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Douloureux Festival du Film (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

Première livraison de critiques portant sur le Festival du Film de ce mois de mai 2010…Début laborieux, avouons-le, avec une certaine colère et beaucoup d’incompréhension. Snobisme à l’envers ou enthousiasme programmé de nos amis critiques. Il faudra m’expliquer comment Robin Hood peut devenir pour Libération, un héros prolétarien, après son traitement « Scottien » ou la tournée, un hymne à la nuit "qui met la barre très haut (sic)", pour le Festival... Désolé, Bernard pas comprendre !

 

Film d’ouverture du Festival de Cannes. Robin Hood, par Ridley Scott avec Russell Crowe et Cate Blanchett. Ou l’histoire de Robin avant qu’il devienne des Bois, revu et corrigé par la grande machinerie américaine, sur un scénario indigent, avec des acteurs convenus dans des rôles sans surprises, un montage tellement hollywoodien que l’on pourrait en faire une leçon du cinéma par l’absurde. Il faut noter la séquence du débarquement à la façon du « jour le plus long », monument kitsch élevé à la gloire de tous les cinéphiles comme une faute de bon goût, paramétrage absolu du vide historique, des scènes qui étirent le temps en laissant les personnages exsangues à force de regards faussement intériorisés et d’attitudes compassées. Ce film est au cinéma historique ce que le Macdo est à la nourriture : un plat indigeste d’une industrie qui ne sait plus rêver !

Rizhao Chongqing, (Chongqing blues) de Wang Xiaoshuai. (Compétition). Où et comment 2 milliards de citoyens sont définitivement rattrapés par Papa Freud en terre Mao. Un père qui a la «fibre paternelle » malgré sa disparition depuis 14 ans, revient pour comprendre la mort de son enfant (25 ans) tué au cours d’une prise d’otage. Son enquête, lente à souhait, chargée de signification à chaque plan étiré, prouve « qu’il manquait beaucoup à son enfant » ! C’est du cinéma pesant, musique redondante, maniérisme de la mise en scène, pâle copie d’un cinéma européen des années 70 basé sur l’affect et l’académisme. On en sort laminé par tant de componction ! Deux éléments ressortent pourtant de cette projection matinale : revoir Chongqing où j’ai passé une semaine en voyage culturel particulièrement passionnant et éprouvant, (ville tentaculaire avec une conurbation de 35 millions d’habitants), et indirectement, ce film donne une image d’une Chine beaucoup plus complexe que celle des discours officiels et des images préfabriquées. La politique de l’enfant unique et le sacre de l’enfant roi a donné aux jeunes une place centrale dans la société qu’ils ne sont pas près d’abandonner aux oripeaux d’un pouvoir central étrangement absent ! Les enfants de la Chine sont en train de s’éveiller et il n’est pas certain que les rêves de ces jeunes seront aussi lisibles et prévisibles que dans un livre rouge ou dans les pages de Sigmund !

Tournée de Mathieu Amalric. (Compétition). Grotesque et ridicule. Les « news burlesques », spectacles de strip-tease et de cabaret, jouent dans des salles de province combles devant des publics hystériques (faudra m’expliquer ce petit détail ! Comment avoir des salles pleines avec un spectacle en province que personne ne connaît ?). Un ancien producteur de télévision caractériel et tricard tente de les imposer pour son come-back des « states » où il s’était exilé. Tout se mélange, les situations les plus improbables mais tellement « tendances », s’enchaînent, le passé revient par bribes sans jamais être expliqué, sans aucune cohérence ni émotions, tout sombre dans l’à peu près comme le jeu exhibitionniste de l’acteur principal et réalisateur qui mouline dans le vide pour faire croire qu’il avance. C’est un film sur le monde du spectacle (celui-là, je le connais un peu !), comme une caricature à gros traits épais et baveux à souhait, le monde de la nuit pour « gogos », avec cigarettes, whiskies et grosses pépées ! La scène finale dans un hôtel abandonné sur une île au large de La Rochelle est un monument élevé à la bêtise !

Bran Nue Dae de Rachel Perkins, (Cinéma des Antipodes) est l’adaptation sympathique d’une comédie musicale Australienne aborigènes située dans les années 60. Willie, un jeune garçon destiné à la prêtrise par sa mère, choisira l’amour de Rosie et une vie naturelle dans ce paradis de Broome, sur une côte perdue à 3000 kms de Perth, plutôt que l’évangélisation de ses confrères noirs. Les chansons sont efficaces, le thème honorable, les acteurs portent un message de tolérance et d’espoir non départi d’humour. C’est un film gentillet qui ouvre l’horizon sur les paysages magnifiques de ce continent du bout du monde et sur l’oppression des aborigènes et le rôle de l’église. A déguster sans se prendre la tête et sans imaginer que le monde sera transformé à la fin du prochain plan-séquence !

 

Bon, le festival continue… Les salles sombres m’attendent… Petite entorse, cet après-midi, je cours à la soutenance de thèse de Julien Gartner, (La place des arabes dans le cinéma Français) à Nice. Il a dans son jury, Jean A Gili, mon ex-professeur de Cinéma à l’Université de Nice, tendance siècle passé, il y a quelques lustres, quand je n’étais encore qu’un étudiant heureux et sans histoires, avec une vie à construire et des rêves dans la tête ! Je suis ému de le retrouver, plus de 15 ans que ne n’ai pas eu de ses nouvelles. Je vous raconterai !

 

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De Rokia Traoré à Gotan Project

Publié le par Bernard Oheix

Voilà, la saison 2009/2010 vient de se terminer avec un somptueux Gotan Project, première du spectacle avant Paris, salle archicomble, public chaviré de bonheur, tout comme moi, heureux de cet évènement, heureux de retrouver Jules Frutos, le patron d'Alias, un homme qui aime la musique, qui comprend les artistes mais aussi les organisateurs, qui possède encore des principes et sait se rendre attachant. Alors sur ces derniers mois, quelques photos pour se souvenir du temps passé.

 

La belle Rokia, un de mes grands coups de coeur. Un instant magique qu'elle a illuminé de sa classe, de son humanisme, de son talent. Des frissons à la mémoire de sa grâce, de la pureté de son timbre, de l'éclair de ses yeux.

Je suis devenu son amoureux pour l'éternité.

 

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Rajery, le chantre de Madagascar et Talike, la Princesse des épines dans une des plus formidables rencontres de cette saison. Ils ont travaillé dans le contraste et se sont réunis dans la passion, transmettre l'amour de cette île-continent, parler des différences pour mieux les comprendre, déjà entre eux, toujours avec le public. Il n'y a plus de frontières et les corps vibrent à l'unisson sous cette musique tribale qui parle aux sens !

 

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En habit de Juliette Drouet, la passion de Victor Hugo, la passionaria Anthéa Sogno, et moi, son Roméo d'un soir, juste le plaisir des mots qu'elle a fait chanter, ceux de Hugo comme ceux de Juliette Drouet. Une extraordinaire leçon de vie, une émotion à fleur de peau, du théâtre de sens, sensations à vif,  esprit ouvert sur une petite histoire sublime de la grande histoire. Quand un grand homme est aussi un petit homme qu'une femme inspirera jusqu'au génie !

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Le Gotan est un véhicule hors norme parfait pour explorer les sentiers de l'Amérique du Sud, ceux si sombres des sons langoureux remixés pour devenir éternels. Voix, bandonéon, guitare, cuivre et deux imposantes machines chargées de transformer les notes en machine à se propulser dans le futur. C'est une musique d'éternité, dépassant toutes les frontières, qui reste étrangement naturelle. Le miracle de Gotan Project est de nier le temps !

 

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Dans ce spectacle un soin extrême est apporté au visuel, avec des couleurs chaudes de lumières, des écrans translucides où sont projetés des torrents d'images, un dispositif parfois un peu figé, toujours imposant, la sobriété du mouvement dépassé par la grandiloquence de l'effet, un spectacle à voir tout autant qu'à entendre et qui finira avec les tubes du groupe, dans un tango mécanique emportant le public dans sa fièvre !

 

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Voilà, c'était juste une madeleine sucrée, un petit goût de revenez-y, avec la nostalgie de toutes ces heures si belles car uniques, la certitude que jamais on ne remarchera sur ces travées...Bien sûr, il y aura d'autres moments à jouir, la beauté du passé chassée par l'espoir futur, mais que cette saison fut belle, entre les concerts de septembre 2009  (Bertignac, Archive, Peter Doherty, Bregovic...) et ces images volées par Eric Dervaux (except Victor Hugo) en mars et avril 2010.

Vite, à demain !

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Du pays Niçois à Madagascar

Publié le par Bernard Oheix

 

  La fin de saison se profile à l’horizon avec son heure des bilans qui se pointent, des analyses et des constats, des exégèses et des tableaux, de ce travail qui chasse l’alchimie du moment de rencontre pour le faire entrer dans un schéma avec la perfide sanction des chiffres… Disons-le, malgré la vraie crise, la désaffection générale d’un public volatile, la focalisation sur des produits formatés… la saison 2009/2010 aura été de bonne facture. Avouons que commencer avec Peter Doherty, Archive, Bregovic…et terminer sur le Gotan Project, cela a de la gueule et en impose quelque peu !

Et n’en déplaise aux esprits chagrins, la magie fonctionne encore et dans les interstices d’une crise ravageuse, nous autorise toujours d’espérer et de vivre intensément la rencontre entre un spectacle et un public même si parfois ce public fait cruellement défaut… et c’était le cas le 24 avril du côté du Théâtre de la Licorne pour le Corou de Berra et le malgache Rajery avec Talike en invitée ! Les absents ont vraiment eu tort ! Où étaient-ils nos amis occitans, les amateurs de Musiques du Monde, la communauté malgache ? Où étaient donc ceux qui rêvent debout ?

 

Le Corou de Berra, c’est 15 ans d’amitié, plusieurs concerts récurrents à Cannes, une disponibilité évidente frisant parfois l’inconscience (on se souvient encore d’un concert historique « sous la mer » aux Rochers Rouges de La Bocca où perchés sur un entablement rocheux, ils chantaient vêtus de blanc devant 3000 personnes en maillots et tubas en train de plonger pour écouter leur musique au fond de l’eau !), des réussites exemplaires (le concert avec Jean-Paul Poletti en 1996, des expériences avortées, les balbutiements de l’introduction de la musique (concert avec A Filetta en avril 2001), deux messes de Noël à donner l’envie de se convertir et communier (bon, là, faut pas exagérer !)… C’est aussi un 10ème CD, sobrement intitulé « 10 » et c’est Michel Bianco dit Michael White, Françoise Marchetti, la voix divine de Claudia Musso, Primo Francoia et Pascal Ferret réunis dans un groupe polyphonique qui a su s’extraire de la tradition et aller à la rencontre de créateurs modernes pour enrichir leur répertoire (Etienne Perruchon et Gilberto Richiero).

 

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Même si les cheveux blanchissent sous le harnais depuis 20 ans, même si la période actuelle n’est pas propice à la créativité débridée et à l’enthousiasme délirant, le Corou trace son chemin, sillon après sillon, sans jamais s’endormir sur les recettes toutes faites d’une musique de conformité, bien au contraire. Ils ont réussi à intégrer la mouvance d’une école d’Opéra moderne avec Perrucchon où la recréation sacrée avec Richiero. Leur dernier opus est un bijou, un de ces disques à emmener sur une île déserte pour y inventer l’électricité afin de l’écouter et qui fait partie d’une médiathèque personnelle sans laquelle l’avenir nous semblerait si fade. Quelques plages du CD font courir des frissons. « Lo vielh Senhe » « Niente di Noi » (2mn 57 de grâce et de bonheur absolu avec des voix qui s’enchâssent en vagues et des contrepoints suspendus dans l’éther), Le sette Galere, La Vidjamé (tirée de Dogora, l’opéra d’Etienne Perrucchon), d’autres sont plus traditionnels (Lou Roussignol, Maria, Se Canto…). L’ensemble se caractérise par un extrême soin du volume sonore des voix en contrepoint de la musique, sans jamais forcer sur la présence de l’organe humain tout en valorisant les nuances, la finesse et la précision des traits prenant le pas sur la dimension chorale. C’est l’œuvre majeure du Corou de Berra, celle de la maturité et de la plénitude, de la maîtrise non seulement des voix mais aussi de son rapport à l’instrument. C’est un CD à acheter, à voler chez son ami, à obtenir par tous les moyens !

Le concert sera à l’image du CD : élégant, classe, légèrement distancé, comme si la musique était plus forte que la crise et les fauteuils parsemés de vide. 3 morceaux a cappella avant que les musiciens rejoignent le chœur :(Gilles Choir en vieux pirate attachant avec bandana pour dissimuler son désarroi, Eros à l’accordéon subtil…). 45 minutes de bonheur qui s’écouleront sans même que l’on perçoive l’aile du temps, le frisson à fleur de peau. Corou for ever !

La deuxième partie de la soirée offrait une rencontre inédite, comme on les aime à Cannes, comme seules les villes qui en ont le désir et les moyens peuvent se le permettre. Rajery, une des voix les plus étonnantes de Madagascar invitant Talike, la leader du trio Tiharea accueilli la saison passée en polyphonie, pour un concert sublime. Armé de sa « valiha », une harpe à 15 cordes très complexe à utiliser donnant une sonorité particulière, Rajery pénètre sur la scène, discret, humble, face lunaire et bouille d’enfant émerveillé sortant de sa brousse.

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Après le concert, dans un de ces pots à boire qui nient le temps avec des artistes ouverts sur le monde, il nous racontait son angoisse, la première fois qu’il a débarqué en Europe pour jouer de la musique, devant les escaliers mécaniques, sa peur de la circulation dans les rues, tous ces appareils étranges qui meublent nos vies et lui semblaient si abscons. Il a gardé cet esprit d’enfant rieur, ce regard faussement naïf car si lucide devant le décalage du prix d’une vie selon que l’on est né d’un côté des Pyrénées où par-delà les océans. Il permet à l’ailleurs de faire effraction pour entrer en résonance avec notre univers figé. Son introduction à la « valiha » est un moment d’éternité, notes langoureuses étirées jusqu’à l’infini. Son groupe (batterie, basse et guitare, d’excellents musiciens, tous chanteurs) est en osmose avec lui et imprime une marque forte, une musique qui « sonne » et donne envie de bouger, de laisser son corps dériver.

A mi-concert, il va présenter son invitée spéciale, Talike, Princesse des Epines, née dans le Sud du pays, le territoire de l’Androy de Madagascar, cette île continent aux 18 ethnies qui arrivent encore à vivre ensemble et à se comprendre, Talike possède une voix dévastatrice, une voix qu’elle peut percher en hauteur et laisser en suspens. Avec ses « dokodokos », des tresses rituelles, elle est fière et sauvage, elle donne un coup de fouet au concert en permettant au jeu entre Rajery, les musiciens et cette silhouette féline de monter encore d’un cran. La salle tangue, les danseurs envahissent les travées et le concert finira dans une orgie de sons et de couleurs, de cris et de chants, de beauté et de ferveur.

 

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C’est ainsi donc une rencontre rare à laquelle nous avons assisté, une vraie création musicale « live » entre deux hérauts d’une culture où la musique se niche dans chaque geste quotidien, chaque drame et joie de l’existence, au cœur de la vie. Madagascar est un pays de musique trop souvent éloigné des chemins de notre connaissance et ce soir-là, du côté de Cannes, une page d’espérance s’est ouverte...

 

PS : Les photos sont de mon ami Eric Dervaux, un photographe qui aime les artistes et leur offre un soupçon d'éternité !

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Le jugement dernier/Requiem de Verdi

Publié le par Bernard Oheix

 

La genèse de cette création plonge dans le Trastevere, un restaurant de pâtes situé le long du Tibre dans une Rome où je m’étais rendu pour visionner La Divina Comédia, opération chantilly sponsorisée par le Vatican. De cette Divine Comédie, il ne restait que la qualité d’un procédé de rétrovision sur des tulles transparents d’un décor virtuel créant un véritable choc esthétique. Au repas qui suivit, se trouvaient réunis mon ami Richard Stephan, un producteur atypique de gros spectacles et Paolo Miccichè, auteur, dans cette Divine Comédie, des projections futuristes permettant aux chanteurs et acteurs d’évoluer dans des décors de synthèse à la réalité sublimée.

C’est au cours de ce repas, qu’après avoir formulé quelques réserves sur le spectacle à la mortadelle auquel nous venions d’assister, vantant malgré tout la qualité de son procédé, que nous convînmes tous les 3, de créer à Cannes un véritable événement, une création mondiale s’appuyant sur son idée de mêler le Requiem de Verdi avec les images du Jugement Dernier de Michel-Ange ornant le plafond de la Chapelle Sixtine. Ajoutons que les pâtes étaient succulentes, le vin délicieux que nous bûmes à forces rasades pour fêter cet engagement à l’ancienne, et que nous « topâmes » dans la main en gens qui se respectent et respectent leur parole !

 

Disons-le, à partir de ce moment, tout ne fut pas rose…

A commencer par les négociations avec les orchestres de Nice et de Cannes en train de fusionner dans la haine, des responsables (que nous ne citerons point) nous toisant de haut, trublions dans ce monde compassé d’une musique classique qu’ils étouffent et font mourir sous leur conformisme…En décembre 2009, après une réunion à Nice qui tourna à l’inquisition et au procès d’intention, nous décidâmes de jeter l’éponge malgré les ventes plus que satisfaisantes et l’attente du public : l’orchestre refusait toute idée de mise en scène et les chœurs hurlaient avec la meute ! C’est toujours triste l’annulation d’une création, un sentiment d’injustice qui nous prive de notre part de rêve, la disparition dans le chaos d’une oasis d’espérance, des émotions perdues à jamais…

C’est dans ce week-end fatal entre chien et loup que Richard Stephan eut un sursaut libérateur. Il me demanda de suspendre la suspension, le temps pour lui de négocier avec l’orchestre de l’Opéra de Toulon et les chœurs semi-professionnels de Nice.

 

Que dire du spectacle ? Superbe et envoûtante cérémonie secrète, hymne à une vision libérée et désincarnée dans les plages sonores obsédantes d’un Requiem de Verdi sublimé. Les voix magnifiques, les solistes d’exception au service de ce Jugement Dernier de Michel-Ange, contrepoint par l’image des angoisses d’une messe des morts. C’est un opéra total, une œuvre hybride entre la leçon magnifique d’un peintre offrant sa vision d’une humanité désarmée devant la mort et les boucles intemporelles envahissant l’espace d’un compositeur obsédé par cette frontière que l’homme franchit pour s’affranchir. Rarement j’ai perçu à ce point combien le détail d’une peinture, qui a marqué une époque, pouvait se confondre avec un son immatériel, une alchimie complexe, deux arts se fondant dans une fresque animée pour renvoyer le public vers des questions essentielles : beauté mortifère, hymne à la mort, sentiment d’un Dieu tout puissant bien loin des oripeaux du pouvoir, dans un éden que la vie offre à ceux qui passent de l’autre côté du miroir et nous laissent orphelins d’une mémoire.

 

Bien sûr, comme toute authentique création, le spectacle progressera encore après cette première, certaines images ne sont pas assez exploitées, le montage peut gagner en efficacité, la mise en scène se libérer en s’étoffant…mais en toute état de cause, cette première ébauche affirme la force de la vision de Paolo Miccichè, son talent dans l’orchestration d’une technique novatrice au service d’œuvres immémoriales.

 

Et n’en déplaise à tous les conformistes qui parasitent le monde de la musique, on peut aimer et travailler le classique en étant moderne, en offrant une alternative à l’ennui profond de ceux qui endorment le public dans la répétition sans saveur du suranné ! L’inventivité peut faire bon ménage avec le bon goût…Nous l’avons prouvé ! Merci à Richard Stephan, le producteur atypique et à Paolo Miccichè le metteur en scène de génie de m’avoir permis de les accompagner sur les chemins tortueux de la création et d’avoir entrouvert les portes de la perception !

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Rokia Traoré : ma déclaration d'amour !

Publié le par Bernard Oheix

Rokia Traoré : déclaration d’amour.

 

Samedi 20 mars 2010, Théâtre de la Licorne. Après bien des vicissitudes, Rokia s’apprête à entrer sur scène. Il est 21 heures 15. Nous avons 45 minutes de retard, la salle initialement prévue ayant été récupérée pour un congrès, nous avons dû nous replier à la Licorne pleine à craquer, arrêter les ventes et mettre en place un système de navettes afin de rapatrier les égarés de La Croisette que nous n’avions pu informer. Le public s’impatiente. J’arrive de mon piquet de garde devant l’ex-lieu où j’ai fait la voiture-balai. J’ai hâte de retrouver une de ces chanteuses merveilleuses, une de celles qui font rêver et permettent de penser que la musique est bien un vecteur entre les cultures, un facteur de paix et d’amour. Elle me donne l’impression de faire quelque chose de bien en la programmant, de servir et d’être utile. J’ai déjà assisté à 2 de ses concerts et pour rien au monde je ne raterai celui que j’organise dans ma ville !

 

Elle est belle, étrangement belle d’ailleurs. En dehors de tous canons, Grande et filiforme, un visage étroit et plat, deux immenses yeux fureteurs, un corps maigre. Elle n’a pas de poitrine ni de fesses, une longue robe l’enveloppe, dissimulant sa finesse. Elle ressemble à une enfant gracile qui ouvrirait d’immenses yeux devant la beauté du monde.

Quand elle parle, un filet de voix discret s’échappe de sa bouche, comme si elle avait peur de ce micro ouvert qui l’oblige à meubler le silence et à se livrer au public. Elle veut partager, pas imposer et s’excuserait presque de ces feux qui l’illuminent dans un travail d’orfèvre. Pourtant elle habite la scène et quand la musique sculpte l’ombre, quand elle se met en mouvements devant ses musiciens dans un cône de lumière, alors, elle devient une reine, somptueuse de grâce, liane vivante habitée de toutes les passions, nerveuse, cadencée, vivant les notes comme si elle pouvait les incarner et donner de la chair à l’éphémère.

Et cette voix si fluette, quand elle décide de la projeter pour l’inscrire dans le rythme de ses musiciens, rien ne lui résiste. Elle franchit les barrières, casse les frontières, envahit chaque espace, devient l’incarnation de ces notes qui flamboient et dévastent tout sur leur passage.

Elle est à mi-chemin de toutes les cultures même si son essence africaine affleure à chaque instant. Sur la base d’une étrange guitare « ethnique » au son aigre, elle va évoluer en flirtant entre le blues et les rocks, sertissant de mélopées profondes d’autant plus belles que sa voix aiguë se glisse entre les instruments, batterie, basse et guitare en contrepoint, sa sœur en appoint de chœur pour relever le chant et lui permettre de dominer le son en l’épiçant de variations.

Dans son introduction musicale, elle va installer son univers, donner une atmosphère en tendant la main à son public, deux morceaux très lents et doux avant de prendre possession de la salle et d’attirer les spectateurs dans son univers si particulier de douceur et de fureur. Loin d’un Salif Keita ou d’un Ismael Lo, elle est en rupture d’une tradition et invente une musique de métissage originale, fusion de deux mondes qui communiqueront par son entremise pour mieux s’aimer. Elle est Princesse Africaine et donne son énergie pour que l’osmose ne soit pas seulement le tribut d’un concert mais bien au cœur d’une démarche où la vie prend toute sa valeur.

Ses interventions, toujours justes et mesurées, donnent une dimension humaniste à sa démarche, une compréhension de ce qui réunit les gens et gomme les différences sans les exclure. Elle est l’oriflamme derrière lequel nous avons le désir de nous rallier, pour la paix dans le monde, pour le partage.

Rokia, je t’aime d’amour, ton univers est le mien, tes gestes me fascinent, ta voix me transporte. Avec toi, je deviens « fan », je signe et persiste. On a besoin de toi parce que tu es une lumière dans la nuit et que derrière ton sourire humble, tes yeux qui rient, ton corps qui tangue, il y a la beauté de l’humanité, la ferveur d’une femme, le cri désespéré de ceux qui portent la paix et la tolérance au sein d’un monde si imparfait.

 

J’avais déjà écrit sur Rokia Traoré, (cf. mon blog, Musiques et spectacles en stock 1, juillet 2007). Après le concert, je me suis rendu dans sa loge pour la saluer et la remercier. Elle avait la tête ailleurs, ivre de sa prestation, décompressant. J’ai balbutié quelques mots et je l’ai serrée dans mes bras en me présentant. Elle a mis quelques secondes à redescendre sur terre et je lui ai sorti quelques tristes banalités de circonstance, sincères mais si pauvres ! Elle a souri et quand j’ai tourné les talons après avoir obtenu une dédicace sur mon programme, elle est rentrée dans sa loge. En m’éloignant dans le couloir, j’ai entendu « Bernard ». Elle était ressortie sur le seuil et m’a lancé « -Merci de m’avoir invitée, merci vraiment… », comme pour se rattraper d’une distance qu’elle n’aurait point désirée…J’ai été heureux, simplement, bêtement, de ce rappel, d’un merci sincère, sans affectation, comme rattrapé par une force qui cimente les passions, les gens de bonne volonté dans la crudité d’un couloir triste illuminé par sa présence.

Rokia, une grande Dame, une artiste d’exception, une femme de cœur !

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Les 60 ans de micheline.

Publié le par Bernard Oheix

Un discours, un discours...Ma réputation de "discoureur" m'ayant précédé, j'ai donc dû officier pour l'anniversaire de notre amie, Micheline P...atteinte de la limite d'âge fatidique d'un chiffre bien rond qui sonne comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages : 60 ans ! Voilà donc pour cette Amie que je ne connais que depuis 40 ans, que je me retrouve dans la nuit du samedi, à 2 heures du matin, en train de pondre quelques élucubrations. Je ne sais si vous en sentirez la substantifique moëlle, mais j'ai eu l'inspiration, parce que je suis effaré de voir ce temps nous filer entre les doigts, je ne comprends pas physiquement, comment les années peuvent s'enchaîner à une telle vitesse...c'est un mystère pour moi ! Dans la tête, je sais que j'ai exactement le même état d'esprit qu'hier, ou avant-hier, dans le corps pourtant, je ressens cette atteinte, cette usure, et elles m'effarent et m'effraient !

Alors je me suis vengé sur ce discours en hommage à ma copine de 40 ans, et je sais qu'elle reste belle et qu'à travers toutes ces épreuves que chacun d'entre nous vit, une part de lumière reste attachée au nom de l'amitié.

 

 

 

Micheline,

 

Te voilà donc arrivée  à un âge raisonnable, enfin, en haut de la colline comme on dit, au sommet, au top….Tu es sur la crête de ton existence, 60 balais…Tu es une vieille peau, une sexagénaire, une vioque quoi ! (Non, je déconne !)…

Il te faut donc désormais entamer la descente, d’un pied ferme, être joyeuse…faire comme si tout cela était normal et qu’il est naturel d’empiler les années. 60 ans, après tout ce n’est pas si grave, tu n’es pas la première et autour de toi, nombreux t’ont précédée, ou te suivent de près…même si tu n’es pas à la retraite comme certaines de tes copines qui ont déjà la tête au soleil et regarde avec amusement ton planning de permanences à la clinique où tu continues de perturber les ultimes miettes de raison de tes pensionnaires torturés par des camisoles chimiques et des électrochocs à gogo.

Et puis il y a des avantages, la carte vermeil, les séances de cinéma 3ème âge, l’université bel âge où tu pourras enfin te cultiver pour voter à gauche, mais oui, Micheline, cela va bien arriver un jour, à force de te travailler au corps, tu vas comprendre que Sarkozy est responsable de tout, même du fait que tu as 60 ans aujourd’hui.

As-tu remarqué qu’à partir d’un certain degré, l’âge devient « bel », suprême hypocrisie qui veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes, ces vessies d’ailleurs que nous avons tant de difficultés à contrôler justement à partir de 60 ans.

Mais bon, avouons-le, tu as de beaux restes et il fait nul doute, qu’avec un bon wonderbra, ton décolleté peut faire plonger le plus austère des célibataires accroché à sa liberté dans une rivière de stupre et une extase éternelle.

Et puis ta voix, Micheline, ce délicieux petit roulement sur tes « airs » qui renvoie à ces îles dont tu es la fleur sauvage, cette inimitable accent qui fait de toi une femme unique, quand donc nous diras-tu « -je t’aime très fort » comme si c’était la première et la dernière fois.

On a longuement hésité avant de te faire un cadeau…Une séance avec un chippendale, un dîner aux chandelles à Disneyland, un barbecue à la campagne, une boum comme au bon vieux temps avec le quart d’heure américain, slow et pelles à gogo (j’étais même prêt à me dévouer), un bal masqué qui aurait eu l’avantage de dissimuler nos rides…mais finalement le grand concile de ta famille et de tes amis, connaissant ta fragilité de cœur, a décidé de cette surprise bien sage, raisonnable…après tout quoi de plus émouvant que de retrouver (presque) tous les tiens, autour de cette table, pour te célébrer, te vouer un amour et une amitié éternels. Et compte-tenu que c’est toi qui doit payer l’addition, autant reprendre du dessert malgré nos analyses qui font craindre le pire sur notre taux de cholestérol !

Voyons plutôt le bon côté des choses. A ton âge vénérable, tu auras toujours une place assise dans le bus, tu peux découvrir le monde du spirituel (pour la chair, c’est trop tard), devenir bouddhiste ou adepte du zen, faire du yoga ou du macramé à la MJC, tu peux envoyer des blagues osées par Internet, faire de l’exercice en pédalant sur ton vélo d’appartement en regardant les feux de l’amour, parler de psychothérapie (pour les autres), faire les antiquités dans les vide-greniers en retrouvant tes souvenirs de jeunesse, dépenser une fortune au téléphone avec tes copines en réussissant à ne rien dire pendant des heures de forfait, courir en ahanant le long du golfe pas très clair, se remémorer la liste de tous les chanteurs et acteurs morts depuis un demi-siècle…

Tu peux aussi t’inscrire sur meetic en mettant la photo de ta fille et en trichant sur ton âge, personne ne t’en voudra, vu qu’elles font toutes la même chose…

Et puis, tu sais, avant tout, il faut que tu comprennes que, quand nous te regardons, nous ne voyons pas ces atteintes discrètes de l’âge qui te font rider les yeux et crevasser la peau…Non, non… nous avons tous des lunettes à double foyer, alors…

Bon, je vais aller prendre mon viagra et mes vitamines C, peut-être que tu voudras terminer la nuit avec l’un d’entre nous et si cela tombe sur moi, il faut que j’assure comme une bête en rut au crépuscule… on arrivera à refaire le monde si on nous laisse encore un peu de temps.

 

Micheline, au nom de tous tes ami(e)s, on t’aime d’amour, reste la femme orgueilleuse et fière que tu es, cette fille de créoles qui a appris à dominer le monde à coup de matraque sur le dos corné des indigènes et rêve d’une vie de félicité pour les 60 ans qu’il lui reste à vivre !

Garde ton humour, (surtout après ce discours !), pense à tes enfants, petits-enfants, à tes copines, à ceux qui ont partagé quelques miettes de ton existence, qui t’ont offert l’amitié, le gîte et le couvert quand tu étais dans la misère et qui attendent que tu gagnes au loto pour être remboursés. Dépêche-toi…

Enfin, pense à nous comme l’on t’aime et te retourne pas…(air connu), d’abord parce que tu risques un torticolis et surtout parce que la vie est devant toi, tout près de l’horizon et qu’il flamboie pour annoncer à l’univers que tu as 60 ans et que c’est le plus bel âge de la vie !

 

Bon anniversaire ma chérie.

 

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Inventaire avant destockage (11)

Publié le par Bernard Oheix

Le 24 avril nous allons vivre une superbe soirée de musique à la salle de la Licorne dans le cadre de la saison "Sortir à Cannes" 2009/2010. Rencontre entre polyphonies et instruments de musique, rencontre entre les voix malgaches et les choeurs méditerranéens. Rajery et Talike pour l'Afrique, Le Corou de Berra pour notre région, deux univers qui se télescopent et créent dans l'échange, les conditions d'une meilleure connaissance, un pont entre ce continent noir qui a forgé l'identité de l'homme et cette vieille Europe si pétrie de ses certitudes.

Ce n'est pas la première fois que je programme mes amis du Corou de Berra. La première, c'était en 1995, depuis nous avons enchaîné les collaborations, Michel Bianco (le leader) est devenu un de mes amis, je les ai même entraînés dans mon avenutre des "concerts sous la mer".

A l'époque, j'avais sous mon pseudo Jean-Paul Icardi, écrit un article pour la Strada, le voici donc in extenso...

 

 

CHŒURS EN BALADE

 

 

Passer en première partie du groupe phare des Polyphonies Corses était un challenge que le Corou de Berra a su relever avec brio. Le jour de la sortie de leur troisième disque, ils ont séduit et fait vibrer une salle Debussy où 700 personnes avaient répondu à l’appel de la Direction de l’Evénementiel Culturel et de l’Amicale des Corses de Cannes dont le Président, Yvan Casanova, s’était totalement investi dans cette soirée.

 

Le Corou de Berra, chœur mixte du pays de Nice, admirablement dirigé par Michel Bianco nous a emmenés dans une promenade poétique et vocale de la grande Provence. Des chants des ligues piémontaises aux ballades « nissartes », des poèmes de Mistral à ceux des créateurs provençaux contemporains (S. Dotti), ils ont charmé le public par une simplicité extrême, un dépouillement absolu de l’art du chant allié à une sophistication des voix et des arrangements.

 

Le Corou s’avère vraiment comme le groupe phare de toute la région et les quatre-vingts disques vendus et les innombrables signatures à la sortie du concert montrent à quel point ils ont su toucher le public.

 

La deuxième partie du concert allait permettre de monter d’un cran encore dans le ravissement d’un public subjugué. Jean-Paul Poletti, fondateur de « Canta U Populu Corsu », créateur de l’école de Polyphonies de Sartène avec un chœur de sept jeunes chanteurs, vêtus de noir, soutenus par des lumières ambrées (bravo la technique du Palais), allait  atteindre des sommets que seul l’instrument vocal permet.

 

Une version des « Lamentu di Gesu » typique du « Catenaccio » de Sartène, des chants franciscains exhumés de l’histoire (O Sanctissima Anima) mais aussi des chœurs traditionnels recueillis auprès des bergers ou des travailleurs de la terre faisaient courir des frissons à l’ensemble de la salle chavirée de bonheur.

 

Commentant et introduisant chaque morceau avec beaucoup de finesse et de tact, son âme de « prof » allait se réveiller sur un « Perche Cantu » où tout le public (en canon s’il vous plaît !) fut associé.

 

Hymne à la joie de vivre, à la paix, à la rencontre sublimée par la pureté cristalline des voix (n’est-ce-pas le ténor ?), l’âme corse tourmentée, mais si belle, était le grand vainqueur d’une soirée pas comme les autres.

 

Et pour finir, parce que la Corse est avant tout une terre d’accueil, et parce que le talent c’est également de mettre en commun, Jean-Paul Poletti invitait tout le Corou de Berra à les rejoindre pour un final croisé grandiose où chacun se mit au service de l’autre pour la plus grande joie d’un public qui jaillit de ses sièges, en une « standing-ovation » dont la spontanéité évidente n’avait d’égal que les sourires qui illuminaient les visages.

 

Décidément cette quatrième édition de la soirée corse, après I MUVRINI, Petru GUELFUCCI, A FILETTA, montre la richesse de l’expression musicale corse et l’adhésion sans réserve des Cannois et du public venu de toute la région à des rencontres inédites.

 

Jean-Paul ICARDI

 

 

Bon, fallait peut-être pas exagérer ! Cela sent furieusement le plumitif en train de passer de la pommade dans le canard du coin... mais j'y croyais vraiment à l'époque ! Dans cet article écrit au siècle dernier, on pensait encore faire la révolution avec les armes de la culture et couvrir les voix de misère par les chants du coeur !  Mais quelques 15 ans après, deux tours en moins et une crise des banques en plus, il ne reste que des vestiges à contempler, ceux des ruines d'une certaine idée de l'art balayé par un monde épileptique que les bouffons ont envahi...Qu'est devenu ta culture, ô monde de miséricorde !

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Inventaire avant destockage (10)

Publié le par Bernard Oheix

Cette lettre est un document envoyé il y a bien longtemps, à un Directeur du Palais, dont je tairai le nom parce que je l’aime bien et qu’il y a prescription. Je devais être inspiré ce jour-là ! Tout vient d’une remarque dudit Directeur  de l’époque qui contestait une facture que nos amis russes n’auraient point réglée dans le cadre du Festival de l’Art Russe que nous coproduisons chaque année…Il s’agissait en l’occurrence, du solde d’une convention de billetterie inique, et l’affaire fut promptement résolue, non sans m’avoir autorisé de laisser s’exprimer ma perfide plume. A lire entre les lignes !

 

 

Cher M…,

 

Depuis la révolution d’octobre et la chute du mur de Berlin, la situation en ex-Union Soviétique est complexe… je te l’accorde !

 

Toutefois, il faut que tu réactualises tes fiches car à l’évidence, les services de renseignements français ne sont plus à la hauteur des événements qui secouent l’Europe et ce faisant ne nous mettent pas à l’abri d’un crash financier qui toucherait notre structure de plein fouet.

Pour preuve, la stabilité réelle de l’équipe russe qui, depuis trois ans, nous fait l’insigne honneur de ne pas évoluer, les mêmes accortes kolkhoziennes aux yeux de braise et à la poitrine avenante conservant le leadership de ce Festival contre vents et machos slaves qui tentent de les déboulonner.

Jusqu’à preuve du contraire ils ont toujours payé ce qu’ils nous devaient…la seule constante restant cette réputation entretenue par des langues de commères cannoises induisant qu’ils seraient de mauvais payeurs et coûteraient chers…Tentons de commercialiser le Palais sur fin août et de faire des spectacles sur cette période et nous verrons alors où penche le fléau de la balance et qui soutient l’autre dans ce Festival qui rapporte à notre ville la considération de la France reconnaissante en sus de ces maigres piécettes que tu thésaurises avec empressement pour régler nos salaires de fin août.

Reste cette facture de plus de  3 000 € (!!!). Au cours d’un Yalta improvisé entre mon équipe et toi, en septembre, tu avais convenu que, même s’ils étaient foncièrement abrutis par l’excès de vodka, leur faire payer 1,70 € par billet, y compris les invitations émises pour notre public et la mairie, s’apparentait plus à un racket assimilable aux pratiques de la mafia russe qu’aux relations d’entente cordiale entre des bénéficiaires (nous) et des payeurs cochons de slaves (eux). Résultat nous sommes tombés d’accord, ensemble, pour conserver les droits de garde (2 € par billet acheté) et annuler la convention racket de billetterie. En l’occurrence, non seulement ils ne nous doivent rien, mais en plus nous conservons les 4 500 € bien utiles pour faire mieux fonctionner la billetterie.

Cher Michel, à défaut de te convaincre sur le bonheur sexuel de travailler avec ces walkyries  venues du nord, je t’assure que je veillerai personnellement à faire payer le moindre cent à ces anciens communistes reconvertis dans l’organisation de spectacles frelatés (Bolchoï, Mosseïev, Kirov, Bashmet…) vendus à bas prix aux capitalistes conquérants que nous représentons.

 

Comme quoi, même dans les austères bureaux d’une entreprise on ne peut plus sérieuse, on peut aussi s’éclater et vivre épistolairement des moments de fortune !

 

 

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Inventaire avant destockage (9)

Publié le par Bernard Oheix

Texte étrange, colère d’un été de travail s’annonçant et jalousie de voir les autres faire la fête ?

Je l’ai écrit il y a deux ans et il dormait dans mes cartons. Petite vie éphémère de quelques lignes de détente.

Bon, je sais que je prends du retard et que j’ai énormément de textes à produire sur les spectacles programmés à Cannes (Le Jugement dernier/Requiem de Verdi, le Festival des Jeux, Rokia Traore) où sur ceux vus à Paris…mais mon tempo est légèrement bouleversé et il faudra encore attendre car la semaine prochaine, je remonte sur Paris pour voir Peter Gabriel et j’enchaîne avec le Bab El Med de Marseille.

A bientôt donc !

 

Il fait chaud, et nous préférerions être sur la plage au milieu des naïades, en train de slalomer entre les starlettes aux seins nus qui hantent nos rivages ou les éphèbes aux pectoraux luisants et de bader en se demandant où l’on sortira le soir même… et avec qui !

Las ! Prenez vos congés, âmes de l’administration et des services commerciaux, d’intendance et gardiens de choc, quelques zombis vont œuvrer, tout au long de l’été, cuits et recuits par ce soleil si dur quand il ne flatte pas un corps dénudé allongé sur le sable fin, les pieds dans l’eau.

C’est dans notre sueur et dans le sang de nos angoisses que nous resterons fidèles au poste afin de maintenir, contre vents et marées, des spectacles et des animations dont vous pourrez vous goberger pendant ces vacances que vous avez bien méritées…reconnaissons-le !

Où étiez-vous le 31 décembre, pendant les vacances de Pâques, le 14 juillet, le jour de la Toussaint ?...

Au travail, punis les gens de la culture et de l’événement !

Tant pis pour nous, fallait pas nous y coller, et après tout, vivre la tête dans le showbiz, effleurer les ombres des stars, cela se mérite et faut bien le payer quelque part !

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Inventaire avant destockage (8)

Publié le par Bernard Oheix

Un des bijoux de notre programmation est le Festival International de la Danse dont Yorgos Loukos est le Directeur artistique. Chaque édition est un pur moment de beauté, d'images volées au gris de la tristesse ! Si le Festival a pu s'épanouir, c'est bien parce que la Danse et Cannes ont des histoires étroitement mêlées... du Marquis de Cuevas dont j'entendais parler tout petit, au centre de danse de Rosella Hightower, une Etoile que j'ai bien connue, une femme hors-norme qui me confia un jour de voyage nocturne dans la froideur de l'hiver, son histoire si riche, une page de légende d'un siècle qui les autorisait. Petite fille authentiquement Indienne (ceux avec des plumes qui chassaient le bison, elle connut la gloire et foula les plus grandes scènes du monde ! Elle s'est retirée à Cannes pour créer son école et y fonder un lieu de vie étonnant qui forma des générations de danseurs et de chorégraphes. Elle a fait énormément pour la notoriété de la ville et fut à l'origine du Festival de la Danse avec René Corbier, le Directeur des Affaires Culturelles.
Parler de la Danse à Cannes, c'est ouvrir une belle page d'émotions !

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C'est bien mon alter égo Jean-Paul Icardi qui signe ce papier dans un programme spécial sur la la programmation Danse à Cannes.

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