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Paris-Théâtre, octobre 08.

Publié le par Bernard Oheix

Paris. La saison théâtrale est morose. Une Plongée dans les salles afin de dénicher les pépites de la programmation 2009/2010 s'impose. Beaucoup de pièces, des heures dans l'inconfort général, mais aussi des rencontres, mes amis Yves Simon, Nilda Fernandez et une auteure, Agathe Fourgnaud, le talent à l'état rebelle. Les nuits sont trop courtes pour faire le tour d'un monde en folie. C'est bien de rêver aux lendemains !

 

11 et 12 octobre. Riccardo Caramella « Bon anniversaire, Maestro Puccini ». Salle de la Licorne. Cannes.

On connaît le talent du pianiste, on connaît moins la verve gouailleuse du conteur. Riccardo a cette capacité de rendre la musique accessible, de désacraliser intelligemment les grands compositeurs en leur réattribuant un peu de chair. On passe ainsi de morceaux de musique exhumés, d’essais qui deviendront au fil du temps de véritable bijoux, en suivant l’histoire de leur composition et en accrochant des pans de moments vécus comme des perles.

Petit exemple narré par Riccardo Caramella.

Rossini envoie pour noël un « panettone » à ses amis et s’aperçoit que sa secrétaire l’a expédié à Toscanini, qui est à New York, alors qu’il vient une nouvelle fois de s’embrouiller dans cette relation d’amour et de haine permanente qui les caractérisera. Il décide de lui envoyer un télégramme. « -Panettone envoyé par erreur. ». Il recevra le lendemain une réponse de Toscanini. « -Panettone, mangé par erreur ! ».

La soirée s’écoule ainsi, entre la mélodie et l’humour, avec un zeste d’émotion quand Riccardo parle de sa vie, des actions humanitaires qu’il mène et le conduisent à rendre un peu de cet amour et de l’argent à ceux qui l’ont tant aimé sur les scènes du monde entier.

Que le chœur flotte un peu, que le baryton tombe malade et le ténor dérape parfois n’a alors que peu d’importance. Il reste une belle énergie, un désir de contrepied, une démarche atypique avec un cœur gros comme une tranche de vie pleine de surprises et de tendresse.


Bernard avec Puccini. Présentation du concert de Riccardo Caramella.

15 octobre. Le diable rouge. Avec Claude Rich et Geneviève Casile. Mise en scène Christophe Lidon. Texte d’Antoine Rault. Théâtre Montparnasse.

J’avais accueilli avec beaucoup d’enthousiasme la précédente pièce d’Antoine Rault, Le Caïman avec Claude Rich portant sur la vie d’Althusser et le meurtre de sa femme. Changement de décors avec cette pièce historique portant sur l’agonie d’un Mazarin malade, tentant de s’accrocher aux lambeaux de son pouvoir devant la montée inexorable d’un Louis XIV qui entame son ascension vers les sommets de la gloire. Belle pièce d’une facture classique, parfois un peu trop dans sa scénographie, mais dont le texte fait ressortir la fascination des hommes de l’ombre pour la lumière de l’exercice du pouvoir. La mère de Louis XIV est la témoin de cette passation qui enterre aussi sa propre volonté de régenter le roi. Louis XIV va ainsi se libérer de ses chaînes et concentrer le pouvoir entre ses mains. Fin d’une période, début d’une ascension, Claude Rich est parfait dans son cabotinage de vieux despote tentant de sauver quelques bribes de sa puissance d’antan. Un beau moment d’histoire dans une langue fleurie.

 

16 octobre. Le malade imaginaire. Avec Michel Bouquet et Juliette Carré. Mise en scène Georges Werler. Théâtre de la Porte St Martin.

Un texte qui sonne si présentement, en écho de tant de nos angoisses, maladie chronique d’un mal de vivre, Michel Bouquet est l’incarnation de cette mort au travail qui hante tout acteur qui s’empare de ce rôle au souvenir du grand Molière agonisant sur scène. Fragilité insoutenable de l’être humain, profondeur du personnage de théâtre et d’une distribution parfaite. C’est un chef-d’œuvre de sensibilité, d’humour et de drame. Il n’y a rien à dire, juste baisser son chapeau et dire à un Bouquet crépusculaire, merci pour votre carrière, merci pour cette illumination d’une œuvre qui continuera à traverser l’histoire des hommes par sa férocité contre les savants, son mépris des conventions et la force désespérée de l’amour. Vive Molière !

 

17 octobre. 15h Café de Flore. Rendez-vous avec mon ami Yves Simon.

 Deux heures pour nier le temps, parler du monde et se percher sur un fil d’amitié parcourant des vies d’hommes. C’est beau le partage des rêves, les interrogations multiples et le regard convergent vers la réalité. Deux heures passées à la vitesse d’un songe d’harmonie.

 

18h30. La divine Miss V… Avec Claire Nadeau. Texte de Mark Hampton et Mary Louise Wilson. Mise en scène de Jean-Paul Muel. Théâtre du Rond-Point

Tout est beau, les décors rouges, la mise en scène précieuse, le jeu sobre de Claire Nadeau… mais au fond on s’ennuie un peu ! Les états d’âme d’une miss vieux siècle, impératrice de la mode, ex-rédactrice de « Vogue » nous indiffèrent. On peut épiloguer sur le personnage et trouver des résonances au monde moderne, rien n’y fait, je m’ennuie ferme et en plus, j’ai sali mon beau pantalon avec la gomme d’un scotch qui colmate le dossier bringuebalant du siège qui est devant moi. Il ne fait pas bon avoir de grandes jambes à Paris, même au beau théâtre du Rond-Point.

 

21h Sans Mentir. Texte de Xavier Daugreilh. Mise en scène José Paul et Stéphane Cottin. Théâtre Tristan-Bernard.

Une future pièce culte d’après Gérard Miller. Bon, moi je veux bien. Peut-être que les acteurs ont eu un coup de calcaire, ou bien que j’étais toujours avec Yves Simon, ou que sais-je encore… Mais rire à ce vaudeville sans saveur ni rythme aurait été un exploit. Sur une trame éprouvée, le mensonge qui en entraîne d’autres, (cf, Stationnement alterné, Chat et souris, Espèces menacées et tant de bijoux), l’auteur s’épuise, les acteurs s’agitent et rien ne se passe si ce n’est un sentiment de grande solitude. Et puis mon pantalon salle, fallait pas déconner, non mais !

 

18 octobre. La journée des dupes. De Jacques Rampal. Mise en scène Yves Pignot. Théâtre 14.

Surprise. Dans une langue en alexandrins fleuris, Louis XIII malade, attaqué de toutes parts, sous la pression des intégristes catholiques, d’une Espagne et d’une Autriche aux aguets, va confier le pouvoir à un Richelieu omnipotent pour asseoir sa royauté et ne pas succomber aux affres d’une nouvelle guerre de religion. 20 ans avant le Diable rouge, par les hasards d’une programmation, les deux couples de pouvoir se trouvent renvoyés en écho, l’un en image inversée de l’autre. Louis XIII est malade même s’il est lucide et fait le bon choix de confier les rênes du pouvoir à un Richelieu rayonnant, Louis XIV est fringuant, il dévore la vie et abandonne Mazarin dans ses rêves d’une puissance révolue. Au milieu, naviguant d’une pièce à l’autre, Anne d’Autriche, femme séditieuse de Louis XIII devient la mère d’un Louis XIV dont elle n’accepte pas qu’il la rejette pour exercer son pouvoir en solitaire.

Etrange paradoxe de deux écrivains contemporains qui font revivre deux pages d’histoire séparées par une poignée d’années avec un personnage commun vu sous deux angles différents. La mise en scène est très théâtralisée, le rythme parfois un peu lent ne gêne pas la tension d’une histoire en train de revivre sous nos yeux.

Ainsi donc, deux auteurs contemporains, dans une démarche parallèle, exhument deux tranches d’histoire, le personnage de la femme du roi Louis XIII de la première pièce devenant la mère de Louis XIV dans le deuxième. Dans la même ville, la même saison, un pied de nez au hasard qui donne furieusement le désir d’aller jusqu’au bout de cette concomitance : une  programmation à Cannes la saison prochaine… dans l’ordre chronologique !

 

Francis Lalanne ayant une extinction de voix, je serai donc privé du plaisir extrême d’assister à Lorenzaccio. Tant pis ou tant mieux, c’est selon !

 

19 octobre. 15h. Elle t’attend. Avec Laetitia Casta, Bruno Todeschini, Nicolas Vaude. De et mise en scène de Forian Zeller. Théâtre de la Madeleine.

Bon, je veux bien. Un mec capable de quitter sa femme pour la Casta, cela paraît tellement normal… mais qu’il la laisse tomber en pleine présentation à la future belle famille pour retourner chez la mère de ses enfants, non, là, ça déconne vraiment ! Elle est trop belle notre effigie corse. Elle a une chute de « rein » à faire apparaître les chutes du Niagara comme une aimable plaisanterie, des fesses pour ne pas dire un cul, sublimissimes, un torse à damner un « sein » et même le bout d’un téton apparent qui illumine la pièce d’une aréole boréale. Mais à part cela, c’est long, verbeux, inutile, désespérant d’une platitude inversement proportionnelle à la beauté des courbes de l’héroïne abandonnée. Les acteurs font ce qu’ils peuvent, le décor est beau mais l’argument tenant sur un papier à cigarette ne nous fera pas fumer le cerveau. Loin s’en faut ! Tout est plat, sauf bien sûr les formes de Laetitia, et ce n’est pas une mise en scène poussive qui relèvera l’électroencéphalogramme désespérément étal de cette pièce terriblement française où rien ne se passe que l’attente d’un rideau de fin tombant enfin sur notre espoir de rencontrer et de garder auprès de soi une Laetitia Casta au demeurant bonne comédienne.

18h. Sérial Plaideur.De et avec Jacques Vergès. Théâtre de la Madeleine.

Cela commence par une brillante démonstration sur la notion de culpabilité, sur le rapport entre le théâtre et la justice. Cela enchaîne avec une application plus concrète sur des cas de figures contemporains et sur des procès que l’avocat a vécus, cela aboutit parfois à de vrais moments d’humanité. Vergès nous prend par la main et nous balade, suspendus à son verbe brillant, entre les horreurs de la réalité et la nécessaire prise en charge de celles-ci par une société qui les engendre et se doit d’en traiter leurs auteurs avec compassion.

Pas d’ambiguïtés dans son discours, le mal reste le mal, mais son traitement ne peut et ne doit se résoudre à se situer sur le terrain de ceux qui ont porté le fer de l’horreur. Parfois les ailes de la tendresse effleurent et certains personnages qui viennent le hanter sont si cruellement humains que l’on se prend à avoir de la commisération à défaut de tendresse pour eux.

C’est brillant, enlevé, cela fourmille de notations, de références historiques et philosophiques. On aurait aimé avoir Jacques Vergès comme tuteur, prof ou maître, on se contentera de ce beau moment d’intelligence dont on émergera avec l’impression de mieux comprendre la réalité. Et ce n’est pas les faiblesses d’une maigre mise en scène et le jeu physique gauche d’un Vergès qui pourront contraindre son verbe à plier devant les impératifs d’une mise en spectacle accessible à tous.

Si l’avocat tribun a 20/20, si l’analyse de texte est parfaite, cette faiblesse de l’acteur Vergès rend d’autant plus attachants, authentiques, sa démonstration et son plaidoyer pour une justice plus humaine. Non-coupable, avec les félicitations du jury populaire, le public !

 

Une dernière bière avec Nilda Fernandez, mon pote qui m’a rejoint pour cette ultime pièce de mon périple parisien, quelques discussions sur des projets à venir et le rideau se ferme sur cette semaine de spectacles et de rencontres. Si les pièces sérieuses semblent tout à fait séduisantes et programmables, je vais avoir quelques problèmes avec les comédies. Peut-être est-il trop difficile de faire rire quand le monde vacille sous les coups d’irresponsables qui nous ont menés à la ruine. Il faudra bien panser les plaies de notre économie mais rassurons-nous, tous ces tsars de la finance et de la politique, une fois la crise dénouée grâce à notre argent public, resteront en place, accrochés à leurs privilèges et pourront alors nous expliquer de nouveau comment fonctionne le monde et combien il faut travailler plus pour gagner moins !

 

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Max Gallo, mon académicien et moi...

Publié le par Bernard Oheix

 

Bernard O., particulièrement ému en ce jour de retrouvailles. Près de 40 ans après, la rencontre avec Max Gallo me replongeait dans une période de jeunesse, quand mai 68 venait percuter toutes nos certitudes, que la fièvre pulsait des humeurs dans notre sang, que rien n’apparaissait impossible à des jeunes de 20 ans en train de s’affranchir des chaînes familiales et d’inventer un avenir radieux.

Frais, émoulu, bac en poche avec son corollaire… fuir le toit familial et obtenir sa liberté, faire des études à l’université de Nice, loger en résidence universitaire (Ah ! le charme d’une petite chambre que l’on investit de sa liberté !), étudier, un peu, faire la fête et draguer les filles, beaucoup, tout un programme pour cet automne 1969 où je débarquais à Carlone, la toute neuve fac de lettres, pour entamer mon parcours universitaire. J’avais choisi de faire de l’histoire, non par conviction, je l’avoue, mais parce que cela pouvait déboucher sur une maîtrise d’histoire du cinéma, le vrai objet de ma passion.

Cinéphile acharné, plongeant déjà dans un Festival du Film à Cannes qui nous permettait (la belle époque !), de rentrer par des portes dérobées, avec de fausses cartes de presse, en pleurant à l’entrée, rois de la débrouille devant un système tolérant pour ceux qui osaient mettre en avant leur amour du 7ème Art comme passeport vers les salles obscures.

Fac de lettres où mon professeur principal s’appelle Jean A Gili, grand spécialiste du cinéma italien, critique connu et respecté qui deviendra un ami, et un certain Max Gallo dont la réputation montait sur la colline inexpugnable des sciences littéraires dominant la Baie des Anges qu'il allait rendre célèbre.

Max Gallo est un tribun étonnant, il parle de l’histoire avec des mots qui donnent le désir de comprendre, d’ouvrir les portes du passé pour en saisir les mystères. Toute l’année, il va nous enchanter en brodant sur la révolution russe, Staline, Trotski, Lénine, la Nep et Kamenev, les sovkhozes et les koulaks …

Notre relation fut bien sûr éphémère. Il démissionna très vite de son poste de professeur universitaire pour produire des livres avec le succès que l’on sait. Entre-temps, il nous avait pris par la main et menés sur les sentiers de la découverte, quand l’histoire supposait que l’on réfléchisse, analyse et construise des modèles rigoureux.

Un peu coincé, je discute avec mon maître d'antan et le passé renaît, comme si le temps n'avait aucune importance !
Je me souviens de mon premier exposé avec lui. Je m’étais mis en tandem avec mon amie d’enfance, la belle Sylvie G. et nous devions analyser la succession d’un Lénine trop tôt disparu. C’était un exercice redoutable, nouvel outil pédagogique, la prise de parole n’était pas si fréquente dans ce monde où le silence régnait à la mesure de son âge et de sa place dans la société. Nous avons construit notre temps de parole et déroulé un argumentaire avec le brio de comédiens affirmés (Elle était aussi cabotine que moi, la Sylvie !) et quand nous terminâmes notre exposé, l’amphi applaudit vigoureusement notre performance.

Max Gallo nous réunit alors et impavide, nous tint ce commentaire.

« Mes chers amis, réduire la succession d’un Lénine à la tête des soviets à l’inimitié d’un Staline et de Trotski, frères ennemis consacrés, peut apparaître un peu réducteur quant à une analyse scientifique de l’histoire… mais vous avez commis ce péché avec tant de plaisir et de brio que je vous attribue un 14 sur 20, juste pour vous donner envie d’être plus rigoureux la prochaine fois ! Félicitations pour la forme de votre exposé.»

Max Gallo était ainsi. Un pédagogue passionnant sachant transmettre le goût d’apprendre et de devenir meilleur. Il m’a instillé, tout au long de cette année passionnante, le plaisir de s’ouvrir à des vérités apparentes pour mieux les contester, de traquer les fils d’une histoire pour en dénouer les nœuds et dénicher du sens dans ce qui ne semble pas en avoir. Je suis devenu un adepte de la pensée analytique et de la nécessité du raisonnement parce que des profs comme lui nous hissaient vers ces hauteurs, nous amenaient à regarder avec lucidité derrière les apparences.

Je n’avais pas revu Max Gallo depuis ces années. Il est devenu un romancier d’importance, un homme politique majeur, il a manqué l’élection à la mairie de Nice d’un souffle… Puis il s’est enfermé dans une rigueur dogmatique bien étrange avec un Chevènement atypique pour finir dans les bras d’un Nicolas Ier qu’il nous aurait dépeint sous d’étranges traits à l’époque où il n’était qu’un petit professeur à l’Université. Mais ce n’est pas grave… Et même s’il eût pu, à l’occasion d’une fête offerte par le maire de la Ville de Nice dans le cadre du Festival du Livre, se dispenser de certains propos sur la politique actuelle… cela n’aurait pas changé ma tendresse pour lui et mon émotion pour ces retrouvailles.

Je suis allé lui parler un peu intimidé, je me suis présenté comme un ancien de ses étudiants et je lui ai raconté l’anecdote de mon exposé. Il a ri. J’ai retrouvé ce timbre grave d’une voix inimitable, ces accents parfois pompiers toujours émouvants d’un discours qui l’amena à revisiter la Ville de Nice à l’aune d’un père débarquant d’Italie pour fonder une famille française de la tolérance. Max Gallo possédait toujours ce regard clair fureteur et cette voix chaude à conviction.

Qu’importe que l’histoire finisse étrangement dans les balbutiements d’une politique qui a les relents d’un drapeau rouge en berne… il restera à jamais mon prof génial, celui qui m’a aidé à vouloir être meilleur et me traça, avec d’autres, les chemins d’une liberté à conquérir par la force de l’esprit.

 

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Devenir le père de son père

Publié le par Bernard Oheix

 

 

 Avant le pari, vêtu de lumières, fier et angoissé de remonter sur son vélo après 7 années d'abstinence.


Dans les années 50, celles de mon enfance, le père est la figure tutélaire de l’autorité absolue. Il règne sur le pays, ayant payé son tribut à la folie des hommes quelques poignées d’années auparavant. On voit encore les stigmates de ce passé dans les ruines alentours, les blockhaus de guingois sur les côtes méditerranéennes, les vestiges de la guerre, le regard flou de ceux qui ont laissé un peu de leur âme dans les cris de l’abomination.

Il est le maître incontesté de sa maison, la femme n’ayant voté qu’une poignée de bulletins depuis la guerre et l’obtention commisérative de ce droit par une assemblée d’hommes dans l’enthousiasme de la libération. La femme est liée à sa famille par des attaches indissolubles, n’ayant pas de travail ni de compte en banque, aucun des droits actuels, et surtout étant plongée dans l’éducation d’une famille à plusieurs enfants, sans machine à laver, frigidaire ou autres accessoires qui participeront bientôt à la libération d’un peu de son temps des tâches ménagères.

Le père est un Dieu tout puissant, qui régente la vie des siens, distribue des fessées, ordonne les règles, attire la lumière sur lui. Nous sommes des enfants dépendant d’une image si forte, si crue que rien ne peut l’occulter. Nous écoutons le souffle de sa voix, percevons les variations subtiles de son humeur, anticipons les sanctions qui pleuvent quand nous dérogeons aux règles. Nous le copions toujours, rivalisons derrière ses pas, dans sa foulée. On fait du vélo sur son vieux cadre, on court avec lui le matin dans la rosée, il est notre entraîneur de foot, il est celui qui fixe la loi, définit les objectifs.

J’ai été élevé dans cette famille traditionnelle, sans argent, mais avec des principes gravés dans le marbre.

Puis le temps file à la vitesse du sable dans nos doigts. On grandit, toujours avec cette image d’un père omniscient, l’adolescence et sa révolte timide, puis l’âge adulte avec son propre projet à mettre en œuvre qui implique que l’on s’éloigne, que l’on écarte de son chemin ce qui entrave son envol. On se retrouve responsable, soi-même mari et père, parce que c’est ainsi, avec un travail, des responsabilités dans un monde qui mute à une vitesse fulgurante. La réalité de l’aujourd’hui engendre les rêves du lendemain. Les femmes ont conquis leur espace, les familles explosent, les enfants grandissent, l’environnement mute… mais toujours la présence de ce père qui hante les nuits fauves, qui reste un phare éblouissant bien malgré soi, qui jalonne les échéances de son propre parcours. S’émanciper mais à quel prix ?

Mes rides apparaissent sans même que je m’en rende compte, mes cheveux grisonnent, pourtant je reste l’enfant de mon père. Il campe encore dans ce champ de repères qui guident mes pas vers un dernier parcours. Le temps de la retraite, devenir vieux, rejoindre l’âge de son père.

Jusqu’à ce jour où tout bascule, jusqu’à cette limite ultime avant la mort, celle ou l’on devient le père de son père, celle qui laisse une amertume béante dans les rêves et ouvre une nouvelle perspective dans le regard inversé du père.

Le père et la mère, 60 années de vie commune. Séquence émotion pour le photographe Serge Haouzi, que mon père avait entraîné au football... 40 ans auparavant !

Cela c’est passé une matinée du 2 août 2008, dans cette proposition de refaire du vélo pour fêter d'une manière originale des Noces de Diamant, dans le regard teinté d'angoisse qu’il m’a lancé en acceptant mon pari. Il avait peur, mais il avait confiance en moi. J’étais le guide du guide, le père du père et mon cœur pleurait parce que mon histoire s’était construite sur le reflet de sa force, sur le désir de le copier et d’être dans ses pas. J'étais celui qui suit et ne doit pas précéder.

Etre le père de son père pour le crépuscule d’une vie, la mienne comme la sienne, boucle bouclée dans le sourire de fierté qu’il m’a lancé ce matin-là, en retrouvant les habits de sa gloire.

Et quand il m’a défié comme un gamin pour sprinter au dernier de ses 10 tours, fier d’avoir reconquis quelques miettes de son passé et d'être allé au bout du bout, je l’ai laissé partir et il a ri, complice, une dernière fois, comme si la vie était encore une farce, une comédie et que rien n’avait d’importance. Même les orages à venir ne pourront gommer ce jour où je suis denu le père de mon père.

La vie rêvée des anges. Ombres et lumières.

Projet d'article transmis à Nice-Matin.

A 82 ans, après 80 ans de vélo, il déclare sa flamme à sa femme en pédalant sous le soleil  pour leurs noces de diamant !

 

A 17 mois, en 1929, son père le juche sur un vélo, convoque la presse et un article avec photo le montre en train de pédaler hardiment pour conjurer le mauvais sort d’une période troublée qui s’annonce.

Toute sa vie, le vélo accompagnera Gérard Oheix, même si, dès ses 20 ans, il va partager cette passion avec la femme de sa vie, Paulette Icardi, celle qui lui donnera 4 enfants et du bonheur pour une existence consacrée à son travail, à sa famille et à sa passion du vélo.

Lui, sapeur-pompier à Cannes, elle, élevant ses 4 garçons qui feront tous des études supérieures, ils vont parcourir les chemins d’une vie d’émotion et, la main dans la main, voir les années s’écouler vers l’âge de la tendresse.

Plusieurs Bol d’Or (24 h sur la selle), d’innombrables rallyes, raids, des sorties qui le mènent à travers les routes de la région, inscrit pendant de longues années au Cyclo-Club de Cannes, il va renoncer à sa licence à 75 ans, parce que la peur est plus forte que le désir.

Pourtant, à l’heure exacte de fêter leurs 60 ans de vie commune, il a décidé de remonter sur son vélo pour effectuer 10 tours de piste à La Bocca. Ces tours de piste, 80 ans après ses débuts, il a décidé de les offrir à sa femme en hommage à tout l’amour qu’ils ont partagé !

 

Voilà, Gérard et Paulette Oheix. De la part de Nice-Matin, longue vie de bonheur et meilleurs vœux d’une santé de fer pour les années qui viennent, où il fait nul doute, que les rêves de vélo se conjugueront à l’espoir de vieillir paisiblement ensemble, unis comme vous l’avez toujours été.  


Article paru dans Nice-Matin le 3 août 2008.



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Yves Simon : Histoire Vraie

Publié le par Bernard Oheix

Yves Simon, pour ceux qui ont plus de 40 ans, c’est quelques chansons qui parlaient d’intelligence dans les années 80. On ne les comprenait pas toujours, tant leur texte paraissait complexe avec des phrases alambiquées sur des rythmes bizarres, mais leur  forme entraînante conjuguait l’adhésion du grand public et l’intérêt des intellectuels. J’ai rêvé New York, Au pays des merveilles de Juliet et tant d’autres mélodies qui s’inscrivaient durablement dans la mémoire collective tout en résistant à une indigestion programmatique. Il y avait toujours un sens à découvrir dissimulé par une simple écoute.

Yves Simon avait commencé par écrire des livres, passant indifféremment d’un disque à une œuvre littéraire, surfant sur une image d’esthète populaire, de beau ténébreux intellectuel, échappant à tout enfermement dans des catégories simplistes. Yves Simon n’était pas, malgré son succès, une star. L’époque ne s’était pas encore, pieds et poings liés, offerte aux dieux des médias qui encensent l’aujourd’hui pour ignorer le lendemain et installe la vacuité comme étalon du mouvement. Yves Simon était beaucoup plus, il était lui-même, un personnage attachant, un artiste pluriel, une personnalité dont la richesse intérieure résistait à l’usure de son exposition médiatique et au succès de ses concerts.

Et puis, Yves Simon décida de se consacrer à la littérature et abandonna la scène et l’univers du show-biz. Il avait d’autres préoccupations, celle de construire une œuvre littéraire à l’évidence l’emportait sur le plaisir de la rencontre avec son public.

C’est il y a un peu plus d’un an que j’ai entendu parler de son come-back. Un passage aux Francofolies dans la ferveur retrouvée comme si le temps n’avait pas existé, un Olympia lui réservant un triomphe à la romaine, un CD à sortir, une tournée en préparation, une aubaine pour la nostalgie.

C’est au mois de mars que je décide de le contacter dans la perspective de le programmer pour les Concerts de Septembre. Son disque « Rumeurs » m’a été envoyé par un tourneur dont je ne me rappelle plus le nom et je le passe en boucle sur ma chaîne au bureau, jusqu’à la saturation. Il est beau, intelligent, résiste à toutes les écoutes, laisse traîner des pans de mélodies en vous (Irène, Irène…Des oursons blancs dans nos bras…). Loin des ors d’une production kleenex, il oppose une résistance au temps qui efface les notes et gomme les mots. Je lui envoie sur son site personnel un message, juste pour connaître le nom de son tourneur en le complimentant pour la beauté de « Rumeurs ». 5 mn après, Yves Simon me remercie pour mes compliments et m’indique que son tourneur est « Astérios », dont j’apprécie la qualité du catalogue et avec qui j’ai déjà travaillé, (Cali, Arthur H, Vincent Delerme, Sanseverino, Eicher…etc.). J’étais persuadé qu’une secrétaire gérait son site et avait répondu en lieu et place d’un Yves Simon bien trop préoccupé pour se pencher sur de vagues interrogations atterrissant dans son courrier électronique.
J’entame une discussion avec Astérios sur le concept de la soirée, une double programmation avec Suzanne Vega, sur les conditions financières et techniques et pose une option à confirmer dans la semaine.
Le lendemain, après une réunion, je trouve sur mon bureau, un bout de papier de ma secrétaire. « Rappeler Yves Simon, 06 08… ! » J’ai bien cru à un canular, tant les filles de mon équipe se gaussaient depuis quelques semaines de mon attachement pour ce chanteur dont je parlais sans arrêt, pour le disque d’Yves Simon qui passait en boucle dans les bureaux, pour ma décision de le programmer qui me rendait comme un gosse heureux et fier. Je compose le numéro. Voix inimitable. Nous dialoguons pendant quelques minutes. Je suis impressionné qu’il me réponde personnellement. Je lui avoue mon émotion :

 -Cher Yves, il faut que je vous confie… Nous avons quelque chose en commun…
-Ah ! Et c’est…
-Si je vous dis que ma fille est née en 1984 et s’appelle Angela…
-Non ? L’amour dans l’âme… ! Racontez-moi !
-Ma femme était enceinte et lisait votre livre. Quand elle l’a refermé, elle m’a annoncé, « -si c’est une fille ce sera Angela, si c’est un garçon, Simon ! ». C’est donc à cause de vous que ma fille porte ce beau prénom, en plus elle est belle ! Moi, de toute façon, j’étais heureux à cause d’Angela Davis.
-La pasionaria Américaine…

Et c’est ainsi qu’une indéfinissable amorce trame d’étranges liens. Lui, au faîte d’une gloire largement méritée, moi, Directeur au Palais des Festivals de Cannes, responsable d’une programmation qui peut lui offrir une scène pour des retrouvailles avec son public.
Après quelques échanges de mails, en juin, je le recontacte pour lui proposer d’organiser une conférence de presse et un show-case à la Fnac. Il répond avec enthousiasme, me déclare adorer ce type de rencontre avec le « vrai » public et nous convenons qu’il viendra donc la veille, le samedi, que nous partagerons un repas après le concert d’Iggy Pop le 27 septembre. De purement professionnels, nos échanges glissent vers le désir de se découvrir, dans mon cas avec certitude, dans le sien, ses réponses et son ton le laissent augurer.

Pendant l’été, nous échangeons quelques nouvelles et en septembre, finalisons son arrivée sur Cannes. Il me demande de déjeuner avec lui à 13h30, puis il enchaînera avec la conférence de presse à 15h et le forum Fnac à 17h. Après le concert d’Iggy (auquel il préfère ne pas assister pour ne pas meurtrir ses oreilles, vu qu’il joue le lendemain), nous nous retrouverons pour souper.
J’ai accueilli des milliers d’artistes, des centaines de grands et quelques-unes des stars d’aujourd’hui, pourtant, je suis impressionné comme un gamin en l’attendant dans le hall du Gray d’Albion où il loge.
Quand il débarque de la navette, il me reconnaît sans m’avoir jamais vu, vient vers moi et m’embrasse, comme si nous nous connaissions depuis toujours, comme si un passé existait en ce lieu, en ce moment présent, dans une complicité bien réelle. Le contact d’une accolade comme une signature d’espoir. La peau qui s’effleure pour l’esprit qui se cherche.

Le repas sur la plage du Gray, par un beau soleil, arrosé d’un Minuti frais délicieux, laissa les heures s’écouler dans l’enchantement d’une conversation sans affectation. Au fond, dans ces échanges où nous nous cherchions pour nous trouver, dans ce vrai dialogue qui nous permet d’approcher nos vérités, il n’y a pas de maître ni d’élève mais deux complices qui se découvrent, des actes qui cimentent un passé, artistes, petites scènes vécues de la grande histoire, femmes de vie, émotions et autres anecdotes d’un demi-siècle de désordre.
Nous parlons de nous sans pudeur ni excès, juste afin de se donner des gages de sincérité.
Après un café pris avec Alain Lahana (le producteur français d’Iggy Pop), nous filons vers la conférence de presse où il fut génial, disponible, passionnant, ouvert. Les journalistes dans sa poche, il dédicacera quelques livres et prendra des photos avec eux, légende à l’évidence que sa discrétion dans les médias entretient.

Le forum de la Fnac lui permis de rencontrer ce public qu’il aime. Quelques chansons avec sa guitare sur une sono improvisée (Ah, la Fnac !) où le public qui remplissait la petite salle lui offrit un cœur spontané sur « Juliet », des réponses aux questions posées avec cette intelligence et cette finesse qui le caractérisent. Après une longue séance de signatures où il restera disponible, je le raccompagnai au Gray d’Albion pour filer au Palais des Festivals où le public piaffait avant de pénétrer dans le lieu saint pour un concert de légende avec Iggy Pop et les Stooges. (Cf, précédent article).
Que dire de ce moment de violence pure d’un concert hors norme, de cette rencontre avec la star de l’ultra-rock, si ce n’est qu’après mon après-midi de rêve avec Yves Simon, je flottais sur un nuage pendant qu’il m’attendait patiemment pour aller dîner, au « Farfalla » en dégustant un verre de Meursault, relisant quelques pages de son livre « L’amour dans l’âme », que je lui avais apporté pour une dédicace croisée à ma femme et ma fille.

-Il est pas mal ce livre, j’avais du style… me confia-t-il en souriant, loin de toute affectation, comme pour renouer avec ses origines, quand les certitudes sont à inventer dans une vie en devenir.

Pizza du Port. Jusqu’à deux heures du matin, on continue à tracer des lignes sur les cahiers de nos mémoires. Parallèles comme nos vies qui ont couru le long des mêmes méandres d’une histoire qui part de 1968 pour atteindre le XXIème siècle, courbes parce que l’époque n’était pas aux certitudes mais aux interrogations, parfois un trait droit, définitif, celui des répulsions, le racisme, la malhonnêteté, la petitesse des grands, le crime contre l’humain. Parler avec Yves Simon, c’est ouvrir un livre vivant, échanger, se renvoyer des mots, appeler le passé à la rescousse de l’avenir. C’est partager avant tout.

Le dimanche 28 septembre, son équipe arrive et je les rejoins pour le café. Une vraie complicité règne. J’ai l’habitude de ces repas d’avant concert. Yves Simon ne trompe pas, c’est un vrai seigneur en osmose avec les siens, les « vieux » fidèles rescapés de ces tournées seventies comme les petits nouveaux qui m’avouèrent avoir découvert le Maître en répétant avec lui. L’esprit est à la légèreté, au rire et à la complicité avec un soupçon de culture où le gotha de la musique et des arts transparait dans les discussions animées. Je partage en rajoutant mon grain de sel. Le Palais des Festivals est un carrefour qui a vu tant d’artistes passer que j’ai mon compte ouvert pour narrer des anecdotes succulentes.

Autant l’avouer, j’ai ramé pour réunir 650 personnes. Un peu décevant mais inadéquation normale pour un spectacle « intelligent ». Pour tout autre artiste, j’aurais été fier d’un tel score un dimanche à 19h30, mais là, il s’agit de « mon » concert. J’aurais tant aimé la remplir en hommage à mon ami Yves Simon.
Suzanne Vega. Voix monocorde, commentaires en anglais que l’on ne fait qu’entrapercevoir, elle étire 1h15 de show dans un certain ennui, le public réagit mollement. Elle est malade, il est vrai, sa représentation est à l’image de son style, unicolore, électroencéphalogramme plat, sans passion ni rupture.
Que dire du concert ? Que celui qui n’a pas connu Yves Simon dans un tour de chant se flagelle. Il ne connaît pas le poids d’un silence dans une mélodie, la valeur d’un mot dans une phrase, d’une image sertie dans une rivière de diamants. Parfois poème a cappella dans un cône de lumière, quelques textes susurrés sur guitare sèche (Cet enfant), débouchant sur une profusion discrète (piano, accordéon, batterie et percussions, guitare et basse) chacun jouant sa partition en phase avec le chanteur, (Amazoniaque, J’ai rêvé New York) souvent dans le mezzo, (Les embruns de la jeunesse, La métisse), voix insinuante colorée par la texture des instruments brodant sur les mots des franges de notes cristallines. C’est entre le concert intimiste et l’œuvre ouverte aux 4 vents, entre une cérémonie païenne et une réunion d’amis. Dans les intervalles, il prend son temps, parle de la vie, du monde, chacun se sent concerné, parce qu’en se livrant, il nous ouvre son cœur, celui d’un homme qui aime sans réserve une vie de beauté, parle de ses amitiés avec simplicité, lance parfois le message d’une vigilance devant les forces de la haine. On retrouve alors des airs qui ont accompagné notre jeunesse, on découvre de nouvelles compositions (Rumeurs est très présent), on passe sans à-coups de la voix à la musique, de l’image au son. Il y a du tableau impressionniste dans son show, rien de manipulatoire dans ce qu’il nous offre, pas de ce rapport vicié entre celui qui possède le micro et l’art de parler, le pouvoir, et le public réduit au stade d’un faire-valoir, foule moutonnière bêlant sur commande. Il y a de l’osmose dans l’air, une authentique communion entre la salle et les musiciens.

C’est notre grand-frère à tous, il chante au cœur des filles, à la sensibilité de l’homme, il reste avant tout, un magnifique héraut des sentiments les plus nobles. C’est un show-man extraordinaire de simplicité, qui sait rendre le sophistiqué naturel à toutes les écoutes.

Dans sa loge, quelques amis discutent avec lui, climat ouaté avec la satisfaction d’un beau concert touchant. Il dédicace encore et toujours avant de se rendre avec son équipe au catering pour un dîner que nous partagerons. Nous finirons tard la nuit, vers 2 heures, au Sun 7, un bar qui l’accueille avec amitié. Tous ses musiciens et techniciens sont présents. Il y a de l’euphorie dans l’air pour ce concert de reprise avant une grande tournée d’automne.
Yves Simon et Bernard, après le concert...

Nous nous retrouverons seuls, tous les deux, pour un dernier punch offert par le patron. Il n’y a plus de gêne, et même nos silences comptent. Nous parlons d’écriture, de politique, de la vie. Je ne sais pas si je peux dire que j’ai un nouvel ami, pour cela il faudra que le temps agisse et nous offre d’autres propositions, que les échanges perdurent. Dans une vie si pleine comme la sienne, y a-t-il encore de l’espace pour un futur d’amitié ? Mais quel que soit l’avenir, je sais aujourd’hui que j’ai rencontré un être rare, un genre d’artiste dont nous manquons trop cruellement dans ce monde du spectacle qui consomme parfois les individus à la vitesse d’ego surdimensionné. Il y a 24 ans, Yves Simon m’a offert le prénom de ma fille, aujourd’hui, il m’a fait le bonheur d’un concert d’exception après 30 ans de sevrage et d’un échange rare. Merci Yves Simon !

Voilà donc la saga d’Yves Simon et de Bernard Oheix bien en cours. Un jour, nous nous retrouverons, nous saurons alors si les ailes de l’amitié ne nous ont pas seulement effleurés. Un conseil, si vous voulez en découvrir plus sur le personnage, achetez et lisez « Epreuve d’artiste » son dernier opus. Un dictionnaire intime qui dévide, au fil des pages des impressions personnelles résonnant universellement. Et vous pourrez le lire en écoutant « Rumeurs », son dernier disque. Vous verrez, les mélodies s’accrocheront à vous, elles resteront ancrées et hanteront vos nuits bien après que vous les ayez découvertes.

 

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Iggy Pop et les Stooges

Publié le par Bernard Oheix

L’Iguane à Cannes pour un concert unique en France, entre Budapest et la Russie, on en rêvait, le public l’espérait, tout le monde en avait peur…moi aussi, et pourtant, on l’a fait ! Introduire en crime de lèse-majesté dans ce lieu chargé de toutes les images glamour des stars du Festival du Film, une bande de fous furieux qui ont inventé tous les délires du rock, précurseurs du punk et rois des premiers pogos, fallait oser ! On a osé !

 

Salle bourrée à craquer pour une première partie, Eon Megahertz, groupe local transcendé par cette opportunité de réaliser la première partie de leur idole. Un set nerveux et noir, batteur épileptique, guitare et basse à « donf », un « hard » à faire vibrer les murs du Palais, petites minettes en jupettes lamées argent et cheveux d’or en clin d’œil pour booster le « merchandising » et danser sur scène. Un beau groupe élégant dans sa rugosité, d’Antibes et de Cannes, que cette opportunité devrait conforter dans sa démarche originale.

 

Vous raconter les premiers contacts. Il y a 6 mois, englué dans la recherche d’une programmation choc pour les Concerts de Septembre 2008, je navigue entre Zucchero, Mariane Faithfull, Bob Dylan, et d’autres stars, ricochant d’échecs en absences de confirmation, passant des heures au téléphone à tenter de concilier l’inconciliable, quand une jeune programmatrice me propose en hésitant, Iggy Pop et les Stooges. Sophie Kafiz, à la recherche d’une place dans ce monde cruel de la diffusion. L’idée est absurde, folle, inconcevable, la salle étant si peu adaptée à ce concert, fauteuils velours rouge, moquette, scène sans hauteur accessible au public, le prix de vente de l’artiste est élevé, très élevé…le groupe se rendant en Russie, ce serait la seule date française, pause dans une mini tournée de capitales européennes.
Les photos sont de mon ami Alain Hanel, un photographe qui vole des images pour leur donner une âme !

L’accord de mon Président et du Directeur Général obtenu sans réserve malgré l’analyse des risques de ce concert dansr la salle extrêmement défavorable, nous voguons vers cette journée historique du 27 septembre 2008, Iggy dans le Palais pour un peu plus de 20€ !

Une fiche technique hilarante mixant des éléments réels sophistiqués (son, lumière, accueil…) et des demandes surréalistes (un sosie de Bob Hope pour lui raconter des histoires dans sa loge et le faire rire, sept hommes de petites tailles vêtus comme les 7 nains pour cheminer avec lui de sa loge à la scène, une jeune fille déguisée en Cendrillon pour l’accueillir après le concert…). Imaginez la tête du technicien en train de nous lire la fiche technique.

La production française est assurée par Alain Lahana, un de ces rares bons producteurs qui aime la musique et les musiciens, qui cherche et trouve de nouveaux talents, qui est fidèle en amitié. J’avais déjà travaillé avec lui sur Rachid Taha. Le contact était passé et il le reste, nous mettons en œuvre la logistique complexe d’un tel concert. Une de ses demandes nous posera bien des problèmes. Iggy fait deux heures de fitness par jour… nous aménageons donc un mini club dans une suite du Majestic, le palace où nous le logeons. Désolé chers fans, Iggy est aussi un homme comme les autres qui fait du sport pour pouvoir se défoncer sur scène comme un sportif de haut niveau ! Triste réalité !

Deux jours avant le concert, notre limousine le récupère à la sortie de l’avion et le dépose au Majestic (en face du Palais des Festivals) où je l’accueille avec un pincement au cœur. Il disparaît alors dans une grande discrétion, pas de scandale, ni de demandes hors normes, enfermé en pratiquant son sport, sans boire ni manger le jour du concert pour être au top ! J’ai vécu cela jusqu’à voir débouler une horde vers le Palais au soir du 27 septembre, du vieux soixante-huitard aux jeunes percés, des blousons de cuir aux middle âge and class attirés par l’odeur d’une star, un panel bien représentatif d’une population branchée à la recherche du coup de cœur.

 

Et alors, les Stooges sont arrivés (air connu). Le public leur a réservé une véritable ovation pour célébrer l’alliance du feu et de la glace, le son massif et anguleux que les musiciens ont jeté en pâture à tous les conformismes de cette salle mythique. Reformé après 30 ans de séparation, Scott Asheton (batterie) et son frère Ron à la guitare, Mike Watt (le bien nommé !) à la basse et Steve Mackay au sax, campent au milieu d’un mur d’enceintes, avides de rattraper le temps perdu à coups de décibels. Et cela fonctionne parfaitement. Un son d’une puissance extraordinaire (des pics à 115 dB mesurés) qui garde sa cohérence interne, une rythmique envoûtante en vagues destructrices, le corps à l’unisson d’un spectacle total qui transforme la salle du Palais en caisson de résonnance d’une fureur électrique démentielle. C’est cela un concert des Stooges, une étrange plongée dans un monde irrationnel.

Et le vibrion hystérique pénètre dans l’arène, torse nu, micro à fil dans lequel il éructe, sautant, bondissant sans interruption comme une puce épileptique. Iggy Pop transfigure le rock, devient un dieu d’énergie pure, incarne la magie du dérèglement. Dès le deuxième morceau (Down on the street), il escalade le mur d’enceintes et campe dressé comme un seigneur, il toise la foule et replonge sur le plateau, se jette dans le vide, se fait happer par le public qui colle à la scène sans protection. Bizarrement, cette absence de sécurité traditionnelle, la pression réelle de la foule sur les membres du fragile cordon de cerbères va grandir le spectacle, le propulser dans un évènementiel rare.
Le sphinx au milieu de ses fans sur "No Fan"

Sur No Fun, Iggy invite une soixantaine de personnes à le rejoindre. La digue semble craquer, condamner le show, la salle tangue d’ivresse mais Iggy assure dans cette marée humaine, ne perd jamais le contrôle de la situation pendant que ses comparses, inébranlables, continuent stoïques, de déverser leur son de feux infernaux.
Saisissante pose que personne n'aura vu... dans le mouvement paroxystique, l'ivresse solitaire d'un homme qui donne du sens au mouvement.

Comme une fusée dans l’éther, les morceaux fulminent, dérapent, rebondissant sur les paroles d’un Iggy paroxystique, boitant bas, se versant des litres d’eau sur la tête, asphyxié maintenu en vie par un souffle venu d’ailleurs. L’emblématique I wanna be a dog lui permet de hurler à la mort, Electric Chair d’entrer en transe (si c’est encore possible), et il enchaîne sans répit, sans mots, Little Doll et Ray Power comme si cela devait être les derniers morceaux de musique joués sur cette terre, le pantalon de cuir glissant sur ses genoux, poils pubiens apparents, fesses à découvert, androgyne diabolique forgé dans le fer rouge des entrailles de la musique.

Pas de redescente pour l’artiste. A la fin du set (1h15), il s’écroule, pantin désarticulé, ayant tout donné et reste de longues secondes la face sur le plancher de la scène avant de s’ébrouer et de s’éclipser définitivement dans les hurlements de la foule en extase.

 

Trente  minutes après, Alain Lahana vient me chercher pour m’introduire dans la loge du dieu vivant. Il est seul en compagnie d’une sculpturale métisse à la poitrine de feu. Il est beau, comme débarrassé des peurs du monde. Yeux clairs, sourire charmeur. Il me dit merci en sautillant. Comme un enfant, il rigole du bon coup qu’il vient de réaliser, « jouer dans cette salle où toutes les stars sont passées… et vous avez même posé un tapis rouge sur les marches pour accueillir mes fans (sic) ! ».
Iggy, 30 minutes après le concert. Ses yeux pétillent, il est heureux, il me serre dans ses bras et rit encore du bon coup qu'il vient de jouer dans le temple du glamour ! Je suis au paradis !

Il me signe quelques autographes et accepte gentiment deux photos qui iront se graver dans mon bestiaire musical. Je suis, pour quelques minutes, le centre de la terre, le point ultime de tout ce qui nait et meurt, de tous les rêves du possible. La porte se referme comme si les plaisirs devaient fatalement s’achever avec un pincement au cœur. Il confiera à Alain que je suis un drôle de directeur, sans costume ni cravate…

Je m’en vais. Yves Simon m’attend au Farfalla, un restaurant en face du Palais, en buvant un verre de Meursault. Nous allons manger ensemble pour terminer cette journée, j’ai quelque chose à lui raconter… Cela parle d’un certain jour où une légende du rock est venue jouer à Cannes et a croisé mon chemin. Je vous le jure, j’y étais ! Un apprenti sorcier qui n’avait rien compris de la vie des autres et pensait toujours que le monde peut se façonner aux désirs des enfants. Je suis cet apprenti-sorcier, je reste cet enfant et j’en suis fier. L’âge n’aura pas de prise sur les élans de ma passion. Il peut me diminuer, il peut corroder mon corps, mais je reste un éternel adolescent émerveillé par la magie d’une rencontre, d’un artiste et de son public, d’un instant de grâce à cheval sur les terreurs engendrées d’un monde que l’on ne comprend plus.

Yves Simon m’attend, c’est toujours et encore la même histoire d’une rencontre… mais c’est pour la prochaine édition de mon blog, bientôt !

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Les Concerts de Septembre (1)

Publié le par Bernard Oheix

 

4 jours pour mesurer le temps, pour atteindre un paradis des notes de musique, d’émotions, de rires et de larmes. 4 jours pour s’épuiser à rêver d’un monde différent où le public heureux partagerait de purs et intenses moments de bonheur avec des artistes aux accents de liberté et de générosité. De la légende à la petite histoire, du catering aux délires du son, d’un avion sans âme à une scène chargée de tous les espoirs, ce sont les concerts de septembre, purs moments d’ivresse, à cheval entre l’été et la saison « Sortir à Cannes ».

 

25 septembre. Soirée salsa.

Les dix musiciens de Los Fulanos sont issus des trottoirs de Barcelone. Groupe d’une salsa bitumée, passée au crible d’un Joe Bataan, légende de New York, ancien membre d’un gang sauvé par la musique, impulsant la salsa vers un univers cinglant, déchiré, sur fond de décibels et de rap. Cela faisait plus de 20 ans qu’il n’était pas venu sur le continent et c’est à Cannes que l’événement a pris corps. Sa voix oscille, il cherche son souffle dans un déferlement de salsa rock jusqu’à sa prière légendaire. Est-ce de s’adresser aux dieux qui déclenche son final étourdissant ? D’un seul coup, la magie opère, il fond dans la salle et accroche le public pour 20 minutes de folie.

Mercadonegro va leur succéder. C’est un band plus authentique à la salsa sirupeuse à souhaits, avec déhanchements assurés, voix de velours des deux compères slalomant sur scène, cuivres en fond, percussions pour tendre le corps. Alfredo de la Fé, autre légende de cette soirée, ayant joué avec Santana, Tito Puente et tant d’autres, débarque directement de Colombie pour venir « jamer » avec Mercadonegro. Il apporte un déséquilibre dans le bon ordonnancement de la soirée. Violon futuriste électrique, improvisant, ramenant la salsa vers la musique classique où le jazz, il prend en charge le final du concert distribuant les soli, découpant les morceaux à la logique de sa vision déjantée. C’est un grand Mercadonegro qui termine cette soirée où le seul regret viendra de la petite assistance. 400 personnes pour un tel plateau ! Reste que les nombreux clubs de salsa, les innombrables fans de cette danse, ont de la cire dans les oreilles et le cœur au niveau des mollets. Si je pouvais me permettre, avant d’être une danse, la salsa est une musique et quand on a l’opportunité de voir et d’entendre de tels groupes, ce n’est pas quelques fauteuils qui devraient entamer l’envie de se ruer à la découverte d’horizons nouveaux. Petits joueurs, continuez à gigoter maladroitement sur vos parquets en suant votre graisse, les musiciens présents à Cannes, eux, n’avaient pas besoin de vos lustres pour éblouir la scène et possédaient l’art de se mouvoir sans chercher à en jeter plein la vue !

 

26 septembre.

Les Enfants de Django. Première partie de Thomas Dutronc. Un rôle jamais facile avec 45 minutes couperet. Samson Schmitt, Yorgui Loeffler, Mike Reinhardt, leurs frères et cousins… tous authentiques manouches nés avec du sang de Django dans les veines et des doigts courant sur les cordes de la guitare avant même de savoir tenir debout ! Et quand ils le veulent, dans la sobriété, belles tenues noires et blanches, arc de cercle, musique au cœur, ils sont grands, des seigneurs de la guitare. Soli majestueux, fibre débridée, rythmes envoûtants, il plane, sur le grand auditorium bourré de 1600 personnes, un parfum d’intelligence, quand les notes cristallines semblent dessiner des volutes d’harmonie, cascades ininterrompues qui laissent pantois de « temps » de grâce. C’est Django revisité par sa famille de cœur, c’est un vrai moment de pure musique.

Thomas Dutronc. Disons-le tout net, je ne fais pas partie des fans du disque que je trouve un peu mièvre. Mais le succès public est au rendez-vous, il est programmé pour cela ! Surprise ! Il va avec son groupe, non seulement tenir la distance, mais en plus, fédérer tous les présents dans un climat de tendresse, d’ironie, de respect, d’humour… C’est un vrai gentil notre Thomas, un artiste de scène qui ne se prend pas la tête, bien au contraire, qui ouvre sa malle à souvenirs et fait partager ses émotions. Troublant mimétisme quand il chante, avec son père, distance aussi qui empêche de plonger dans le pathos, tout est aérien dans cette soirée et le public totalement séduit lui octroiera une ovation à la romaine méritée. Il faut dire que si le chanteur est relatif, le guitariste et son groupe sont de qualité. Les sourires du public en disaient long sur la capacité de la musique à adoucir les mœurs, Thomas Dutronc est un animal de scène qui fonctionne dans la retenue et la distance… cela vous rappelle-t-il quelqu’un ? Jacques est bien présent sur la scène, Françoise aussi d’ailleurs et l’on comprend la ferveur qui entoure cet artiste qui au-delà d’être le fils de… sait aussi être soi-même, authentiquement.

 

Pour la petite histoire, était-il vraiment nécessaire que sa production nous rackette de quelques poignées d’euros au vu du succès (très relatif en termes de finances puisque nous avons volontairement pratiqué des prix assez bas, de 22 à 28€) ! Un jour je vous parlerai des pratiques en vigueur dans le marigot de la diffusion culturelle mais pour l’heure rien n’entamera le plaisir d’avoir ouvert les Concerts de Septembre avec ces deux soirées superbes. Mais ce n’est pas fini… Il y a encore Iggy Pop and the Stooges, Suzanne Vega et mon ami Yves Simon… mais cela est une autre histoire ! Rendez-vous bientôt sur ce blog pour en découvrir les facettes cachées !

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Cendres et diamants

Publié le par Bernard Oheix

Le samedi 20 septembre, à Nîmes, retrouvailles pour des rires et des larmes. Pour la première fois depuis quelques décennies, les deux souches de la famille Oheix (celle de Gérard de Cannes, et celle d'Yvan du Mans, les deux frères irréductibles !) se sont réunies au complet pour fêter les noces de Diamant de Gérard et Paulette, les 80 ans d'Yvan, les 57 ans de Martine (femme de Jean-Pierre) et les 50 ans de Laurent (fils d'Yvan et mari de Rosa)...OUF ! 
Comme dans toutes les familles, le passé pèse lourdement, les failles affleurent, les non-dits hurlent... Pourtant, c'est de l'émotion brute qui s'abat sur les 25 personnes présentes. A l'intérieur de la grande histoire, les petites histoires se conjuguent. Au fond, peut-être que cette journée nous a transformés en famille normale, ni plus compliquée, ni plus tordue que la plupart des autres.
Mais revoir Jean-Pierre et Martine débarquant de la Martinique après tant de temps, découvrir Alain et Rosa les conjoints d'Edith et de Laurent, croiser des regards de tendresse et se souvenir des jours heureux, à l'heure où les vieux deviennent vraiment vieux et où leurs enfants ne peuvent plus se targuer d'une jeunesse flamboyante mais de crânes dégarnis par des cheveux tombés au fil des stress...
Il y avait du sens dans tout cela. Que les armes s'enfouissent, il nous reste si peu de temps pour vivre enfin !

Noces de Diamant pour Gérard et Paulette Oheix. Le gateau de la victoire. Qui donc y arrivera parmi nous ? les paris sont pris...

Une table comme un jour sans pain avec à l'horizon, l'ancêtre dans sa solitude. La vieillesse isole...la peur rôde sur un futur de nuages.


Maman Oheix, blanchie sous le harnais...Le monde pourrait s'écrouler qu'elle garderait ce sourire qui défie le temps. Son optimisme éternel est un remède contre l'angoisse du vide !


Père Oheix fait de la résistance. Une larme au coin de l'oeil, il savoure cette mission impossible... Tenir encore mais pour quels combats ?


Yvan, le frère de Gérard O. du haut de ses 80 ans, avec Laurent, son fils, le cousin qui atteint la ligne des 50 ans ! Ce sont les Manceaux, la branche du petit frère absent. Les orphelins ont toujours tort !



Michel, Edith, Laurent, Jean-Pierre, Bernard et Jean-Marc. L'intégralité des 6 cousins/cousines réunis pour la première fois depuis 40 ans. 319 années d'Oheix concentrées dans quelques veines...


Jean-Pierre, de retour de Martinique où il vit avec Martine et Fanny, leur fille, en train de composer des rhums comme un artiste des tableaux impressionistes. Coup de fouet garanti !

 Chantal (l'épouse de Jean-Marc), Jean-Pierre et Martine. Les blessures sont cachées, il y a du temps pour la rémission, le soleil peut encore se lever !


Clément, la perle noire d'Edith et d'Alain. Un petit black comme un espoir. La preuve d'une humanité en marche vers le métissage.



Jonathan, le fils de Michel, de passage pour une bise. Il est parfois dur de grandir et le monde que nous laissons à nos enfants est cruel. Qu'avons-nous fait de nos rêves ?

Voilà, je vois bien qu'il manque Renée, Françoise et tant d'autres. Ce n'est pas un reportage, juste une image écornée de notre vie, de nos histoires. Les petits enfants devenus adultes manquaient, sauront-ils garder des pans de ce passé qui s'enfuit.
La France de l'après-guerre s'est effacée, reste celle du troisième millénaire... Il leur appartiendra de se souvenir et de perpétuer la mémoire des pierres !
Nous, nous disparaitrons derrière ceux qui nous précédent, c'est la loi de la nature...

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Cynthia

Publié le par Bernard Oheix

Encore et toujours un de mes discours prononcé dans une fête d'adieu. Celui-là, il a fait pleurer les yeux d'une jeune fille... et même ceux de quelques-unes de ces femmes qui m'accompagnent depuis tant d'années. L'équipe de l'Evènementiel, façonnée par des années de vie commune. Un clan, je n'aime pas l'expression famille, qui subit depuis plus de 15 ans les affres d'un métier de paradoxe. Créer les conditions de la fête, de la rencontre, de la découverte, de l'émotion pour que le monde se sente mieux, c'est aussi et surtout beaucoup d'énergie et d'angoisses, de peurs à l'aune de la passion. J'aime cette équipe, elle est ma matrice, c'est d'elle que vient mon salut. Merci à l'Evènementiel de m'offrir la volonté d'être toujours leur porte-parole. En attendant, voyons un peu ce pourquoi la belle Cynthia a versé quelques perles une après-midi de juillet 2008, dernier jour de sa présence parmi nous après plus de deux années de stage. 

 

Les années passent, et chaque hiver apporte son lot de stagiaires débarquant sans armes mais avec bagages, émus de se retrouver dans ce grand et beau Palais, en présence de l’élite de l’organisation des spectacles de la Côte d’Azur, mieux, de la France du sud, de l’Europe, de l’univers intersidéral !

Chaque été les voit repartir, l’âme en peine pendant qu’une nouvelle fournée s’échoue dans nos bureaux avec les mêmes attentes dans le regard, la même impatience dans l’espoir.

Nous en avons ainsi subi des quantités de ces belles jeunes filles en fleurs, poitrines arrogantes, yeux de velours, voix suaves, en train de se former en pillant nos méthodes, en imitant nos comportements, regardant d’un œil neuf ces processus dans lesquels nous sommes installés, confortablement au fil des saisons et de l’engourdissement d’une équipe qui s’est rôdée sur le terrain de l’expérimentation.

Certains de ces stagiaires passent comme des fantômes, se glissant dans les failles d’un silence oppressant. Ils sont peu nombreux, avouons-le, à nous laisser sur notre faim.

Les autres, la grande majorité, se fondent dans l’équipe de travail, prennent rapidement leur place, trouvent leurs marques à tel point, que parfois, la frontière entre le permanent et le stagiaire s’estompe, que nous passons indifféremment de l’un à l’autre, que les missions prennent le pas sur les statuts.

Cynthia, puisque c’est de toi qu’il s’agit aujourd’hui, tu es de cette trempe, de celle qui nous donne envie de signer des chèques sur le futur, une génération qui prendra nos places et apportera sa touche, donnera un sens nouveau au vent de l’avenir.

Et puis toi, au moins, on ne peut pas dire que l’on ne te connait pas ! Depuis deux ans tu barbotes dans les eaux troubles de l’Evènementiel, tu as réussi à faire ton trou depuis ce 18 septembre 2006, où tu t’es pointée avec ton petit minois de fille des montagnes. Du courage, il t’en a fallu pour descendre de ta ville perchée sur les contreforts de Nice, tous les jours, remontant dans la nuit quand les horaires impliquaient ta présence si précieuse.

Du Festival des Jeux sous la houlette d’une Nadine Seul en générale en chef, à la saison de Cannes pour finir sur les Nuits Musicales du Suquet avec Sophie la maréchale des logis, grande prêtresse à ton tour, enfin reconnue et assumant tes responsabilités avec l’assurance d’une collaboratrice efficace et performante que tu es devenue.

On t’a vu te façonner, chercher et trouver ta voie, prendre de l’assurance, devenir une femme plus mûre, posée, affrontant sa vie avec une énergie nouvelle. Plus rien ne te fait peur dans l’organisation. Tu as bu à la source de Florence pour comprendre, t’es nourrie de l’expérience d’Eurielle, tu t’es frottée (ce n’est qu’une image, bien sûr !) aux garçons pour comprendre la technique des spectacles, tu as parlementé avec Marie pour saisir toutes les finesses d’une administration rigoureuse, tu as encarté avec Marie-Ange des tracts et appris à répondre, tu as vu arriver Nytia en remplacement de Séverine et même enduré les feux de Daniel. Aurélie, Elsa et Medhi sont arrivés, toi tu étais déjà l’ancienne, celle qui avait les clefs du savoir, nageait comme un (beau) poisson dans le marigot des problèmes éternels d’une équipe dédiée aux plaisirs des autres. Je t’ai même vue récemment subir les foudres d’un client mécontent en gardant ton calme, mieux, en débloquant une situation extrême avec finesse et élégance.

Voilà Cynthia. Cela semble étrange de penser que nous ne verrons plus tes beaux yeux noirs en train de réfléchir, concentrés sur nos réunions d’équipe, tes réflexions, tes questions, ta présence laissent déjà un vide parmi nous tous.

Parfois on peut rêver ! Alors je m’imagine que tu restes avec nous, que tu as trouvé ta place et qu’il n’est nul besoin de chercher ailleurs ce que nous avons sous la main : au nom de l’équipe entière, je te le dis, Cynthia, bon vent ne saurait mentir. Tu auras ta chance et ta place dans cette société du spectacle et que ce soit avec nous ou sans nous, ton chemin part de notre cœur jusqu’à la lisière de ce spectacle que tu aimes tant.

Merci Cynthia d’avoir été toi-même pendant ces deux années. Nous t’avons observée prendre cette maturité qui te sied à ravir, c’est notre plus beau remerciement.

Bernard Oheix et toute l’équipe de l’Evénementiel.

Le 31 juillet 2008.

 

La belle Cinthia, avec Marie-Antoinette, ma secrétaire ange-gardien.

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Un été 2008 de spectacles.

Publié le par Bernard Oheix

Depuis trois mois c'est la course aux spectacles... concerts, feux, animations, cirque et autres moments de bonheur. Un été chaud à souhait, avec du soleil à brûler la peau et enflammer les désirs. Je vous ai déjà parlé de certaines manifestations (Fête de la Musique, Festival de la Pantiero), voici donc un petit bréviaire des quelques soirées les plus chaudes de la Côte d'Azur qu'il reste à découvrir.
Il est temps de disparaître temporairement, 15 jours de vacances, en attendant je vous aime toujours et encore, c'est ainsi et nul n'y peut rien !

ZEEVA. (28/06/08, Aix-en-Provence)
Le Festival Andafy se déroule le jour de la fête nationale de Madagascar. Une association dynamique, une communauté très présente, un cadre champêtre, la chaleur aussi, lourde, un cagnard à brûler les terres des hauts plateaux malgaches. Se croisent les conteurs, poètes, expositions, démonstrations de danse... En prime, un groupe de Madagascar, Zeeva, composé des membres d'une fratrie, les Gellé, cousins, frères, sœurs et autres nièces sous la houlette de Taliké, la chanteuse de Tiharea, (programmé à Cannes dans la saison 2008/2009). Je l'avais découverte au Womex, belle, voix de velours, costumes traditionnels et dokodoko sur la tête (tresses torsadées typiques). Dans une formation électrifiée mêlant instruments traditionnels et modernes, les musiciens interprètent des ballades qui content des histoires d'une terre de culture, celle des Androy, un peuple fier et insoumis des déserts du sud-est. Taliké chante, danse, introduit les chansons avec des histoires de son pays natal. C'est beau, c'est superbe et cela dégage l'énergie d'une Afrique fière de son passé et de ses racines.
REM. (08/07/08, Théâtre de Verdure. Nice)
Qu'ils sont délicieux nos papys du rock. Nerveux, un son d'enfer avec des guitares qui hurlent à l'envie. On glane au passage quelques-uns de leurs succès et c'est comme une bouteille fraîche sous la canicule. Ils ont un jeu de scène minimaliste (les artères !) mais on s'en fout tant ils maîtrisent leur set. C'est sucré comme un bon vieux rock de derrière les fagots, on en redemande malgré l'impression que tout a déjà été dit. Ce n'est pas grave, REM, c'est un morceau de rock brut de décoffrage.
Le Jazz et la Diva (20/07/08. Palais des Festivals. Cannes)
Auréolés de leur Molière 2006 du meilleur spectacle musical, Didier Lockwood, Caroline Casadesus et Dimitri Naïditch leur complice en piano, brodent sur les thèmes d'une opposition jazz/ classique, homme/femme, la belle et la bête... Bon, il paraît que c'est génial et que l'on doit se pâmer. Cela sent le petit jeu « interpériphérique » parisien, l'approximation et le facile. Dommage, avec un peu de profondeur, ils auraient pu convaincre et pas seulement avec des ficelles simplistes. Le public était content, tant mieux !
Sananda Maitreya. (21/07/08. Parvis du Palais des Festivals. Cannes).
Dans la série, l'allumé de service, il nous fallait une belle prise, une pointure de qualité. L'ex-Terence Trent D'Arby (mais surtout ne l'appelez plus ainsi !) s'y est collé avec brio, mieux, avec génie ! La conférence de presse qu'il offrit ce jour-là est à inscrire au Panthéon des moments hilarants laissant loin derrière lui notre Belge Vandamme ramené au rang de gros bébé se nourrissant de flocons d'avoine à côté de lui. Tué par l'industrie du disque comme Seth occis Osiris en 13 morceaux, renaissant à la musique parce que l'un des 13 morceaux « fut lui, musique », il campe dans un monastère dédié aux dieux de l'harmonie, prédit l'avenir et a besoin d'une vue mer dans une suite d'un palace pour fusionner avec la nature et se consacrer à son art. Il offre un collier de lapis-lazuli pour la grand-mère du journaliste et repart dans son monde de lumière peuplé d'ombres. Son show montre que même si l'on change de nom, on reste soi-même, mélange de talent (quelle voix !) mais aussi d'une musique figée dans la mémoire, qui n'arrive plus à se brancher sur l'air du temps.
Léonard Cohen (22/07/08. Festival de Jazz de Nice)
Comment dire ? J'ai même raté mon pianiste dieu Fazil Say pour aller voir mon barde préféré. La scène est toujours insupportable avec ses oliviers qui dérobent la vue. L'odeur de saucisses et de graillon, l'inconfort général habituel à cette manifestation. Le public attend, debout, entassé devant la scène. Un vieux petit monsieur s'avance, un band de papys entame sa ronde, 3 choristes sublimes éclairent, et le son d'abord. Exactement cette qualité du live que j'écoute en boucle datant des années 80. Dance to the end of love, en introduction à cette plongée réjouissante dans le temps. Il a le même grain de voix, une allure juvénile et élégante, la musique est précise, sophistiquée, d'une richesse infinie sans jamais couvrir les voix. C'est Dieu redescendu de son Olympe, de son monastère bouddhique, d'où il vient, pour nous offrir un part de rêve. Les mots sonnent, portent des messages de poésie même si on ne comprend pas tout, les plages musicales enveloppent, Alléluia nous baigne dans l'harmonie. Nous sommes tous éblouis et c'est à une messe du temps passé si contemporaine que nous sommes conviés par le grand manitou de la musique.
Je ne suis pas redescendu du nuage, j'y suis encore d'ailleurs à contempler Suzanne et à écouter le vent qui porte des messages d'espoir.
Hélène Ségara (23/07/08. Place de la Bocca)
Non, c'est trop dur, après Cohen, je ne peux pas parler d'Hélène. Il y a des choses qui ne se font pas, tant pis !
Duo pianos Marie Josèphe Jude, Michel Béroff (24/07/08. Nuits Musicales du Suquet)
Bof, a-t-on vraiment envie de parler de ce duo interprétant la sonate en ré mineur de Mozart et Rachmaninov. Non. Bon alors je n'en parle pas, cela m'évitera d'avouer combien je me suis ennuyé et comme la vraie musique classique peut aussi être chiante !
Joan Baez. Graig Adams. (26/07/08. Festival de Jazz de Nice.)
Après Léonard, on pouvait rêver d'une Joan transfigurée, égérie d'une jeunesse en révolte, visage d'ange d'un temps de révolte. Las ! Figée, voix éteinte, show sans passion. L'histoire meurt parfois, les lendemains ne sont pas toujours roses et les légendes s'éteignent. Tant pis, il me reste Cohen !
Pour lui succéder, Graig Adams. Petit et gros, il s'installe au piano, se saisit du micro comme si sa vie en dépendait et commence à hurler sa passion en un Dieu de bonté. Son groupe est composé d'un batteur fou et d'un bassiste autiste, tous les deux jouent dans leur coin pendant que 4 mamies aux formes généreuses ondulent sur scène. Les standards du gospel défilent entre l'éructation et la supplique, entre la fureur et le désespoir, l'espoir et la repentance. C'est énergique comme un redbull avant le coup de blues. Joan Baez entre en transe sur scène (enfin !) et le public lance des cris pour les accompagner. C'est Graig Adams dans une cérémonie libérée de toutes convenances et même si cela flirte parfois avec l'à-peu-près, c'est d'une force et d'une violence qui ne peuvent laisser indifférent.
Taraf Décalé (29/07/08. Concert après feu d'artifice. Parvis du Palais)
J'ai découvert ce groupe dans le giron de la Compagnie du Tire-laine, au Womex à Séville. Des jeunes passionnés, travaillant sur le gitan, le Balkan et tout ce qui « clinque » sur scène et déborde de notes fusantes. Le Taraf Décalé est bien un groupe explosif, fusionnant la musique d'un Brégovic, et celle des cultures du monde. Entre un film de Kusturica et un happening klezmer. Inclassables, impertinents, les musiciens entraînent la foule de milliers de spectateurs dans un swing d'enfer, corps débridés, cuivres et basses résonant longuement dans la nuit. C'est intelligent et fort, libre et strictement mesuré, c'est une musique de fête qui n'oublie pas de parler au cœur en faisant vibrer les tripes.
Alexandre Kniazev (violoncelle)/Boris Berezovsky (piano). (30/07/08. Nuits Musicales du Suquet.)
Dans cet hommage à Rostropovitch, Boris Berezovsky, un des plus grands pianistes russes, donc du monde, assure une partition dans l'ombre de l'explosif et possédé Alexandre Kniazev. La lumière est sur Sacha, cela en est presque frustrant de sentir cette retenue en arrière, cette silhouette qui dispose les notes sur un plateau pour l'archet vibrant d'un violoncelliste...fut-il d'exception !
Pourtant, cette musique si savante peine parfois à se frayer un chemin jusqu'à la naissance des sens. Il y a tant de magie, que le monde réel semble s'éloigner. Il y a du froid aussi, celui de torrents de notes dispensées comme si du trop-plein pouvait naître la sérénité. Deux monstres accolés en hommage à un 3ème en train de broder sur Brahms, Chostakovitch et Rachmaninov, cela ouvre des horizons nouveaux, des interprétations ciselées comme une broderie. Cette violence a-t-elle une âme ? Le public enthousiaste répondra par l'affirmative ! Moi, certaines des notes lancées à la nuit continueront de rouler en cascade scintillante que mes sens au repos auront déjà évacué leur précision fatale.

Fiesta Flamenca. (1 et 2 08/08. Parvis du Suquet)
Nouvelle manifestation dans le ciel cannois. Un pari lancé avec nos amis de Nomades Kultur, un agence artistique dirigée par Cendryne Roé avec Juan Carmona dont j'avais déjà accueilli la Symphonie Flamenca en ouverture de la saison 2005 avec Trilok Gurtu (pour la petite histoire, suite à cette rencontre Cannoise, ils ont joué ensemble et travaillent sur un projet commun !).
Le principe était de fusionner l'esprit de la fête des Espagnols et la qualité du Nuevo Flamenco. Dans la première catégorie, la Place de la Castre, transformée en paseo, dégustation de paella et de sangria, cours de sévillane et après le spectacle, bal sévillan.
Le pari était osé. Cannes, son public riche et gavé, les bourgeois conformistes allaient-ils laisser onduler leur croupe en public en levant les bras comme des moulins à vent s'époumonent dans les plaines arides de la Castille ? Et bien oui ! Ils étaient beaux par dizaines à tenter de suivre le prof... uno, dos, tres...ils étaient des centaines à la sortie du spectacle, sur cette place dominant la Baie de Cannes, sous les étoiles à danser pour le simple plaisir de partager un moment de plénitude. Il faut dire que les spectacles étaient exceptionnels, grandioses et que Juan Carmona en important deux compagnies « rivales » avait vu particulièrement juste.
Joaquim Grilo. Soliste d'exception de Paco de Lucia. Il impose un style inimitable, une vision totalement moderne de la tradition, respectueuse des racines pour épanouir sa liberté de créer. Il est fier et droit, il cambre les reins, joue de ses doigts, sinue entre la fesse dure et le regard de feu, enflamme la scène, parfois accompagné d'une danseuse pendant que son groupe égrène d'une voix hachée les standards de ces complaintes qui griffent la nuit. C'est beau et exaltant, la foule subjuguée reçoit les décibels et les pieds frappent ce plancher comme si notre salut en dépendait.
Rafael de Carmen, son concurrent attitré à la médaille d'or du Flamenco, reste à la frontière de la tradition pour s'immerger dans la modernité. C'est une version plus douce, moins rugueuse, l'orchestre joue un rôle plus important avec deux chanteurs à la voix rauque et puissante, un carom, un violon et les habituels guitaristes aux doigts d'or. La danse expressive se fait plus proche du public, moins en recherche d'équilibre, comme si le contact magnétique avec les spectateurs se trouvait justifié par des siècles de cambrures, des notes écorchées, un passé décomposé d'éclairs de gestes, paroles au vent, sueur et regards de braise.
Rafael de Carmen, étoile du flamenco.


Deux jours de passion, dans les hectolitres d'une sangria sucrée, avec les doigts collants de riz et de gambas gluants aux accents d'un sud de folie, la joliesse des robes de taffetas et les seins brunis sous les décolletés de soie noire. C'est l'Espagne comme on l'aime, avec ses torrents d'exubérance comme signature d'un sourire moqueur à la fatalité et à la tristesse.
L'orgueil ibère dans ce qu'il draine d'insolence et de ferveur en invitation à la fête païenne.


Voilà, après juin et juillet, il restait encore tant de soirées à vivre en cet été 2008. Les nuits de la Pantiéro dont je vous ai déjà parlé, les concerts de Jazz à Domergue avec Elisabeth Kontomanou, (une grande dame du jazz; belle black dont la voix suave chante les standards d'un jazz sirupeux à la Billie Holiday. Si lisse, sans aspérités, un désert d'émotions enfermées dans un carcan de notes) Yaël Angel (autre voix qui se laisse dériver vers des horizons musique du monde. Dommage qu'elle manque d'un soupçon de puissance et de limpidité pour assumer ses paris originaux) et tant d'autres comme David Levy et Julian Evans dans un superbe récital à deux pianos en hommage à Messiaen... Tout cela dans un décor de rêve, cèdres du Liban, cyprès taillés grimpant vers le sommet de la colline ombragée. Il y a des faunes aux oreilles en pointes comme sentinelles des orgies passées, bacchanales des nuits chaudes d'une Côte d'Azur qui s'étourdissait au temps de l'insouciance d'une après-guerre, des bacs où l'eau s'écoule en glougloutant, des corniches qui surplombent la Baie de Cannes et son arc de lumière qui nait vers le Palm-Beach pour mourir à la pointe de l'Estérel, dans le désert de la nuit marine.
Et puis des concerts avec Ma Valise, groupe de Français puisant dans des répertoires sous influences entre le cabaret, la nouvelle chanson et les rythmes latinos. Des feux d'artifice à n'en plus finir avec un Russe d'exception, un Tchéque avec provisions et un Canadien du Québec...et pour s'achever, les slaves en folie de La Semaine de l'Art Russe. Terminer la saison estivale avec des beautés superbes à la plastique de barbies nordiques, des spectacles à la signature du vent du nord (Chœurs de la Marine de la Baltique, Ecole de cirque de Moscou, Boris Eifman, le plus grand chorégraphe actuel de Russie même si sa Mouette néo-classique n'est pas la plus belle oeuvre que j'ai vu de lui...). Bien sûr, des fêtes à la vodka, des soirées sur les voiliers, des rendez-vous avec des vice-ministres, des gouverneurs et des princesses chamarrées, des chapeaux Tatar, des cadeaux d'ambre et des toasts à la volée comme si la Géorgie n'était qu'un mirage dans un ciel sans nuages.

Il est temps désormais de fuir dans les montagnes des Pyrénées pour des balades champêtres, un peu de vélo au flanc des cols escarpés et du sommeil à racheter en quantité industrielle. Je vous retrouverai toujours assez tôt, dans une quinzaine de jours, quand j'aurai récupéré de cet été de folie et que l'impérieuse nécessité de me reconnecter à la réalité me poussera à vous lancer une bouteille à la mer, celle de ces mots de tendresse d'un blog qui vous est destiné, qui m'est devenu indispensable, et que j'aime penser en trait d'union de nos espoirs d'un avenir radieux.

 

 

 

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Pantiero show

Publié le par Bernard Oheix

 

La grand-messe de l’électro s’ouvrait dans les tourmentes d’un vent à décorner tout être affublé d’une prothèse infamante sur la tête. Un vent méchant, sec, avec des rafales à 70km/h, un soleil étouffant à brûler la peau, dessécher la gorge, un climat à maudire n’importe quel Festival pour ceux qui y travaillent. Nous sommes sur le pont depuis un mois et la fatigue est là, insidieuse, permanente.

 

Vendredi 8 août.

The Invisible ouvre le bal. Voix fausse, notes dans le vent, que dire d’un groupe dont on a rien à dire ?

Mouse On Mars remplaçant au pied levé Ladytron, le groupe allemand composé d’une percussion, d’un clavier et d’un mix offre une version déchirée d’un électro saturant jusqu’à la transe. C’est plutôt fort, hypnotique avec un jeu de lumières particulièrement réussi, taches colorées, éclairs zébrant la scène, halos fantomatiques. C’est un son gras qui remue, univers post-Kraftwerk d’une société atomique où la répétition débouche sur la pulsion ravageuse. Vagues sans temps morts, des lambeaux de sons qui viennent s’échouer comme si une scie découpait l’espace concret de nos sens pour les mettre à vif.

Archie Bronson Outfit. On les attendait, ils sont repartis. Entre-temps, un set qui laisse insatisfait. L’explosif s’est muté en pétard mouillé. Faute d’un son pas à la hauteur ? Mauvais jour… on ne le saura jamais mais les chants étranglés étaient aphones, les riffs tombaient à côté et le cocktail détonant s’est transformé en brouillon insatisfaisant.

Metronomy. Enfin un coup de cœur. Un rock désuet sert de base qui va être éperonné en un décalage permanent. Voix claires en canon, ritournelles détournées, rythmes sautillants, sons trafiqués pour donner une grâce à l’ensemble. Musique aérienne qui capte par la profondeur de son assise. C’est un groupe à écouter qui trouve sa modernité dans un rock classique en pointillé miné par des trouvailles sonores qui le transcendent.

 

Samedi 9 août. Le vent est tombé, la chaleur transfigure la nuit. C’est la grande foule, plus de 2500 personnes escaladent les escaliers qui amènent à la terrasse du Palais. Il y a de l’impatience dans l’air.

Dan le Sac vs Scroobius Pip.

L’un sort des séquences de sons en mix et des chants poétiques sur lesquels l’autre enchaîne avec un rap de scansion, tous les deux produisent un curieux mélange et ressemblent à des bûcherons venus du grand nord du Québec. C’est plutôt intéressant et leur univers contrasté ouvre la soirée sur une curiosité.

Ratatat.

Trio composé d’une batterie, clavier et guitares avec quelques petites machines pour corser les sons. C’est un rock décapant, ouvert sur toutes les influences, aérien. La rythmique lourde permet toutes les audaces et ils vont emporter le public avec des morceaux qui arrachent. C’est une version ouverte d’un rock sans attaches, quelques belles plages mélodiques émergeant d’un univers de fureur. Une des découvertes à l’évidence de ce Festival.

Antipop Consortium.

On attendait beaucoup de ce groupe mythique de la scène alternative New-Yorkaise des années 90. Après s’être séparés, ils se reforment en annonçant la sortie d’un prochain album. Ils ont déçu. Un son brouillon dans une course effrénée pour rattraper le temps perdu. Leurs enchaînements manquent de cohésion, leur hip-hop manque cruellement d’originalité. On peut avoir été grand et perdre sa magie. A(u) revoir.

Birdy Nam Nam.

Une table avec 4 platines pour mixer. Les 4 acolytes sont alignés et démarrent une plongée dans les hauts fonds d’un son ravageur. Je suis parfois sceptique sur l’accumulation des mix’ mais là, chapeau bas. Les sons travaillés à l’infini deviennent voix, les voix découpées à l’extrême se transforment en son, le rythme est étourdissant, hypnotique, chacun des DJ’s joue son rôle à la perfection et sculpte la matière sonore. La scénographie est en phase avec la pulsation qui prend au corps. Jeux de lumières, effets optiques, la foule se met à tanguer, les corps sautent. Ils vont, dans un rappel hallucinant, clôturer la soirée en laissant chacun ivre de cette vibration qui ouvre les sens au désordre intérieur.

 

Dimanche 10 août. Petite brise fraîche. Corps fatigués. Les heures commencent à peser sérieusement. Trop de cigarettes, marcher sans cesse, boire aussi parce que c’est la fête et que les rencontres sont des moments d’échange.

Sébastien Tellier.

Ouvrir à 20 heures avec la vedette médiatique de la soirée, j’ai connu mieux comme idée originale. Mais bon, le Directeur Artistique en a décidé ainsi et malgré nos avertissements n’a pas voulu en démordre. Tant pis. Après une conférence de presse très sexe (il faut rouvrir les maisons closes pour les adultes et en chasser les maladies !), il monte donc sur scène dans les feux d’un soleil couchant devant une poignée de personnes rapidement renforcées par ses fans qui déboulent en force pour sauver la face.

Que dire de Sébastiern Tellier ? Si ce n’est que le personnage est autant « frappadingue » que ses mélodies sont belles. Deux claviers, un batteur et lui à la voix, au piano et à la guitare. Ritournelle en tête de gondole, sexe et autres thèmes de prédilection comme la drogue, le refus du conformisme, un décalage avec le bon sens. L’univers musical est de qualité, sa voix disparaît dans les plages sonores des claviers mais ce n’est pas grave, elle est un des éléments de son univers et c’est plus son attitude qui porte le sens profond qu’il veut transmettre que le contenu de ses mots, partie intégrante de la musique. C’est un beau set avec un électro-rock élégant qui sait porter des coups quand il est nécessaire. Ses interventions éclairent sa volonté de briser l’harmonie, c’est parfois limite dans le bon gout, mais cela sonne souvent juste pour ce personnage de déglingue qu’il incarne avec les trippes.

Yuksek.

Un DJ aux sons violents, jonglant avec des plages subtiles pour enchaîner avec des rythmes lourds et efficaces. C’est un de ces DJ’s dont on reparlera dans les années à venir, qui ira dans les grandes salles des messes de l’électro des boîtes branchées pour une jeunesse dorée et pleine de fric. Il fait parti de cette touche française qui sait en découdre avec les anglo-saxons et emmener son public à se mouvoir en phase avec ses reprises exacerbées.

The Presets.

Des Australiens stars dans leur « bush », débarquant en Europe pour conquérir la scène de l’électro-pop. Il fait nul doute qu’ils ont un beau chemin à parcourir. Un batteur fou, un chanteur préposé aux machines avec des bandes qui tournent pour enflammer le plateau, cela donne un concert nerveux, un vrai rock qui embrase, porté à bout de bras par deux musiciens complices se livrant sans retenue.

SebastiAn.

DJ hors pair, hors catégorie, dans la rubrique des extraterrestres. Moi qui avais quelques réserves sur la nature même du rôle du DJ et sa place dans la musique actuelle, après Birdy Nam Nam et SébastiAn, je dépose les armes, me rends au verdict des baffles, des oreilles en feu. Vraie création sonore, jouant sur les contrastes, dérivant dans des sons « exotiques » où percent des mélodies connues, des airs de notre culture musicale pour s’enflammer à coups de beats rageurs et syncopés qui entraînent la foule à sa suite. SébastiAn, le timide, le calme qui rugit sur scène pour jongler avec les rythmes et offrir un son tribal au public déchaîné. C’est une belle révélation, la preuve, si besoin était, que l’excellence transcende les genres et qu’un DJ remixant la musique des autres peut aussi être un créateur à part entière. C’est le talent qui fait la différence !

 

Lundi 11 août.

Poney Poney

Bof ! Petits jeunes sympathiques au rock basique. Pas grand-chose à en dire si ce n’est qu’il fallait bien qu’un groupe ouvre la soirée…

Midnight Juggernauts.

Comme leur nom ne l’indique pas, ils arrivent d’Australie. Leur CD Dystopia est un bijou. Leur concert fut à la hauteur de leur réputation grandissante. Un rock fin avec une voix bien présente, des chœurs en canon qui viennent étayer le soliste, une base rythmique composée de batterie, percussions et basse, les guitares et claviers assurent un volume d’élégance. Il y a quelque chose d’un Dépéche Mode au tempo spidé, un air rétro injecté de futur, actualisé, avec des voix qui gémissent éperonnées par des glissandos de clavier, des refrains où hommes et instruments se conjuguent dans la recherche d’un rythme qui laisse le public en déséquilibre. Il y a de l’hypnotisme dans ces morceaux qui s’effilochent en rebondissant sur les arêtes d’un clavier omniprésent et omnipotent. C’est une vraie révélation du Festival, un des groupes qui maîtrise le mieux son univers musical et la scène ouverte aux étoiles d’un ciel d’azur.

Goose.

Le vrai coup de cœur du Festival. Un groupe de Belges qui débarquent avec la rage au corps. Ils sont quatre et investissent le public avec la délectation de ceux qui vont tout dévaster. Imaginez un rock, un vrai pop-rock au format traditionnel bien saignant et greffez ce rock sur des nappes sanglantes de synthé syncopé. C’est comme deux étages que vous vous prendriez sur la gueule. Les fondations parlent à vos tripes, la superstructure à votre tête. Entre les deux, tout disparaît, s’évanouit dans la foule en train de sauter en rythme. Les voix sont claires, dominent les riffs de guitares rageuses, surnagent au-dessus d’une batterie en contrepoint, et toujours cette vague sombre qui occulte les interstices, gomme les silences. Le rythme est simple et efficace, il écrase toute velléité de s’échapper de leur univers, il nous capture pour nous enfermer dans ses boucles sans fin à la puissance dévastatrice. C’est fort et c’est si bon !

Simian Mobile Disco.

Bon, on annonçait un extraterrestre, je veux bien. Mais comparé à la prouesse d’un SébastiAn, à la force d’un Yuksek, Simian reste en-dedans, jongle efficacement avec les sons, casse les rythmes, introduit des ruptures avec un brio qui confine à la facilité… comme si c’était un jeu sans enjeu. Cela reste très superficiel, clin d’œil pour affidés convaincus de son talent.

 

Reste les « afters » jusqu’à 4 heures, quand l’aube pointe son nez, un volume de décibels encaissés  pendant 4 jours comme si un 40 tonnes vous martelait la tête sans arrêt, trop de bières et de cigarettes, des rencontres aussi, journalistes de Libé et de France Info, artistes, fans, public.

Une équipe exsangue de foncer dans la nuit en enchaînant les manifestations (Nuits Musicales du Suquet, Feux d’artifice, Fiesta Flamenca et maintenant la Pantiero…), soutenue par nos stagiaires efficaces, belles et si passionnées. Les corps las, les membres lourds, combien de kilomètres parcourus ? Des rêves toujours  parce que la vie est si belle quand les notes de musique l’éperonnent pour y insuffler un sens caché. C’est ma drogue, elle est dure mais on aime s’y accoutumer, sentir le souffle du vent, savoir que l’on est dans l’œil du cratère, qu’il n’y a plus de repères, juste à côté de l’avenir !

 

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