Festival de Cannes. Robin Hood, par Ridley Scott avec Russell Crowe et Cate Blanchett. Ou l’histoire de Robin avant qu’il devienne des Bois, revu et corrigé par la grande machinerie américaine, sur un scénario indigent, avec des acteurs convenus dans des rôles sans surprises, un montage tellement hollywoodien que l’on pourrait en faire une leçon du cinéma par l’absurde. Il faut noter la séquence du débarquement à la façon du « jour le plus long », monument kitsch élevé à la gloire de tous les cinéphiles comme une faute de bon goût, paramétrage absolu du vide historique, des scènes qui étirent le temps en laissant les personnages exsangues à force de regards faussement intériorisés et d’attitudes compassées. Ce film est au cinéma historique ce que le Macdo est à la nourriture : un plat indigeste d’une industrie qui ne sait plus rêver !

Rizhao Chongqing, (Chongqing blues) de Wang Xiaoshuai. (Compétition). Où et comment 2 milliards de citoyens sont définitivement rattrapés par Papa Freud en terre Mao. Un père qui a la «fibre paternelle » malgré sa disparition depuis 14 ans, revient pour comprendre la mort de son enfant (25 ans) tué au cours d’une prise d’otage. Son enquête, lente à souhait, chargée de signification à chaque plan étiré, prouve « qu’il manquait beaucoup à son enfant » ! C’est du cinéma pesant, musique redondante, maniérisme de la mise en scène, pâle copie d’un cinéma européen des années 70 basé sur l’affect et l’académisme. On en sort laminé par tant de componction ! Deux éléments ressortent pourtant de cette projection matinale : revoir Chongqing où j’ai passé une semaine en voyage culturel particulièrement passionnant et éprouvant, (ville tentaculaire avec une conurbation de 35 millions d’habitants), et indirectement, ce film donne une image d’une Chine beaucoup plus complexe que celle des discours officiels et des images préfabriquées. La politique de l’enfant unique et le sacre de l’enfant roi a donné aux jeunes une place centrale dans la société qu’ils ne sont pas près d’abandonner aux oripeaux d’un pouvoir central étrangement absent ! Les enfants de la Chine sont en train de s’éveiller et il n’est pas certain que les rêves de ces jeunes seront aussi lisibles et prévisibles que dans un livre rouge ou dans les pages de Sigmund !

Tournée de Mathieu Amalric. (Compétition). Grotesque et ridicule. Les « news burlesques », spectacles de strip-tease et de cabaret, jouent dans des salles de province combles devant des publics hystériques (faudra m’expliquer ce petit détail ! Comment avoir des salles pleines avec un spectacle en province que personne ne connaît ?). Un ancien producteur de télévision caractériel et tricard tente de les imposer pour son come-back des « states » où il s’était exilé. Tout se mélange, les situations les plus improbables mais tellement « tendances », s’enchaînent, le passé revient par bribes sans jamais être expliqué, sans aucune cohérence ni émotions, tout sombre dans l’à peu près comme le jeu exhibitionniste de l’acteur principal et réalisateur qui mouline dans le vide pour faire croire qu’il avance. C’est un film sur le monde du spectacle (celui-là, je le connais un peu !), comme une caricature à gros traits épais et baveux à souhait, le monde de la nuit pour « gogos », avec cigarettes, whiskies et grosses pépées ! La scène finale dans un hôtel abandonné sur une île au large de La Rochelle est un monument élevé à la bêtise !

Bran Nue Dae de Rachel Perkins, (Cinéma des Antipodes) est l’adaptation sympathique d’une comédie musicale Australienne aborigènes située dans les années 60. Willie, un jeune garçon destiné à la prêtrise par sa mère, choisira l’amour de Rosie et une vie naturelle dans ce paradis de Broome, sur une côte perdue à 3000 kms de Perth, plutôt que l’évangélisation de ses confrères noirs. Les chansons sont efficaces, le thème honorable, les acteurs portent un message de tolérance et d’espoir non départi d’humour. C’est un film gentillet qui ouvre l’horizon sur les paysages magnifiques de ce continent du bout du monde et sur l’oppression des aborigènes et le rôle de l’église. A déguster sans se prendre la tête et sans imaginer que le monde sera transformé à la fin du prochain plan-séquence !

 

Bon, le festival continue… Les salles sombres m’attendent… Petite entorse, cet après-midi, je cours à la soutenance de thèse de Julien Gartner, (La place des arabes dans le cinéma Français) à Nice. Il a dans son jury, Jean A Gili, mon ex-professeur de Cinéma à l’Université de Nice, tendance siècle passé, il y a quelques lustres, quand je n’étais encore qu’un étudiant heureux et sans histoires, avec une vie à construire et des rêves dans la tête ! Je suis ému de le retrouver, plus de 15 ans que ne n’ai pas eu de ses nouvelles. Je vous raconterai !

 

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