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Deux morts et un enterrement !

Publié le par Bernard Oheix

 

Petit commentaire déposé sur le blog de David Lisnard écrivant sur la starification de Michael Jackson après son décés.


Divagations au petit matin !

« Dans le cas de notre ami M. Jackson, cher Président, vous évoquez sont statut de "starification" mais n'est-ce point plutôt de "scarification" dont il faut parler ? En quel cas, notre messie de la pop aurait offert son corps et son sang à l'élaboration de son propre mythe et d'une nouvelle religion dont ses fans seraient les apôtres ! En l'occurrence, la scène prendrait furieusement une allure de cène et son parc Neverland deviendrait un Eden épargné par le pêché originel ! »

 

La mort du roi de la pop m’a laissé étrangement indifférent. D’ailleurs, je me suis aperçu à cette occasion que je n’avais aucun CD de lui. Ce n’est qu’après les nombreux reportages entrevus à la télévision et les articles de Libé et du Monde que le personnage a pris une certaine épaisseur pour moi. Son rapport aux « fans », sa disponibilité et la gentillesse de sa sécurité, (vérifiée à l’occasion de sa prise d’empreintes par ma collaboratrice Nadine S. lors de la présentation de son clip au Festival du Film) n’étaient pas qu’une légende. Sa trajectoire d’enfant prodige en star momifiée par un culte planétaire n’obère en rien la part d’ombre d’un personnage lunaire. Qu’en est-il exactement de ce passé de soufre qui brouille une image colorée ? Le rapport à la teinte de sa peau qui mène à cet étrange paradoxe que l’emblème des blacks américains tentait désespérément de se blanchir en gommant sa couleur d’origine, la monstruosité de ses masques mortuaires dérobant son visage aux photographes, son nez sans cesse « retaillé » aspirant le regard de son trou noir, ses enfants engendrés dans la froideur d’une mécanique même si son amour paternel ne semble point discutable…Mais le reste aussi, les nuits dérobées d’enfants perdus, mythe ou réalité ? L’histoire ne tranchera jamais, mais il reste les traces de ses spectacles, les galettes d’un son brut, cette silhouette étonnante de grâce virevoltante en échappant à la pesanteur, ce sens de la scène et de la musique qui en font un des personnages fondamentaux de l’univers musical de la fin du XXe siècle ! Sa disparition brutale, apte à générer toutes les rumeurs, entretiendra sa légende et lui permettra de se retrouver aux côtés des James Dean, John Lennon et autre Hendrix foudroyés en plein soleil pour l’immortalité !

Que dire alors de cette cérémonie mondialement diffusée où l’improbable côtoyait le mauvais goût, le génie, l’à-peu-près, où un Dieu si typiquement invoqué par les américains, dispensait ses bienfaits en larmes dégoulinantes cascadant de bouches éplorées, où les voix s’époumonaient à tenter de monter dans l’azur afin que les présents récupèrent un peu de la gloire du disparu…Facticité d’un clan artificiellement reconstitué, d’un père honni devenu le géniteur d’un dieu mort ? Rien sans doute, si ce n’est que l’authentique tristesse de certains ne pouvait que se heurter à la réalité d’un monde où la mort affronte au quotidien les indéfinissables, les sans-grades, les mères et les enfants qu’une faux vengeresse décapite allégrement aux sons des tubes de Michael Jackson que la radio déverse en flots tumultueux !

 

Par contre, j’ai été choqué par la disparition soudaine de la grande chorégraphe Pina Bausch. Je me souviens encore en 1984, au TNP de Villeurbanne, de la seule et unique fois où j’ai vu une de ses pièces en live. Je me rappelle vaguement de danseuses et danseurs vêtus de tenues sans forme en train de se jeter sur des parois de bois délimitant la scène, d’une musique assourdissante et d’une émotion naissant de l’enchevêtrement des corps et de la rythmique d’un mouvement paroxystique, sans fin. Après Béjart en Avignon en 1969, Pina Bausch en 1984 m’a transmis une idée de la Danse sans frontières ni limites, comme une bouffée d’air pur dans le conformisme d’un académisme qu’elle faisait voler en éclats. Mon imaginaire chorégraphique s’est structuré autour de ces deux repères.

Je n’aurai plus l’occasion de la voir. C’est une grande perte pour le monde des idées et de l’art. Depuis 10 ans, je suppliais Yorgos Loukos, le Directeur artistique du Festival de Danse de Cannes que j’organise, de monter un projet avec elle et de la programmer, et ce d’autant plus, qu’il la connaissait personnellement. Ce n’était pas chose aisée mais j’avais bon espoir…je l’ai perdu définitivement cet espoir de croiser son chemin et de partager un moment de sa magie, je le regrette infiniment !

Il reste le mystère d’une femme morte en cinq jours d’un cancer inconnu. Les rares éloges d’un monde frileux ne l’empêcheront point d’accéder au Panthéon des vraies célébrités, celles que l’histoire grave dans ses pages en lettres d’or. Tant d’autres disparaîtront à jamais du grand livre des femmes et hommes qui ont transformé le monde des certitudes…que le temps n’usera point son aura mystique. Elle échappait aux règles, aux normes, n’était jamais où on l’attendait, toujours dans cet univers si particulier de bruit et de fureur qui fait que le silence de sa disparition devient assourdissant. Elle posait inlassablement des questions et ces questions resteront ouvertes à jamais de par sa disparition…si rapide, trop tôt.

Il est toujours trop tôt pour que la lumière s’éteigne !

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15 s de Tour de France

Publié le par Bernard Oheix

 

 

 

Non, ce ne sont pas de vraies fesses mais un manequin sur une voiture... plutôt agréablement moulé, n'est-ce pas mesdames !
Furieux. Je suis très en colère.
Pensez donc. Me voilà en train de chevaucher ma moto pour monter à Pré du Lac voir passer le Tour de France, l’événement de l’été qui nous fait l’honneur de partir de Monaco et de traverser les Alpes-Maritimes. Grand cycliste devant l’éternel (Venise-Gdansk, Bourg en Bresse-Budapest, les tours de Sardaigne et de Corse, Lyon-Rome…tout cela, c’est moi avec mon pote Petitpoisson, c’est son nom, pas besoin de rire !), je ne pouvais laisser échapper cette occasion de me confronter aux stars de la petite reine et de humer le bon air de l’exploit sportif !

Le PMU, une cavalière attachée par des sangles à un cheval en bois ! Leurs mains vertes  distribuées généreusement restent un des grands mystères de cette journée...A quoi servent-elles ? Je me pose encore la question !
Et bien vous ne me croirez peut-être pas, mais je n’ai même pas eu le porte-clefs Cochonou, (Ah ! les 2CV rouges qui foncent en pétaradant !), tout comme le bob blanc de Skoda qui a atterri à quelques mètres de moi…Quand à la casquette noire à passements rouges de la Caisse d’Epargne, c’est un Allemand (sacré teuton) qui l’a piquée juste devant moi. J’ai hésité à recommencer la guerre mais ces yeux bleus perçants sous un casque de cheveux blonds m’en ont dissuadé. On attendra avant de reprendre les hostilités que nos forces soient reconstituées et que nos cyclistes se remettent à gagner des étapes. La main verte PMU, (j’ai toujours pas compris à quoi elle servait !), me passant sous le nez, tout comme le sac Vittel et les bonbons Haribo, pour lesquels des mômes sales et déguenillés se battent comme des chiffoniers sans aucun respect pour les adultes qui tentent de saisir au vol les trésors dispensés par la caravane publicitaire !
Des fifres et des belins pour ma pomme, j’ai juste décroché une casquette BBox/Bouygues… c’est vraiment dégueulasse !

Bon, deux heures d’attente sous le soleil avec une noria de véhicules déboulant sans que l’on comprenne pourquoi. La pub des voitures Skoda sur les BMW, des pneus qui roulent, d’étranges véhicules à la Mad Max avec des sonos tonitruantes vantant on ne sait quel produit pendant que d’accortes jeunes filles balancent mollement des objets volants non-identifiables dans les pieds de la foule déchaînée...C’était quand même beaucoup dans l’ensemble !

Une voiture pneu... Admirons l'esthétique futuriste de ce magnifique véhicule !
Soudain, 4 coureurs débarquent avec 4 mn d’avance. Ils transpirent en se déhanchant pour prendre le rond-point et foncer vers Grasse. On cherche à repérer leurs noms mais personne ne les connaît. Juste derrière, une masse indistincte de coureurs surgit, amoncellement de jambes en mouvement, de couleurs rutilantes, de casques profilés et de lunettes d’extraterrestre. Un sifflement bizarre les accompagne, vent dans les chaînes de vélo, crissement des boyaux sur le gravier de la route.
Je veux les immortaliser et tente de les prendre en photo quand soudain, avant même d’avoir pu mitrailler, des voitures défilent avec des fourches en l’air et des vélos qui brinquebalent dans l'azur. 15 secondes et puis s’en vont, concerts de berlines avec des officiels qui secouent leur main dans l’enthousiasme général, public comptabilisant leurs trésors, soleil sur la tête et le vide soudain…un silence sépulcral succédant à la liesse, mouvements furtifs d’une foule se repliant sur ses bases avec des commentaires d’expertise médicale.

Voilà, ils sont là. Ils vont passer  à la vitesse de l'éclair sans même nous faire coucou. 15 secondes, c'est court pour 3 heures d'attente !
Ainsi donc, je n’ai vu, ni le maillot jaune, ni Armstrong, ni aucun autre coureur définissable, j’ai entrevu, ce me semble, derrière des verres fumées, la silhouette de Laurent Fignon, (mais je n’en suis pas certain !) et le tout a duré le temps d’une inspiration…mais j'ai gardé la casquette Bouygues et elle me sied à ravir !

Bon, la conclusion, c'est que j’irai l’an prochain voir les matches de l’AS Cannes en football, même là, il doit y avoir plus d’agitation !



La fête est finie, on range les barrières, les flics réendossent leur tenue...Moi, je garde le Che sur mon coeur en farouche défenseur des excès d'une société de consommation. Les forçats de la route continueront à suer sur le macadam pour que les foules s'esbaudissent et que l'audimat explose ! Où étais-je en ce dimanche 5 juillet ?

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Nathalie la stagiaire

Publié le par Bernard Oheix

Un discours de plus, un de moins à penser pour la postérité. Une nouvelle fois, j'ai dû plonger en moi afin d'honorer le passage en nos murs d’une stagiaire particulièrement brillante. Ces discours, prononcés devant l’équipe, sont devenus un rite de passage obligatoire pour les membres de l’évènementiel en partance, en anniversaire (chiffres ronds uniquement !).

Naturellement, il y a eu des larmes, des vraies, non seulement de la Nathalie concernée mais aussi de toutes les filles de la direction. Quand je pense au gâchis de ces jeunes qui arrivent plein d’espoirs sur le marché du travail et que je connais la réalité économique qui les attend, j’ai honte de ce monde dans lequel nous plongeons nos enfants !

 

 

 

 

Il en est des stagiaires comme des saisons… par essence, elles sont éphémères, arrivent pour passer et s’évanouir, s’enchaînent en un flot continu dans ce monde où la précarité est devenue un standard de vie.

 

On vous a donné une formation de qualité, vous avez la rage au cœur, le désir d’en découdre afin de trouver une place, vous débarquez avec votre passion insufflant une énergie nouvelle à ces équipes de permanents, race en voie de disparition, je tiens à le préciser, qui ne pourraient fonctionner sans votre apport… que déjà il me faut faire un discours pour annoncer votre départ avec comme objectif un travail de serveuse de limonades ou de petites culottes dans un établissement de la rue d’Antibes…

Cruelle injustice, ironie malsaine… Vous avez espéré de ces quelques mois passés à nos côtés, on a pressuré votre aptitude à tout faire (même l’innommable…les fameux mailings que vous avez enfournés par milliers dans des petites ou grandes enveloppes !), on vous a donné une partie de notre expérience…mais à quoi cela sert-il quand le monde marche sur la tête et que les jeunes n’ont qu’un horizon bouché comme espoir de salut…gâchis immense qu’il nous faudra bien solder un jour !

 

Mais pour en revenir à toi, ma Nathalie chérie, quand nous t’avons vue débarquer en décembre 2008 au Gala de Johann Strauss, tu as été notre cadeau de Noël, la cerise sur le gâteau d’une nouvelle année. Tu as rayonné au Festival International des Jeux, assuré les caterings d’innombrables stars qui t’en restent éternellement reconnaissantes, serré dans tes bras des colis de programmes, usé tes yeux sur les ordis, pondu d’indicibles rapports, répondu présente à toutes sollicitations… tout cela en cherchant, sans la trouver, l’âme sœur (malgré les efforts consentis par ton directeur pour te dénicher la perle rare qui t’empêcherait de t’acheter un chien pour avoir de la compagnie !) et en nouant des liens d’affection avec l’intégralité des filles de l’Evènementiel pour une fois pas jalouses de cette jeunette aux charmes appétissants bien capable de faire perdre le nord à un directeur normalement constitué !

Alors, Nathalie, après ces mois en notre compagnie, on va te souhaiter une carrière belle et ambitieuse, un travail à la hauteur de tes capacités et de tes ambitions, un salaire comme une récompense méritée de tes actes, un poste, un vrai, dans la culture ou dans l’agriculture, n’importe où, du moment que tu œuvres à la richesse humaine, au développement de la société, que tu t’épanouis chaque matin en quittant les bras de ce fiancé, que tu trouveras bien un jour, et qui te comblera comme tu le mérites avant d’aller rejoindre à l’aurore les chaînes de la production d’une entreprise qui t’aura fait confiance.

Allez, Nathalie, on t’aimera toujours. Tu es passée parmi nous pour laisser une belle trace dans notre cœur. Et si on a pu te donner quelques armes en plus pour affronter ton avenir professionnel, alors tant mieux, on t’aura rendu ainsi, une parcelle de ce que tu nous as offert si généreusement pendant ces 6 mois !

Cannes, le 30 juin 2009.



Voici un extrait du discours que j’ai décidé d’ôter à la dernière minute. Il appesantissait quelque peu le propos… mais c’est tellement ce que je pense !

 

Qu’avons-nous fait de votre beauté ? Comment imaginer un monde dans lequel nos enfants n’héritent que des vestiges d’un siècle passé ?

Envolé les contrats à durée indéterminée, vive l’intermittence comme système de régulation permanente !

Que vive les salaires en solde, les gras émoluments et stock-options étant déjà réservés par les nantis et ceux qui détiennent le pouvoir !

A quoi servent les diplômes, la formation, les stages. A rien, circulez, y a rien à voir ni en tirer !

Ilotes de l’économie, esclaves modernes comme régulateur des dépenses salariales, facteur d’adaptation de l’entreprise, juste avant le chinois ou l’indien corvéable à merci !

Courrez, camarades stagiaires, l’histoire vous mord la nuque…

 

  

 

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Chutes de Riens

Publié le par Bernard Oheix

 

Je me suis souvent demandé ce qu’il advenait de ces scènes tournées par les réalisateurs mais non-incluses dans le montage final présenté au public. Elles somnolent sur des étagères comme la Belle au Bois Dormant, attendant qu’un jour, par miracle, un remontage en version longue les exhument pour leur donner vie, (c’est le cas assez rarement, hélas !) où qu’un aventurier des archives perdus viennent fouiner parmi ces bobines afin de dénicher la perle rare, le trésor d’un plan magique à jamais éternel, que des étudiants en cinéma vont disséquer jusqu’à en extraire la quintessence…Plus généralement, ces plans s’assoupiront à jamais dans le vide de l’inconnu !


Il en est de même pour les écrits. Combien de textes barrés d’un trait nerveux présents dans une version initiale qu’une relecture condamnera à l’exil définitif et qui rejoindront un éther dans lequel errent des phrases sublimes, des approximations incertaines, des chapitres entiers qu’une logique perverse balaye, des assemblages hétéroclites, des mots d’autant plus abandonnés qu’ils ne sont plus destinés à la lecture mais à l’archivage ou à la poubelle.

Tous ceux qui écrivent ont ressenti un jour ce pincement douloureux de devoir sacrifier, sur l’autel de la cohérence et de l’efficacité, des phrases qui apparaissaient indispensables à la naissance du texte. Un vide se créé de devoir les abandonner comme orphelines d’une logique impitoyable.

C’est ce qui m’arrive aujourd’hui, dans la 3ème version d’un roman, La Métisse du Peuple des Epines, qui ne verra peut-être jamais le jour en tant que roman, mais dont les scories, elles, sont d’ores et déjà renvoyées dans les greniers de la mémoire !

Aussi, ai-je décidé de les mettre en ligne afin de les faire exister fugacement, juste l’espace d’un désarroi, avec l’idée peut-être, de ne pas laisser ces morceaux de moi-même sans sépulture. Vive les chutes des riens d’un grand néant !

 

Page 17

Au cœur de la nuit des temps, quand l'être humain a décidé de devenir un homme et qu'il s'est redressé pour regarder la ligne d'horizon et jouir des couleurs pourpres d'un coucher de soleil sur la crête des monts découpés sur le ciel, on peut imaginer que, dans un langage balbutiant, il a inventé des mots trop beaux pour naître du néant. Bien au-delà de ces paroles qu'il cherchait à crier dans l'azur, du fond de son âme et de l'esprit de son peuple, une voix discordante s'essayait à franchir des cordes vocales malhabiles. Avec un bâton ramassé dans la forêt, tapant sur des fûts évidés qui résonnaient dans la nuit tombante, il a entonné une curieuse mélopée, un grondement sourd de son souffle qu'il apprenait à dompter sur ces muscles cachés au fond de sa gorge. Les autres membres de la tribu décidèrent de suivre son rythme, son phrasé, ses ruptures de ton, de jouer sur les contrastes et les décalages pour se fondre à l'unisson quand l'ensemble des présents plongeaient les yeux dans les étoiles. Peut-être est-ce ainsi  que le chant polyphonique est né, une belle histoire traversant les âges et les cultures de l'oralité, un moyen de vaincre le vent qui emportait les coutumes dans ses rafales, première forme d'art, bien avant que les couleurs de la vie ne meublent les ombres dansantes sur la pierre des abris troglodytes ou que les outils taillés dans le silex ne se mettent à transformer le monde.

 

Ce texte n’a vraiment pas de chance. Il se trouvait déjà dans la première mouture d’un roman précédent. Je l’avais sauvé en le réincorporant dans « La Métisse » mais la malchance le poursuit, une 3ème correction lui sera fatale, je le condamne derechef en l’expulsant de nouveau. Exit l’histoire rêvée d’une polyphonie ancestrale, le musique continuera de s’électrifier sans que l’on sache d’où est né cet art majeur !

 

Page 42

Dely était une révolutionnaire dans l’âme. Elle possédait une haute conception de la place de la femme dans la société Malgache. « Les hommes sont souvent veules et cupides, ils ne cherchent que le plaisir immédiat et ont tendance à imaginer qu’ils sont les maîtres de nos corps » me disait-elle. « Les femmes sont puissantes quand elles le désirent, elles peuvent faire plier les mâles. » Elle me narra un jour, le rite du Palabre des Femmes en pays Tanale, une région qui jouxtait l’Androy. « -Si une femme est insultée, humiliée, frappée, qu’un homme du village se conduit mal contre sa propre épouse en jetant la honte sur toutes les autres, alors, les femmes se réunissent pour palabrer et guidées par la Déesse du ciel,  déclenchent le grand exode. Toutes les femmes, de la plus jeune à la plus vieille, s’en vont en colonnes, abandonnant les hommes à leur sort. Il faudra un émissaire qui demande pardon au nom de tous les mâles et une réparation en zébus d’autant plus importante qu’ils auront attendu, pour que la déesse du ciel accorde à la doyenne des femmes l’autorisation de reprendre leur place aux foyers. Ne l’oublie jamais ma fille, les femmes sont fortes quand elles sont unies. Ne sois jamais faible, ils en profiteraient pour t’arracher ton honneur »

Ma mère était ainsi, bien que respectueuse des traditions, elle refusait que celles-ci permettent aux hommes d’exercer leur pouvoir sans contrepartie. Elle s’ancrait dans un féminisme naturel où les responsabilités devaient être partagées, puisant dans son couple la preuve que l’harmonie pouvait se conjuguer à  deux.

 

J’ai entendu cette histoire de « la palabre des femmes Tanale» chez un conteur Malgache. J’avais aimé cette image d’une cohorte de femmes quittant les cases et laissant les hommes sans ressources, abandonnés, obligés de se faire la cuisine et de langer les enfants mâles… Las, dans l’histoire de « La Métisse », cela alourdissait le propos et le rendait trop didactique. Cette belle page de l’histoire de la lutte des femmes restera donc inconnu… Désolé, mesdames !

 

Page 18

Quand ma mère apparaissait, la lumière semblait plus brillante, quand elle vous regardait de ses yeux si doux, elle vous transmettait des mots d’amour sans paroles. Quand elle vous caressait, c’est comme si les ailes d’un ange vous enveloppaient. Elle était ainsi, fille du dernier roi du peuple des épines, épouse d’un prince blanc, reine dans le cœur des hommes et mère de tous les enfants du monde.

 

En hommage à toutes les mamans du monde…

 

Voilà quelques phrases sauvées du néant. Elles ont perdu leur âme de ne plus se renvoyer en écho d’une histoire en train de se construire, mais au moins auront-elles gagné un souffle de vie pour mourir de leur belle mort !

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Ultimes Colibris

Publié le par Bernard Oheix

Île paradisiaque. Le voyage se termine aujourd'hui, dans un avion qui nous fera remonter le temps et débarquer vendredi matin sur la Côte d'Azur pour retrouver nos vies d'antan, le présent au quotidien. Près de 3 semaines à rencontrer des gens étonnants dans un cadre de vie superbe, contrastes permanents, mer omniprésente, soleil ou pluie, sites somptueux, douceur de vivre... Et toujours ces "colibris", montages photographiques réalisés par mon frère Jean-Pierre O... qui nous accueille et nous permet de découvrir la Martinique de l'intérieur !


Barnabé, grand pêcheur devant l'éternel, nous fait découvrir son territoire...Le "rocher", couvert d'oiseaux et de sel qui ferme la baie de Tartane en sentinelle perdue de l'Atlantique, le cap de la Caravelle avec sa baie du galion, les fonds marins où les poissons jettent des tâches de couleurs, les vagues sur lesquelles le bateau danse...Ô combien de marins... ont ressenti cette sensation particulière de partager un moment d'éternité avec la nature ensorcelante !



Gaston est heureux. La pêche fut particulièrement bonne et directement vendue aux habitantes de Tartane qui se sont précipitées vers l'étal à peine la barque ancrée...Comment le savaient-elles que ses filets regorgeaient de daurades ventrues qu'il découperait et vendrait au poids de tranches juteuses ? Mystère... L'après-midi, sur le terrain de boules jouxtant les barques, il pourra oublier ses lignes et frapper des carreaux avec la régularité d'un métronome...


Sortie superbe avec Jean-Guy, conteur hors-pair qui nous fait découvrir la côte du Précheur, dernier village avant la montagne Pelée dont la cime est éternellement dans les nuages. Des baies mystérieuses, des rochers aux poissons multicolores, des dauphins paressants à nos côtés en animaux de compagnie, un déjeuner à Anse la Voile, plage accessible uniquement par barque, située à la charnière entre l'océan Atlantique et la mer des Caraîbes. Un repas composé d'accras et de poissons... le jaune du soleil, le vert de la végétation et le bleu de la mer comme des touches célestes pour une partition divine.

Un bon résumé d'une de nos journées...une petite marche en compagnie de gens passionnants dans des coins superbes. Un déjeuner au poisson dans un restaurant typique accompagné de vieux rhums, avec en riccochet, une sieste dans la chaleur moite pour évacuer le stress [quel stress !?)... et le soir, un repas entre amis qui finira par une belote et toujours beaucoup de rhum !!! Dur, dur la vie en Martinique ! Merci aux familles Clément et Jupiter pour leur accueil, un beau passeport sur l'art de vivre en Martinique et sur la convivialité. 

Voilà, le voyage touche à sa fin. Je garde avant tout à l'esprit la gentillesse naturelle des habitants, la diversité incroyable du métissage dans la luxuriance d'une île aux effluves chargées d'épices. C'est une grande île, avec ses montagnes et ses côtes qui jouent à se dérober l'horizon en permanence, dans la violence d'un océan présent à tout instant, l'odeur d'humus d'une décomposition qui enrichit la vie de son terreau fertile. Tout s'élance vers le ciel, comme si la surface plane des vagues ne pouvait contenir la force des éléments.
Il y a aussi les sourires des Martiniquais, légèrement en coin, pli de la lèvre moqueur, oeil à moitié fermé, la main dans les cheveux, comme si la vie valait vraiment le coup d'être vécue quand l'histoire des hommes s'ancre dans la douleur et que le passé ouvre des plaies béantes. La blessure des mémoires vivantes implique une distance que le Martiniquais vous offre avec respect, pour ne pas sentir le souffle de la haine embraser l'atmosphère quiète des douceurs océannes !
Le temps est venu de se comprendre,semble-t-il  vous proposer, à nous d'entendre les cris monter des nuits où le souffre brûlait !



PS : Et pour mon égo, un montage que je vous propose afin de garder la tête froide au moment de retrouver mon poste de Directeur de l'Evènementiel  du Palais des Festivals de Cannes !!!!

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les "colibris"

Publié le par Bernard Oheix


Les vacances se terminent...déjà ! La Martinique est fascinante pour peu que l'on se décide à sortir des sentiers battus pour s'enfoncer dans la jungle de ceux qui y vivent toute l'année avec la mer en horizon et le temps comme baromètre. Ils sont généreux quand la barrière se lève...mais cela se mérite !



Les photomontages de mon frère Jean-Pierre, chez qui nous résidons, font fureurs sur l'île. Chaque fois qu'il est invité, il produit ce type de document qu'il offre en retour avec un succès garanti. Là, chez Pat'yss (Jah est grand !) et Marie-Hélène (une sacrée bonne femme avec qui il vaut mieux ne pas se rater !), nous passons une journée géniale en dehors du temps. Un gué pour y arriver, en 4/4 pour finir, suspendu dans la colline verdoyante, un bout de terrain avec un cabanon sans électricité. Nous y boirons force verres de rhum, mangerons des plats typiques cuits au feu de bois(migan de morue, poissons volants grillés, poulets boucannés) et pour finir, terminerons par une belote d'anthologie auprès de laquelle celle de Pagnol ferait apparaître les marseillais comme de tristes sires coincés sans humour...Docteur Michel et Pat'yss mes adversaires impitoyables et Félix mon partenaire m'offriront l'occasion de vivre un vrai moment de bonheur...score final, pas de vainqueurs, le combat cessant à cause de l'obscurité sur la parité de 1-1...avec la promesse d'une belle à faire, un jour, si Jah le veut !


Docteur Michel est un lettré qui parle une langue suave, élégante et conte des histoires à dormir debout avec la verve d'un marabout. Jean-Marc est fin, réservé, plein de majesté et de discrétion. Ils vont débarquer, s'installer, boire et manger avec nos hôtes et l'après-midi passera dans les rires, l'alcool et la certitude de découvrir que les frontières n'existent pas. Une belle humanité en marche vers des aujourd'hui's chantants !

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Parler de Martinique

Publié le par Bernard Oheix

C'est d'abord une odeur et des couleurs. Une succession d'odeurs, un empilement de fragrances, un mille-feuille constitué de strates diverses qui montent vers le cerveau pour réveiller un parfum primitif, animal, respiré dans les couleurs de l'arc-en-ciel.

Celui d'une terre riche et meuble, sans cesse inondée, où les feuilles pourrissent pour se régénérer. Terre tropicale rouge, qui s'éventre au gré des averses violentes s'abattant à tout moment, rideau de pluie dérobant l'horizon, grains de folie sur cette terre qui exhale sa douleur de mourir pour vivifier l'esprit des ancêtres aux chants plaintifs...

Omniprésence liquide. Se déversant des nuages gonflés qui roulent dans le ciel, jaillit des replis des sols rouge pour rejoindre les côtes en serpentant au creux des vallons, montant à l'assaut des ilets décharnés par les rouleaux atlantiques parcourant les immensités aquatiques ou provenant des chaleurs caraïbes pour mourir sur le sable immaculée d'une baie brûlée par l'arc du soleil.

Aussi la canne à sucre coupée que l'on conduit vers les rhumeries crachant leur « part des anges », vers les sucreries qui dégorgent la fumée des « cabasses » à grosses volutes noires, camions à bennes ouvertes sillonnant les routes afin de livrer leurs charges, odeur douceâtre fleurant la promesse d'une ivresse future.

Toujours tant d'arbres et de fleurs parées de couleurs, avec leur message inscrit en lettres multicolores, chacune et chacun messager de fragrances inconnues qui se fondent dans la nature luxuriante... Des flamboyants grimpant vers les cieux pour dérober les cimes, aux toits carmin, à pétales jaune, des massifs aux élégantes immaculées, des lianes d'argent qui croulent vers le sol, arbres à pain, bougainvilliers rose, araucarias, frangipaniers, vanilliers de Cayenne, camélias et orchidées...

Manteaux d'or pour une luminosité qui se déchire d'un seul coup. Il y a si peu, du soleil clair et bleu qui brûle l'horizon, à la laiteuse perspective d'un ciel se dérobant, noir d'un grain, gouttes s'écrasant en gros flocons, vent qui tord les cimes vertes et remue les vagues en dégageant une odeur de sel marin.

L'arbre aux voyageurs nous tend ses bras en éventail. Il reste obstinément persuadé que les années s'écouleront, que le temps s'effacera, avant que les humains ne puissent dompter les éléments et s'imaginer à l'égal des dieux. Trop tard pour les esclaves morts, trop tard pour la terre des pleurs, il reste l'espoir des couleurs métisses et les rêves des survivants d'une terre orgueilleuse suspendue entre l'océan et la mer.

Odeurs mortelles, couleurs des lendemains qui chantent...C'est une île de Martinique pleine d'ivresse des senteurs, parée de couleurs, chargée de bruits et de fureurs que la voix chantante des enfants de douleur tente d'habiter d'humanité pour oublier le passé et feindre le bleu d'un avenir sans nuages.

 

 

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carte postale de la Martinique

Publié le par Bernard Oheix



Les vacances se passent bien...Aramis, ouvrier agricole et sculpteur sur bois de plage, nous reçoit avec son chapeau bicorne...Plage, soleil, randonées, Ti-punch, musique...affaire à suivre !

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Le palmarès et les Vacances

Publié le par Bernard Oheix

 

Petite fierté. Avoir donné la Palme d’Or, le prix spécial du jury et le prix d’interprétation féminine…pas mal non pour un cinéphile ? Comme quoi, si les bruits qui courent à Cannes concernant les tensions entre la Présidente et certains membres de son jury s’avèrent juste, le résultat n’en est pas moins probant : c’est un palmarès assez équilibré et représentatif de la richesse de cette édition du Festival du Film ! De plus, je peux comprendre le prix au film Chinois (pour des raisons politiques dues aux menaces qui pèsent sur le réalisateur à son retour en Chine), beaucoup moins celui du Coréen (dont le film est franchement grotesque) !

J’ai donc bien mérité de partir me reposer. Oui, c’est l’heure de mon départ et de vous laisser en compagnie de mon blog. 3 semaines à la Martinique, cela mérite bien quelques abandons, des accrocs avec le rituel de la mise en écrit hebdomadaire et la désespérante impression de solitude que vous allez ressentir. Le vide s’ouvre sous vos yeux…mais vous survivrez !

N’hésitez pas, profitez de cette pause pour plonger dans les entrailles du blog. Avec l’onglet à la droite en haut  de l’écran, sélectionnez quelques nouvelles (Les amants du froid, Le collier de phalanges, La femme qui se venge…), quelques histoires vraies (Tapie, La reconstitution de la bataille de Nasville…) ou révisez mes notes sur les spectacles et les films…il en restera toujours quelque chose et vous partagerez ainsi, un peu de mon univers en comblant mon absence insupportable.

Ciao, et à dans 3 semaines ! Je serai bronzé à souhait, reposé, heureux et j’aurai arrêté de fumer, non mais !

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A l'heure du palmarès...

Publié le par Bernard Oheix

Festival du Film (3)

 

32 films visionnés. 15 de la compétition officielle,  6 d’Un Certain Regard, 4 de la Quinzaine des Réalisateurs et les autres répartis entre la Semaine de la Critique, le Cinéma des Antipodes et des séances spéciales.

Globalement cela représente environ plus de 55 heures de films auxquelles il faut rajouter mon travail de directeur de l’évènementiel (en version light !), des rencontres et réunions à entretenir avec des relations du cinéma ou du spectacle… et 16 personnes à la maison en train de dormir, de ripailler et d’ingérer des films à haute dose en se croisant dans une joyeuse panique pour des commentaires enflammés dans le jardin, sous les bananiers, à l’heure où blanchit la campagne !

En contrepoint, on peut, pour l’anecdote, dénombrer 18 parties de rami corse et 12 de dominos entre les séances, qui m’ont rapporté la modique somme de 32,75 € et l’ingestion d’un nombre incalculable de mes bonnes bouteilles (ils avaient trouvé la cachette !).

Et le cinéma dans tout cela ?

 

Disons-le un fois pour toute : c’était un grand crû, une année d’exception, peu de nectar bouchonné, je ne suis sorti qu’une fois de la salle. En corollaire, cela veut dire, énormément de bonnes surprises, des films intelligents qui font honneur au 7ème Art, des problématiques fortes avec des réflexions pertinentes, des mises en scène fortes, un jeu d’acteurs brillant et surtout des scénarii très riches. Vive le cinéma donc et en avant pour une petite revue de circonstance !

 

Dans la compétition.

Les déceptions proviennent essentiellement de l’Asie (Johnnie To avec Johnny premier), Lou Ye (Nuit d’Ivresse Printanière) et Park Chan-Wook (Thirst, ceci est mon sang…). Pour le reste, même s’il fallait parfois s’accrocher, la compétition offrait de belles opportunités pour un cinéphile prêt à franchir la ligne d’horizon des deux heures de projection.

Les « panzers divisions » annoncés ont été quelque peu en retraits ( Almodovar et  Tarentino) dont leurs ultimes opus, tout en restant fort intéressants, ne sont pas au top de leur filmographie. Trop Almodovarien (l’intégralité de son alphabet y passe !) pour Les Etreintes Brisées qui semble un collage de tout ce qui a constitué son fond de commerce et porte l’handicap de s’exposer comme sa propre marque, où trop Tarentinesque pour Inglorious Bastards avec un Brad P qui en fait à la pelle et le sentiment d’un moteur patinant dans la  choucroute allemande pour cette sombre variation d’une guerre à  la guerre qui assume son ignominie en perdant un peu de son énergie débridée…

Une des grandes satisfactions de ce festival provient du contingent français (cocorico !). A l’Origine de Xavier Giannoli est un excellent film social bourré de bons sentiments. Cluzet y est remarquable dans le rôle de ce petit arnaqueur piégé à son propre jeu et qui devient le sauveur d’une région contre le système économique des groupes financiers et industriels qui dépossèdent les habitants de leur travail et de leur fierté. C’est Zorro contre les grands décideurs d’une économie qui oublie la réalité de la vie des individus. Applaudissements nourris dans la salle en résonance à cette période troublée.

Dans un tout autre registre, Gaspar Noé avec sa caméra épileptique de Soudain le Vide nous entraîne dans les abysses d’une ténébreuse histoire où la mort n’est qu’une étape vers la réincarnation. Un petit dealer amoureux de sa sœur meurt d’une balle et, prenant de la hauteur, va tenter de revenir se nicher auprès d’elle (en elle plus exactement !). C’est frénétique, parfois redondant, trop sophistiqué comme si le réalisateur ne pouvait se cadrer et dompter toute sa puissance créatrice… mais c’est aussi une véritable performance, avec des images qui alternent le réalisme et le travail graphique, des effets surprenants sur la lumière et les mouvement de caméras. On peut garantir les discussions indispensables au final pour tenter de le décrypter ! Un prix spécial du jury serait une récompense logique pour ce travail d’extraterrestre !

Reste le bijou d’Un Prophète de Jacques Audiard. Un prix assurément, l’interprétation par exemple pour Tahar Rahim ou pour la mise en scène qui fait reculer les limites de ces murs dans lequel notre petit malfrat va survivre avant de pouvoir s’épanouir en devenant un caïd formé à l’école des meilleurs truands.

Quand au Resnais, je ne l’ai malheureusement pas vu.

Formidable coup de cœur pour Ken Loach (Looking for Eric) qui non seulement assume son statut mais nous délivre un de ses plus beaux films. Entre la comédie sociale et la comédie tout court, dans une histoire découpée au cordeau où rien n’est en trop, des acteurs remarquables renvoient de la réalité vers le rêve et nous permettent de mieux lire le monde des petits, ces supporters de Manchester qui n’ont même plus l’argent pour aller au stade malgré leurs salaires de postier et se contentent de regarder le match à la télévision, au bar, tous ensemble. C’est bourré d’humanité, de fraternité…de bons et généreux sentiments, de tranches de vie agrémentées d’un inénarrable Eric Cantona qui se révèle grand acteur. Et comme le film se termine bien, en plus, et qu’il reconquiert le cœur de sa belle… Il sera au palmarès, c’est sûr !

Il faut citer Jane Campion égale à elle-même dans un film à costumes et à beaux sentiments, Andrea Arnold (Fish Tank), nerveux et poignant sur une adolescente en rupture, Elia Suleiman (The Time that remains), israélo-palestinien qui oscille entre Buster Keaton et Tati et délivre sa vision de l’histoire de son peuple à travers les vies de son père et de sa mère et un Bellocchio (Vincere) sur la maîtresse et le fils de Benito Mussolini. L’histoire officielle devra gommer leur existence afin de préserver l’homme d’état. La passion d’Ida ne pourra résister au pouvoir de son amant qui n’aura de cesse d’empêcher le scandale de surgir quitte à nier ces deux vies.

Reste les deux bijoux d’une sélection très riche. Sur ce que je pense d’Antichrist de Lars Von Trier vous pouvez vous reporter aux articles précédents. Michael Haneke compose Le Ruban Blanc comme une œuvre naturaliste toute en douceur, sans donner les clefs d’une histoire complexe qui doit trouver son sens chez le spectateur. Divers incidents surviennent dans un village rural type du début du XXème siècle et le film se termine en 1914, au début de la grande guerre. Ces dérèglements de la vie affectent tous les piliers de l’ordre social (un médecin, le baron propriétaire des terres et le pasteur de la communauté). Ils sont contés par le survivant, un instituteur, en voix off. Chacun de ces tenants de l’ordre social est gangrené de l’intérieur (le médecin est incestueux, la Baron un pantin cocu, le pasteur un tyran possédé par la hantise du mal). Même si cela n’est pas affirmé, les enfants du village sont les « damnés » responsables de ces incidents. Porteurs des vices des parents, ils préfigurent l’effondrement de toutes les valeurs et l’entrée dans la première guerre qui débouchera sur le nazisme. C’est magistral, jamais didactique, un film intelligent qui pose les problèmes sans répondre aux questions, qui ouvre les perspectives d’une lecture de la société allemande en train d’exploser. De l’infiniment petit à l’holocauste, il n’y avait qu’une lente érosion d’un monde en train de muter sans se prémunir contre ses propres démons. Malgré une certaine lenteur inutile, c’est du grand Haneke, et pour moi, la Palme d’Or naturelle d’une sélection extrêmement riche.

 

Les autres sélections.

 

En plus des films cités dans l’article précédent, deux bijoux terrifiant de violence intérieure. Daniel y Anna du Mexicain Michel Franco, s’appuie sur un fait réel. Le développement de la pornographie sur Internet pousse des gangsters à organiser des enlèvements de couples issues d’une même famille et à filmer leurs ébats sous la menace. Au Mexique, un frère et une sœur d’une famille aisée sont contraints à l’inceste. Libérés, ils vont tenter de survivre à ce cauchemar en taisant ce qui leur est arrivé. La sœur aînée, mieux armée, grâce à une psychologue, pourra dépasser ce drame. Le frère  adolescent, qui n’avait jamais fait l’amour et ne possède pas encore les clefs de la parole, plongera dans une dépression, dans un cycle pervers où tout devient absurde. Sans aucun voyeurisme, sans jamais s’exposer à utiliser le matériau brut de scènes atroces, le réalisateur fait ressentir l’horreur absolue de cette transgression ultime. C’est un film sur la violence qui ne montre pas la violence, il la fait exister à l’intérieur de chaque spectateur transformé en victime !

Une vie toute neuve de Lee Chang Dong sur un scénario de Oumie Lecomte (une Franco-Coréenne) montre la vie d’une petite fille brutalement abandonnée par son père dans un orphelinat catholique en Corée. Elle va l’attendre, persuadée de son retour…C’est poignant, déchirant, un conte sur l’abandon, autobiographique (on voit l’arrivée à Paris de la petite qui a été adoptée par des français !) mais sans pathos. Plusieurs histoires se croisent qui tissent entre ces enfants du désespoir, l’écheveau d’une humanité blessée. Un concurrent sérieux pour la caméra d’or !

Beaucoup d’émotions avec The Silent Army, du Néerlandais Jean Van de Velde, sur les enfants embrigadés dans l’armée et qui apprennent à devenir des bourreaux au prix de leur vie, jouets d’adultes à la conquête du pouvoir dans une géopolitique où les occidentaux sont à l’origine des maux et avivent les tensions en leur vendant des armes.

Reste une bonne comédie, Les Beaux Gosses, où l’art de se masturber sans que cela soit dramatique, (bien au contraire !), et qui campe une joyeuse bande d’adolescents perturbés par la « chose » dans un collège bien de chez nous et un magnifique film de  Denis Dercourt avec Vincent Pérez et Jérémie Renier, Demain dès l’Aube, confirmant la bonne qualité des films Français. Un pianiste célèbre, mal dans son couple, réintègre la maison de sa mère en phase terminale du cancer. Son frère passionné de jeux de rôle l’entraîne dans son univers des armées napoléoniennes. Bientôt, les frontières entre le présent et le passé vont s’effacer...Un drame magnifiquement filmé qui tient en haleine le public jusqu’à un dénouement particulièrement surprenant !

 

Voilà, beaucoup de films cités, mais aussi beaucoup de passion pour cette décade de tous les films, lucarne ouverte vers le monde extérieur. Des thèmes surnages (l’inceste cette année tenait la corde !), des techniques se ressemblent provenant de tous les continents (utilisation du bruitage en fond sonore), des scénarii, des cadrages, des couleurs…et toujours cette passion intacte des cinéphiles sans âge, ceux qui vont de salle en salle, de film en film, afin d’épuiser leur soif de découvertes et qui  pensent que le temps peut s’arrêter de défiler à 24 images seconde.

Je vous ai donné mes impressions, quelques minutes seulement avant le Palmarès. C’était un pari sur leur intelligence. Rendez-vous devant l’écran de télévision pour voir la remise de la Palme d’Or à Haneke et le prix spécial du Jury à Lars Von Trier avec un Ken Loach heureux de son prix du jury ! Non, mais !

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