Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ce tapuscrit est vraiment excellent.(3)

Publié le par Bernard Oheix

Suite et fin de la saga des anciens maoïstes perdus en pays des merveilles. Le talent de l'écriture ne pourra jamais remplacer l'art du vivre. Les deux précédents épisodes nous campaient deux êtres s'affrontant pour un bout de passé et un rêve d'avenir. Qu'en deviendra-t-il exactement de leur passion sans frontières ? Voilà donc le dénouement de cet affrontement entre mes espoirs cachés et le monde de l'édition.


-Et évidemment, comme c’est toi qui a le flingue, c’est moi qui prends la balle.

-Pas forcément, on peut tirer au sort.

-Comment ?

-Imagine, la vie sur un coup de poker. Je distribue les cartes, celui qui a la plus forte reçoit en cadeau un projectile qui lui troue la peau. Dans les deux cas mon livre est édité, l’odeur du sang attire les chacals et après un tel scandale, ils vont se battre pour me publier.

-Tu es cinglé.

-Mais efficace, tu as un jeu de cartes ?

-Je refuse, ce n’est plus de mon âge tes conneries.

 

Sa lèvre inférieure tremblait, les yeux rougis par la tension, il sentait que le dénouement approchait. Au fond, je l’avais toujours idolâtré, son intelligence, son brio, sa capacité d’improvisation m’avaient fasciné, et en le contemplant, trente années après, je ne pouvais le haïr, lui, ce qu’il représentait de renoncement, l’abjection de sa vie de compromissions, cet univers frelaté dans lequel il évoluait avec l’aisance d’un pachyderme que je ne serais jamais. Je discernais encore cette enveloppe coriace, cette force qui l’animait malgré tout. Il restait le grand Patrick Beausexe qui nous avait enflammés, apte à fédérer les élans communs pour les transcender, le modèle inaltérable de notre jeunesse. Il n’avait pas mérité cela.

 

-Il va falloir que tu me publies, mon grand, que tu aimes ou pas mon roman, il te reste cette tâche à accomplir.

 

J’ai introduit le revolver dans ma bouche et j’ai appuyé sur la détente. Je n’avais jamais envisagé de le tuer, juste lui faire peur, je connaissais depuis si longtemps le nom de la victime, je la portais en moi depuis des lustres, tant d’erreurs, tant d’aiguillages ratés, la vie au hasard du malheur. Le jeu avait assez duré et je savais désormais que mon œuvre passerait à la postérité. Avec le scandale que j’avais déclenché, il était certain que le premier tirage de mon livre serait conséquent, les médias ont aussi du bon.

Je n’ai pas souffert parce que c’est l’apanage de ceux qui laissent derrière eux quelque chose. Moi, le vide seul pouvait répondre à l’écho de ma vie, un vide né parce que j’avais trop rêvé et qu’il ne fait pas bon oublier la réalité, elle vous rattrape un jour ou l’autre et vous demande des comptes. Je n’avais plus rien à offrir, avais-je eu seulement ma place quelque part, d’ailleurs ?

Le noir s’est embrasé et j’ai sombré dans la nuit des temps.

 

 

Patrick Beausexe a regardé mon corps désarticulé et la tache de sang qui s’écoulait sur son bureau de mon crâne béant. Une étrange lueur au fond des yeux, il s’est emparé du tapuscrit pour le glisser dans un de ses tiroirs qu’il a fermé à double tour. Il a ouvert calmement aux forces de police qui s’étaient précipitées au son de la détonation. A l’interrogatoire, il n’a donné ni mon nom ni la raison de cette tragique prise d’otage. « Un comportement d’excité, quelqu’un manifestement dans un état de nerfs qui avait perdu son contrôle et tenait des propos absurdes où se mélangeaient des prières et des vindictes contre la société » L’affaire fit grand bruit et mit en valeur les publications de sa collection, Les romans de la vie, qui virent leur vente multipliée par trois et dégagèrent ainsi des bénéfices conséquents permettant de verser des émoluments aux actionnaires et l’autorisèrent à négocier le doublement de son salaire de directeur de collection. Il dut même régler l’impôt sur les grandes fortunes, cette année-là.

 

Deux ans après, l’événement littéraire de la rentrée fit courir le tout Paris dans les salons Gallimard pour une réception consacrant la dernière œuvre de Patrick Beausexe. « L’itinéraire d’un enfant perdu » obtint le Prix Goncourt et relança sa carrière littéraire. La critique salua cette tragédie d’un terroriste à la recherche de la vérité ultime qui décidait de s’immoler pour faire entendre son message de paix et d’harmonie. Sa composition romantique alliée à une précision extrême dans les descriptions des lieux et des personnages en firent un livre culte pour toute une génération de Bo-Bo qui frémissaient à la lecture des exploits de cette génération soixante-huitarde dont ils étaient vaguement jaloux et qu’ils méconnaissaient bien que ce soit celle de leurs parents.

 

Certains toutefois osèrent faire le rapprochement avec un drame qui s’était déroulé dans son bureau, d’autres notèrent la puissance réaliste du sujet et l’étrange évolution du style de Patrick Beausexe, mais tous savaient que seule la littérature permet l’impossible et que l’auteur est bien celui qui signe la pochette glacée qui capture les rêves dans des caractères d’imprimerie si froids.

 

Au fond, il avait eu raison et manifesté sa sincérité, ce « Tapuscrit était vraiment excellent, c’est vrai… »


A défaut d'écrire, on peut mourir...pour une belle page, une phrase géniale, un texte hors du commun. Il restera la poussière de nos espoirs, la vague trace d'une existence, le vent l'emportera comme pour effacer les craintes de survivre à la mort. C'est le néant assuré mais quelques signes en gras sur un papier jauni peuvent entretenir l'illusion de l'immortalité. C'est pour cette raison que les heures s'écoulent pour ceux qui tentent d'arrêter le temps avec leurs mots en or !

Voir les commentaires

Ce tapuscrit est vraiment excellent (2)

Publié le par Bernard Oheix

Voici la suite de la nouvelle précédente. Si vous avez raté le début, vous pouvez prendre le temps de lire le premier épisode. Je vous rappelle que tout ceci n'est que pure fiction, et que toute ressemblance avec des personnes existants ou ayant existé n'est absolumment pas fortuite mais bien produite par une volonté délibérée de travestir la réalité !


-On continue quoi ? Autant vous le dire, je n’ai plus la tête à lire votre prose. Je suis sincère en disant que cela me semble bon, mais j’ai des difficultés à me concentrer, je ne sais pas pourquoi…

-Je vais vous épargner cette tâche. Reprenons votre présentation, elle était incomplète me semble-t-il.

-Bon qu’est-ce que vous voulez savoir ?

-Mais rien, je sais tout de votre passé.

-Bon, et alors ?

-Leader des maoïstes à Nice de 1968 à leur implosion en 1970, près de deux années pendant lesquelles vous avez mené une guéguerre urbaine aux forces de l’ordre qui tentent actuellement de vous sauver. Vos aventures parlent pour vous. Détournement symbolique des camionnettes de la presse capitaliste dont vous brûliez en un autodafé festif des milliers d’exemplaires d’une prose infâme soumise aux intérêts des puissances impérialistes qui asservissaient les peuples en lutte, comités de vigilance et travail d’alphabétisation dans les bidonvilles qui existaient encore en face de l’aéroport, avec à la clef, un réseau de cellules qui devaient devenir le bras armé de la révolution du Grand Soir, élaborées sur le modèle de la bataille d’Alger, interrogatoires des militants afin de traquer les réflexes petits bourgeois, confessant leurs fautes et promettant de corriger leur comportement et de se fondre dans l’idéal révolutionnaire de la masse en se purgeant de ses pratiques individualistes, et tant d’autres faits d’armes que l’histoire ne vous est pas reconnaissante de ne pas avoir inscrit en lettres de feu la mémoire de vos gestes. Vous avez été un grand révolutionnaire, monsieur Beausexe !

-Mais, comment, c’est impossible !

-Il est certain que cet aspect de votre vie n’apparaît pas vraiment dans votre biographie du Who’s who. Fils de notaire de la bourgeoisie niçoise, père de deux enfants, diplômé de l’université de sociologie et titulaire d’un DEA de lettres, c’est quand même plus adapté à votre profil de grand prêtre de la littérature moderne, n’est-ce-pas ?

-Mais qui êtes-vous enfin ?

-Qu’avez-vous fait de votre passé, camarade, l’histoire vous mord-elle encore la nuque ? Est-ce que vous dormez du sommeil du juste après les infos de la télé capitaliste, quand des millions de nègres s’entre-tuent sous vos yeux pour entretenir vos désirs de paix sans ouïr leurs cris d’agonie, que les enfants asiatiques s’écorchent les mains pour chausser vos enfants du dernier cri de la technologie en Nike-Air, que les paysans d’Amérique du Sud crèvent à labourer des terres infertiles pendant que les conglomérats des Etats-Unis s’enrichissent de leur misère, que les riches deviennent de plus en plus puissants pendant que les pauvres s’appauvrissent, que sont devenus vos rêves ?

-Je veux bien entamer un cours de dialectique avec vous mon ami, mais enlevez votre cagoule, que je voie enfin à quoi ressemble l’avocat des peuples et des trahisons de nos révolutions. A visage découvert, on peut parler du passé.

 

J’ai ôté lentement mon masque. Je l’ai senti me regarder, scruter ce visage qui lui évoquait de vagues réminiscences, cherchant des souvenirs enfouis dans mes traits vieillis, trente années s’étaient écoulées depuis notre dernière rencontre. Son regard a vacillé, une lueur étrange s’est allumée dans ses yeux.

 

-Bernard Raynieux, toi, mais tu es fou. Qu’est-ce que tu fais là ?

-Je viens te chercher camarade, l’heure des comptes a sonné. Il fallait bien que cela advienne, nous ne pouvons nous exonérer indéfiniment de nos actes passés. On se doit au moins la vérité, tous les deux.

-Quelle vérité ? De quoi me parles-tu ? Je crois que la comédie a assez duré. Tu vas me donner cette arme, on va sortir tranquillement et on expliquera que c’est un gag que tu m’as fait en souvenir du bon vieux temps. Viens.

 

Il a tendu la main vers le revolver noir, ses yeux me suppliaient, l’espoir renaissait dans sa volonté de dénouer la situation, de reprendre le contrôle des événements. Il avait toujours agi en chef, mais je n’étais plus son lieutenant, son porteur de flingue, son exécuteur de basses œuvres. J’ai hésité quelques secondes d’éternité.

 

-C’est encore trop tôt, nous n’en avons pas fini. Ne crois pas que ce n’est qu’un jeu, ce revolver est armé, je tirerai si tu m’y obliges. Reprenons.

-Reprendre quoi ?

-Par exemple ce « tapuscrit » comme tu l’appelles, je te l’ai envoyé il y a un an, à cette adresse, il était signé de mon nom, tu ne l’as jamais lu, pourquoi ?

-Tu sais, je reçois environ 25 œuvres géniales de tous les écrivains méconnus de la France par semaine, il y a longtemps que je ne les regarde même plus, j’ai un comité de lecture qui les enregistre et tente de lire ces salmigondis, cet étalage d’ego insupportable. On tombe rarement sur des pépites dans cette boue de toutes les frustrations, dans ce torrent de toutes les passions contrariées, de rêves avortés. Je pense qu’ils sont passés au travers de ton livre. On peut arranger cela.

-Il y a six mois, la lettre que je t’ai envoyée pour te demander ce que tu en pensais, là aussi tu ne lis pas ton courrier ?

-Oui, je me souviens maintenant. Une lettre d’un ami, étions-nous vraiment des amis d’ailleurs, que j’ai perdu de vue depuis combien, trente ans au moins ? Que veux-tu exactement, que je saute au plafond parce que tous les jours j’attendais une lettre de toi, que je ne pouvais vivre sans savoir ce que tu devenais, que ma vie s’étiolait dans l’attente d’une missive où tu m’annoncerais que tu vivais encore, la belle affaire ! Tu me parlais d’un livre, c’est vrai, mais j’en reçois des tonnes de livres, des merdes innommables, des états d’âme de rien du tout, de la littérature de gamins attardés écrite avec les pieds. Les coffres des greniers sont pleins de chefs-d‘œuvre méconnus. Il va falloir que tu aies un peu d’humilité mon vieux camarade, la vie ne s’est pas arrêtée à la fin de nos idéaux révolutionnaires dans les années soixante-dix, elle a continué son fleuve tranquille si tu vois ce que je veux dire.

-Pas pour moi, j’avais confiance en toi. Je croyais que tu serais là quand j’aurais besoin de toi.

-Bernard, tu vas me faire pleurer, on tombe dans la littérature de gare pour midinettes, tu vaux mieux que ça ! Bon, dis-moi, exactement, ce que tu cherches là, il faut en sortir.

-Tu te rappelles la dissolution du mouvement étudiant, la désintégration de nos espoirs, ce rendez-vous que nous avons pris avec l’histoire en décidant d’intégrer les usines et de transformer les travailleurs en leur permettant d’acquérir la culture de l’insurrection et de la résistance, seul moyen de lutter de l’intérieur et de transformer le monde…c’était ton discours, moi j’y ai cru. Je me suis engagé dans une filature de Tourcoing, il y en avait encore à cette époque, et puis j’ai fait Renault, les aciéries du Nord, toute une géographie oubliée de l’asservissement des masses et à chaque fois, l’humiliation, l’échec, ces mêmes travailleurs qui me rejetaient, les licenciements, la fuite en avant, j’étais toujours le mao, le gauchiste, celui qui empêchait de tourner en rond.

-Nous étions jeunes, j’y croyais vraiment aussi, tu ne peux pas en douter.

-Oui, sans aucun doute, mais moi, je n’avais pas un père notaire, du fric, une villa au Mont-Boron, je n’avais aucun parachute pour amortir ma descente aux enfers, j’étais condamné à continuer parce que tu m’avais dit un jour que nous triompherions pour créer un monde plus juste, plus vrai. Où est-il ce monde de nos vingt ans, où l’as-tu planqué ?

-Mais on est au troisième millénaire, tu parles de quoi exactement, j’ai l’impression d’entendre un ptérodactyle pérorer sur un eldorado qui n’aurait jamais existé. Est-ce que tu te rends compte que les staliniens ont perdu la bataille, que le mur de Berlin est tombé, que la Chine est le premier pays capitaliste au monde devant la Russie, que Fidel est une caricature de dictateur qui aurait dû mourir avec le Che, au moins on en aurait fait des posters, que le peuple français attend le tour cycliste et le mondial de foot pour s’extasier et s’ébaudir en buvant des bières et en chantant la Marseillaise, on est loin de l’Internationale là, non ? Où étais-tu pendant toutes ces années ?

-Là où tu m’as envoyé !

-Ne me donne pas ce pouvoir, c’est un costume bien trop grand à porter pour mes épaules. C’est toi qui a tracé ta route, tu n’es tributaire que de tes choix, j’ai fait ma part du chemin, où donc t’a mené le tien, dans ce bureau de merde à me menacer avec un flingue, comme dans un western de série B, mais n’est pas Clint Eastwood qui veut, l’heure de la retraite générale a sonné cher compagnon de luttes, même si c’est moi qui ressemble à Sancho Pança, c’est toi qui te bats contre des moulins à vent avec une hallebarde. Pose ton sac collègue, il est temps de revenir à une réalité plus prosaïque, plus terre à terre, de ramener le débat vers des rives plus accueillantes.

-Plus sereines que les nuits que j’ai passées dans les caches de la Fraction Armée Rouge à attendre la descente des flics, que le passage au sein des Brigades Rouges dans l’Italie des années de plomb et les jambisations à la sortie des usines Fiat, que mon exil en Thaïlande au début des années 80, que la vie d’errance qui m’a mené pendant vingt ans aux quatre coins du monde, toujours à côtoyer la misère et la mort. Toujours en porte-flingue, toujours à la lisière de la légalité, et la fin de mes illusions que personne ne voulait partager, sais-tu ce que c’est que la solitude, l’agonie d’un monde dans lequel je n’avais plus de place, c’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui, c’est le compte que je viens régler avec toi.

-Pourquoi moi ?

 

-Il faut bien quelqu’un pour assumer ma vie. Tu n’as pas voulu me publier alors j’agis, comme tu m’as appris à le faire quand tu étais notre leader maximo, il y a si longtemps. Tu as oublié les principes de base de notre stratégie révolutionnaire : analyser, décider, foncer et ne pas regretter. Je ne regrette pas ce qui va advenir, tu comprends bien qu’un de nous deux doive solder cette addition, aujourd’hui je viens te présenter la facture.

 

La sonnerie du téléphone a retenti, jetant une ombre entre nous, réintroduisant un extérieur menaçant, un facteur de tension. Il  m’a interrogé du regard pendant que le son strident remplissait la pièce. J’ai opiné de la tête, lui faisant signe de décrocher en mettant l’écoute collective.

-Bonjour monsieur Beausexe, ici le commissaire Bertrand du commissariat du 8ème. Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe ?

-Ecoutez, je crois que c’est un malentendu, tout devrait rentrer dans l’ordre.

-Etes-vous menacé physiquement, a-t-il une arme ?

-Oui, non… enfin c’est compliqué, disons que vous ne devez rien tenter, j’ai besoin encore d’un peu de temps, nous sommes en train de discuter.

-Passez-moi la personne qui est avec vous.

Il m’a tendu le combiné mais j’ai refusé de le prendre.

-Il ne souhaite pas vous parler. Je vous propose de rappeler dans trente minutes. Je pense que la situation se sera décantée et que j’y verrai un peu plus clair.

Il a raccroché et m’a fixé longuement. Il se demandait vraiment où nous allions et comment cette situation pouvait évoluer. Il avait moins peur, je le sentais à son attitude, il pressentait que notre lien ancien, que ces heures que nous avions partagées le protégeraient. Il avait tort..

 

-Bon, Bernard, cette comédie a assez duré, il faut en sortir d’une manière ou d’une autre. Le mieux serait de remballer cette arme et de sortir de ce bureau. Rien d’irréversible ne s’est encore déroulé.

-Nous avons une demi-heure, c’est plus qu’assez pour mourir, Patrick.

-Tu es fou !

-Peut-être, mais quand tu nous as déclaré qu’il fallait prendre rendez-vous avec l’histoire, moi j’y ai cru et j’ai foncé. Sais-tu ce que cela veut dire que de s’entraîner un an dans une base libyenne au milieu des années 80. Ramper, sauter, tirer avec des Kalachnikov, manier des explosifs pour être ce gentil soldat de la Révolution appelé à libérer le monde.

-Là, je rêve, ce n’est pas possible !

-Tu cauchemardes plutôt. Sais-tu que dans ce monde, il y a toujours une place pour des gens comme moi, perdus, amers, sans racines et sans avenir. Où que tu ailles, des recruteurs de l’ombre sont à l’affût, ils savent guetter leurs proies et nous prendre en main, nous habiller, nous entraîner et nous inclure dans leurs plans. L’argent coule à flots pour les mercenaires du désordre, c’est si facile de se laisser aller et d’abandonner son libre-arbitre. J’ai fait le Moyen-Orient, bien sûr, et c’est en Afghanistan que j’ai connu mes plus belles heures. Tu ne peux imaginer un camp d’Al Qaïda, moi j’y ai vécu et je suis devenu un instructeur respecté, j’ai vu mes élèves partir la taille ceinte d’un cordon d’explosifs en chantant les versets du Coran, la vie est si belle au paradis d’Allah quand il ne coûte rien de se libérer des attaches terrestres. Tu sais qu’ils sont des légions disséminées dans le monde, que leur terreau est ton renoncement, que vous avez forgé des hordes de désespérés qui vous demanderont des comptes au moment opportun. Ce n’est que le début d’une page sanglante, je t’assure, le 11 novembre n’est pas un aboutissement, juste les prémices d’un chaos auquel il va bien falloir vous habituer. Vous en êtes responsables parce que vous vous êtes trahis, les forces de la terreur seront toujours plus fortes que celles de la paix parce que les gens ont faim et qu’à ventre vide, l’espoir est impossible.

-Toi, le ventre vide avec ta rhétorique de merde, petit soldat raté qui a oublié de grandir, et moi, je t’aurais obligé à prendre ce chemin tortueux, quelques mots, un discours, des idées de jeunes attardés à démonter ce Vieux-Monde auraient conditionné ton existence de mercenaire en t’entraînant dans l’illégalité, un peu facile non ! Tu ne t’exonérerais pas de ton goût pour la violence, pour le sang, te rappelles-tu comme tu aimais cela, déjà ? Tu étais toujours le premier à bastonner les fachos, il fallait même te freiner sans arrêt pour éviter les bavures.

-Sans doute, mais je vous étais bien utile alors.

-Enfin, nous étions jeunes, ce n’était qu’une utopie.

-Elle avait un sens.

-Qui t’a mené où, exactement ? Tu as tué, tu as fait couler du sang, dans la foulée tu écris un livre sur ta vie où j’imagine que tu campes tes exploits en flattant ton ego et me menaces parce que ton talent ne serait pas reconnu, que tu ne veux plus rester dans l’ombre, tel un génie méconnu de la révolution permanente.

-Cela c’est Trotski, mon camarade, tu as oublié tes classiques.

-Ne joue pas avec les mots comme tu joues avec la vie des autres.

-Mais c’est de ma vie que tu parles, pas de celle des autres. C’est moi qui me suis engagé, qui suis allé jusqu’au bout de votre chemin pendant que vous vous reposiez de vos émotions de petits bourgeois, que vous repreniez le cours normal des évènements, la vie tranquille comme si tout ce qui avait été conçu n’existait pas, n’avait jamais été réel. Et que vive désormais le repos du guerrier !

-OK, je suis coupable, un grand pêcheur devant l’éternel révolutionnaire, alors maintenant, quelle est ta sentence, j’ai mérité la mort, l’exécution, en victime expiatoire de tous les malheurs de l’humanité ?Pendu, étripé, eviscéré, que sais-je encore ? 

-Pourquoi pas ? L’un de nous doit mourir aujourd’hui, c’est un fait.

(suite dans le dernier épisode, la semaine prochaine...)

Voir les commentaires

Ce tapuscrit est vraiment excellent.

Publié le par Bernard Oheix

J'aime cette nouvelle. Elle a été écrite un soir d'été, la colère au fond de moi. A cause d'un ancien ami, responsable d'une collection, qui avait oublié l'amitié, faute impardonnable à mes yeux. je lui avais transmis un tapuscrit, mais le passé n'a pas ravivé le présent apparemment, pas suffisamment pour qu'il le lise...Alors je me suis vengé ! Cette longue nouvelle vous sera livrée en 3 épisodes. Elle est d'ailleurs une des composantes d'un polar que j'ai écrit et qui restera sans doute dans la mémoire des greniers. Ils fourmillent d'oeuvres dont on ne saura jamais si elles méritaient d'apparaître au grand jour.
De profundis donc pour ces pages noircies de mon impatience.



A P.R, parce que les années n’effacent pas le passé
 

        
              -Ce tapuscrit est vraiment excellent, c’est vrai. Bien écrit, du style, exotique, une superbe histoire qui fonctionne, des personnages bien campés, ce Massoud l’Afghan par exemple quelle trouvaille !

-Oui, mais vous n’en avez lu que vingt pages, une demi-heure pour un chapitre, comment pouvez-vous le juger aussi vite. N’est-ce pas un peu précipité comme analyse, vous êtes sincère ?

-Monsieur, c’est mon métier, quand même, je sais reconnaître un vrai bon texte d’une daube, le style c’est ma vie.

 

Et sa vie ne tenait manifestement qu’à un fil, celui qui reliait sa tempe au canon du revolver et à mon doigt sur la gâchette, et derrière ce doigt, un bras immense vêtu de noir qui remontait jusqu’à ce visage inquiétant dont il n’apercevait que les yeux au centre d’une cagoule que j’avais récupérée en Corse, auprès d’un des participants de la célèbre conférence de presse des nationalistes de Tralonca. J’y étais à cette pantalonnade, des figurants déguisés en cow-boys de l’ombre, roulant des mécaniques en portant maladroitement des armes sorties tout droit de leurs caches, un rendez-vous si peu secret que toute l’île était au courant bien avant l’arrivée de Debré, le Ministre de l’Intérieur. Même les flics le savaient et je n’avais jamais pensé qu’elle me servirait un jour, cette cagoule du FLNC, elle produisait son effet dans ce bureau parisien.

Il devait vraiment se demander dans quoi il était tombé. La sueur qui ruisselait de son front en grosses gouttes lui piquait les yeux et il s’essuyait avec le revers de sa main pour l’empêcher de couler. Etait-il sincère dans son appréciation ?

 

Il avait employé ce terme stupide de « tapuscrit », je ne l’aimais pas. Dans le mot manuscrit, il y a la main comme porteuse de pleins et de déliés, de cursives et de majuscules, tout un langage qui évoque cette création d’un texte littéraire par un membre en osmose avec le cerveau qui commande, toute la poésie d’une imagination dont la notion de « taper » est si éloignée. Comment imaginer qu’il peut naître un roman d’un tapuscrit, du fait de martyriser un clavier, de se faire une tendinite à l’épaule à force de se ruer sur l’ordinateur, massacrer ses touches ne pouvait en aucun cas déboucher sur une œuvre, peut-être une recette de cuisine, un listing de ses angoisses, pas le roman d’une vie, pas la somme définitive que chaque écrivain rêve un jour de produire, fusion si parfaite des élans solitaires du créateur et de l’aspiration des lecteurs  à voyager dans l’univers de l’auteur.

 

Mais revenons à notre situation initiale.

 

-Je ne sais pas si vous êtes honnête, c’est ce qui me gêne dans cette situation. Puis-je vous faire confiance, avez-vous encore la capacité et la lucidité de comprendre ce que vous lisez, d’en apprécier toute la subtilité ?

-Monsieur, un bon texte reste un bon texte, et n’était cette manière un peu cavalière de m’obliger à le lire, je vous répondrais encore et toujours la même chose. Peut-être que vous pourriez poser ce revolver, on pourrait faire connaissance et envisager la publication de votre livre, il le mérite.

-Patrick Beausexe, créateur d’une collection devenue mythique aux Editions Gallimard, « Le roman de la vie », accoucheur de talent d’une génération soixante-huitarde qui a trouvé un espace pour partager ses illusions perdues avec une masse de lecteurs qui dépasse largement les socioprofessionnels cadres, habituels consommateurs de livres. Vous êtes vous-même écrivain de polars et votre premier roman, « Une tueuse dans les branches de sassafras », a été salué à l’époque par les critiques comme un bijou qui venait réconcilier la littérature engagée et les temps modernes. Vous n’avez pas toujours tenu vos promesses et votre œuvre respire parfois une certaine facilité, une mécanique bien rodée destinée à engranger les bénéfices de votre passé. Par ailleurs, depuis que Gallimard vous a confié la création de cette collection, vous êtes devenu la coqueluche des salons littéraires, un faiseur de carrières, celui qui peut sur un coup de dé, transformer le hasard.

-Je vois que vous vous êtes bien renseigné sur moi, il ne faut pas toujours croire ce qui est écrit, mon pouvoir dans le monde de l’édition est bien relatif, monsieur… ?

 

Il restait maître de soi, je le reconnaissais bien là, -le self-control- c’était son grand mot, savoir chasser les pulsions morbides, rester soi-même parce que rien n’est important-, combien de fois ne l’avais-je entendu pérorer ainsi pour chasser ses propres angoisses au moment des coups de feu, dans les nuits fauves de notre jeunesse, quand nous flirtions avec nos propres errances. Physiquement, il s’était avachi, l’excès de bonne chère et de vins fins, c’était sa faiblesse, même à l’époque. Ne pas l’imaginer affaibli de voir son corps bedonnant et ses rides sous une calvitie qui dégageait un front immense d’intellectuel. Il avait toujours de la gueule notre caïd niçois de la révolution, notre grand timonier des campus azuréens, ce tribun hors-pair qui savait enflammer la foule et convaincre les hésitants en écrivant les tracts les plus beaux de toute l’histoire de la révolution maoïste française. Le bougre avait du talent, toujours s’en souvenir et ne pas lui tendre la perche.

 

-Pour le moment, ce sera  l’Ecrivain, si vous voulez bien !

-Bon alors raisonnons, Monsieur l’Ecrivain, vous m’obligez à lire votre œuvre, car je suppose qu’il s’agit bien de votre création, un revolver sur la tempe, je vous dis que c’est bon, vous me laissez partir et on en reste là. Personne ne sait encore vraiment ce qui se passe dans ce bureau, je m’engage à ne rien dire ou faire qui vous mette en péril. Prenons rendez-vous pour la semaine prochaine, j’aurai fini le livre et au vu de ce premier chapitre, il ne devrait pas y avoir de problème pour convaincre mon comité de lecture. On signe un contrat et on oublie tout. Un pacte entre vous et moi.

-Et vous joueriez ce jeu, vous tiendriez parole ?

-Ma vie ne vaut pas un tapuscrit, vous pouvez le comprendre j’espère.

-Oui, c’est ce qui nous différencie, dans le moment présent.

 

Pendant qu’il parlait, je me suis écarté en le tenant dans la mire de mon arme, j’ai observé ce qui se passait dans la rue, trois étages plus bas. La circulation était coupée, des voitures de police en barraient les entrées et un cordon d’uniformes nous isolait du monde. Manifestement, la secrétaire du grand homme n’avait pas apprécié de voir un énergumène encagoulé, l’arme au poing forcer son passage et pénétrer dans l’antre de son chef. Elle avait fait ce qu’elle croyait juste en convoquant les forces de l’ordre et sans doute la presse à nos agapes littéraires.

 

-Je crois qu’il y a un problème, il me semble que pour la confidentialité de notre aimable discussion, c’est un peu tard. Regardez par vous-même.

-Merde.

Il s’est levé est s’est dirigé vers la baie vitrée, un coup d’œil a suffi. Je l’ai senti se crisper et j’ai deviné qu’il allait tenter quelque chose, un geste de désespoir si typique pour quelqu’un habitué à jauger les situations et qui comprenait désormais l’impasse dans laquelle nous nous trouvions. Il s’est ramassé, son poil s’est hérissé.

-Je ne le ferais pas, si j’étais vous, ce serait stupide, je serais obligé de tirer et je n’en ai pas encore envie, nous n’en avons pas terminé.

Cela l’a calmé, il est retourné s’asseoir derrière son bureau et m’a fixé longuement, scrutant ce visage dissimulé sous un tissu noir d’opérette dans ce qui devenait un drame trop réel pour lui.

 

-Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant, où va-t-on ?

-On continue.

(Suite au prochain numéro)

Voir les commentaires

Un Gala de danse.

Publié le par Bernard Oheix

La revue BALLET 2000 de Alfio Agostini organise un Gala International de danse depuis quelques années à Cannes. Présentation de jeunes solistes remarqués par les critiques maison dans des extraits enlevés permettant toutes les audaces et les prouesses, hommage à un danseur pour sa carrière (les précédents récipiendaires avaient pour nom Rosella Hightower, Violette Verdi, Alicia de Alonzo, Maïa Plissetskaia...).  Ce Gala se veut novateur, rompant avec la tradition, ancré dans le classique pour mieux s'en extraire et goûter l'air du large de la modernité.

La salle se remplit, assistance plutôt âgée et traditionnelle, même si quelques danseuses de chez "Rosella" animent les travées en lançant des youyous à la cantonnade. C'est une ambiance bon enfant, un mixte entre spectacle pour grand public et un évènement à la mode, soirée plus "culture" drainant les "branchés" de la côte. L'ouverture donnera raison aux modernes contre les classiques.
Le premier ballet présenté est "Anima" dans une chorégraphie originale de Matteo Levaggi sur une musique de Philip Glass. Le Balleto Teatro di Torino dépoussière l'académisme, offre une pièce d'une grande fluidité au service de l'élégance d'un mouvement épuré. Lignes d'horizon, sobriété, corps qui s'enchevêtrent, noir et blanc, il fait nul doute que ce premier opus de la soirée en a désarçonné plus d'un et que les tenants des tutus et paillettes se sont retrouvés fort marris quand la bise est arrivée !
La remise du prix à la carrière Irène Lidova créé par BALLET 2000 nous permettra de voir les images d'un autre temps. Un montage savant d'extraits de pièces pour retracer quelques pages de légende d'un danseur hors norme, Vladimir Vassiliev, réputé pour sa présence physique et son aptitude à défier les lois de la pesanteur. Un
moment d'émotion réelle quand la salle s'est embrasée pour lui.

Vladimir Vassiliev, sans aucun doute le plus grand danseur de tous les temps, une légende qui reçoit le trophée à la carrière Irène Lidova de BALLET 2000 sur une des plus belles scènes du monde !

Alfio Agostini, le boss, distribuant des prix comme des bonbons aux bons élèves.

Du Gala, nous retiendrons l'extraordinaire Polina Semionova du Ballet de l'Opéra de Berlin, éblouissante de grâce dans Alles Walzer sur une musique de Johann Strauss chorégraphiée par Renato Zanella. Olga Esina et Vladimir Shishov du Ballet de l'Opéra de Vienne dans Elégie sur une musique de Rachmaninov, chorégraphie de Vakil Usmanov. Maïko Oishi et Giovanni di Palma du Ballet de l'Opéra de Leipzig dans Sonate de Rachmaninov chorégraphie Uwe Scholz.
Disons-le malgré tout, ce Gala pour élégant et novateur qu'il fut, manquait quelque peu de brio et de stars de la danse. Positionné sur les étoiles montantes, essentiellement russes dans des compagnies germaniques, il a démontré les limites de la jeune danse devant les étoiles inaltérables des  Etats-Unis et de l'Angleterre. Reste une soirée étrange, un gala atypique, la finesse des choix malgré tout.
BO, Vassiliev et Richard Stephant, le producteur de la soirée, mon ami. Nous devions nous baigner pour célébrer les 50 000€ de recettes de la soirée... La pluie nous en empêchera, dommage, il est si beau en maillot tarzan avec ses pectoraux luisants.

Chiara Samugheo, mon amie, la plus grande photographe des stars italiennes, Vassiliev et BO. La nuit s'étire...

Voir les commentaires

2008 tombe à l'eau...Vive 2009 !

Publié le par Bernard Oheix

...c'est la faute à Sarko !
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à Barroso !

Par un beau matin , dans une fraîcheur hivernale baignée d'un soleil luisant clair et beau (sic), comme chaque année, n'écoutant que mon courage, j'entraîne Julien, mon fils et Christian, mon beau-frère corse dans une plongée marine à ciel ouvert afin de tester notre courage !

Vous me direz, moi qui ai eu le privilège de plonger de nuit, par un trou dans la glace, par -40°, dans les plaines verglacées de Vologda, en Russie...qu'est-ce donc que cette température quasiment estivale ?
Bon, je vous la fais courte, c'était quand même pas un sauna cette Méditerrannée en ce matin du 24 décembre 2008.

La preuve, l'air dégagé de Julien au moment de rentrer dans l'eau !


En arrière-plan, les "rochers rouges" de La Bocca... Lieu mythique  où j'ai appris à nager, plonger, où j'ai dragué les fonds à la recherche des histoires d'eau et autres aventures ! Notez ce palmier esseulé qui tente d'insuffler une perspective exotique au visage coincé de mon fils !



Et  pour vous prouver que tout ceci n'est pas un montage avec une photo quelconque prise cet été, voici la preuve absolue de notre fait d'arme ! Nice-Matin, canard béni des dieux, titrait d'une façon prémonitoire, "Des stars planétaires à Cannes". Sont-ce pour moi que ces mots s'étalent sur la Une grasse ?
2009 nous le dira...
Bonne année à  tous !

Voir les commentaires

Noël au Paradis

Publié le par Bernard Oheix

Et pour ce petit Papa Noël ?

 

Quelques beaux cadeaux pour vous tous… ou tout ce que vous pourriez trouver dans vos chaussettes suspendues à la cheminée et que vous avez secrètement espéré sans vous l’avouer !

 

Par exemple…

Un banquier qui sache où va l’économie et qui serait capable de nous indiquer la direction à prendre ? Il nous expliquerait pourquoi le même baril de pétrole est passé de 90 dollars à 150 pour redescendre à 40 en 8 mois… Il nous démontrerait que nos hommes politiques sont cohérents avec eux-mêmes en donnant aux riches quand la situation est bonne (loi Tepa) pour prendre aux pauvres quand tout va mal (plan de sauvetage des banques)…Qu’il est normal de gagner de l’argent sans rien faire, uniquement parce que l’on en a, et tout aussi normal de ne pouvoir travailler pour en obtenir…C’est ce même banquier qui nous a poussés à acheter des actions Natixis qui ont perdu 95% de leur valeur ou de bénéficier de 400% de hausse sur d’autres valeurs, tout aussi artificiellement. Ce banquier qui nous taxe sur tous les services les plus pervers mais ne rémunère pas les dépôts d’argent qui dorment sur nos comptes, inflige des amendes scandaleuses pour les découverts des pauvres et des jeunes tout en aidant le puissant et lui servant en prêt-à-porter, des costumes sur-mesure, afin de ne pas payer d’impôts et de rentabiliser au maximum ses investissements. Ce banquier aux parachutes dorés de plusieurs millions et aux salaires mirifiques qui a plongé l’économie dans le marasme et tend désormais la sébile pour sauver un système que plus personne ne décrypte, pire, qui n’a jamais existé, dans lequel il a joué à l’apprenti sorcier pour des conséquences bien réelles sur la vie des innombrables personnes dont l’horizon n’est pas d’engranger mais de consommer pour survivre !

Une France enfin sereine avec ses ministres démantelant les services de l’état parce qu’il faut déréguler, décloisonner, permettre la concurrence, ouvrir aux capitaux, casser les monopoles, fussent-ils au nom du public pour le bien de tous…Tout cela avec autant d’efficacité que pour les renseignements téléphoniques (vous savez, notre bon vieux et simple 12 !), désormais, on a plein de services, on ne sait jamais à qui téléphoner tout en payant plus cher, ou l’eau que l’on surpaye pour des actionnaires anonymes dont les sociétés engraissent des inutiles déjà trop riches, les autoroutes rentables que l’on a rétrocédées aux grands groupes pour une poignée de figues et qui deviennent plus chères sur les tronçons les plus fréquentés et moins là où il n'y a personne, les subventions que l’on distribue à des groupes industriels qui s’empressent de délocaliser dès que l’opportunité s’en présente…  etc, etc !

Que les profits passent au privé et les charges au public, les riches ont au moins cette cohérence de tout faire pour le devenir encore plus.

Que l’on s’exile dans les paradis fiscaux tout en profitant largement de la situation (les hommes de la finance et de l’industrie), que l’on construise sa carrière sur le public français pour s’enfuir en Suisse afin de ne pas payer d’impôts comme les artistes (où es-tu Johnny ?), que l’on soit formé par les filières publiques d’enseignement et de sport pour trouver asile en Suisse ou à Monaco dès que l’on se met à gagner de l’argent (pauvres tennismans !), n’est après tout que normal, suivant le bon sens populaire que les riches se transmettent leur propre puissance et qu’ils ne le sont point devenus pour donner aux pauvres !

Vive la concurrence donc que l’on retrouvera enfin en muselant la télé publique tout en nommant son directeur à la botte, en retirant les moyens financiers des chaînes publiques pour que les télés privées éclosent de tout bois. La création selon St Profit, avec 2 coupures publicitaires, les parrainages et des programmes abêtissants à gogo. Et l’on entend dans les bois, les voix de la contestation muselées par l’argent !

Le vrai cadeau serait peut-être enfin d’arrêter de penser que les riches font vivre les pauvres ! D’imaginer que parce que l’on a le pouvoir on doive nécessairement l’exercer sans tenir compte des autres ! Que l’ego et la couleur de l’argent ne se discutent pas ! De trouver enfin un sens à sa vie ailleurs que dans l’exploitation de ses sentiments les plus sombres !

Quand donc la troïka composée de l’homme politique, du patron et du banquier fera naître l’espoir… quand ils auront épuisé toutes les ficelles de la prestidigitation ? C’est-à-dire jamais !

Et si la vie était simple comme le sourire d’un enfant, un concert d'Abd Al Malik, une tirade de Pierre Santini, un livre d'Yves Simon, un film des frères Cohen, un solo de Sylvie Guillem... ou tout éclair de beauté dans la nuit scintillante de nos espoirs ?

Alors, on pourrait hurler : vive Noël !

Voir les commentaires

Hugo versus Maupassant...

Publié le par Bernard Oheix

Quand la langue chante, que les mots sont des bijoux ciselés, que les inflexions de la voix envoûtent, que les règles sont là pour libérer l’imaginaire, alors, l’expression n’est plus une contrainte mais un art de vivre, une esthétique de la pensée, un vecteur vers l’âme de ceux que la beauté illumine.

Que ce soit dans le Victor Hugo d’Anthéa Sogno ou dans les Contes Fantastiques de la Compagnie NéNéka, cette magie opère dans l’éblouissement d’une verve sublimée.

 

Victor Hugo, mon amour.

Spectacle Anthéa Sogno.

Mise en scène par Jacques Décombe

Avec Anthéa Sogno et Sacha Petronijevic

 

40 000 lettres échangées entre Victor Hugo et Juliette Drouet, 40 000 traits d’union entre un poète dramaturge et une maîtresse enflammée qui abandonnera le théâtre pour se consacrer à un amour sans limite.

Pendant 50 ans, ils vont correspondre, partager, se confier l’indicible et hurler leur passion dans des lettres incessantes. « -Ecris-moi, écris-moi tout ce qui te trottera par la tête, tout ce qui te fera battre le cœur » lui dit-il lors de leur rencontre, en 1833, pendant une lecture de la pièce Lucrèce Borgia que Hugo vient de terminer.

Dans la vie dévorante de Victor Hugo, où se mêlent femmes, littérature, politique, famille, Juliette Drouet restera une constante de la vie, au-delà des rancœurs du quotidien, de la jalousie, de la peur et du vieillissement.

Le 11 mai 1883, Juliette Drouet s’éteindra comme la flamme d’une bougie soufflée par les vents contraires. Victor cessera d’écrire en une réponse définitive. Son encrier s’assèchera parce que son cœur se tarira de ne plus pouvoir aimer celle qui transgressa les lois de l’amour en devenant sa muse pour l’éternité.

40 000 lettres pour un demi-siècle d’une passion si intense qu’aucune frontière ne pouvait l’enfermer.

C’est le travail d’orfèvre d’Anthéa Sogno d’aller chercher, dans cette correspondance, la réalité d’un amour fou et de le rendre au vivant. Découpages, collages, mots crus, élans, tout est dans le texte, tout se met à exister dans la bouche des deux comédiens. Mystérieusement, leur amour se matérialise à travers les mots, devient concret, perdure par-delà la légende des siècles.

Combien est magnifique cette langue libérée et combien elle pourrait se suffire à elle-même ! Style, classe, formule, rhétorique… rien n’est plus juste que ces mots dérobés au temps passé que l’on exhume comme des trésors.

 

A l’heure où les publicistes se torturent pour accoucher de slogans dont la vulgarité n’a d’égale que la pauvreté, quand il faut frapper par les mots pour convaincre par l’esprit, Victor et Juliette dans une correspondance privée, certainement pas destinée à être partagée par d’autres lecteurs, énonçaient la plus belle des vérités : le cœur est une science exacte, avec lui, point besoin de se torturer pour définir la phrase juste, c’est la juste phrase qui s’impose quand les sentiments sont à l’unisson des actes.

Que ce soit dans un discours politique (combien seraient inspirés nos hommes politiques d’en copier quelques élans), dans un poème bouleversant dédié à la mort de sa fille, (A l’heure où blanchit la campagne !), que ce soit dans l’échange amoureux, dans les conseils d’une Juliette à son grand homme d’écrivain (le titre des Misérables, c’est elle !), dans la passion physique où dans l’éternité de l’attente, les mots sont des perles enchâssées sur l’écrin des sentiments les plus nobles. L’âme peut s’élever jusqu’aux cieux quand la grandeur de l’être lui offre des raisons d’espérer !

 

Contes Fantastiques.

Textes choisis de Guy de Maupassant.

Mise en scène : François Orsoni.

Avec François Orsoni et Jean-Pierre Pancrazi.

 

Un beau et sobre dispositif de lampadaires qui découpent des cônes lumineux sur une scène vide. Un homme assis sur une chaise (François Orsoni) lit un livre à haute voix. Il va s’en détacher, se lever et entrer en représentation. Il est celui qui relie le public à la fonction scénique, le grand ordonnateur du désordre que les mots vont introduire dans la mécanique de la peur. De lecteur passif, il devient acteur, introduisant des bribes d’histoires, l’amorce d’une séquence horrifique, saynètes que son alter ego, (Jean-Pierre Pancrazi), va vivre de l’intérieur en étant l’expression de la réalité décrite. Procédé simple mais parfaitement efficace pour faire vivre ces histoires abominables et ces caractères hors du commun qui peuplent de fantômes les pages acides de Guy de Maupassant.

Sans jamais se croiser, s’ignorant malgré une proximité de sens, ils vont se répondre en écho, devenir ces voix qui exhalent la puanteur de ces œuvres sordides où la beauté fleurie sur les victimes du désordre.

Femme aimée dont on viole la sépulture pour une ultime étreinte, veuve rentière qui cherche à récupérer devant un tribunal un bien accordé à un enfant en échange de ses faveurs sexuelles, lettre d’un suicidé qui suit le lent cheminement qui le mène vers la mort, tout se passe comme si l’humanité vacillait sur les rives du désespoir, juste entre l’indicible et l’inénarrable, à la lisière de l’impossible.

De ce point de vue, le conte qui clôture le spectacle est un bijou de haine et d’amour. Un gentil instituteur, aimé de tous, tue ses meilleurs élèves dans d’atroces souffrances pour se venger d’un Dieu tout-puissant qui a autorisé la mort de ses trois enfants adorés emportés par une maladie de poitrine. Il va alors décider de lui voler des vies en lui dérobant des morts. Au passage, comment résister à un des textes les plus férocement athée, un summum d’agnosticisme que je ne peux que vous retransmettre :

 

« …et puis tout à coup, j’ouvris les yeux comme lorsque l’on s’éveille ; et je compris que Dieu est méchant.

Pourquoi avait-il tué mes enfants ?

J’ouvris les yeux, et je vis qu’il aime tuer. Il n’aime que cela monsieur. Il ne fait vivre que pour détruire ! Dieu, monsieur, c’est un massacreur. Il lui faut tous les jours des morts. Il en fait de toutes les façons pour mieux s’amuser.

Il a inventé les maladies, les accidents pour se divertir tout doucement le long des mois et des années ; et puis, quand il s’ennuie, il a les épidémies, la peste, le choléra, les angines, la petite vérole ; est-ce que je sais tout ce qu’il a imaginé ce monstre ?

Ca ne lui suffisait pas encore, ça se ressemble tous ces maux-là ! Et il se paie des guerres de temps en temps, pour avoir deux cent mille soldats par terre, écrasés dans le sang et dans la boue, crevés, les bras et les jambes arrachés, les têtes cassées par des boulets comme des œufs qui tombent sur une route.

Ce n’est pas tout. Il a fait les hommes qui s’entremangent.

Et puis comme les hommes deviennent meilleurs que lui, il a fait les bêtes pour voir les hommes les chasser, les égorger et s’en nourrir.

Ce n’est pas tout. Il a fait les tout petits animaux qui vivent un jour, les mouches qui crèvent par milliards en une heure, les fourmis qu’on écrase, et d’autres, tant, tant que nous pouvons imaginer. Et tout ça s’entre-tue, s’entre-chasse, s’entre-dévore et meurt sans cesse. Et le bon Dieu regarde et il s’amuse, car il voit tout, lui, les plus grands comme les plus petits, ceux qui sont dans les gouttes d’eau et ceux des autres étoiles. Il les regarde et il s’amuse. Canaille va ! »

 

Spectacle merveilleux, ivresse des mots sur des images sordides, je l’avais rêvé. C’est aux Théâtrales de Bastia, il y a deux ans, que j’avais découvert dans une première version qui m’avait passionné, simple lecture polyphonique mise en espace, sans réelle mise en scène. Au cours de longues discussions passionnantes avec les deux acteurs, je leur avais proposé d’en réaliser une version scénarisée et de se retrouver pour une programmation à Cannes. Après quelques mois, ils me présentèrent leur production. Le résultat fut bien au-delà de ce que j’espérais, parce que le talent et le désir se conjuguaient, parce que derrière leur approche d’humilité, un travail rigoureux permettait de rendre au verbe sa magie libérée. C’est la force des belles idées de s’imposer par le naturel. Quand les mots de Maupassant rencontrent l’art des comédiens, les sentiments les plus humains se parent des atours du fantastique.

 

 

Qui aura triomphé de Victor Hugo ou de Guy de Maupassant…aucun des deux ! C’est le verbe qui l’emportera, qui vaincra pour la magie de ceux qui entendent derrière les mots. Deux conteurs fascinants, apôtres d’un style fleuri où l’essentiel est toujours à l’intérieur des signes, qui renvoient vers la réalité en la transfigurant, qui donnent des clefs pour mieux accepter la part magique de l’être humain. C’est avec de tels écrivains que l’on saisit combien la langue française est riche et subtile, capable de parler de la grandeur de l’homme comme de la petitesse de ses humeurs, de dépeindre la vastitude de l’univers au prisme de l’étroitesse des individus.

Comment oser, désirer, écrire derrière de tels jongleurs de mots ?

 

Dernière minute… Dans la série des grands et beaux textes, nous venons de programmer au Palais des Festivals de Cannes, Dom Juan, Le Festin de Pierre de Molière avec Philippe Torreton et Jean-Paul Farré dans une mise en scène de Torreton. Sublime encore ces mots qui chassent sur les domaines des dieux, confrontent la liberté de l’homme au pouvoir de l’infini. Génial ! Cette tirade sur l’hypocrisie que tant de nos hommes de pouvoir pourrait écouter en silence, charge contre les convenances et tribune de l’homme de sang qui peut affronter sa part divine sans renoncer à son libre arbitre. Dom Juan est une pièce redoutablement perverse, d’une ambiguïté sans appel, où le mensonge est une vertu, l’innocence une maladie, le pouvoir de séduire, la possibilité de révéler aux autres leur nature intime. L’humour cache le désespoir extrême d’un homme qui tente de se libérer de ses liens et sa quête de la perfection brûle les existences autour de lui. C’est sa mort choisie qui le sauvera… Et loin d’être l’apologie d’une punition divine, ce banquet avec le Commandeur est le dernier acte d’un homme libre qui défie sa peur !

Voir les commentaires

La retraite en chantant !

Publié le par Bernard Oheix

Encore un départ dans mon équipe de l'événementiel du Palais des Festivals de Cannes, une retraite en bon ordre, la fuite !

C'est une équipe qui vieillit désormais, tous ces enfants du baby-boom en train de s'évanouir dans la nature, cela fait un peu cimetière d'éléphants ! Et je commence à sentir le vieux bouc, mon tour arrive, à l'évidence !

Bon en attendant, voici le discours prononcé lors du pot de son départ. Un discours de plus pour un salarié de moins.

On gagne une parcelle de son paradis chaque jour que Dieu a fait ! 

 

Qu’est-ce que la retraite ? On se pose tous cette question un jour ou l’autre… plutôt l’autre d’ailleurs !

60 ans…Hier seulement on commençait à travailler, on arrivait pour un premier poste, timide et impressionné… le temps passe si vite. Les mois, puis les années et bientôt les artères qui chauffent et les cheveux qui ont une fâcheuse tendance à tomber tout seul… et je ne vous parle pas du ventre qui tend la ceinture !

60 ans… On regarde tout autour de soi, il y a déjà nombre de nos amis tombés au champ d’honneur du labeur, mais on se sent encore si jeune dans la tête, on sait que chaque lendemain nous rapproche d’une drôle de frontière… mais elle est là pour nous tous, plus ou moins proche, juste au détour de quelques décades, années… ou même d’un lendemain de fête !

60 ans, mais j’ai l’expérience et je peux vous dire que… trop tard mon vieux…Tu n’as rien à dire… A la casse ! A recycler ! Prends tes cliques et ne claques pas !

C’est ainsi Daniel, qu’une carrière se termine et que la retraite se gagne ! Commencée dans l’enthousiasme des terrains de foot où tu brillas comme gardien de but en te niquant le genou au passage, très rapidement, tu délaissas les salves d’applaudissements des tribunes pour des tirs autrement concentrés, celui des artificiers qui tentaient d’illuminer le ciel cannois, et ce faisant, charmaient ton âme de grand enfant.

Penalty.

Car disons-le tout net, Daniel. Tu as oublié de grandir, tu es resté un gamin émerveillé par les feux de Bengale, les fusées rouges, les spermatozoïdes multicolores et les sifflantes stridentes qui déchirent la nuit du ciel. Au lieu de dormir, tes rêves avaient la puissance des cauchemars, de la nuit paisible, tu faisais un champ de tir pour des mines déconfites au matin.

De ton parcours professionnel, que retenir ? Tant de choses il est vrai !

Que tu envisageais avec délice de devenir un taxi-boy quand tu t’occupais des thés dansants ! Que tu t’activais au dîner des anciens en bisoutant toutes les mamies folles de ton corps ! Que tu plongeas dans les contrats en te noyant sous les chiffres ! Que tu flirtas même avec le jazz en payant Nina Simone de ton charme pour qu’elle joue le soir au festival… Et tant d’anecdotes, de gens qui sont passés et ont disparu, évanouis pendant que tu restais goguenard, gardien du temple, accroché à ton bureau et qu’un jour même peut-être, tu nous narreras tout cela dans un blog qui vaudra de l’or !

Mais cela n’est rien !

Car loin de faire une carrière, de construire une stratégie pour devenir quelque chose en étant quelqu’un, tu as joué avec constance comme un enfant, avec des pétards et des mèches, à celui qui avait la plus grosse, à sauter le plus longtemps et la plus jolie, à regarder d’un œil concupiscent les belles formes éclatées de tes copines les bombes !

Tu t’es marié parce qu’il fallait bien le faire et même plusieurs fois d’ailleurs… Tu as eu un enfant parce que la nature a voulu cela… Tu as fait semblant d’être un adulte responsable et sérieux… mais c’était du vent, Daniel Delesalle, une gigantesque escroquerie ! En effet, moi qui te connais bien, je sais que tu n’aimais rien tant que boire avec les potes en attendant le décisif 10ème coup d’horloge de la journée, le moment où les lumières de la Croisette s’éteignent et où tu levais la tête pour jouir de l’ivresse des paradis d’artifices.

Tu as croisé la route de ces grands anciens chamarrés de médailles, Panzera, mort pour l’internationale des feux, ton pote qui t’a initié à la poudre noire en te droguant à jamais, Lacroix, pas le peintre, l’autre, le shooté de la bombe qui t’a pris sous son aile en te faisant voir des mirages d’hallucinés, Igual l’Espagnol qui boit de la sangria en allumant sa mèche et rigole devant les explosions, et les Portugais, les Allemands, tes amis Québécois, et tout ce petit monde des artificiers, ces hommes virils et barbus qui mâchent la cordite en regardant péter le monde plus haut que notre cul… Ils sont une poignée, on aurait pu les enfermer aux îles et tu en aurais été le garde-chiourme averti et heureux… car ils sont ta vraie famille, ceux que tu aimas et qui t’offrirent asile en leur confrérie de l’inutile !

Tu pars à la retraite mais je sais que tu vas revenir goguenard nous narguer, entre deux croisières les pieds dans une eau de mer chaude, sirotant un dernier Morito pour nous observer en train de courir à perdre haleine derrière un temps qui t’a enfin rattrapé !

Et oui, les bombes c’est comme les hommes… même s’il faut longtemps pour les allumer, elles nous pètent tout de suite au nez en dégageant une odeur de soufre.

Reste alors à vivre tout simplement, et c’est ce que l’on te souhaite, Daniel. Profiter de la vie et mordre dans le gâteau de tous les plaisirs avec juste ce qu’il faut de pétards pour t’enivrer dans les étoiles !

Voir les commentaires

Séville en Womex

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des années comme cela... Séville accueille le Womex, marché des Musiques du Monde où se croisent les Anglo-Saxons, les Asiatiques,beaucoup d'Européens et un fort contingent de Francophones d'Afrique. C'est la dernière session dans cette capitale andalouse pour un souk qui autorise toutes les rencontres les plus improbables, les métissages et l'écoute des sons venus d'ailleurs. En effet, après 3 années, les organisateurs nous informent que la prochaîne édition aura lieu à Copenhague. Adieu tapas, vino tinto et autres réjouissances nocturnes, vers 5 heures du matin, dans les ruelles de la vieille ville, à chercher un port d'attache pour écluser un dernier verre en discutant de l'avenir du monde ! Bienvenue au pays de la petite sirène, ses icebergs et les rigueurs d'un automne polaire !!!
Il apparaît bien sombre ce monde  d'ailleurs, dans les tourmentes d'une crise qui atteindra fatalement une grande partie des opérateurs présents, ceux qui sont fragilisés parce que leur secteur est exposé aux vents de la tourmente financière. Les artistes d'Afrique et des contrées les plus reculées, qui ont déjà tant de difficultés à survivre et à circuler, en subiront directement les conséquences. A force d'ériger des murs, on risque bien d'étouffer sans lumière !
C'est ainsi qu'une tension apparente rampe au sein de ce corps vivant des opérateurs de la musique, le gangrène et obère l'avenir. C'est dans cet état de pesanteur qu'il faut peut-être chercher les raisons du déchaînement qui s'est emparé des participants, comme s'il fallait conjurer le sort en brûlant la vie par tous les bouts de la chandelle, maintenir l'éclat d'une espérance folle et hurler aux nuages, la vérité d'un futur sans musique. A l'heure où toutes les technologies permettent de bannir les frontières, se voir et parler restent encore le moyen le plus efficace de communiquer et de rêver.
Peut-être tout simplement ne peut-on impunément réunir quelques milliers de passionnés sans que la passion ne déferle et emporte tout sur son passage.


Quelques photos :


Dans une calèche, Ourida qui s'occupe de l'Orchestre National de Barbès et des intérêts de sa communauté artistique...à la recherche d'un restaurant. Ourida est une fleur sauvage du Maghreb, elle doit lutter contre tant de discréminations, femme, arabe, artiste... pourtant elle garde au fond d'elle, une pierre précieuse qui luit comme un diamant, la tendresse. Elle a la beauté fragile d'une révoltée, elle a un coeur grand comme un continent d'amour !

Sabine Grenard, une des rares à triompher... son groupe corse A Filetta aura fait un tabac en show-case et les contrats pleuvront comme les feuilles d'automne dans les jardins de Séville... Sa petite entreprise ne connait pas la crise, elle le mérite, c'est ma copine depuis tant d'années que je n'imgine pas un monde sans cette "bookeuse" hors pair.



François Saubadu... Un Français à Turin, du gros spectacle d'Amérique du Sud pour les Italiens du Nord...Il a un regard qui force l'amitié, une distance avec la réalité, capable de tendre la main et de rire, il reste une belle rencontre. Il était venu me rendre visite à Cannes pour me vendre des spectacles il y a 10 ans, je l'avais oublié, lui aussi...on a bu pour célébrer nos retrouvailles !

Laurence Samb, Franco-Sénégalaise qui vit à Berlin et nage dans l'électro d'une ville en survoltage. A l'heure où le métissage est devenu très chic, elle reste lucide, se nourrit de ses racines multiples, s'enrichit de ses influences qui la traversent et sera un des rayons de soleil du Womex 2008.

Valentin, associé à Soraya, une Brésilienne, il tente d'importer des groupes de ce pays et d'ouvrir des brèches dans le mur des silences. Il a un visage d'enfant éveillé, une gentillesse naturelle, un sens de l'humour très développé. Leur tâche est immense, ils ont du courage pour tous ces musiciens qui attendent d'eux d'exister sur nos scènes.

Je sais, il est tard, je suis dans les bras de Laurence et d'Aurélie... et j'aime ! Aurélie est une bombe perpétuellement amorcée. Elle vit pour aimer, donne son amitié et cherche le bonheur dans l'échange. Elle ne tient pas l'alcool, mais qui lui en tiendrait rigueur ? Aurélie, c'est ma copine !


Charlotte et Claire, les divas du Reggae...de Toots à Alpha Blondy qui devrait être à Cannes en septembre prochain... des siècles de barbus débonnaires ! Jah est grand ! Charlotte a une sacrée personnalité, on a pas interêt à se louper avec elle, mais quand elle offre son amitié, alors, c'est un ange. Claire est  douce, suave, un parfum d'anis qui évoque des heures sereines à danser sur les sons de la Jamaïque.

Je savais que je possédais un certain charme, voire un talent certain, mais là, j'ai quand même l'impression qu'elles exagèrent ! Comme quoi, quand on réunit une Sénégalaise, une Brésilienne, une Corse, une Algérienne et une Picarde... c'est détonant ! Etonant, non ?

Sinon, que vous dire de la musique, raison principale de ma présence ? Que A Filetta et Enzo Avitabile e i Bottari sont géniaux... était-il besoin de se rendre si loin pour s'en convaincre ? Assurément non puisque je les ai déjà programmés depuis bien longtemps !
Que Speed Caravan restera une des heureuses (rares) découvertes de cette édition hybride. Issu d'Ekova et de Duoud, Mehdi Haddab avec son "oud" électrique, une DJette aux platines, un percussionniste et bassiste, nous entraîne dans un univers de sons orientaux électros, un tissu chamarré de notes brillantes, avec une rythmique rock qui sonne comme du Hendrix et déboule dans une furia magistrale. Retenez ce nom, Speed Caravan, on devrait en entendre parler sous peu !
Si Tumi and the Volume (Afrique du Sud) propose un Hip-Hop électro plutôt passionnant et Suzanna Owiyo, une chanteuse Kenyanne, belle, à la voix sensuelle accompagnée de son groupe remarquable à l'afro-beat dansant ont fait sensation, disons que globalement, les shows-cases ont apporté leur lot de spectacles très moyens. Dans la quantité, certains émergeront peut-être, beaucoup sombreront aussi... mais c'est la réalité d'un monde cruel pour les artistes, où rien ne leur est pardonné, où la performance prime sur le temps et où l'erreur se paye cash.
De ce point de vue, je ne résiste pas au plaisir de vous informer que les Amazones de Guinée existent toujours... et si vous n'en avez point entendu parler, ce n'est pas grave. Une douzaine de femmes en uniforme de la Gendarmerie guinéenne, en train de ramer pour émettre une musique désaccordée, les poses de la guitariste échevelée et l'absence d'oreille et de mains de la batteuse, nous ont donné une furieuse envie de boire à la santé des Musiques du Monde et de celles et ceux qui la maltraitent parfois, la magnifient souvent !

La musique africaine survivra à leur show... de justesse pourtant ! Mais ce continent en a vu d'autres, il nous en offrira des occasions de se faire pardonner !

Voilà, c'est l'heure du retour. Une dernière soirée au Jackson à boire jusqu'à l'aube, un coucou ému à tous ces ami(e)s qui ont partagé mes nuits. Beaucoup ne sont pas présents dans ce bref hommage aux nuits de Séville, ils m'en rendront grâce, nous nous retrouverons à Copenhague, peut-être ! Cannes se pointe au bout de la piste ! Echange de photos par maïl, souvenirs souvenirs et la roue tourne, la crise toujours, Obama en premier président noir des Etats-Unis d'Amérique, de quoi prolonger la fête en sachant qu'il lui faudra plusieurs vies pour résoudre l'ineptie d'un monde qui marche sur la tête et l'a engendrée ! Pour quelles illusions ? Pour quelles missions ?

Voir les commentaires

Paris-Théâtre, octobre 08.

Publié le par Bernard Oheix

Paris. La saison théâtrale est morose. Une Plongée dans les salles afin de dénicher les pépites de la programmation 2009/2010 s'impose. Beaucoup de pièces, des heures dans l'inconfort général, mais aussi des rencontres, mes amis Yves Simon, Nilda Fernandez et une auteure, Agathe Fourgnaud, le talent à l'état rebelle. Les nuits sont trop courtes pour faire le tour d'un monde en folie. C'est bien de rêver aux lendemains !

 

11 et 12 octobre. Riccardo Caramella « Bon anniversaire, Maestro Puccini ». Salle de la Licorne. Cannes.

On connaît le talent du pianiste, on connaît moins la verve gouailleuse du conteur. Riccardo a cette capacité de rendre la musique accessible, de désacraliser intelligemment les grands compositeurs en leur réattribuant un peu de chair. On passe ainsi de morceaux de musique exhumés, d’essais qui deviendront au fil du temps de véritable bijoux, en suivant l’histoire de leur composition et en accrochant des pans de moments vécus comme des perles.

Petit exemple narré par Riccardo Caramella.

Rossini envoie pour noël un « panettone » à ses amis et s’aperçoit que sa secrétaire l’a expédié à Toscanini, qui est à New York, alors qu’il vient une nouvelle fois de s’embrouiller dans cette relation d’amour et de haine permanente qui les caractérisera. Il décide de lui envoyer un télégramme. « -Panettone envoyé par erreur. ». Il recevra le lendemain une réponse de Toscanini. « -Panettone, mangé par erreur ! ».

La soirée s’écoule ainsi, entre la mélodie et l’humour, avec un zeste d’émotion quand Riccardo parle de sa vie, des actions humanitaires qu’il mène et le conduisent à rendre un peu de cet amour et de l’argent à ceux qui l’ont tant aimé sur les scènes du monde entier.

Que le chœur flotte un peu, que le baryton tombe malade et le ténor dérape parfois n’a alors que peu d’importance. Il reste une belle énergie, un désir de contrepied, une démarche atypique avec un cœur gros comme une tranche de vie pleine de surprises et de tendresse.


Bernard avec Puccini. Présentation du concert de Riccardo Caramella.

15 octobre. Le diable rouge. Avec Claude Rich et Geneviève Casile. Mise en scène Christophe Lidon. Texte d’Antoine Rault. Théâtre Montparnasse.

J’avais accueilli avec beaucoup d’enthousiasme la précédente pièce d’Antoine Rault, Le Caïman avec Claude Rich portant sur la vie d’Althusser et le meurtre de sa femme. Changement de décors avec cette pièce historique portant sur l’agonie d’un Mazarin malade, tentant de s’accrocher aux lambeaux de son pouvoir devant la montée inexorable d’un Louis XIV qui entame son ascension vers les sommets de la gloire. Belle pièce d’une facture classique, parfois un peu trop dans sa scénographie, mais dont le texte fait ressortir la fascination des hommes de l’ombre pour la lumière de l’exercice du pouvoir. La mère de Louis XIV est la témoin de cette passation qui enterre aussi sa propre volonté de régenter le roi. Louis XIV va ainsi se libérer de ses chaînes et concentrer le pouvoir entre ses mains. Fin d’une période, début d’une ascension, Claude Rich est parfait dans son cabotinage de vieux despote tentant de sauver quelques bribes de sa puissance d’antan. Un beau moment d’histoire dans une langue fleurie.

 

16 octobre. Le malade imaginaire. Avec Michel Bouquet et Juliette Carré. Mise en scène Georges Werler. Théâtre de la Porte St Martin.

Un texte qui sonne si présentement, en écho de tant de nos angoisses, maladie chronique d’un mal de vivre, Michel Bouquet est l’incarnation de cette mort au travail qui hante tout acteur qui s’empare de ce rôle au souvenir du grand Molière agonisant sur scène. Fragilité insoutenable de l’être humain, profondeur du personnage de théâtre et d’une distribution parfaite. C’est un chef-d’œuvre de sensibilité, d’humour et de drame. Il n’y a rien à dire, juste baisser son chapeau et dire à un Bouquet crépusculaire, merci pour votre carrière, merci pour cette illumination d’une œuvre qui continuera à traverser l’histoire des hommes par sa férocité contre les savants, son mépris des conventions et la force désespérée de l’amour. Vive Molière !

 

17 octobre. 15h Café de Flore. Rendez-vous avec mon ami Yves Simon.

 Deux heures pour nier le temps, parler du monde et se percher sur un fil d’amitié parcourant des vies d’hommes. C’est beau le partage des rêves, les interrogations multiples et le regard convergent vers la réalité. Deux heures passées à la vitesse d’un songe d’harmonie.

 

18h30. La divine Miss V… Avec Claire Nadeau. Texte de Mark Hampton et Mary Louise Wilson. Mise en scène de Jean-Paul Muel. Théâtre du Rond-Point

Tout est beau, les décors rouges, la mise en scène précieuse, le jeu sobre de Claire Nadeau… mais au fond on s’ennuie un peu ! Les états d’âme d’une miss vieux siècle, impératrice de la mode, ex-rédactrice de « Vogue » nous indiffèrent. On peut épiloguer sur le personnage et trouver des résonances au monde moderne, rien n’y fait, je m’ennuie ferme et en plus, j’ai sali mon beau pantalon avec la gomme d’un scotch qui colmate le dossier bringuebalant du siège qui est devant moi. Il ne fait pas bon avoir de grandes jambes à Paris, même au beau théâtre du Rond-Point.

 

21h Sans Mentir. Texte de Xavier Daugreilh. Mise en scène José Paul et Stéphane Cottin. Théâtre Tristan-Bernard.

Une future pièce culte d’après Gérard Miller. Bon, moi je veux bien. Peut-être que les acteurs ont eu un coup de calcaire, ou bien que j’étais toujours avec Yves Simon, ou que sais-je encore… Mais rire à ce vaudeville sans saveur ni rythme aurait été un exploit. Sur une trame éprouvée, le mensonge qui en entraîne d’autres, (cf, Stationnement alterné, Chat et souris, Espèces menacées et tant de bijoux), l’auteur s’épuise, les acteurs s’agitent et rien ne se passe si ce n’est un sentiment de grande solitude. Et puis mon pantalon salle, fallait pas déconner, non mais !

 

18 octobre. La journée des dupes. De Jacques Rampal. Mise en scène Yves Pignot. Théâtre 14.

Surprise. Dans une langue en alexandrins fleuris, Louis XIII malade, attaqué de toutes parts, sous la pression des intégristes catholiques, d’une Espagne et d’une Autriche aux aguets, va confier le pouvoir à un Richelieu omnipotent pour asseoir sa royauté et ne pas succomber aux affres d’une nouvelle guerre de religion. 20 ans avant le Diable rouge, par les hasards d’une programmation, les deux couples de pouvoir se trouvent renvoyés en écho, l’un en image inversée de l’autre. Louis XIII est malade même s’il est lucide et fait le bon choix de confier les rênes du pouvoir à un Richelieu rayonnant, Louis XIV est fringuant, il dévore la vie et abandonne Mazarin dans ses rêves d’une puissance révolue. Au milieu, naviguant d’une pièce à l’autre, Anne d’Autriche, femme séditieuse de Louis XIII devient la mère d’un Louis XIV dont elle n’accepte pas qu’il la rejette pour exercer son pouvoir en solitaire.

Etrange paradoxe de deux écrivains contemporains qui font revivre deux pages d’histoire séparées par une poignée d’années avec un personnage commun vu sous deux angles différents. La mise en scène est très théâtralisée, le rythme parfois un peu lent ne gêne pas la tension d’une histoire en train de revivre sous nos yeux.

Ainsi donc, deux auteurs contemporains, dans une démarche parallèle, exhument deux tranches d’histoire, le personnage de la femme du roi Louis XIII de la première pièce devenant la mère de Louis XIV dans le deuxième. Dans la même ville, la même saison, un pied de nez au hasard qui donne furieusement le désir d’aller jusqu’au bout de cette concomitance : une  programmation à Cannes la saison prochaine… dans l’ordre chronologique !

 

Francis Lalanne ayant une extinction de voix, je serai donc privé du plaisir extrême d’assister à Lorenzaccio. Tant pis ou tant mieux, c’est selon !

 

19 octobre. 15h. Elle t’attend. Avec Laetitia Casta, Bruno Todeschini, Nicolas Vaude. De et mise en scène de Forian Zeller. Théâtre de la Madeleine.

Bon, je veux bien. Un mec capable de quitter sa femme pour la Casta, cela paraît tellement normal… mais qu’il la laisse tomber en pleine présentation à la future belle famille pour retourner chez la mère de ses enfants, non, là, ça déconne vraiment ! Elle est trop belle notre effigie corse. Elle a une chute de « rein » à faire apparaître les chutes du Niagara comme une aimable plaisanterie, des fesses pour ne pas dire un cul, sublimissimes, un torse à damner un « sein » et même le bout d’un téton apparent qui illumine la pièce d’une aréole boréale. Mais à part cela, c’est long, verbeux, inutile, désespérant d’une platitude inversement proportionnelle à la beauté des courbes de l’héroïne abandonnée. Les acteurs font ce qu’ils peuvent, le décor est beau mais l’argument tenant sur un papier à cigarette ne nous fera pas fumer le cerveau. Loin s’en faut ! Tout est plat, sauf bien sûr les formes de Laetitia, et ce n’est pas une mise en scène poussive qui relèvera l’électroencéphalogramme désespérément étal de cette pièce terriblement française où rien ne se passe que l’attente d’un rideau de fin tombant enfin sur notre espoir de rencontrer et de garder auprès de soi une Laetitia Casta au demeurant bonne comédienne.

18h. Sérial Plaideur.De et avec Jacques Vergès. Théâtre de la Madeleine.

Cela commence par une brillante démonstration sur la notion de culpabilité, sur le rapport entre le théâtre et la justice. Cela enchaîne avec une application plus concrète sur des cas de figures contemporains et sur des procès que l’avocat a vécus, cela aboutit parfois à de vrais moments d’humanité. Vergès nous prend par la main et nous balade, suspendus à son verbe brillant, entre les horreurs de la réalité et la nécessaire prise en charge de celles-ci par une société qui les engendre et se doit d’en traiter leurs auteurs avec compassion.

Pas d’ambiguïtés dans son discours, le mal reste le mal, mais son traitement ne peut et ne doit se résoudre à se situer sur le terrain de ceux qui ont porté le fer de l’horreur. Parfois les ailes de la tendresse effleurent et certains personnages qui viennent le hanter sont si cruellement humains que l’on se prend à avoir de la commisération à défaut de tendresse pour eux.

C’est brillant, enlevé, cela fourmille de notations, de références historiques et philosophiques. On aurait aimé avoir Jacques Vergès comme tuteur, prof ou maître, on se contentera de ce beau moment d’intelligence dont on émergera avec l’impression de mieux comprendre la réalité. Et ce n’est pas les faiblesses d’une maigre mise en scène et le jeu physique gauche d’un Vergès qui pourront contraindre son verbe à plier devant les impératifs d’une mise en spectacle accessible à tous.

Si l’avocat tribun a 20/20, si l’analyse de texte est parfaite, cette faiblesse de l’acteur Vergès rend d’autant plus attachants, authentiques, sa démonstration et son plaidoyer pour une justice plus humaine. Non-coupable, avec les félicitations du jury populaire, le public !

 

Une dernière bière avec Nilda Fernandez, mon pote qui m’a rejoint pour cette ultime pièce de mon périple parisien, quelques discussions sur des projets à venir et le rideau se ferme sur cette semaine de spectacles et de rencontres. Si les pièces sérieuses semblent tout à fait séduisantes et programmables, je vais avoir quelques problèmes avec les comédies. Peut-être est-il trop difficile de faire rire quand le monde vacille sous les coups d’irresponsables qui nous ont menés à la ruine. Il faudra bien panser les plaies de notre économie mais rassurons-nous, tous ces tsars de la finance et de la politique, une fois la crise dénouée grâce à notre argent public, resteront en place, accrochés à leurs privilèges et pourront alors nous expliquer de nouveau comment fonctionne le monde et combien il faut travailler plus pour gagner moins !

 

Voir les commentaires