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Une journée (bien) ordinaire

Publié le par Bernard Oheix

Festival du Film (2)

 

Réveil à 7 heures.  La tête dans le sac. La conjugaison du film coréen, Thirst, ceci est mon sang, une histoire de curé qui devient vampire et bondit comme un cabri en patinant dans la semoule imbibée du sang de ses victimes et du film chinois, Nuit d’ivresses printanière, où les acteurs passent leur temps à se sodomiser dans les couleurs crues de néons chargés de rappeler que la Chine est aussi un pays moderne, m’avaient quelque peu assommé pour ce lancement du Festival 2009 !

Une douche, la moto (650 bandit Suzuki), badge en oriflamme et par l’entrée des artistes, petit privilège d’un directeur, je pénètre dans la salle obscure en attendant que l’écran s’illumine pour mon premier film de la journée.

8h30  Vengeance. Johnnie To. Chine. (Compétition) Palais des Festivals.

Je m’installe dans un des fauteuils rouge de la grande salle pour les presque 2 heures d’un show réunissant les 2 Johnny (le To et le Halliday). Dur, dur…  lunettes noires optic 2000 comme les flingues dégainés dans la nuit sombre, histoire ridicule sombrant dans le n’importe quoi, violence et vengeance, (mémorable réplique de Johnny devenu amnésique à cause d’une balle qui se promène dans son cerveau « -C’est quoi la vengeance !»). Notre héros national joue vraiment comme une chaussette et le réalisateur ne l’aide pas beaucoup…pourquoi n’est-ce pas Delon qui a eu le rôle ? Bof !

11h. Polotist, Adjectiv. Corneliu Porumboiu. Roumanie. (Un certain Regard) Salle de la Licorne.

Une enquête sur un jeune qui se défonce au H dénoncé par son ami. Le policier doute car il subodore que le corbeau veut en fait sortir avec la petite amie de l’autre. Un chef obtus va lancer la machine policière et briser la vie du jeune. Film intéressant, un peu lent dans sa première partie qui pose le problème de la frontière des délits et de la culture de la dénonciation et des « balances ».

Petit détour par mon jardin, sous le soleil, juste en face de la salle de projection. Une bande l’occupe. Je dénombre, un Allemand (Hartmut, fidèle complice qui fait son festival depuis une dizaine d’années chez nous), 3 Corses, mes 2 enfants, 2 de leurs amis de Paris, deux Avignonnais plus leur progéniture et son copain… soit 14 personnes attablées en train de manger et de boire quelques unes de mes excellentes bouteilles  sous la tonnelle.

Après  une dinette rapidement ingérée, les trois quarts des présents se lèvent pour filer au cinéma.

14H. Lost persons area. Caroline Strubbe. Belgique. (Semaine de la critique) Salle de la Licorne.

Dans un chantier improbable avec des ouvriers hongrois, un couple et leur petite fille solitaire et solaire. Un accident et la vie d’une communauté d’hommes durs au labeur, l’amitié et l’amour. C’est lent et long (2h), ample, une première moitié qui chemine sinueusement pour terminer plus violemment. Un film étrange quelque peu envoûtant mais qui laisse sur sa fin (faim) !

Petite pause d’une heure. Détente avec une partie de cartes (le rami corse) en compagnie de mon fils, Julien (redoutable aux cartes, même contre son père !) et de Christian, le beau-frère corse. Je perds mes 2€ de mise.

17h. Neuilly…sa mère ! Gabriel Laferrière. France. Ecran Junior. Salle de la Licorne.

Un petit bijou. Enfin du rire, de la rapidité, des répliques qui fusent ! Comédie sur un petit beur d’une cité de Chalon transplanté chez sa tante (sublimissime Rachida Brakni !) à Neuilly, coincé dans une famille de « bourges » où le fils rêve d’un destin présidentiel, la fille épouse toutes les révoltes, et lui obligé de terminer la saison scolaire dans un collège privé ! Une bouffée d’air frais. Le cinéma sert aussi  à se détendre intelligemment, il n'y a pas de honte à prendre son plaisir !

19h. Samson et Delilah. Australie. Warwick Thornton. (Un certain Regard) Salle de la Licorne.

Dans le bush Australien, deux adolescents aborigènes vont tisser leur destin, affronter l’exil à la ville, se retrouver brutalement plongés dans l’horreur (viol, drogue) et partiront se reconstruire sur leur terre natale en apaisant leur colère. Une belle histoire d’amour sans amour, une errance terrible. C’est d’une lenteur inutile dans la première partie mais tout le final accroche. Derrière les images du miracle de la modernité australienne, il y a l’expropriation et le vide de l’espoir des jeunes natifs. Le dénuement est absolu tant dans la réalité que dans l’imaginaire. Un beau film dérangeant parfois un peu pesant !

21h Un prophète. Jacques Audiard France. (Compétition). Salle de la Licorne

Plongée dans l’univers carcéral des « grands », un jeune sauvageon va faire l’apprentissage de la survie à l’école des truands pour devenir un loup. La mafia des Corses qui tiennent le pouvoir, les « barbus » qui se structurent, chacun cherche sa place entre ses murs trop hauts et tente de survivre. La frontière entre le maton et le prisonnier est ténue, comme le fil qui retient à la réalité. Malik va trouver sa place, devenir un prophète, aidé par les apparitions du premier meurtre sur commande des corses venant le hanter avec récurrence. Son habileté et sa rage de survivre vont lui permettre de s’affranchir de toutes les règles et quand il sortira enfin, il sera prêt à devenir le caïd redouté, celui que plus rien n’arrêtera ! 2h30 terrible, haletante, dénonciation froide et sans concession d’une machine carcérale faite pour forger l’horreur. La cruauté affleure sans arrêt, révélatrice de la capacité d’adaptation de l’individu. Grandir ou mourir, Malik a choisi ! Superbes compositions d’acteurs, filmage au plus proche, coulé dans le moule sans espace de murs froids, une belle façon de terminer cette journée cinéma avec un film qui devrait se retrouver au Palmarès. Tentons le pari : Prix Spécial du Jury !

Voilà donc l’heure d’aller se coucher. Demain matin, 8h30, j’ai rendez-vous avec Ken Loach et Eric Cantona (« -I am not a man, i am Eric Cantona !) …En attendant, cette journée de cinéma m’aura permis de visionner 6 films pour 11h30 de pellicule, 2 en compétition, et 4 de sections différentes, de ne pas m’assoupir une minute malgré la lenteur évidente de 3 œuvres, de découvrir des horizons perdus, quelques jets de sang ne dissimuleront pas la beauté de sentiments et la grandeur de la peine d’hommes de bonnes volontés…C’est le 7ème Art, celui que j’aime !

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L'extrême solitude du bonheur

Publié le par Bernard Oheix

Festival du Film. (1)

 

Enfin une journée où il se passe quelque chose de violent, qui fait partie de ses pages d’histoire comme le Festival en a écrit tant, comme il en écrira encore de multiple…Au cœur du cinéma et d’un monde qui reçoit de plein fouet les élans de créateurs de génie, de la dynamique des idées, du mouvement des images, de sons issus de l’inconscient... et qui n’ont comme vocation que de faire progresser l’humanité, un pas de géant dans la culture des hommes, sur le fil d’un rasoir, juste une œuvre magistrale d’offrande à sa perversité !

 

Ce serait faire injure à Lars Von Trier que de parler de film à propos de son oeuvre, d’analyser avec les codes classiques de la critique ces 104 minutes d’une plongée insoutenable dans le maelstrom de cette part d’ombre qui peuple le cerveau, entre le désir et la peur, la fascination du pire et la recherche d’un absolu.

Une femme (sublimissime et fragile Charlotte Gainsbourg) et un homme (dérangeant et massif Willem Dafoe) sont en train de faire l’amour quand leur enfant bascule par la fenêtre et s’écrase quelques étages plus bas. Après le deuil, il faudra en passer par le chaos et la mort pour assumer le drame insoutenable de cette perte. C’est Antichrist, conçu sous la forme d’un prologue et d’un épilogue encadrant les 3 volets de ce parcours initiatique vers une rédemption impossible.

Entre hyperréalisme et onirisme, entre une image qui peut passer du détail le plus infime au plan impossible d’un ciel dans lequel la constellation des Mendiants est un leurre pour égarer les âmes blessées, entre les mots les plus simples d’un thérapeute tentant de guérir sa femme et l’abomination des gestes les plus sordides par l’irruption d’un imaginaire torturé, (jouissance du sang, ablation du clitoris)…on oscille en permanence au bord d’un gouffre noir, celui de nos propres peurs !

L’auteur convoque à son banquet l’âme de Bosch dans ces corps jonchant la nature luxuriante, du Bataille et un Dieu tout puissant, d’autres multiples références pour créer son chaos universel, des images surréalistes, du psychanalytique, des pans entiers de notre culture pour aboutir à la sauvagerie d’êtres livrés à l’éternelle lutte du bien et du mal qui deviennent complice de la mort de chacun d’entre nous. Chaque fois qu’une larme coule, qu’une blessure s’ouvre, qu’une vie s’interrompt, c’est l’humanité toute entière qui est punie. Désespoir de voir le Malin se nicher dans ses propres désirs d’un Eden sans peur, comme si l’Homme, pour atteindre à l’éternité, devait combattre sa part d’humanité et redevenir cet animal primitif qui créa le monde en ignorant ses peurs !

 

Je ne sais pas si le palmarès retiendra ce film dans ses primés (est-ce le plus important en regard de son propos ?) mais l’histoire indubitablement se souviendra de ce film comme d’un moment charnière du cinéma, de son apogée, juste avant que l’on cesse de raconter des scénarii et de mettre en image la mort du cinéma et son corollaire, la fin de l’humanité !

Quand à l’interprétation profonde que chacun se fera du contenu de ce film, elle conservera son mystère et la magie d’une lecture indéfinie !

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Notes et divers...

Publié le par Bernard Oheix

 

 

Plonger dans Alexandre Dumas.

Depuis des années, je rêvais de retrouver la saga de mes Trois mousquetaires et surtout la suite que je n’avais jamais lu à l’époque où j’aurais dû…C’est chose faite, et au passage, j’ai découvert d’ailleurs qu’il y avait une suite à la suite et qu’après les deux volumes initiaux, aux 3 de Vingt ans après, s’ajoutent les 6 du Vicomte de Bragelonne

Si le plaisir du premier opus reste totalement inchangé, si D’Artagnan avec ses potes en super héros continuent de nous faire rêver comme à l’âge de notre adolescence. Vingt ans après reprend avec un certain bonheur, les recettes de la jeunesse de nos 4 héros. Rapidement avalés, les 3 volumes consacrent une aventure anglaise complexe où nos baroudeurs modernes tentent de sauver le roi, D’Artagnan et Portos se retrouvant en opposition avec Aramis et Athos pour finalement, amitié intacte, s’échouer dans un complot orchestré par le nouveau cardinal Mazarin qui a chassé Richelieu en endossant ses pantoufles…

Bon, cela fonctionne encore, même si on est à la limite du décrochage parfois…Plongeon donc chez le Vicomte, fils adoptif d’Athos. Les mousquetaires vieillissent avec bonheur, ce sont surtout les valets (Planchet…) qui subissent les affres du temps qui passe. Aramis se met au service du surintendant avant de devenir un ponte mystique, D’Artagnan l’homme-lige du jeune Louis XIV, et au fil des pages, on s’ennuie de ses histoires d’amour avec La Vallière et de ses mines effarouchées, des rituels de cour et de ses bons sentiments fonctionnant à vide. Magie envolée, on suit péniblement l’ascension de nos mousquetaires vers le panthéon de l’inutile. Quand ils se battent, trop rarement, avec leurs rapières toujours nerveuses, passe encore, mais quand le jeune Louis XIV passe son temps à charmer les demoiselles et à ouvrir la boîte de Pandore du cœur des demoiselles de cour, alors, on s’ennuie derechef, un incommensurable ennui qui culmine jusqu’à l’indifférence !

Manifestement, notre Alexandre Dumas et ses supplétifs négriers avaient beaucoup de dettes et quelques pannes d’inspiration pour délayer sans cesse une sauce éventée en étirant les pages à l’infini… Tant pis, je vais attaquer les 6 volumes du Comte de Monte-Cristo en espérant un meilleur sort pour un autre des héros de ma jeunesse !

 

Préouverture du Festival du Film.

C’est la grande agitation à 2 jours de la cérémonie fatidique. Cannes Cinéphiles réunit ses aficionados pour présenter le programme des réjouissances. Des séances à gogo, des films du monde entier, un équipement numérique pour la salle de la Licorne, la fête de l’image et du son s’annonce orgiaque loin du tapis rouge et des ors de la Croisette.

En primeur, A another Man de Eyre est projeté, avec Liam Neeson et Antonio Banderas dans les rôles principaux. Bon, espérons que les films à venir seront de meilleures factures. Cette histoire avec fausse piste éventée d’une femme qui disparaît en laissant les traces de son amour adultère en héritage à son mari fidèle est à la limite du supportable. Ennuyeux, convenu, lent, vulgaire, tous les clichés défilent pour le plus grand bonheur d’acteurs en train de cabotiner comme des prime donne. Bon, il n’aura pas la Palme d’Or vu qu’il n’est pas sélectionné et sincèrement, on comprend pourquoi et on s’en contrefiche !

 

La playmate du mois de mai.

Pour le plaisir des yeux, cette photo prise pendant le Festival de l’Art Russe de 2008 par mon ami Alain Hanel. Je l’avais gardée précieusement, pour la contempler un jour de blues…Je me sens très bien, mais j’ai décidé de partager avec vous ce moment d’émotion. Il s’agissait d’une élève du Cirque de Moscou dans un numéro particulièrement esthétique à la corde !


 

 

Fête de l’abolition de l’esclavage. 10 mai 2009. Nice.

Des stands et des couleurs, pas seulement dans le ciel mais aussi sur les visages, dans les regards, dans la fierté d’une communauté composée de toutes les facettes d’un monde d’humanité. Le Maire de la Ville de Nice avait vu juste, avec son adjointe Mathy …, une superbe Guinéenne au dynamisme communicatif. C’est notre Rama Yade à nous, les azuréens, et il faut bien l’avouer, c’est une excellente idée. Bruno John à la baguette, sans moyens mais avec un cœur gros comme l’espoir d’un peuple qui se libère et assume sa différence, ils ont réussi à fédérer autour d’eux, une cinquantaine d’associations qui chacune vient offrir un peu de sa réalité à la foule importante qui slalome entre les stands.

Le spectacle est permanent. Belles Brésiliennes dénudées en train de danser la samba, Camerounaises fines et élancées sanglées dans des boubous colorés, Djembés et balafons se répondant en cadence, tenues immaculées de blacks en parade, lunettes noires sur le haut du front, enfants à la bouille éclairée de sourires charmeurs en train de courir entre les groupes, huttes en bois reconstituées, stands d’associations définissant une Afrique et un monde ouverts…C’était beau et chatoyant, animé de vie et de rires, à l’image d’un Mobido B Sangare, jeune conteur burkinabé, se lançant dans une improvisation sur l’histoire de l’esclavage et qui termine en accordant le pardon aux anciens bourreaux tout en réclamant la dignité en héritage de leurs souffrances.

Sur la grande scène du Théâtre de Verdure, le général Dady Mimbo, brillant percussionniste entre en fusion avec un rappeur niçois (Louis Pastorelli), les Sonesros de Fe chaloupent avec leur salsa cubaine, un jeune slameur (Sofiane) écrit des pages de poésie et pour finir, le groupe phare de la scène niçoise en musiques du monde, Xalima embarque le public pour une destination sénégalaise gorgée de soleil. La voix du leader Badou est chaude, elle renvoie en écho à celle d’Ismaël Lô ou Youssou N’Dour, ample et grave mais pouvant grimper dans les aigus, s’étirant dans des complaintes que la musique transcende. Batterie/percussions africaines, basse, clavier, guitare et sémillante choriste, la belle Héloïse, composent une ode à la liberté et à la joie de vivre sur laquelle le public tangue. C’est Xalima, un groupe à suivre et que nous aurons le plaisir d’accueillir à Cannes en ouverture de la saison d’été, le 21 juin, avec les bardes celtiques de Manau…une date festive à ne pas manquer !

 

Voilà, le Festival du Film est à nos portes et déroule son tapis rouge sur les écrans de nos consciences…mais ceci est une autre histoire !

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Les révoltés de Bastia (An III)

Publié le par Bernard Oheix

 

Exotisme de la destination. Se rendre aux « Teatrale de Bastia » comme en pèlerinage sur une terre peuplée de bons sauvages. Se rendre, venir avec ses certitudes et en repartir avec ses doutes. « Rendre » prend tant de significations, aller à Canossa, se déplacer d’un point à l’autre, arriver, vomir son trop plein d’orgueil, errer à l’abandon, donner et se soumettre, céder sous… et dans toutes ces hypothèses, la plus logique, celle qui convient le mieux à ma présence sur la Place Saint-Nicolas : retrouver les Corses dans leur générosité, leur ambivalente fierté pétrie d’inquiétudes et d’interrogations, leur humour et leur certitude de devoir s’inscrire dans une fuite du temps, rappel d’un passé de fureur, complexité d’un rapport à l’autre façonné par une culture latine insulaire, quand celui qui débarquait pouvait tout aussi bien envahir qu’enrichir. C’est peut-être dans cette double crainte, celle d’être dominé comme celle de perdre son identité, que les Corses ont puisé l’énergie d’une lutte contre les apparences du pouvoir, l’état centralisateur, l’ennemi si proche d’une culture authentiquement insulaire.

Que l’histoire ait balbutié en Corse n’est somme toute, qu’un accident de parcours. Rêve de nation souveraine, parcellisation extrême des micro-pouvoirs, c’est la Corse dans toute son ambiguïté, celle des clans installés depuis tant de temps aux cimes des villages perchés au dessus du vide, celle des potentats locaux qu’une génération a tenté de balayer pour installer son propre pouvoir et qui se confronte, amère, aux ruines fumantes de leurs espoirs, lambeaux d’un combat se brisant sur les traditions d’un peuple cultivant le secret, le flamboiement de l’affrontement, la rixe comme arène de tous les désirs. C’est aussi la tentation du réflexe des Robins des Bois, bandits d’honneur, vendettas, omerta, la force comme une réponse au mal-être, pour chasser les doutes et se donner des héros de chair à la langue flamboyante.

Et pourtant, la Corse lettrée, celle de toutes les audaces, existe bel et bien. Elle est généreuse dans ses doutes, forte de ses hésitations, parlant de l’invisible pour cerner la réalité. Des générations brûlées au feu de l’action qui modèlent leur comportement sur la critique de la raison pratique mais n’en conserve pas moins l’idéal chevillé aux rêves de lendemains d’harmonie. C’est cette génération qui parcoure les sentes d’Aléria pour se briser sur les hauts-fonds des luttes fratricides et se retrouve avec des interrogations existentielles en héritage. Que créer qui échappe au chaos ? Qui soit à la fois de l’ordre de l’essentiel d’une spiritualité et totalement ancré dans une réalité honnie, qui appartienne au cri et parle au cœur de l’homme…

Et le théâtre dans tout cela me direz-vous ?

Il y a 2 ans, j’avais découvert un vivier inépuisable d’inventivité. L’an dernier des pièces fulgurantes, (cf. mes articles précédents dans le blog), quand devait-il être de l’édition 2009 ?

Comment expliquer le relatif tarissement de cette source créatrice au moment même où les responsables du Festival réussissent à faire venir des programmateurs et des éminences de la critique théâtrale ? Peut-être est-ce dû à une irrigation trop intensive qui a laissé les terres exsangues et nécessite une pause afin que les ferments se reconstituent ! Peut-être aussi cette éternelle tension qui fait que, quand une tête dépasse en Corse, il faut la couper et la coller sur un drapeau blanc ?

Comment expliquer que les Chjachjaroni soient géniaux avec Le Roi se meurt en 2007 et se vautrent lamentablement avec Georges Dandin en 2009 ? Glorieuse incertitude de l’art qui nous rappelle à une grande humilité ! Orlando Forioso, un protagoniste majeur du théâtre de Corse, positionné à Calvi, auteur de coups de génie, qui ici, en l’occurrence, nous assomme avec un placard de Barbe Bleue trop plein de suffisance, des actrices nulles (à l’exception d’une sublime Osella Orchis dans un texte en italien de Annalisa Ferruzzi, l’histoire d’une femme qui va nettoyer l’appartement de son ex-mari où sa seconde femme vient de se suicider et qui se noie dans le sang de l’autre !)…une scénographie pompière en décalage avec un contenu et une mise en scène luxuriante.

Malgré tout, comme des pépites dans le limon de l’indifférence, dans la quinzaine de pièces proposées, des essais intéressants surnageaient, plus ou moins réussis. Itinéraire de femmes est l’exemple type d’une pièce ratée. La générosité de la metteur en scène et les qualités évidentes du jeu d’actrice de Véronique Reviron et de Frédéric Maroselli ne peuvent s’opposer aux vertus d’un collage de textes manquant de cohérence et aux choix discutables d’une mise en scène jouant sur le trop-plein et l’accumulation. De même pour Paoli City de Francis Aïqui et Catherine Sorba, road-movie sur une américaine qui vient retrouver sur l’île, les amis de son amant mort pour disperser ses cendres sur sa terre natale, et tente d’éclairer la part d’ombre d’une « corsitude » qu’elle n’a jamais comprise. Un exercice de style particulièrement riche qui se brise sur les carences de la mise en scène et sur un texte encore trop fragile. Le renoncement à la lutte, l’exil, le reniement des idéaux révolutionnaires auraient autorisé plus de profondeur ! Le message dans la bouteille est trop important pour laisser une emprise à l’à-peu-près !

De la profondeur par contre, on en trouvait à foison dans l’Ultima Visita de Jean-Pierre Lanfranchi. Directeur du Festival, metteur en scène de la pièce, comédien principal, il aime les difficultés, notre ami se lançant à corps perdu dans le montage de la dernière pièce de Copi en la traduisant en corse (avec un surtitrage pour les Français !). Une œuvre écrite sur un lit d’agonie, par un homme rongé par le sida, qui parle de la beauté de l’existence, du théâtre et de la comédie de la vie avec les mots d’une tragédie. La mise en scène est soignée, quelques trouvailles agrémentent le parcours d’un corps qui se délite. Impondérable d’une création, elle souffre parfois d’un jeu qui a besoin de se régler. François Berlinghi, un excellent acteur au demeurant, en fait des tonnes avec son personnage de grande folle et gagnerait à serrer les fesses dans la sobriété, l’infirmière, plus préoccupée par son texte, force le trait et joue à contresens dans une hystérie trop convenue…mais que la démarche de Unita Teatrale est belle, courageuse ! Copi en Corse, appropriation d’une maladie vécue comme une honte et qui se trouve au centre d’un dialogue empli de magie et de joie de vivre. La mort au travail, si une expression pouvait résumer cette œuvre, alors c’est bien celle-là qui dévoile le cheminement vers l’inexorable d’un créateur résolu à faire un ultime pied de nez à cette gangrène qui ronge son corps mais n’atteint point son esprit. Il est libre Copi, y en a même qui l’on entendu se gausser de la grande faucheuse !

Reste le chef-d’œuvre de cette semaine de théâtre !

Hanokh Levin est un écrivain Israélien dont la plume évolue dans un univers absurde que l’on peut situer entre Ionesco et Beckett. En partant d’un événement totalement banal, (Shvartz décide d’embrasser au petit matin le petit doigt de Shvartziska, sa femme adorée), l’auteur va imbriquer une fuite en avant vers le « non-sens », en une composante savante de sentiments réels et de situations absurdes, dépeignant la force de l’amour et le ridicule des petitesses mesquines d’hommes et de femmes ordinaires. En effet, celle-ci, qui était en train de se curer le nez, refuse car elle a un gros caca au bout de son riquiqui. Son couple au bord du divorce, elle va chercher l’aide de l’ami fidèle, Popper qui se retrouve de force englué dans leurs rapports. D’ami fidèle, il devient témoin gênant. Svhartz souhaite sa mort et vu que le désir est aussi vrai que la réalité, Popper se meurt de ce charme. Shvartz et Shvartziska jouent avec cet encombrant Popper qui permet à leur amour de s’exprimer dans toute sa puissance et son mépris pour les autres, exclusivité du couple refermé sur lui-même. Même son copain, Katz, ne pourra entraver cette marche funèbre orchestrée par la passion et la jalousie. Même Koulpa, la délicieuse prostituée, prête à devenir une femme comme les autres, ne pourra s’opposer au destin. Il mourra donc pour effacer la tache indélébile de cette crotte au bout d’un doigt fureteur.

Marie Murcia est une Shvartizka éblouissante, jouant d’une palette d’émotions contradictoires, tour à tour, victime et bourreau, engluée dans sa passion pour Shvartz et dans son attirance pour Popper. C’est une comédienne accomplie, au zénith de son art. Formée à l’Erac (Ecole Régionale d’Acteur de Cannes, 1ère promotion en 1991), elle vit en Corse et offre son talent à un personnage complexe et ambigu.

Christian Ruspini est l’acteur le plus talentueux que j’aie pu découvrir actuellement en Corse. Eblouissant dans Le Roi se meurt, génial dans Pégase 51 (qui sera programmé le samedi 20 février 2010 dans la saison « Sortir à Cannes »), il n’y a plus de qualificatifs pour définir son interprétation du personnage de Shvartz, engoncé dans des vêtements étroits, la mèche barrant son front, rigide de toutes les petitesses de l’enfermement sur soi et d’un égo disproportionné. Il « hait » le personnage jusqu’au bord du gouffre, un équilibre instable entre la réalité d’une image et l’image d’une réalité, un précipice sous les pieds, celui d’une humanité où chaque geste déclenche un drame et se répercute sur son alter, la victime désignée, comme si son propre bonheur ne pouvait s’ériger que sur les ruines de l’homme en une mécanique de la compensation absurde.

 

Alors, ne serait-ce que pour cette pièce, pour ces deux formidables comédiens, pour l’irruption de l’univers torturé d’un Hanokh Levin dans notre quiétude, alors, même si ce n’était que pour ces raisons, j’aurai été heureux d’être à Bastia en cette fin d’un mois d’avril 2009. Que la pièce patine quelque peu à l’approche du dernier tiers, que certains acteurs manquent de profondeur (la prostituée trop floue, Popper qui pourrait avoir une dimension intérieure plus compacte…), que l’on cherche la perfection ou pas…Il y avait de l’émotion, de l’authentique tranche d’amour dans ce moment de grâce d’un théâtre plus que jamais parlant de la condition humaine.

 

Et si l’on rajoute un débat sur la politique culturelle avec Robin Renucci, fascinant conteur, passionné et passionnant et Valérie de Saint-Do rédactrice de la revue Cassandre, la charcuterie corse au gout de maquis et l’odeur insupportable du « fromage qui pue » se répandant dans un Zanzibar bruyant à souhait, l’île d’Elbe qui déchire l’horizon quand le soleil se couche, une escapade à Porto chez mon ami Guy Lannoy par la Scala Santa Regina, le col de Vergio avec ses rubans de neige toujours accrochés aux pentes abruptes et le village d’Evisa suspendu dans l’éther, (paysages sublimes et routes tortueuses !), si l’on rajoute les bises affectueuses d’Aline, les sourires de Sarah devant les « machos testiculeux », les pastis sur la Place Saint-Nicolas, les attentions d’Alix et de toute l’équipe des « Teatrale »… Si l’on complète ce séjour d'un déjeuner avec Raoul Locatelli, le programmateur des « Musicales », la barbe drue de Guy Cimino en train de monter son prochain opus (comme il a manqué à cette édition !) et le cigare coupé en 4 de François Berlinghi faisant son coming-out artistique sous le regard attentif d’un Jean-Pierre Lanfranchi dubitatif… Alors, on peut dire, merci Bastia, merci les Corses et à bientôt sur votre île de toutes les beautés !

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De l'enfer au paradis musical

Publié le par Bernard Oheix

 

Vendredi 17 avril. Dernier week-end de musique, quasiment la fin d’une saison. Salle des Ambassadeurs. 2000 zombis débarquent de la planète « jeans-slim », mèches gominées, femmes enfants à tendance « cagolle », mecs androgynes au verbe trop haut et aux épaules tombantes… Ils sont là, bien présents, nos amateurs d’électro, une nuit si longue qui nous mènera jusqu’à 2h30 en compagnie de DJ’s impériaux derrière leurs machines en train de déclencher des vagues grasses d’un son puissant qui roulent comme des pierres sans mousse !

Objectif bar pour se noircir au plus vite, détour par le balcon pour s’enfumer à « donf », et passage devant la scène pour lever le bras et sauter en rythme, épousailles du vide et du trop plein, degré zéro de l’inutile !

Je l’avais tant espérée cette soirée confiée à David B, un ami programmateur d’une gentillesse extrême, compétence et sérieux, dynamique organisateur de manifestations électro sur la place de Cannes ! Des Pantiero, nous en avons partagées nombre, avec des moments de folie quand basculent les repères, sautent les verrous de la conscience. Cela peut devenir si beau la modernité !

Mais quand la bière est éventée, que le cadre magnifique de cette salle se gonfle d’outrecuidance, que les chiottes débordent d’une pisse nauséeuse, que chaque minute est le reflet déformé de la vanité d’ombres sans horizon, alors, l’électro devient une mauvaise soupe, une potion amère que rien ni personne ne peut sauver du néant !

C’était ainsi en ce 17 avril, une soirée dont la réussite quantitative (2000 personnes) s’est brisée sur l’écueil du vide, où le trouble intérieur d’une jeunesse sans illusion s’exprimait dans l’acidité d’un comportement sans appel. Clops sur la moquette, vomi sur le velours, toilettes dévastées, vendeurs de produits illicites, rien ne nous aura été épargné que l’espoir ne puisse sauver ! Il reste la désillusion et la certitude que nous n’avons pas à œuvrer pour cette fuite sans rêves ! A d’autres l’organisation des nuits Electro, vive la musique live !

Je passe mon tour !

 

Samedi 18 avril. Nous sommes encore plus près de la quille, une odeur suave de libération ! Avant-dernière soirée avant le Festival du Film. Cela sent furieusement le sable chaud, les seins nus des starlettes et la cure de 7ème Art ! Mais en attendant, je vais présenter une de ces petites pépites qui règnent dans mon cœur de programmateur même si elle peine à trouver son public. Voix Malgaches et Fado, mélange des genres cohérent par le biais de voix de femmes, mais aussi d’un lien subtil entre le Fado et le chant universel de l’Afrique, les marins portuguais se nourrissant de ces chants polyphoniques en remontant le long des côtes africaines, comme nous l'expliquait la sublime Mariza. 

Tiharea (La richesse) est un groupe de polyphonies composé de trois princesses. Ando aux formes plantureuses de « mama » africaine, Eliane, petit bout nerveux de chou noir comme du charbon, et rayonnante, Talike Gelle, femme au regard de braise, habitée par la passion de la vie, véritable star au pays des voix de femmes. Leurs tresses traditionnelles, les dokodokos, leur donnent une allure de guerrières sauvages, nous offrent un parfum d’exotisme. Le groupe est issu du pays Androy, une terre sèche et aride couverte d’épineux, où la pluie ne tombe que 10 jours dans l’année, peuplée d’Antandroy durs et volontaires, façonnés par des siècles de survie et de combats contre les diverses vagues d’envahisseurs. Talike est l’authentique petite-fille du dernier roi des Antandroy, Fagnisaha, qui lui contait les mystères de son pays et les légendes d’un peuple. Il l’a chargée à sa mort de devenir son ambassadrice afin que le feu ne puisse s’éteindre et la mémoire s’effacer !

S’aidant de percussions (colliers de clochettes, instruments traditionnels, djembé), en rythme, les trois voix vont sertir le silence religieux de la salle où 300 personnes attendent de s’embraser. Mélodies et « rimotse » (raclements de gorge, halètements, sons gutturaux) composent une colonne sonore envoûtante. Talike peut passer de l’aigu au grave, du rapide au lent, elle est la colonne vertébrale sur laquelle les deux autres voix fusionnent. De l’unisson au décalage, elles nous prennent par la main pour nous faire découvrir les rites séculaires, la douleur des femmes et par-dessus tout, l’espoir et le don de vie de ceux qui sont accrochés par un fil ténu à la réalité du monde. Survivre en chantant et chanter pour faire revivre des siècles d’histoire. Un concert magique qu’une ovation d’intensité saluait en hommage au courage et à la vertu de femmes ordinaires que la grâce des dieux a effleuré de ses ailes !

 

En deuxième partie, le noir se déchire sur une silhouette fantomatique, femme déhanchée, mains derrière le dos, dans un pinceau de lumière rouge, robe ample, cheveux en cascade sur un visage gracile. Katia Guerreiro, émouvante, accrochée à sa voix rauque exprimant la saudade de tout un peuple nous prend par le cœur pour ne plus nous lâcher ! En contrepoint, assis sur des chaises surélevées, trois musiciens (guitares portugaise, sèche et basse acoustique) aux doigts légers, à la stature figée par les siècles d’un pays tourné vers l’univers, marins parcourant les mers, soldats perdus d’un empire défunt, pliant sous le joug d’une histoire trop lourde pour l’individu que la musique rend à l’éternité.

Katia Guerreiro est un médecin des corps, elle pratique toujours son art de panser les imperfections de la nature et pour faire bonne mesure, sillonne les scènes du monde pour dispenser un message de tendresse aux âmes blessées.

La guitare se fait tendresse et sa voix s’accroche aux notes. Dans la grande tradition d’Amalia Rodriguez, elle module chaque phase musicale pour en tirer la quintessence de l’émotion brute. Le public se laisse aller, entre dans sa transe, épouse ses vocalises, du chuchotement à la plainte passionnée. Cérémonie religieuse dans le sens d’une technique sacrée, comme si la musique pouvait devenir un art universel au service de la beauté. C’est Katia Guerreiro, perdue dans un abyme du temps, une boucle infinie qui autorise de communier avec le surnaturel.

Un vieux complice de ma jeunesse cannoise, Portugais de son état, Joao da Fonseca, qui m’a aidé dans la promotion de ce concert, m’avait donné un texte pour sa présentation. Voici ce qu’il écrivait : 

« -Peu de gens ont cette voix, la voix du Fado. Elle vient de loin, des chants anciens, probablement bien avant que le mot fado soit prononcé !

Derrière la guitare portugaise, pleure ses peines d’amour, sa saudade. C’est la fusion limpide des cordes qui se promènent dans les rues de Lisbonne, où se respire la mélancolie aimable d’un peuple.

Tout cela existe, tout cela est triste, tout cela est fado…et tout cela rend heureux ! »

 

Alors nous avons été heureux en cette soirée du 18 avril, du côté du Théâtre de la Licorne, à La Bocca, dans une salle à visage humain, avec un public de gens normaux, d’ouvriers et de blacks, d’hommes et de femmes de tous âges, reflet d’or d’une humanité capable de pleurer pour la grandeur d’un monde sans frontières et de voix venues d’ailleurs pour instiller une parcelle de bonheur dans le quotidien.

C’est si beau le monde quand il chante à l’unisson.

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Coeur Battant

Publié le par Bernard Oheix

 

Depuis tant d’années que je parcoure les routes sinueuses de ce métier, j’ai eu le privilège de rencontrer des gens formidables. Des Michel Bouquet au sourire facétieux, plein de douceur et d’attention, un Philippe Caroit d’élégance venant s’excuser d’un écart de langage dû au trac, Iggy Pop rayonnant au sortir de la scène s’extasiant d’avoir joué sur cette scène du Palais foulée par les stars du monde entier, des grands noms du théâtre et de la chanson, le regard transperçant de Maurice Béjart dominant un bouc austère, Arturo Brachetti avec sa houppe de Tintin lunaire, Gilbert Bécaud et sa faconde méridionale, Cali qui dissimule sa timidité derrière le visage d’un extraverti, Salif Keïta qui tombe à genoux devant son public, la bande d’Archive en train de boire et de poser pour les photos avec leurs fans au comptoir d’un bar de Cannes et tant d’autres qui allient le talent et l’élégance, dont le nom brille sans cacher l’humanité profonde.

 

Melody et Bernard O présentent la soirée.

Mais derrière ces grands noms, il y a toujours l’aile des autres, inconnus du grand public bien qu’au service de leur talent, les hommes et femmes de l’ombre sans qui les ors ne luiraient point de mille feux, qui se mettent à la disposition de la grandeur et n’en récupèrent pas forcément la gloire…quelques miettes tout au plus ! Ils restent pourtant au cœur du mouvement, de la pulsation qui entraîne le public vers l’horizon d’un bonheur éphémère, le moment du spectacle, la magie d’un instant d’éternité.

Gilles Choir est de ceux-ci, un batteur de talent, de génie, au service des stars, derrière ses caisses et cymbales, il règne sur un empire d’illusions, l’ombre est son domaine même si je l’en ai extrait pour braquer fugacement les projecteurs sur un visage d’enfant émerveillé dissimulé par de longs cheveux et un chapeau qui lui mange le front. Gilles Choir est mon ami et je lui ai offert le concert de ses 30 ans de carrière dans sa ville, sa région, devant son public…même si c’est lui qui m’a, dans la réalité, donné le plus grand des bonheurs, celui de réaliser un concert unique, de légende, la réunion de talents improbables que seule l’amitié peut souder, bien au-delà de tout calcul et d’additions mercantiles d’un plan de carrière à construire.

Melody, Gilles Choir, Phil Edwards et Ahmed Mouici à l'unisson !
 

Se bousculaient pour l’honorer en musique, le Corou de Berra de Michel Bianco dans sa version instrumentale, Phil Edwards avec son chapeau de cow-boy et son allant de folk et de country, la moitié de Pow Wow (Ahmed Mouici monté sur un courant sans alternative, Pascal Periz à la guitare sèche à pleurer), quelques membres prestigieux de la famille des batteurs (les Lajudie, Claude Salmieri, Pierre-Alain Dahan, rois de la baguette, transformant la batterie rythmique en harmonie souveraine)… des noms qui comptent dans le métier, qui sonnent les plus grandes stars de la variété…que vous ne connaissez peut-être point mais qui gagnent à se parer des atours d’une célébrité éphémère.

Ce qui aurait pu déboucher sur une kermesse bordélique de vieux potes blanchis sous le harnais, par la magie d’un Gilles Choir en batteur chef d’orchestre, se transformera en cérémonie d’initiés, opéra moderne se baladant dans tous les genres musicaux, un rituel plongeant ses racines dans la musique rock, country, jazz, dans l’alliance entre la voix et l’instrument, dans des batteries qui se superposent pour créer une harmonie universelle. Des fulgurances nous en avons vécues à chaque moment du concert. 8 mains pour batterie en introduction, père et fils Lajudie réunis par la tendresse et la complicité d’un art partagé, soli de Pascal Periz pour des mots enchanteurs dans des notes distillées, larmes de Gilles Choir et soli désespérés sous ses baguettes animées d’une passion que le temps compte trop chichement pour ceux qui rêvent éveillés. Voix rauque et stridence des riffs de Phil Edwards, Nex’Station avec la Melody du bonheur, sa fille à la voix portée par l’espoir, fanfare batterie des jeunes de l’école de la batterie, bœuf final emmené par un complice cannois débarquant de sa tribu, Bruno Clavel déchaîné, rejoignant ses amis pour emballer le rappel dans les notes grasses d’un blues d’anthologie…Le public qui remplissait la salle de la Licorne en redemandait encore au bout de 3 heures de concert, ovation montant jusqu’au ciel pour charmer les dieux de la félicité universelle en train de s’extasier sur ces grappes de petits hommes bleus couverts de notes fringantes.

C'est le moment des larmes sous le chapeau !
 

Par-dessus tout, les larmes de Gilles, star de la soirée, sa réserve naturelle mise en lumière dans la plus grande des simplicités. Il y avait des torrents de bons sentiments sertis dans la qualité de musiciens se lâchant en toute liberté, énergie débridée où rien n’était important que nier la fuite du temps et son cortège de morts, de rencontres évanouies, de destins funestes. L’ombre de Balavoine rôdait, Michel Berger se tenait au bord du vide, tant d’idoles brisées par l’ombre que les présents faisaient revivre dans la connivence d’un temps qui n’a pas de prise sur l’éternité d’une note de musique étirée jusqu’à l’infini.


Le vrai Gilles en action, derrière sa batterie, quand plus rien n'a d'importance que la note juste et que la vie devient  fluide comme la musique.

Quelques jours après, Gilles et Melody nous convient, Sophie et moi, à un déjeuner au Bar de la Marine pour débriefer la soirée. On reprend le cours de la genèse de ce concert et par la magie d’un homme qui a bourlingué sur tant de scènes d’Europe et des Etats-Unis avec ses baguettes sous le bras comme passeport, on se retrouve plongé dans un monde d’artistes tous plus célèbres les uns que les autres, nourris d’anecdotes, de descriptions friandes, de portraits croqués au traits rudes de la sincérité sans que jamais la méchanceté n’occulte le brillant tableau de chasse d’un attrape-rêveur. Gilles et sa Victoire de la Musique avec les Pow Wow, les débuts balbutiants de Mylène Farmer, les calculs savants d’un Balavoine sûr de son destin, les étoiles sans comète fracassées contre le mur de l’indifférence…

Alors oui, Gilles Choir, tes larmes fleuraient bon l’amitié et la gentillesse d’un musicien hors normes, comme un rappel que le talent n’est pas forcément concentré dans les mains égoïstes de ceux qui se parent d’indifférence, mais aussi dans la vraie générosité de ceux qui plongent leur regard dans les profondeurs de l’humanité !

Alors avec toi dans ce que tu vis, avec toi dans le courage, avec toi pour la guérison des petites bêtes qui rongent la beauté !


Le dieu de la musique est parmi nous, sans son chapeau mais en extase !

 

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Yves Simon, Archive et petits bonheurs.

Publié le par Bernard Oheix

 

La vie réserve parfois de belles surprises…Cette semaine d’un voyage éclair sur Paris en est la preuve évidente. Il y a du soleil dans le ciel bien chargé de ce printemps qui refuse de s’installer…parfois, ce n’est pas grave car c’est dans le cœur que les rayons brillent !

 

Combien y avait-il de chance pour que ce séjour éclair sur Paris me permette de rencontrer mon ami Yves Simon sur un trottoir, devant le Café de Flore, au sortir d’une réunion du jury des As d’Or du Festival International des Jeux qui s’était étirée jusqu’à me mettre en retard ? Aucune, à l’évidence !

Pourtant, chargé de mon sac, j’hésite sur la route à prendre, bascule par une ruelle pour rejoindre le métro Saint-germain et débouche sur le trottoir qui longe ce célèbre café où Sartre dégustait son petit noir en tirant sur sa cigarette. Là, debout en train de discuter avec une femme, dans la perspective exacte de mon regard, Yves Simon me voit et ouvre de grands yeux. Je vois la surprise, un « Bernard » s’échapper de sa bouche, il m’embrasse en me demandant ce que je fais sur Paris, pourquoi je ne l’ai pas averti et me prenant par le bras, en saluant son interlocutrice, m’entraîne vers le café de Costes.

C’est vrai que je ne l’avais point informé de mon passage. Deux jours « à l’arraché », le fait qu’il soit en train de lire un truc que j’ai écrit (et qui semble lui plaire !), le refus de mettre une pression sur ses épaules, m’avaient naturellement porté à ne pas lui dévoiler que je serais dans la Capitale !

Mais il était écrit que nous nous croiserions malgré tout pour le meilleur ! J’éclate de rire quand je le vois avec Libé et le Monde sous le bras, ayant strictement les mêmes journaux dans la même main… ce qui n’est que logique sans aucun doute pour des animaux à sang chaud ayant traversé les mêmes épreuves dans le même parcours !

Puis il enchaîne en me contant qu’il était à FR3 avec Patrice, sa compagne métisse pour un film sur le père d’Alexandre Dumas, héros romantique, général métisse de Napoléon… Là, j’hallucine et extrais de mon sac, le 3ème tome du Vicomte de Bragelonne que je suis en train de dévorer. Pour la petite histoire, j’avais lu plusieurs fois, adolescent, les 4 mousquetaires mais jamais leurs suites. Il y a quelques semaines, je me suis donc plongé dans les 2 tomes des Trois mousquetaires, embrayant avec les 3 de 20 ans après, et, découvrant que le Vicomte de Bragelonne avec ses 6 volumes en était le prolongement, me débats avec la cour de Louis XIV et un D’Artagnan vieillissant mais toujours fine lame devant l’Eternel enfin débarrassé de ses cardinaux maudits.

Combien y avait-il de chance pour rencontrer mon ami Yves Simon, avec ses deux quotidiens sous le bras en train de me parler d’un auteur que je n’avais plus lu depuis 40 ans et dans lequel je me replongeais ? Et si en plus, il laisse entrevoir du plaisir à me lire, alors, la vie est belle et le soleil de retour pour annoncer le chant d’un été prolixe !

Je ne peux passer sur l’extraordinaire spectacle du Théâtre de la Cité. Le Lyon Opéra Ballet de mon ami Yorgos Loukos dans une soirée spéciale William Forsythe reprenant 3 pièces phares de son parcours. Second detail (1991) est un alphabet du style « Forsythe ». Tout y passe… de ces pointes et entrechats qu’il va faire exploser pour inventer des signatures atypiques en créant un chaos apparent, de ces allers/retours entre académisme et recherche d’un geste libéré, de ces ruptures permanentes entre la notion de groupes et d’individus, sculptant le vide pour le remplir de son espace intérieur. Le Duo (1996) de danseuses à la poitrine nue est sublime de grâce et d’élégance, une composition troublante entre la précision extrême de l’unité et des fractures de rythme qui viennent casser la linéarité de l’échange. Les danseuses prouvent à l’évidence qu’elles possèdent les attributs à part entière d’une féminité rayonnante, elles sont belles et portent la grâce en elle d’une chorégraphie fluide et inspirée. One Flat thing, reproduced (2000) est un ballet d’une violence absolue. Des danseurs jaillissent du fond de scène pour installer des tables de cantine et vont évoluer entre les coins acérés, dessus et dessous, sculptant l’espace contraint rempli de ces arêtes meurtrières en un crescendo qui laisse bouleversé et haletant le spectateur devenu complice.

Et comme les grands bonheurs n’arrivent jamais seuls, après un dîner avec mes enfants, j’apprends que le disque d’Archive (prononcé Arkaïve) est enfin sorti…Je l’achète au Virgin de la Gare de Lyon et plonge dans la pochette à la recherche de mon nom (pour ceux qui s’interrogent, voir les articles dans mon blog concernant Archive et le plus beau et majestueux concert que j’aie jamais produit avec mon complice Michel Sajn !). Il y a bien nos noms, petits et noyés dans la masse, mais ils sont là, dans un service minimum mais qui me donne un sentiment de réalité… Je ne les pas inventées ces séances du côté de la Victorine avec le groupe pendant l’enregistrement des cordes et percussions avec l’Orchestre de Cannes, ces repas et discussions, cet échange avec des artistes qui ont produit un nouvel opus somptueux, baroque, entre la messe païenne et l’énergie d’un rock aux accents du désespoir. J’ai toujours en mémoire, les volutes sombres qui emplissent le Grand Auditorium pour ce concert de légende de septembre 2007.

Alors même s’ils ont oublié de remercier le Palais des Festivals et son Président David Lisnard, (et je le regrette vraiment parce que c’est grâce à son implication que nous avons pu mener à bien notre projet !), je suis heureux comme un enfant devant une galette majestueuse qui nous convoque pour un bout d’histoire, devant la postérité !


Pour Yves Simon et Archive, voir les articles dans mon blog ! 

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Russie 2 : Images et commentaires

Publié le par Bernard Oheix

Je sais... On m'a suffisamment fait remarquer que Sophie était absente du premier compte-rendu....Alors cette fois-ci, dans ce 2ème volet de notre voyage en pays slave, elle sera présente et bien présente... C'est un reportage photos avec légendes. Régalez-vous, et pensez à nous, perdus dans le froid sibérien, représentants de la vieille France dans les immensités glacées d'un pays tétanisé par la crise et emporté dans les tourbillons d'une histoire incontrôlée et incontrôlable... 


Arrivée à Moscou, la nuit. Il fait froid, les lumières brillent, les voitures foncent et se dressent les tours 'staliniennes" si typiques de la capitale comme des sentinelles d'un 20ème siècle de fureur.

Quand le ridicule ne tue pas ! Dans un restaurant géorgien, la coutume veut que l'on nous prenne en photo avec ces adorables colliers de fleurs fort seyants...ma foi ! Bon, il a fallu que je bataille pour qu'elle accepte la photo. N'est-on point mignons, tous les deux avec nos pots de fleurs sur la tronche !


Place centrale de Kazan. Dans la froid, sous la neige, Lenine continue de veiller sur les Tatars. Il fait -15°, la Volga est gelée, la vodka réchauffe, deux jours particulièrement intenses nous attendent !


Visite du Kremlin de Kazan. La Mosquée Bleue cohabite avec une église orthodoxe. Noyé sous la neige verglacée, le Kremlin offre une perspective qui nous plonge dans des siècles d'histoires révolues.

Devant la fameuse tour penchée de Kazan, symbole de la ville, Sophie cherche son second souffle dans un clair- obscur vivifiant.

Tatiana S et Nadia U, parées de fourrures, entourant ma toque en poil de vison, dans un des magasins les plus "in" de Saint Pétersbourg. Sophie a hargneusement effacé la photo de ses virevoltes affublée d'un manteau qui coûtait la bagatelle de 500 000$. Dommage pour la postérité !

Bernard en démonstration. Pelisse autour du cou...A little cabotin notre directeur en mission ! Un air de celui qui finalement se verrait bien avec son chat sauvage autour du cou dans les rues de Cannes !

L'élection de Miss Tatarstan, comme des poupées slaves, toutes plus belles les unes que les autres, un interminable show de petites culottes et de regards lascifs dans le vacarme d'une litanie de sponsors et la réunion d'un jury de circonstance, hommes virils pour jeunes filles en fleurs...Ames sensibles s'abstenir !

Sous la neige, la calèche de la Miss élective qui l'amènera en grande pompe à la fête qui se terminera fort tard en galante compagnie. Vive les Miss exotiques et la beauté slave des confins verglacés !


L'île aux deux phares, au loin d'une Neva gelée, palais et musées pour inscrire la grandeur de Saint-Pétersbourg dans une perspective horizontale. Ville saisissante par son assise, ses canaux, ses 500 ponts et le charme de ses constructions étales enracinées dans les marais.

Le tombeau de Dostoïevski. Quelques unes des têtes les plus pensantes, des artistes inscrit au Panthéon de l'art, enfermés dans un cimetière grand comme un mouchoir de poche... Tchaïkovski, Petipa, Grinka, Rimski-Korsakov...Ils sont tous là, à attendre que les siècles épousent leur génie, une poignée d'humains qui ont façonné le monde des idées, devant lesquels je sens le souffle des tourmentes passés.

La Neva gelée et la forteresse Pierre et Paul, berceau de la Fondation de Saint-Pétersbourg. C'est à partir de cette base que dès 1703, Pierre le Grand lance la construction d'une nouvelle Capitale pour son empire.


La loge du Mariinski, l'ex-Kirov, une des salles les plus mythiques de la danse. Ambiance feutrée avant que le rideau ne s'ouvre sur un corps de ballet éblouissant dans un Lac des Cygnes étourdissant.

L'Eglise Orthodoxe de la Conception...La nuit, un gateau à la chantilly, des bulbes de couleurs, des formes issues d'un rêve, la neige recouvre d'un manteau blanc les aspérités d'un monde incompréhensible. C'est la Russie éternelle et toujours mystérieuse.


Sophie transie. Sophie devant le Musée de l'Hermitage. Un froid perçant, une bise qui cingle le visage. Même sous ses oripeaux, elle reste belle, digne et altière représentante d'un pays de soleil ! Les Russes semblent apprécier...

Le train s'ouvre un passage dans la bourrasque, la neige penètre par tous les orifices et envahit les sas. C'est l'apocalypse version congelée, une tourmente qui nous permet de retourner vers Moscou par le train rapide. On discerne des pans de paysages noyés dans la neige qui déchire l'horizon. C'est beau et terrorisant !
........Les interminables repas, cérémonies du thé, dégustations et autres agapes, pendant des heures à parler, porter des toasts (je suis devenu un grand spécialiste au fil des années pour enfiler des perles !)... Sophie aura le privilège ce jour-là de se lancer et d'offrir un premier toast-discours dédié aux amitiés Franco-Russe. Elle s'en tirera tout à fait honorablement... Ma foi ! Et l'on continuera notre orgie...

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Russie. (1)

Publié le par Bernard Oheix

Ce compte rendu a été composé par Sophie D...la directrice adjointe de l'Evènementiel.  Enfin ! La Sophie qui peut s'évader et venir visiter la Russie en ma compagnie. En près de 20 années de travail en commun, c'est la première fois que nous partons ensemble. Séquence émotion ! Ce sera parfait, à l'égal des relations que nous entretenons depuis tout ce temps... fidélité, confiance, humour et connivence. Il avait un parfum particulier ce séjour avec Sophie en terre Russe avec nos guerrières slaves pour nous accueillir. Je vous en livre quelques pages choisies. Les italiques proposent mes commentaires !

Vendredi 30 : arrivée Moscou en fin d'après-midi. Dîner sur la Place Rouge avec Tatiana - Hélène et 2 "sponsors" du Festival. Arrivée sur la Place Rouge sous des rafales de neige froide. Il faut voir les yeux écarquillés de Sophie devant le mausolée de Lénine, les remparts du Kremlin, les domes de Saint-Basile...Comme pour moi la première fois il y a 10 ans, une beauté chargée d'histoire à couper le souffle ! 
Samedi 31 : départ pour Kazan (en avion). Accueil par Aïda (Vice-Ministre de la Culture du Tatarstan). Déjeuner à l'Hôtel avec Tatiana, Hélène et Nadia.
La mosquée bleue de Kazan
Visite du Kremlin (Mosquée bleue, Eglise Orthodoxe, Monastère...). Inauguration de l'exposition dédiée à la Feutrine.
Miss Kazan...regardez ma main autour de sa taille gracile !

Rencontre officielle dans le Musée avec la Ministre de la Culture de la république du Tatarstan : Zilya Valeeva (amie de Catherine Deneuve qu'elle souhaite avoir en invitée d'honneur du Festival). Visite du Musée (peinture, artisanat local : cuir). Une exposition sur l'artisanat Tatar sera présente lors du Festival à Cannes.
Elles ont perdu... Elles n'étaient pas assez belles !
Le soir : élection de Miss Kazan et Tatarstan (30 candidates, beaucoup de sponsors à remercier !!! "4h de spectacle "). je ne vous parle pas de ma présence dans le jury... quoique je peux vous en dire quelques mots. 30 beautés slaves, avec des traits typés, belles comme des anges de la miséricorde, défilant en petites culottes et soutien-gorge...Imaginez mon rythme cardiaque...
Miss Tatarstan.. pour moi ?
Dimanche 1er Février : Opéra National de Kazan. 10h Accueil par une fanfare féminine de Jazz puis Ensemble de danses et de chants du Tatarstan (très bel ensemble folklorique - 60 artistes - attention : de nombreux costumes - prévoir des portants. Décor : rideau de scène + Praticables). Cérémonie du Thé avec les responsables du théâtre : Nadia insiste sur les fiches techniques qui doivent être complètes. Etonnant ce dimanche matin, 5 spectateurs dans la salle immense et la troupe qui se donne comme si le monde avait les yeux sur elle !
12h30 : rencontre officielle avec la Ministre qui se fait beaucoup de souci au sujet de la crise et espère trouver le financement pour faire venir à Cannes tous les artistes. Le budget doit être présenté au Président du Tatarstan.
Nous visionnons ensuite des DVD de la fête des enfants qu'ils souhaitent importer sur le parvis (jeux de la course en sac, de la cuillère avec un œuf...). (B.O. réussira à les en dissuader).
Fin AM : visite d'un magasin d'artisanat qui exposera à Cannes.
Retour au Ministère pour dîner avec le Vice-Ministre, Tatiana, Nadia et Hélène.
Lundi 2 : Départ très tôt (en avion) pour St Petersbourg.
12h : RDV au Théâtre de Mains pour rencontre avec le Directeur et visionnement des extraits des spectacles.Cérémonie du Thé.
Visite du magasin de fourrures Lena qui doit participer au dîner russe (nous apprendrons à la fin du séjour que Mme Medvedeva s'oppose à ce défilé à Cannes et ce en raison de la crise). Commentaire de BO. Sophie avec son manteau en poil de truc à 5000 000 dollars... en train de minauder sous les yeux concupiscents de quelques Russes affamés, vision suréaliste s'il en est ! Cérémonie du Thé. Déjeuner à 16h00 dans un restaurant ukrainien avec la responsable au gouvernement fédéral (grande amie de Mireille Mathieu !).
Un des 300 canaux de la ville...
18h30 : RDV au Théâtre Mikhailovsky pour une visite du Théâtre et une rencontre avec le Directeur, Vladimir Kekhman. (800 personnes travaillent dans le théâtre). Vladimir pose une condition à la présence de sa compagnie à Cannes : que Mme Medvedeva soit présente. Son théâtre pourrait présenter un Gala de danse et, sous réserve,Giselle ( avec un Orchestre à définir). Dîner avec Vladimir dans restaurant italien.
Mardi 3 : 9h30 - visite en minibus de St Petersbourg. Visite de la fabrique de porcelaines impériales qui doit venir exposer pendant le Festival. Cérémonie du Thé avec la directrice générale et la directrice des ventes (Liliana Ilyina). Elles sont très soucieuses de la crise car elles sont responsables de plus de 1 000 salariés et ne semblent pas très motivées pour venir à Cannes en cette période difficile. Visite du Monastère Vladimir Nevski.(tombes de Dostoïevski, Tchaïkovski...).
Tombe de Tchaïkowsky...la plus formidable concentration de génies morts immaginable !
16h00 : Déjeuner avec le Consul de France, la Ministre du Tourisme (Mariana ...) et Nadège...
17h30 : Réception par le Président du parlement Monsieur Tupalov au Palais Mariinski. Présentation du projet St Petersbourg à Cannes. Visite du Palais.
19h : Théâtre Mariinski : le Lac des Cygnes. Sophie et Bernard dans la salle carmin, au premier rang, pour une oeuvre immémoriale, le Marinsky (ex-Kirov), la Lac des cygnes, la perfection de la danse classique, le coeur qui bat d'être au centre d'un monde plongé dans l'histoire de la Danse. Précision hallucinante des ensembles.Dîner avec les filles (Pizzeria).
Le Marinsky.. Le temple de la musique classique
Mercredi 3 : 10h : visite rapide de l'ermitage (50 mn) avec un guide anti-communiste, passionné et passionnant, fin lettré et cultivé s'exprimant dans un français suave, distribuant des noms au pas de course (Michel-Ange à gauche, Velasquez devant, à droite vous avez Léonardo de Vinci...etc) - visite de la cathédrale Saint-Isaac (vue panoramique depuis le toit) et de l'Eglise St Sauveur du sang versé érigée sur le lieu où le tsar Paul 1er fut assassiné. Ces 2 églises ont été ouvertes spécialement pour nous.
Déjeuner georgien avec toutes les Ministres, guides... et départ en train (4h30 de voyage dans la tempête de neige) pour Moscou. Voyage dans les bourrasques, le train fonçant dans l'ivresse d'une tourmente, la neige pénêtre dans les sas et la campagne défile écrasée sous la violence des éléments.
Le soir, repas avec Olga, la femme de Nilda F, mon ami. Retrouvailles dans un restaurant branché. C'est la fin du voyage, les images s'entrechoquent dans un Moscou bloqué par une tempête de neige. Concert de klaxons, paralysie générale, un tapis blanc recouvre la ville et le froid mordant pénêtre partout ! L'hôtel nous attend, une dernière nuit chez nos amis les Russes.

Jeudi 4 : retour en France.

Vous aurez droit à une suite très bientôt...

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Berlinade Attitude

Publié le par Bernard Oheix

Yeux fermés. Destination brouillard. En avant pour un cadeau anniversaire hors du commun. On m'avait juste intimé de réserver cinq jours de ce début du mois de janvier. Le mystère règne, je tente de connaître cette destination inconnue, propose de l'argent à mes enfants ( une somme conséquente ma fois, 200€ !)... Rien n'y fait, je ne sais toujours pas en cette aube glacée où je dormirai au soir venu. Maigres indices, l'avion, l'Europe, le froid...
Je découvrirai donc cette ville qui me tend les bras, Berlin, deux fois entrevue, jamais visitée. C'est Hartmut, mon ami de l'université de Nice, 35 ans après, qui va se charger de nous faire découvrir sa Capitale au pas de charge, à  l'Allemande, avec méthode et intensité... et c'est génial !
Merci donc à Thérèse pour cette surprise, cette vraie trouvaille de 5 jours volés au temps, une façon de faire un pied de nez au froid et à la crise.



Jardin sous la neige. Berlin, une ville de verdure, ouverte, depuis que les murs se sont écroulés, l'espace s'est agrandi et les parcs ouvrent des perspectives dans l'horizon d'un froid polaire. La vie existe, intense, et les Allemands sont sympathiques, accueillants. Un sentiment de profonde sécurité règne.


Marx et Engels... mes deux idoles du temps jadis. Ils campent toujours comme les phares des consciences qui embraseront le XXème siècle. Combien de crimes en leurs noms ?


Le mémorial pour les victimes juives. Un frisson, monument éclaté, austère, rappel d'un drame épouvantable. Comment en sommes-nous arrivés là ? Je me souviens d'un évèque négationiste qui défraie la chronique et j'ai honte pour les dictateurs du corps et de l'esprit, les bourreaux de la liberté, les innombrables servant d'un Dieu de haine. Quelle que soit la couleur de l'ignominie, le sang des victimes est toujours versé pour noircir la page d'une humanité qui n'aspire qu'à vivre dans la paix.

La porte de brandebourg, symbole d'un mur qui déchirait un peuple. Il est étrange de penser qu'une génération d'Allemands ont porté la croix des fautes de leurs parents. C'est le cas de mon ami Hartmut qui a grandi dans cette Allemagne tentant de revivre après une décénie de guerre. Combien de pays ont éludé leurs drames en niant leurs crimes ? Cette génération d'Allemands n'a pu fermer les yeux...


Place vide, théâtres et bâtiments baroques. Il y a de l'espace et une histoire à fleur de pierres, même si Berlin fut détruite et rasée pendant l'année 1945. Il reste un mélange de modernité et un parfum de passé, une ville qui envoûte comme à cheval entre deux époques.


La gare de l'Alexander platz, cette verrue d'un McDonnald qui rappelle que les impérialismes ne se diffusent pas que par les armes !

Le mur de Berlin et ses vestiges. Check point Charlie, quelques bribes conservées dans un quartier sombre, des graffitis pour se souvenir que le sang de jeunes hommes a coulé pour franchir une limite artificielle imposée par la folie des hommes. Impressionnant ces plaques apposées avec des noms oubliés. Le commerce fleurit à ses pieds pour maintenir l'idée que la vie n'est qu'éphémère passage et le prix d'une vie somme toute très relatif...


Nationalgalerie du Musée de Berlin. L'île aux morts. Un chef-d'oeuvre romantique de Böcklin. Je ne résiste pas au plaisir de vous l'offrir comme un voyage intérieur. Les couleurs sombres, la lumière cachée, l'intensité d'un lieu oppressant dans l'ultime voyage....

Karl Friedrich Schinkel. Gotischer dom am wasser. Cette exposition sur les romantiques allemands est d'une force et d'une beauté à couper le souffle. Il y a aussi des Menzel, Caspar David Friedrich, Von Marées et Lieberman. On sort ivre de tant de génie. Comment donc ce peuple, qui accoucha de tant d'oeuvres sublimes, pourra-t-il se laisser entraîner dans les affres d'une guerre sordide ! Et la France en 14-18 ? Et tous les autres à attendre que le canon tonne pour s'enivrer !
Que les pinceaux règnent sur les hommes de bonne volonté !

Voilà, juste l'arôme délicat d'un passage fugace dans une Capitale de l'Europe. Des promenades dans les parcs, un appartement spacieux dans Charlottesbourg, un lac gelé, la visite du Reishstag et l'ascension de sa coupole, des repas à l'allemande, d'énormes portions de gâteaux pour les en-cas d'après-midi, une chute sur un trottoir verglacé, une langue comme une musique et la certitude que Berlin est bien le lieu de cette histoire impossible d'une Europe dévorée par ses propres démons qui renaîtra toujours de ses cendres.
Vive Berlin !

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