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Festival du Film : dernier bug !

Publié le par Bernard Oheix

 

Comment un jury composé de personnages aussi talentueux qu’un Almodovar, réalisateur de tant de films qui nous ont fascinés (Tout sur ma mère, Parle avec elle, Volver, Julieta), une Agnès Jaoui, femme de culture attachante, réalisatrice et actrice de talent, un Park Chan Wook qui a réalisé des films si bizarres (Old Boy, Thirst, ceci est mon sang, Mademoiselle…), Paolo Sorrentino (Il Divo, La Grande bellezza, un peu surfait quand même mais chouchou du Festival !) ou même  Will Smith, quoique lui, on avait l’impression qu’il était tellement heureux d’être présent et de faire l’acteur qu’il a dû en oublier de regarder attentivement les films… Comment ce panel de sommités qui n’a que le cinéma à penser pendant dix jours, dont on peut imaginer qu’ils sont totalement incorruptibles, choyés et dorlotés comme la prunelle de leurs yeux qu’on leur demande d’utiliser sans faillir, comment un tel jury peut-il se planter à ce point dans son palmarès ? 

Cela apparaissait impossible : ils l’ont fait !

Le syndrome traditionnel du jury vient encore de frapper ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, telle est la question ?

 

Il a attribué, à l’unanimité comme à l’habitude (!), une Palme d’Or à The Square, Palme verbeuse, longuette et sans grand intérêt, dont on peut imaginer qu’un simple accessit aurait été largement suffisant pour une présence somme toute déjà symbole de victoire pour son réalisateur. Dans cette sélection de films pas toujours de grand niveau, mais reflet du cinéma d’aujourd’hui et de la créativité actuelle, une pépite pourtant éblouissait, mais leur cécité fut bien plus forte que le ravissement que ce film engendre.

Il aurait pu tout avoir. Une Palme d’Interprétation masculine, il ne l’a pas eu ! Il aurait pu pareillement doubler avec l’interprétation féminine, elle ne l’a pas eu !

Il aurait mérité un prix du Jury ou un prix spécial à minima : que nenni !

Il aurait pu prétendre sans contestation à La Palme suprême, celle fabriquée par Chopard et sertie de 70 diamants en cette année anniversaire et qui représente le graal de ceux qui concourent, mais c’était sans doute trop demander que de ce laisser aller et de primer ce bijou !

François Ozon avec L’Amant Double, porté par Marine Vacth et Jérémie Renier pouvait tout espérer en cette année 2017. Ce réalisateur nous propose depuis 20 ans des films étranges, à la fois angoissants et légers, des histoires complexes filmées avec simplicité, sait créer des climats, diriger des acteurs, ose l’impossible, mais cela n’a pas été suffisant. Et pourtant, ce film s’inscrit dans sa filmographie si riche comme une page d’or, un moment de créativité parfaite. Il faut aller voir L’Amant Double, déambulation hallucinée dans l’esprit tordue de personnages dont on ne sait où ils nous portent. Même si le final laisse un léger doute et aurait pu encore frapper plus fort, il est sans conteste le meilleur film de cette sélection, celui qui offre le plus de créativité et donne des clefs pour tenter de mieux comprendre l’être humain. Film intelligent, tout en finesse, retord à toute lecture trop simpliste, cultivant « l’ambiguïté et l’incertitude en miroir » (Bernardo Bertolucci), déambulation au fil d’une réalité jamais évidente, il est une page majeure dans sa filmographie comme dans celle de cette année si peu riche en chefs d’oeuvre.

 

Alors, à l’unanimité de moi-même, en mon âme et conscience, je déclare adorer L’Amant Double de François Ozon, et aujourd’hui, je lui attribue ma Palme D’Or du coeur 2017 ! Allez voir ce film de toute urgence, vous ne le regretterez pas !

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Festival du Film 2017 : dernière livraison avant clôture !

Publié le par Bernard Oheix

 

Si le Festival a commencé tout doucement et sans passions extrêmes, depuis trois jours, de vrais films sur des histoires de chair et d’êtres humains émaillent toutes les sélections. Petit tour d’horizon de quelques coups de coeur qui donnent de l’espoir à un cinéphile enfin récompensé de ces longues files d’attentes, de ces heures à guetter l’éblouissement devant un écran qui s’éclaire !

 

Deux magnifiques films italiens pour nous rappeler que ce pays est toujours une terre de cinéma. Après le beau Fortunata, (cf. précédent article), Après la Guerre (Annarita Zambrano) tente de solder les cicatrices des années de plomb. Suite au meurtre absurde et brutal d’un professeur de droit en 2002, le spectre du terrorisme renaissant et l’abandon de la jurisprudence « Mitterrand » en France provoquent la fuite d’un ancien leader terroriste avec sa fille adolescente sur les chemins d’un nouvel exil. C’est aussi toute sa famille en Italie, la mère, la soeur, le beau-frère qui voient leur existence bouleversée par le drame.

Incapable de faire le bilan de ces années terribles, devant le désespoir d’une génération sacrifiée, l’Etat Italien s’arc-boute sur des règles qui empêchent la réconciliation. Un film sur une époque révolue où le terrorisme se voulait la bonne conscience de ceux qui luttent et que le futur rattrapera toujours dans son horreur !

L’intrusa de Leonardo Di Costanzo dévoile le visage d’une mère courage, une femme qui gère un centre de loisirs dans une banlieue Napolitaine rongée par la lèpre de la « camorra ». Dans une contexte fragile de tensions extrêmes, sa décision d’accueillir la femme d’un maffieux va mettre en péril tout le travail d’une équipe passionnée qui lutte au quotidien pour sortir les enfants du ghetto mental dans lequel la corruption et la violence les plongent. Les haines à fleur de peau et la peur qui suinte à chaque pas trouveront un fragile rayon de soleil dans un final d’espoir. 

 

On avait aimé le film Russe Sans Amour pour cette absence cruelle d’un enfant qu’un couple en train d’exploser provoquait. Une Femme Douce de Sergeï Loznitza élargit le propos, c’est la société toute entière qui est en train de s’écrouler. Un film désespéré sur la quête par une femme de son mari emprisonné dans une Russie en décomposition où toutes les valeurs se perdent, où les beuveries et le sexe se mélangent dans le pitoyable d’un échange sans partage. Une étrange fable conclut le film de 2h 22 (toujours un peu trop long !). Que l’on retrouve le film au palmarès, tout comme Sans Amour ne serait pas incongru tant les deux films russe touchent à l’essentiel des rapports humains dans une Russie qui s’enfonce dans le chaos et le désespoir.

Deux films français aussi. Le superbe et fascinant L’Atelier de Laurent Cantet où Marina Fois anime un atelier d’écriture auprès d’adolescents difficiles de La Ciotat. La violence passée, celle de la fermeture des chantiers dans les luttes et la violence d’aujourd’hui qui s’exprime dans les rapports tendus entre les jeunes se canalisent dans l’écriture d’un polar. L’écrivaine qui tente de mettre un peu d’ordre est alors fascinée par la personnalité brute d’un adolescent qui flirte avec l’ultra-violence et l’extrême droite…

Un film magnifique, sur la rédemption et l’interrogation, sur la recherche de l’humanité qu’il y a en chacun de nous !

Jeune femme de Léonor Serraille, campe une jeune femme à la limite de tout, du désespoir et de la violence, de la frustration et de la haine. Pourtant, dans un long cheminement vers elle-même, elle va recoller les morceaux épars de sa vie, faire enfin la paix avec les démons qui la hantent, accepter la fin d’un amour qui la dévore avec un artiste qui a été son Pygmalion avant de l’abandonner. C’est un vrai portrait de femme porté par une interprète fascinante, Laetitia Dosch dont l’énergie, la violence et la fragilité se transcendent dans sa volonté de survivre et de s’accomplir.

Directions du Bulgare Stephan Komandarev est un film choral dont le fil conducteur se situe dans les divers taxis qui vont charger des gens aux destins qui se croisent. C’est sur le fond d’une Bulgarie à bout de souffle, rongée par la corruption et qui fait le grand écart entre un destin européen et son passé de misère que des personnages vont accomplir leur trajet vers la solitude et les drames. Tableau désespéré d’une société en train d’exploser, entre la misère et la corruption, les trafics et les blessures du passé. Un film magnifique qui aurait mérité d’être en sélection pour concourir pour la Palme.

Je ne dirai pas de mal de In the Fade de Fatih Akim. Même si la facture du film est un peu trop classique et les effets parfois appuyés, le thème, un attentat raciste par des fascistes dans l’Allemagne d’aujourd’hui, me semble trop d’actualité pour que l’on dédaigne d’un revers de la main cette oeuvre puissante, forte sur le combat d’une mère qui vengera la perte des siens contre une société incapable de punir les coupables. Diane Kruger est remarquable et ce film, il faut l’espérer, aura une belle carrière en dehors des festivals !

 

Cette année, il n’y aura pas de pronostic sur le Palmarès. N’ayant vu que 8 films en compétition, je me garderai d’avancer des hypothèses même si j’imagine retrouver les deux Russes dans le tableau final.

Au final, j’aurai visionné 32 films dont 8 en compétition, 10 d’Un Certain Regard, 3 de La Semaine de la Critique, 5 du Cinéma des Antipodes et quelques Quinzaine et autres séances spéciales. J’en garderai la qualité évidente des Italiens, un regard toujours particulier et la richesse des réalisateurs Français, le scanner social des pays de l’est (Russie et Bulgarie) et quelques OFNI (Objets Filmés Non Identifiés). Parmi eux, Le Vénérable W, un documentaire fascinant sur les boudhistes racistes de Birmanie de Barbet-Schroeder qui fait froid dans le dos et un Ak-Nyeo du Coréen Jung Byung-Gil où dans les 3 premières minutes, une jeune fille très en colère tuent au pistolet et au couteau, 82 bandits qu’elle soupçonnait d’avoir tuer son père. C’est un film complètement fou, haletant et surprenant qui même à l’heure tardive de sa projection, ne pouvait que nous scotcher au siège et nous empêcher de dormir. Un Blockbuster à l’américaine sur fond de vengeance mais avec une maitrise incroyable et un supplément d’âme à réjouir tout cinéphile décidé à se lâcher un peu devant l’écran !

Voilà, l’heure de la cérémonie de clôture s’avance. Il faudra attendre un an avant de retrouver cette passion « cinéphilique » qui ouvre tant d’horizon, même dans ce monde qui a rétréci !

Et quand au thème de l’enfance meurtrie que j’avais défini dès le 3ème jour, il nous aura tenu en haleine jusqu’à la fin, jusqu’à l’ultime bobine, tant il ne faisait pas bon être un enfant dans les films présentés en 2017 au Festival de Cannes !

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L'Enfance meurtrie : festival du Film. 1ère partie

Publié le par Bernard Oheix

2017 ne sera pas une grande année (en terme de nombre de films !) pour moi. La faute à Lise ma petite fille me détournant allègrement des écrans. Après 5 jours, seulement 19 films au compteur, difficile d’envisager les 40 dans ces conditions extrêmes ! 

Mais puisque l’on évoque une (très) petite fille, autant rebondir sur le thème qui se dégage de cette première partie du festival avec une force peu commune ! Cette année sera celle de tous les états de l’enfance et de l’adolescence sous tous les angles possibles et imaginables ! Enfants meurtris, violés, kidnappés, abandonnés, mais aussi manipulateurs et bourreaux, on les aura tous entrevus dans cette édition du 70ème anniversaire du Festival du Film. Petite rétrospective sous l’angle d’une enfance brisée !

 

Cela a commencé avec Anu Singh, jeune fille désirant se suicider avec panache mais  qui finalement, n’y arrivant pas, décide de tuer son jeune amant, (c’est plus facile !) dans un film Australien tiré d’un fait réel du Cinéma des Antipodes, Joe Cinque’s consolation. Plus ambitieux et réussi, le film russe de Andrey Zvyagintsev, Sans Amour, devrait se retrouver au palmarès où un couple se déchirent sous l’oeil d’un enfant devenu un alibi dans la confrontation entre ses parents qui se le renvoie comme une balle encombrante. Il décide de fuguer… et la recherche désespérée des parents et d’une structure spécialisée dans la disparition des enfants le remettra au centre du jeu délétère qui s’est joué. Sa disparition inexpliquée lui redonnera sa place centrale, le rendra enfin présent et réel… mais trop tard !

Dans La lune de Jupiter, un adolescent réfugié syrien qui tente de rejoindre l’Europe avec son père, se fait tirer dessus par un commissaire Hongrois. Il va découvrir son pouvoir d’immortalité et de lévitation. Exploité dans un premier temps par un médecin corrompu puis aidé par lui qui devient son servant, il devient un objet de fascination et provoque une remise en cause des protagonistes. Film assez fascinant même si l’aspect religieux renvoie à un problématique complexe à prime abord.  

Dans la série de l’horreur absolue, rien ne sera épargné aux spectateurs dans Love Hunters de Ben Young qui nous abreuve d’images et de situations insoutenables. Une jeune fille est kidnappée par un couple de sérial killers avec tout ce que l’on peut imaginer. Ava (La Semaine de la Critique, premier ou deuxième film) de Léa Mysius, démarre magnifiquement. Une adolescente est en train de perdre la vue à cause d’une maladie génétique. C’est son dernier été. Malheureusement, le film se fourvoie dans un final totalement incongrue, échappant au contrôle de la réalisatrice-scénariste. Dommage, mais on la retrouvera dans son prochain opus tant elle affiche un vrai talent de mise en images.

Les filles d’Avril film mexicain de Michel franco présenté dans Un certain Regard (la sélection du  Festival hors compétition) voient s’opposer une fille-mère à sa mère/fille… La mère inconsistante et refusant de vieillir vient dérober le bébé et le père de l’enfant (17 ans) de sa propre fille. Celle-ci va se battre pour récupérer son enfant et renvoyer le géniteur. Un film bizarrement tordu qui laisse un goût étrange…

Gabriel e a montanha de Felipe Gamarano Barbosa suit les derniers jours d’un jeune qui a pris une année sabbatique pour parcourir le monde avant d’intégrer une université de Los Angeles. le film s’ouvre sur la découverte de son cadavre sur les pentes inhospitalières du mont Mulanji, sa dernière étape avant son retour programmé. Soutenu par des images de personnages qui l’ont vraiment connu dans sa volonté de s’intégrer parmi les populations locales, le film retrace son parcours et toutes les zones d’ombres du personnage. Son impatience, ses certitudes, son insouciance le mèneront à sa perte. Touchant et poignant.

Fortunata de l’Italien Sergio Castellitto est un film déchirant et magnifique. Une petite fille vit avec une mère courage (Fortunata), séparée d’un père policier abruti et violent. Elle tente de reconstituer sa vie et de gagner une liberté pour elle et sa fille. Magnifiquement réalisé, des personnages illuminés qui éblouissent, un final tragique et grandiose, un film attachant et singulier.

Dans Mise à mort d’un cerf sacré, de Yorgos Lanthimos, le thème de l’enfance s’impose de lui-même. Dans un processus de vengeance causée par la mort d’un patient, un père va devoir tuer un de ses enfants pour sauver l’autre !!! Âmes sensibles s’abstenir !

Enfin, on attendait beaucoup du dernier film en compétition de Michael Haneke, Happy End,  avec une distribution de prestige (Huppert, Trintignant, Kassovitz). Le film s’ouvre sur une petite fille (13 ans) qui empoisonne d’abord son hamster puis sa mère. Récupérée par son père, elle va contempler les dégâts d’une famille de la grande bourgeoise qui se décompose. Glacé et glaçant, d’une froideur chirurgicale, le film reste sur le fil du rasoir d’une réalité qui sécrète son propre poison.

 

D’une façon générale, les films sont trop longs, flirtant avec les deux heures, dégageant souvent une impression de confusion et de verbiage dont le Noah Baumbach L’histoire des Meyerowitz est une illustration parfaite, malgré un trio d’acteurs époustouflants (Hofffman, Sandler, Stiller). 

 

Dans quasiment tous ces films, un personnage vient s’imposer comme un élément indispensable de la vie quotidienne : le téléphone portable, outil de communication qui oblitère la réalité et transforme le rapport des individus. Sous couvert de les ouvrir aux autres, il les enferme dans une bulle sans prise avec la réalité. C’est particulièrement évident dans Passage par le futur du chinois Li Ruijun (Un Certain Regard) qui montre une jeune femme dans sa quête éperdue pour un avenir impossible. Elle acceptera de devenir un cobaye pour des expérimentations médicales afin d’assurer un avenir à ses parents dans une Chine où la crise ronge l’avenir. Le portable est omniprésent comme un témoin de l’agonie des êtres perdus dans un monde de souffrance.

 

Voilà, il reste 4 jours pour voir si les enfants et les portables peuvent faire bon ménage et offrir un horizon d'espoir dans un festival noir comme la vie qui nous entoure. Quand on est cinéaste, on ne doit pas facilement pouvoir créer des films heureux et optimistes quand on regarde l’état du monde qui nous entoure, et cela, nous spectateurs, nous en sommes les témoins privilégiés !

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Festival du Film 2017

Publié le par Bernard Oheix

Le système d'accréditation des badges cinéphiles du Festival du film ayant changé, nous devons désormais produire une lettre de motivation prouvant notre volonté d'avoir ce badge sésame qui autorise d'entrer dans les salles périphériques pour assister aux projections. Je ne peux résister au plaisir de vous transmettre le contenu de ma lettre de motivation !

 

A l’attention du Festival du Film.

 

L’être d’hyper-motivation :

 

J’ai assisté à tous les Festivals de Cannes depuis 1969 à l’exception des années 1980/1986 pendant lesquelles j’étais absent de la région. J’ai donc vécu 41 Festivals avec des fausses cartes de presse, de vraies cartes de presse (pas souvent), en passant par les portes de derrière dans l’ancien Palais où par les portes de côté pendant mes 22 ans à la Direction de l’Evénementiel du Palais des Festivals de Cannes.

Je visionne entre 30 et 40 films à chaque édition…. soit environ 1232,5 films avec une prédilection pour la Compétition et Un certain regard…même si je me suis endormi à quelques-uns… pas beaucoup, avouons-le !

J’ai une maitrise de cinéma dont une partie a été éditée chez Etudes Cinématographiques dans un spécial Bertolucci dirigé par Jean-A Gili

J’ai un blog et je réalise 4/5 billets critiques par Festival…(confère Internautes de tous les pays/bernard Oheix)

Par ailleurs, j’ai été critique de cinéma chez Nice-Matin, Jeune Cinéma, France Nouvelle, L’Humanité…etc

Je n’ai pas monté le tapis rouge depuis 10 ans et j’en suis fier !

Je vais à La Licorne pour 90% des films.. Il faut dire que j’habite en face exactement et que chaque année, j’héberge (gracieusement) ma famille et une bande de potes cinéphiles qui remplissent ma maison et la salle de La Licorne !

 

J’espère donc continuer à avoir le badge cinéphile pendant les 22 ans qui me restent à vivre en signe de reconnaissance éternelle de la cinéphilie !

 

Cordialement et amicalement.

 

Bernard Oheix

Festival du Film 2017

Et je vous incite le dimanche 26 février à vous scotcher devant l'écran de télévision réglé sur France 3 PACA, à 12h55, pour visionner le film de mon ami Arnaud Gobin, Les Prisonniers de l'île, un dodu-fiction où vous pourrez gouter le plaisir d'assister à mes exploits d'acteur investi dans le rôle du gardien du Masque de Fer !!!!

Festival du Film 2017

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Mon Festival 2016 à moi !

Publié le par Bernard Oheix

34 films visionnés dont 12 en compétition, 9 de la sélection Un Certain Regard, 4 de La Semaine de la Critique...

Et dans l’exercice de la prévision du Palmarès, passage obligé du dernier jour du festival pour tout cinéphile qui se respecte, un grand vide devant lequel je ne me risquerai pas !

Tous les grands films annoncés me semblent hors course et les bruits qui flottent autour de Ma Loute m’apparaissent si incongrus...

Je pourrai espérer retrouver dans ce palmarès, Agassi (Mademoiselle) de Park Chan Woo pour la mise en scène, I, Daniel Blake de Ken Loach et Julieta de Pedro Almodovar, deux films magnifiques, sommets d’un art de réalisateurs confirmés, Paterson de Jim Jarmusch pour son style et son sujet sur la poésie moderne dans une ville de l'Amérique profonde, American Honey, formidable épopée musicale d’une bande de jeunes de Andrea Arnold, ou même la journée terrifiante de Roméo dans le film roumain de Christian Mungui, Baccalauréat ou la très Personal Shopper d’Olivier Assayas qui se confronte au monde des ombres.

Mais laissons le jury prendre ses responsabilités et nous pourrons toujours critiquer ou encenser Miller et sa bande !

Un constat : L’extraordinaire qualité de la sélection Un certain Regard qui semble au fil du temps récupérer tous les bons films que la sélection officielle en compétition ne peut accueillir pour cause de «pipolisation» de la montée des marches ! A ce titre Harmonium du japonais Fukada Koji, Beyond the moutain and the hill de l’israelien Eran Kolirin, le génial Inversion de l’iranien Behnam Behzadi, sur une femme courage dans un Iran bien plus subtil qu’on l’imagine, le décisif Voir du Pays de Delphine et Muriel Coulin sur le sas de décompression d’un contingent français de retour d’opérations en Afghanistan...Mais aussi Le disciple du russe Kiril Serebrennikov ou Après la tempête de Kore Eda Hirokazu sur le un père, joueur compulsif qui grille sa vie et l’amour de son fils sur l’autel des «paris» !

Tous ces films vous accompagneront dans les mois à venir, au fil des sorties et le constat que l’on peut tirer de cette édition, est que d’une façon générale, le niveau moyen des productions semble très élevé en cette année 2016. Toutes les sélections bénéficient de ce «printemps cinématographique» et des films comme Tour de France de Rachid Djaïdani (Quinzaine des Réalisateurs) avec le monstre Depardieu où Grave de Julie Decournau (Semaine de la Critique) démontrent à l’évidence la formidable vitalité du cinéma Français !

Allez, on est à quelques minutes de l’énoncé du Palmarès, on va s’installer devant le petit écran pour assister aux résultats du grand !

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Des films, toujours des films !

Publié le par Bernard Oheix

Rafale de films en compétition, qualité exceptionnelle d’Un Certain Regard, pépites des autres sélections... Dans cette overdose d’images, d’histoires qui se télescopent, de pays et de sélections au plus grand Festival de Cinéma du monde, Cannes vit avec ses deux faces, aussi mystérieuses l’une que l’autre. L’une de frénésie, de rencontres et d’affaires, des professionnels centrés sur la Croisette qui dessinent le cinéma de demain, l’autre plus secrète, plus cinéphile, dans des salles périphériques, avec des spectateurs fascinés par cette extraordinaire exposition d’un monde ouvert sans frontières que les images tentent de dévoiler.

Evidemment, je suis dans la deuxième catégorie, avec mes 21 films visionnés dans la salle de la Licorne à La Bocca, un quartier périphérique bien loin des ors de La Croisette où se croisent spectateurs de tous âges, toutes origines, fraternisant dans des files d’attente, échangeant sur les films en des débats passionnés, évaluant le jeu des acteurs et les scénarios, se projetant dans des palmarès improbables, car dans chaque cinéphile, un membre de jury sommeille qui ne demande qu’à s’exprimer !

Américan Honey de Andréa Arnold est un road movie déjanté autour d’une bande de jeunes qui parcourent l’Amérique profonde afin de vendre des «magasines» alors que plus personne ne lit ! La reproduction des mécanismes d’une économie dans ce qui en est la face des laissés pour compte (la leader «capitaliste» qui impose ses règles, les codes de la vente et le principes d’une vie de groupe que l’on retrouve dans toute sa violence (interdiction de la sexualité dans un climat débridé, rivalité et sanctions pour ceux qui ne vendent pas assez (le combat des loosers), apprentissage du mensonge pour «fourguer» des revues à des gens qui n’en ont pas les moyens... tout cela soutenu par une bande sons où rap et rock rythment le temps éphémère...

Paterson de Jim Jarmusch propose une autre facette de cette Amérique profonde. Un conducteur de bus, poète dans la ville de Paterson, compose une oeuvre au quotidien pendant que sa femme s’invente une vie de ruptures et de rêves ! Déjanter le quotidien, ritualiser les espoirs, énigmatique porteur d’un avenir incertain, le film s’écoule comme si à tout moment, quelque chose pouvait entraver la marche du temps...

Sublime Julieta de Pedro Almodovar. Une femme tente de renouer avec son passé et une fille qui l’a abandonnée le jour de ses 18 ans. 12 ans ont passé sans nouvelles quand une rencontre fait ressurgir l’histoire enfouie... beau, ensorcelant, limpide, attachant... les adjectifs manquent pour décrire ce film où tout est ciselé et s’imbrique parfaitement dans la fuite du temps ! Du grand Almodovar, comme on a eu du grand Ken Loach !

Enfin, 3 films remarquable d’Un certain regard :

Harmonium de Fukada Koji. Une famille japonaise voit son présent exploser quand le père, pour une raison mystérieuse, embauche un homme et l’héberge jusqu’au drame ! 8 ans après, il faudra bien solder les comptes de ce passé caché. Intriguant, passionnant, tout en retenu !

Caini du Roumain Bogdan Miirica, est dans la lignée de ce cinéma un peu esthétisant et parfois étiré de l’école roumaine. Pourtant, il y a d’indéniables qualités dans ce western de l’Est, un jeune propriétaire tentant de vendre une propriété héritée d’un grand père, aux confins du pays, dans une terre de trafics où règne un boss cruel !

Un grand coup de coeur pour Derrière les montagnes et les collines de l'Israélien Eran Kolinn où un militaire après 22 ans de service, tente de se réinsérer dans la vie civile et de renouer des liens avec sa femme et ses deux enfants. Toutes les contradictions de cette société, de cet affrontement entre deux peuples, des désirs enfouis chez les individus dans un monde où tout peut exploser ! C’est un vrai film humaniste, un «certain regard» sans complaisance où chacun prend sa part d’un poids que l’histoire lègue et qui pèse sur tous les acteurs de la vie au quotidien !

Enfin coup de chapeau pour Chouf de Karim Dridi, où la peinture crue et sans espoirs d’un monde sans lois ni règles, où mêmes les composantes d’une fratrie explosent sous le poids de l’absurdité et des rivalités sans fin qui endeuillent les acteurs du marché de la drogue dans un Marseille de soleil. Presque un documentaire sur un monde où la vie importe peu, où le cancer de l’argent sale se métastase à l’intérieur des familles et brise tous les codes, où la place que l’on occupe est sans arrêt remise en cause par ceux qui poussent derrière pour prendre le pouvoir au bout de leurs armes, ou le futur n’existe plus que dans le fracas des armes aveugles !

Allez, encore trois jours d’ingestion de pellicules et l’on saura bien qui aura les honneurs de la Palme d’Or même si nous savons que c’est toujours le cinéma qui reste le grand vainqueur de cette orgie d’images et d’histoires !

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Festival du Film 2016 : les cannibales du 7ème art !

Publié le par Bernard Oheix

A chaque début de Festival, se pose cette question récurrente sur la qualité des films en sélection (La Compétition et Un certain Regard), leurs niveaux et les réalisateurs attendus ou espérés, l’originalité des histoires en forme de « pitch » de quelques lignes, les thèmes qui en ressortiront (chaque édition voit un thème ou deux embraser les écrans, se répondre en écho d’une partie du monde à l’autre), la diversité des sections en présence (Semaine de la critique, Quinzaine des réalisateurs, Ecran Junior, Le cinéma des antipodes...)....

A chaque fois, c’est le même rituel d’une maison qui se remplit d’une délégation de cinéphiles disparates, l’allemand, les deux corses, le fils et sa compagne, la copine des voyages, tout un groupe enrichi en ce 69ème Festival par la présence de ma petite Lise, plus jeune cinéphile de l’histoire du Festival avec son 1er badge pour ces 6 mois d’une vie si intense et pleine. C’est son sourire qui sera mon premier thème, et celui-ci me tient particulièrement à coeur !

De cinéma, il faut bien en parler avec deux constats sans équivoque. En tout premier lieu, la longueur inusitée des films dont une grande majorité se situe entre 1h50 et 2h15, pour culminer vers les 3h, signe, non-pas d’une accumulation de faits à traduire, mais bien de l’abandon d’une rigueur (conter une histoire) au profit d’une tentation (s’abandonner devant l’objectif). Cela traduit peut-être le poids de plus en plus décisif du « réalisateur soleil » devant les humbles scribes et collaborateurs d’une mécanique si complexe. Un film est l’assemblage de corps de métiers qui partent de la recherche de l’argent, passent par l’écriture du sujet, pour finir à travers le jeu des acteurs, dans les mains des métiers de l’image et du son jusqu’à la table de montage, avant d’être livré en pâture aux intermédiaires de la projection qui lui permettront de se retrouver devant vos yeux !

Quand le coût de la pellicule disparait au profit du tournage numérique et que le dieu réalisateur est aussi à la source de l’histoire et de son développement, cela peut donner ce manque de recul, cette absence de rigueur, cette complaisance qui fait que la plupart s’étirent interminablement. Crise d’égo et absence de recul ?

On en a un exemple parfait avec l’encensé Toni Erdman de Maren Ade (qui co-signe le scénario), un film de 2h42 dont 1h de trop, inutilement redondant, facilité sans intérêt et cassant l’apport ironique et onirique, la qualité dramatique du film bien réelle ! Comment ne pas se trouver lassé de ce temps qui s’écoule si inutilement et condamne le film à errer dans les limbes d’une nonchalance en opposition de plus en plus radicale avec la vie intense qui attend le spectateur au sortir de la salle ?

Cet exemple d’un film qui s’essouffle par la longueur alors qu’il aurait pu être excellent, on le retrouve aussi dans les 1h58 de L’exilé, film russe de Serebrennikov sur le thème crucial de l’intégrisme religieux d’un adolescent, version catholique orthodoxe. Le film passionnant pêche malgré tout par des longueurs verbeuses même si l’actualité du propos (la radicalisation religieuse débouchant sur le terrorisme et la mort) porte la réalisation vers une tension et une frénésie bien en adéquation avec le sujet.

Le deuxième constat portent sur le thème émergeant… en l’occurrence deux thèmes qui s’opposent frontalement en cette première moitié du Festival. Le premier est celui du cannibalisme et des vampires… 4 réalisations allant du meilleur (Grave, Julia Ducourneau/ Semaine de la Critique), un petit film admirablement joué, inquiétant et ancré dans le monde d’aujourd’hui (bizutage, végétarisme, sexualité) au pire du pire, l’insoutenable Ma Loute avec un Lucchini ridicule et des acteurs perdus dans ce gros machin que Dumont a fantasmé une nuit de beuverie. Ce qui passait dans l’humble Petit Quinquin s’échoue misérablement sur le grand écran d’une distribution sans appel au service de cannibales cht’i ! N’est pas la famille Groseille qui veut !

Le deuxième thème qui semble s’imposer, est celui de la « paternité » sous toutes ses formes et dans ses terribles difficultés. Le vieux père en recherche d’accord avec sa grande fille dans Toni Erdman, le jeune chien fou de Rester Vertical de Alain Guirodie qui échoue à renouveler le sombre Inconnu du lac et se vautre dans des errances sans intérêt au delà d’une provocation vide d’un nouveau père dans sa sodomie « euthanasiante » !

A noter le petit bijou d’une comédie qui ouvrit Ecran Junior C’est quoi cette famille ? réalisé par Gabriel Julien-Laferrière avec Julie Gayet et une pléiade d’acteurs qui inverse le propos et voit les enfants d’une fratrie composite se révolter et imposer leurs règles aux parents désemparés. Réjouissant bol d’air loin de tout cannibalisme et de prises de tête !

Mais il reste les grands films, ceux qui donnent la certitude que le monde est différent quand on sort de la salle, ceux qui permettent de mieux comprendre les autres, et de mieux se comprendre soi-même !

C’est le cas du vétéran anglais Ken Loach qui avec I, Daniel Blake, inscrit une nouvelle page dans la dénonciation des ravages du libéralisme anglais, la privatisation des services sociaux et le mépris de l’individu quand l’individualisme se fond dans le conformisme. Un ouvrier atteint d’une attaque cardiaque est privé de sa pension et se retrouve dans l’obligation Kafkaïenne de chercher un travail qu’il ne peut accepter ! Et pourtant, il va rester humain et tendre la main à ceux qui ont encore moins que rien ! Magique Loach au regard si plein de tendresse et à l’énergie sans cesse renouvelée pour dénoncer les tares d’un système économique et politique qui asservit l’être humain ! Les années passent sur lui sans entamer ni la lucidité de son regard, ni la tendresse qu’il a pour les gens, et toute son expérience est au service d’une cause humaniste qu’il filme avec maestria !

Deux films étranges pour finir. The Dressmaker de Jocelyne Moorhouse (Cinéma des Antipodes) avec la réjouissante Kate Winslet en vengeresse non-masquée d’un passé qu’il fallait solder par le feu. Petite ville du bush dans les années 50, la « couturière » débarque afin de régler ses comptes et fera exploser tous les secrets enfouis dans le pouvoir des hommes et la soumission des femmes !

Agassi de Park Chan Wook (compétition/Corée du Sud) est sans aucun doute l’un des films les mieux construits, filmés, interprétés de cette première moitié du festival. Une première partie d’une heure dévoile une histoire, une deuxième partie rectifie cette histoire dans un regard divergent, une troisième actualise et termine l’histoire avec au passage, la mort des méchants, la victoire des faibles et une sublime histoire d’amour entre une Thelma et une Louise amoureuses et complices ! C’est du cinéma de grand art, entre esthétisme et surréalisme, sensualité et dévotion aux mots, du grand cinéma que l’on retrouvera dans le palmarès, il fait nul doute !

Voilà, l’aventure continue, les films s’enchainent… Un autre projection de 2h42 (sic) Américan Honey m’attend dans quelques minutes. Y retrouvera-t-on quelques cannibales/vampires ou des parents angoissés devant leurs enfants ? Suite au prochain article !

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Cinéma des années 70

Publié le par Bernard Oheix

Voici donc la fin de cet article sur le cinéma des années 70...Une période passionnante où tout semblait possible. Cet essai s'inscrit dans une démarche "Cinéphile", adaptation d'un jeu en Livre-jeu...

Véritable plaisir de replonger dans ces années dorées, celle de ma jeunesse et de la maturation d'une passion pour le 7ème Art qui ne me quittera jamais !

En France, cette décennie voit l’apparition d’un véritable prix pour les professionnels du cinéma. Il existait bien depuis 1934 un Grand prix du cinéma français, ou les Etoiles de cristal décernées depuis 1955 ou même les Victoires du cinéma Français dans les années 50 mais aucune de ces distinctions n’avait percé auprès du grand public. Georges Cravenne eut l’intuition de ce manque et réussit à imposer les Césars comme le pendant Français des Oscars. Une compression du sculpteur César comme trophée, 13 césars attribués chaque année (à l’origine, meilleur film, réalisateur, acteur et actrice, seconds rôles, techniques), une remise médiatisée avec retransmission à la télévision en direct, les grands noms du cinéma au service du palmarès (Jean Gabin officia comme président de la première cérémonie quelques mois avant sa mort) et le 3 avril 1976, les Césars s’imposaient définitivement comme le chaînon manquant entre le cinéma américain et une des plus importantes cinématographies de l’Europe et du reste du monde.

Pour mémoire, voici le palmarès de la première édition :

1) César meilleure actrice : Romy Schneider dans L’important c’est d’aimer

2) César du meilleur acteur : Philippe Noiret dans Le vieux Fusil

3) César actrice second rôle : Marie France Pisier dans Cousin, cousine et Souvenirs d’en France

4) César acteur second rôle : Jean Rochefort dans Que la fête commence

5) César meilleur scénario Bertrand Tavernier et Jean Aurenche pour Que la Fête commence

6) César meilleure musique écrite pour un film : Francois de Roubaix pour Le vieux fusil (à titre posthume)

7) César du meilleur son : Nara Kollery et Luc Perini pour Black moon

8) César de la meilleure photographie : Sven Nykvist pour Black moon

9) César du meilleur montage : Geneviève Winding pour 7 morts sur ordonnance

10) César du meilleur réalisateur : Bertrand Tavernier pour Que la fête commence (devant Truffaut, Enrico et Rappeneau)

11) César du meilleur film : Le vieux fusil de Robert Enrico

12) César du meilleur film étranger : Parfum de femmes de Dino Risi

13) César d’Honneur : Diana Ross et Ingrid Bergman

Il faut bien avouer que ce cinéma français à le vent en poupe et que c’est aussi grâce à un système de production qui n’a pas d’équivalent qu’il peut afficher son dynamisme. Un Centre national de la cinématographie, une taxe sur chaque billet permettant d’aider à la production, des « avances sur recettes », des aides à l’écriture de scénario, des écoles de grandes qualité qui forment de nouvelles générations, des acteurs qui rayonnent largement au delà de nos frontières… même si tout n’est pas parfait, il y a bien là une véritable « exception culturelle » qui permet à notre cinéma de résister à la crise qui a ravagé le cinéma Italien ou Japonais par exemple.

On pensait que cette décennie serait déstabilisée par l’impact de la Nouvelle Vague et sa prise du pouvoir et par le choc de mai 68. Mais la réalité fut tout autre. La révolution esthétique des frondeurs fut digérée par les producteurs et metteurs en scène. Des mousquetaires qui éperonnèrent « une certaine tendance du cinéma Français » constitués de Godard, Truffaut, Rivette, Chabrol, Resnais, Demy et beaucoup d’autres, il fait nul doute que c’est François Truffaut et Claude Chabrol qui concilièrent le mieux leur statut de critique du cinéma et l’appropriation des mécanismes de production avec un 11 films pour l’un et 15 pour l’autre auxquels il faudrait rajouter 13 fictions pour la télévision, réalisés de 1970 à 1980.

Pour François Truffaut, cette série commence avec L’Enfant sauvage (1970) et Domicile conjugal (1970),(du cycle d’Antoine Doisnel avec Jean Pierre Léaud). On y trouve un chef d’oeuvre de réflexions sur le cinéma en abîme avec La Nuit américaine (1973), Oscar du meilleur film étranger, L’Histoire d’Adèle H (1975) avec Isabelle Adjani, L’homme qui aimait les femmes (1977) avec Charles Denner, la même année où il a un rôle dans le film de Spielberg Rencontres du III type, une période d’ activité intense débouchant sur son chef d’oeuvre Le Dernier métro (1980) (César du meilleur film et du meilleur réalisateur).

Claude Chabrol ouvre avec Le Boucher (1970) avec Jean Yanne et Stephane Audran, sa muse. A raison d’une ou deux réalisations par année, il va explorer ce monde des petites gens, de la bourgeoisie bien pensante, qui sera son fond de commerce. La rupture (1970), Docteur Popaul (1972), Une partie de plaisir (1975) Violette Nozière (1978), il enchaîne les films avec parfois une certaine nonchalance dans la finition, bon vivant brassant toujours de nouvelles idées au détriment d’un certain gout de la finition. Cela donne des oeuvres parfois lumineuses et habitées, quelquefois légèrement bâclées. Son box office est à l’image de sa façon de travailler, des succès majeurs comme Docteur Popaul (2 millions d’entrées) ou comme Le Boucher, Violette Nozière culminant à plus d’un millions d’entrées.

Jean Luc Godard produit des films d’une extrême radicalité et il faudra attendre 1979 avec Sauve qui peut (la vie) avec Isabelle Huppert, Jacques Dutronc et Nathalie Baye pour qu’il revienne à un cinéma plus abordable en réintégrant le système de production commercial.

Jacques Rivette réalise des chefs d’oeuvres plus confidentiels par leur sophistication esthétique, Out one 1 et 2, (1971 et 1972) Céline et Julie vont en bateau (1974), Duelle (1976).

Jean Eustache obtiendra une consécration avec La Maman et la putain (1973) Grand prix spécial du jury au Festival de Cannes.

Eric Rohmer est inimitable. Il achève son cycle des Contes Moraux avec Le genou de Claire (1970) et L’Amour l’après midi (1972) avant de produire deux oeuvres atypiques, La marquise d’O… (1976) et Perceval le Gallois (1978) Prix Méliès.

Alain Resnais tourne peu. Après l’expérience de L’an 01, il réalisera un de ses films les plus puissants en 1977, Providence (1977), remportant 7 Césars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Jacques Demy ouvre les années 70 avec Peau d’Ane (1970) et Le Joueur de flûte (1972) pour ne tourner que deux autres films L’Evènement le plus important…. (1973) et Lady Oscar (1978) au succès d’estime.

En France, 3 genres règnent en maître : la comédie, l’étude de moeurs et le policier.

En ce qui concerne la comédie, elle se subdivise en deux catégories. Dans le premier registre dit « traditionnel », Gérard Oury et son complice Louis de Funès vont produire deux films cultes, La folie des grandeurs (1971) avec Yves Montand (« -Il est l’or monseignor ! ») et Les aventures de Rabbi Jacob (1973) qui, sur un sujet que l’on aurait du mal à traiter en cette heure d’intolérance et de tabous généralisés, deviendra un film culte pour toutes les générations qui se succèderont. Yves Robert avec Jean Rochefort, Claude Brasseur et Guy Bedos réalisera Un éléphant ça trompe énormément (1976) et sa suite Nous irons tous au paradis (1977) qui auront un succès populaire incroyable. Jean Paul Belmondo fait du Belmondo dans Le Magnifique (1973) dirigé par Philippe De Brocca.

Dans l‘autre tendance de la comédie, on voit débarquer une nouvelle génération d’acteurs, issus pour la plupart de l’aventure du café théâtre. Les Valseuses (1974) imposent Bertrand Blier derrière la caméra et un trio qui deviendra légendaire devant, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou Miou avant Buffet froid (1979) à l’univers totalement décalé.

Patrice Leconte propulse dans un club Med, Gérard Jugnot, Marie Anne Chazel, Michel Blanc, Christian Clavier et Thierry Lhermitte, tous issus du « Splendid » dans les populaires Les Bronzés (1978) et Les Bronzés font du ski (1979).

Dans la comédie de moeurs à la Française, Claude Sautet est un maître. Les Choses de la vie (1970) Max et les ferrailleurs (1971) César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul et les autres (1975) sont les archétypes de ce genre à part entière qui se fonde sur des histoires de la vie réelle de représentants des classes moyennes et sur l’excellence du jeu d’acteurs des Yves Montand, Michel Piccoli, Romy Schneider, Bernard Fresson, Stephane Audran, François Périer, Samy Frey…

Enfin, le polar à la Française où s’illustrent Jean Pierre Melville en fin de carrière, il décédera en 1973, mais qui signe un sublime Le cercle rouge (1970) avant l’échec d’Un flic. José Giovanni après Dernier Domicile connu (1970) réunit Gabin et Delon pour Deux hommes dans la ville (1973). Pierre Granier Deferre avec Adieu Poulet (1975), I comme Icarre (1979) de Henri Verneuil, Série Noire (1979) de Alain Corneau, Yves Boisset avec Le juge fayard dit le shérif (1977).

Tous les grands acteurs, Lino Ventura, Alain Delon, Yves Montand, Jean Gabin sont convoqués à cette messe noire mais celui qui sera vraiment le symbole de cette décennie est Patrick Dewaere, acteur torturé et mimétique qui se suicidera au début des années 80.

Reste alors les films inclassables qui seront pour la plupart des succès au box-office et recevront de nombreux César : Le Vieux Fusil (1975) de Robert Enrico,, Que la fête commence (1975) de Bertrand Tavernier, Le Sauvage de Jean Paul Rappeneau (1975), La Meilleure façon de marcher(1976) de Claude Miller, et un nouveau réalisateur venu de la pub, Jean Jacques Annaud qui obtient l’Oscar du film étranger pour sa première réalisation, La Victoire en chantant (1976) et poursuit avec Coup de tête (1979) avec un Patrick Dewaere déchirant.

Et l’on ne peut passer sous silence Emmanuelle le porno-soft qui déboule sur les grands écrans avec Sylvia Kristel dénudée érotiquement devant Alain Cuny pour 9 millions de spectateurs français et 45 millions dans le monde sous l’oeil d’un réalisateur dont ce sera le seul titre de gloire, Just Jaeckin.

Mais ce panorama du cinéma mondial ne serait pas complet sans les centaines de productions de films Bollywood de l’Inde et ses répliquants Egyptiens, films de grande consommation que des millions de spectateurs visionnent mais hors des circuits de la cinéphilie. Il reste toujours un grand absent dans ce concert des nations pour le 7ème Art, c’est le continent Africain, malgré le coup de tonnerre de la Palme d’Or à Cannes en 1975 pour Mohammed Lakdar-Hamina avec Chronique des années de braise. Le cinéma asiatique ne sera reconnu vraiment que dans la décennie qui suivra et l’Empire Soviétique est étrangement atone, entre les documentaires et les films à la gloire de la guerre de libération de l’URSS. Andreï Tarkovski tourne difficilement Solaris (1972) puis le Miroir en 1975 en butte à la censure avant de décider d’émigrer pour continuer à tourner. En Pologne, Andrzej Wajda entame une série de films passionnant dans un pays que les idéaux de solidarnosc vont écarter de la voie officielle. Paysage après la bataille et Le bois de Bouleaux (1970) annoncent déjà L’homme de marbre (1977) et L’homme de fer (1981) qui obtiendra la Palme d’Or à Cannes.

Le Sud de l’Amérique a vu la vague du Cinéma Novo s’éteindre. Les dernières oeuvres du « Cinema Novo » ouvrent la décade. Antonio Das Mortes de Glauber Rocha et Macunaïma de Joaquim Pedro de Andrade sonnent le glas de cette « école » qui va puiser dans les légendes et les mythes de la culture du Brésil, la richesse d’un matériau filmique dévoilant la misère et la violence d’une société. Films « néo-surréalistes », ces oeuvres avaient particulièrement frappé l’attention du public cinéphile, renvoyant à cette image d’une Amérique du Sud plongée dans les affrontements du sous-développement et aspirant à émerger dans le concert des nations modernes. Le Brésil du Foot et l’Argentine du Tango contre les luttes des propriétaires terriens dans le « sertao » désertique où les affrontements des descendants indiens sur les contreforts des Andes.

Mais les années 1980 s’annoncent et le monde va encore subir des convulsions dont le cinéma tentera de rendre compte. L’écran s’illumine encore et toujours pour donner un sens à la vie et mieux comprendre le monde alentour.

Voilà donc pour ces années 70 un chapitre terminé... Il y en aura d'autres tant le cinéma est un compagnon de route qui, une fois invité, ne peut plus nous quitter ! Derrière l'image fuyante, il y a toute la réalité d'un monde en train de se réaliser, sans décors et sans artifices... et l'un renvoie à l'autre en un couple indissociable ! Le Cinéma, c'est la vie !

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Une histoire du Cinéma des années 70

Publié le par Bernard Oheix

Voici donc la suite, interrompue par les inondations, du texte sur le cinéma des années 70 conçue pour Le Cinéphile dans une formule dérivée de Livre-Jeu. Avec mes complices, Luc Michel Tolédano, Patrick Coulomb et Julien Oheix, nous tentons une adaptation du jeu que nous avons créé dans une formule qui permet à la fois de découvrir le contexte dans lequel les réalisateurs oeuvrent et les films phares qui ont marqué chaque décennies.

Les films de cette année 71 qui marqueront sont Les Diables de Ken Russel, Orange Mécanique de Stanley Kubrick et Les Chiens de paille de Sam Peckinpah.

Ken Russel est un des réalisateurs phares de cette école anglaise et cette décennie le verra produire Music Lovers, un biopic halluciné sur Tchaïkovski, Malher, Tommy et Liztomania. Dans Les Diables il crée un univers baroque dans une chasse aux sorcières dont le prêtre Urbain Grandier sera la victime. Les délires sexuels des bonnes soeurs permettront au pouvoir politique de l’abattre dans une parodie de procès et de le brûler en place publique. Il est au zénith de son art flamboyant, multiplie les provocations et le politiquement incorrect avec la volonté de heurter et d’envouter le spectateur.

Orange Mécanique est un ovni succédant à 2001 Odyssée de l’Espace. Alex, campé par Malcom MacDowel au charme vénéneux, est un adepte de l’ultra-violence, chef de bande des « droogies » qui sèment la mort sur leur passage. Les scènes insoutenables des meurtres feront largement polémique. Son arrestation et sa rééducation ouvrent tout autant un chapitre fielleux sur la rédemption et la violence des institutions. C’est une satire de la société moderne à plusieurs entrées où le message apparent n’est pas toujours le plus évident. L’utilisation de la musique classique (La 9ème symphonie Beethoven) en contrepoint fit fureur auprès de tous les jeunes redécouvrant les charmes de la musique classique.

Les Chiens de Paille de Sam Peckinpah avec Dustin Hoffman provoqua aussi la controverse. Une longue scène ambiguë de viol où la victime semble prendre du plaisir, un couple qui plonge dans l’autodéfense barbare et se venge, célébration perverse, le film fut accueillit par une polémique qui enflamma le public.

On peut dans cette veine ultra-violente, rajouter Délivrance de John Boorman en 1972, descente de rapides en canoë dans la nature sauvage d’un groupe de randonneurs confrontés à la bestialité d’autochtones. Le même réalisateur enchaînera l’année d’après avec Zardoz, une oeuvre de science fiction majeure.

Ainsi donc, c’est sous le signe de la plus grande des violences émergeant de situations quotidiennes que commencent ces années 70. Elles s’achèveront en 78 et 79 par deux films encore plus paroxystiques mais cette fois-ci sur le thème de la guerre du Viet-Nam. Voyage au Bout de l’Enfer de Michael Cimino et Apocalypse Now de Francis Ford Coppola.

Michael Cimino récompensé de 5 oscars, dans une distribution éblouissante (De Niro, Christopher Walken, John Savage, John Cazale, Meryl Strep) n’est pas un film sur la guerre mais sur ses conséquences sur les individus et leur incapacité à en sortir indemne. Des américains moyens plongent dans l’atrocité de la guerre et observent la lente agonie de leur humanité. Le personnage de John Cazale, drogué et jouant sa vie à la roulette russe, est fascinant et démontre à l’évidence l’incapacité de se réadapter à un monde normal pour ceux qui ont côtoyé l’enfer.

Apocalypse Now de Francis Ford Coppola est l’oeuvre « mégalomaniaque » d’un réalisateur qui fut aspiré par son sujet. Les conditions de tournage particulièrement dures s’étirant sur 238 jours, un typhon qui détruit tous les décors, l’explosion du budget (de 17 à 30 millions de dollars), le changement d’acteurs… seul le succès pouvait remettre en selle un réalisateur qui s’était même engagé sur sa fortune personnelle. La Palme d’Or du Festival de Cannes et un box-office incroyable vint récompenser un Francis Ford Coppola exsangue. Dans ce véritable opéra sanglant, des scènes ou la violence et l’absurdité se partagent à part égale, dénoncent le processus du pourrissement d’une société plongée dans l’horreur. Le Napalm, la partie de surf, l’attaque des hélicoptères sur la Chevauchée des Walkyries de Wagner, des scènes cultes que tout cinéphile ne peut que regarder avec une fascination morbide. Marion Brando en chef de guerre déshumanisé, fait un retour flamboyant devant les écrans.

C’est une façon d’achever cette décennie d’une richesse filmique incroyable, le chant crépusculaire d’un monde où l’homme a forgé son destin dans l’acier et la violence et qui ne laisse que des décombres autour de lui !

C’est d’Allemagne que vient le printemps d’un cinéma d’auteurs qui déferlera sur la planète du 7ème Art. En 1972, Werner Herzog propulse un acteur de série B dans un rôle qui va l’immortaliser, Klaus Kinski devient Aguirre, La colère des Dieux, un conquistador perdu dans ses rêves d’Eldorado. En 1975, un peu avant de d’obtenir la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1979 avec Le Tambour (ex-aequo avec Apocalypse Now !), Volker Schlöndorf et Margarethe Von Trotta proposent L’Honneur perdu de Katarina Blum tiré d’un roman de Heinrich Böll. A partir d’un fait divers, une femme tombe amoureuse d’un homme sans savoir qu’il est un criminel recherché par la police, les réalisateurs dénoncent les abus de la presse et la répression policière consécutive aux actes de la Bande à Baader.

En 1977, Wim Wenders propose L’ami Américain tiré de deux romans de Patricia Highsmith avec Tom Ripley comme héros. Un restaurateur d’oeuvres d’art atteint de leucémie accepte un « contrat » pour mettre à l’abri sa famille, mais tout va se compliquer… C’est le premier grand succès d’un réalisateur que les cinéphiles connaissaient bien grâce à L’angoisse du Gardien de but… et à Au fil du temps, un superbe road movie avec Bruno Ganz.

L’Allemagne en Automne, en 1978, est un drame documentaire réalisé par un collectif où l’on retrouve la plupart des jeunes réalisateurs dont Alexander Kluge.

Enfin en 1979, Raïner Werner Fassbinder propose Le mariage de Maria Braun, son 18ème film depuis 1970, auxquels il faut rajouter 15 films pour la télévision et 6 pièces de théâtre. 10 années de frénésie productive qui s’achèveront en 1982 par une rupture d’anévrisme. C’est l’un des personnages importants de cette école Allemande des années 70 qui révolutionnera le cinéma mondial. A partir des années 80, nombre de ses réalisateurs émigreront vers l’eldorado du cinéma, Hollywood, réitérant ce qui s’était déjà déroulé dans les années 30 !

En effet, l’Allemagne avait déjà connu un âge d’or qui précéda la montée du nazisme, celui de l’expressionnisme représenté par Fritz Lang, Friedrich Wilhem Murnau, Robert Wiene mais aussi Paul Leni, Wilhelm Dieterle… Le Cinéma Germanique avait ses lettres de noblesse, la parenthèse du nazisme et de la reconstruction du pays après la guerre achevée, les réalisateurs retrouvèrent alors leur place dans le concert des grandes nations du cinéma dans les années 70 !

En Italie, après le foisonnement de l’après guerre et du néo-réalisme, les années 70 furent celles des contrastes. Cette décennie commença par un chapelet de disparitions, chacune voyant s’effacer des pages entières de la mémoire du cinéma : Vittorio De Sica et Pietro Germi en 74, Pier Paolo Pasolini en 75, Lucchino Visconti en 78, Rossellini en 77.

Dans le même mouvement, la télévision « Berlusconnienne » entama un travail de décapitation de la production des films et des comportements des spectateurs. Dans un pays où les structures d’encouragements et de stabilité du cinéma n’existaient point, l’irruption des télévisions (76 chaînes commerciales naissent) démembra le réseau de diffusion en quelques années. Il est surprenant de voir se concentrer sur le début des années 70 les derniers succès internationaux avant que le cinéma des grands auteurs ne cachent le vide sidéral qui succédera à la production italienne. Il faudra 25 ans à l’Italie pour retrouver un semblant de lustre !

Même si Michélangelo Antonioni signe deux chefs d’oeuvre Zabriskie Point (1970) sur une musique des Pink Floyd et Profession : Reporter (1975) avec Jack Nicholson et si en ce début de la décennie, Bertolucci réalise ses deux oeuvres magistrales, La Stratégie de l’Araignée (1970) sur une nouvelle de Borgès, et Le conformiste (1971) avec Jean Louis Trintignant, deux films en équilibre entre la force incroyable du scénario et l’esthétique fascinante d’une mise en forme collant à l’émotion. Il obtiendra la consécration internationale en 1972 avec Le dernier Tango à Paris et un Marlon Brando transfiguré et Novecento (75) à la distribution flamboyante (De Niro, Depardieu, Burt Lancaster, Donald Sutherland, Laura Betti et Stefania Sandrelli…). Il y a aussi Sergio Leone qui avec Il était une fois la révolution (1970) entame sa mutation en se détachant du western-spaghetti qui a fait sa fortune.

Elio Petri réalise Enquête sur un citoyen… (1970) et La Classe ouvrière va au Paradis (1972) Palme d’Or au Festival de Cannes ex-aequo avec Francesco Rosi pour L’Affaire Mattei. Pier Paolo Pasolini entame une trilogie « élégiaque » en 71 avec Le Décaméron et poursuit avec Les Contes de Canterbury (72), Les Mille et unes Nuits (74) pour terminer par un prémonitoire Salo (75) avant de mourir assassiné sur une plage d’Ostie !

Fellini produit Roma (1972), Amarcord (73) et Casanova (76) et Visconti, Mort à Venise (71) Ludwig ou le Crépuscule des Dieux (73) et Violence et Passion (74).

La comédie italienne est florissante, Drame de la jalousie (70) et Nous nous sommes tant aimés (74) de Ettore Scola avant Affreux, Sales et Méchants (76), L’argent de la Vieille par Comencini en 72, Mes Chers Amis en 75 pour Monicelli, un extraordinaire Pain et Chocolat (1973) pour Franco Brusati,avec une scène d’anthologie où un italien déguisé en Suisse craque devant l’équipe de la « nazionale » de foot ! Enfin, il reste toujours un Dino Risi avec Parfum de femme (1975) et Les Nouveaux monstres (1978) pour magnifier ce genre si particulier de la comédie Italienne héritière des traditions.

En ces années de feu, rien ne semblait pouvoir arrêter le cinéma Italien… si ce n’est lui-même ! Le chant du cygne viendra avec Padre, Padrone et L’Arbre aux sabots des frères Taviani, Palme d’Or du Festival de Cannes en 1977 et 1978 et ultimes récompenses du cinéma Italien avant 2001 et La Chambre du fils de Nanni Moretti. Le côté obscur de l’économie du cinéma démantèlera alors pour de longues années ce qui semblait gravé dans le marbre. La fin des années 70 annonce un long crépuscule pour ce qui apparaissait comme une cinématographie riche, engagée, réflexive et dont l’audace formelle n’avait pas de limite !

Du côté du Japon, autre place forte de la cinéphilie en crise, Akira Kurosawa, après une tentative de suicide en 1971, renait avec Dersou Ouzala (1975), produit par la très soviétique Mosfilm, Oscar du film étranger, mais il faudra attendre la fin de cette décennie pour que les américains George Lucas et Francis Ford Coppola, fans de Kurosawa, lui permettent de réaliser le somptueux Kagemusha, Palme d’Or au Festival de Cannes en 1980. Nagisa Oshima, à la demande d’un producteur Français (Anatole Dauman) se lance dans la réalisation de l’histoire véridique d’une prostituée : L’Empire des Sens (1976) et L’empire de la Passion (1978) qui feront scandale mais seront des succès commerciaux à l’international.

le Suédois Ingmar Bergman de Cris et chuchotements (1972) et de Scènes de la vie conjugale (1973) à L’oeuf du serpent (1978) et Sonate d’automne (1978) continue d’explorer l’âme humaine et les relations complexes entres les individus dans une Suède où le feu couve sous la glace d’un froid polaire.

Le cinéma américain règne sur la planète des rêves. C’est en 1975 que le Festival de Deauville est créé afin de faire la promotion de ses oeuvres et d’assurer le lancement de ses « grosses productions ». Par la suite, en 1995, il intégrera un volet compétition afin de le rendre plus attractif.

Les années 70 verront arriver au pouvoir une nouvelle génération de cinéastes dont les Francis Ford Coppola, Steven Spielberg, George Lucas et Martin Scorsese seront les portes étendards. Leur énergie et leur impact planétaire va profondément transformer le paysage de la production des grands studios. A la différence de leurs aînés, ils vont s’engager durablement dans la production de leurs films et transformer Hollywood. Cette période bénie d’une créativité incroyable correspond aussi à la mutation profonde de la société. La télévision oblige les studios à repenser leur stratégie et à conquérir un nouveau public, moins familial, plus jeune et concerné par les soubresauts d’une société en crise. Les minorités comme les blacks ou les latinos deviennent alors un réservoir de public avec des films intégrant leurs problématiques.

Deux westerns vont éclairer ce début des années 70. Little Big Man est une épopée qui rend aux indiens toute leur humanité. Arthur Penn, avec un regard en miroir sur les cultures des peuples chassés par les blancs, à l’heure de la guerre aux confins du monde (Viet-Nam), renvoie aux errements d’une civilisation balayant les autres en niant leurs différences. Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, porté par Robert Redford inaugure le western écologique et renoue avec les racines d’une vie sauvage dans les rocheuses où l’homme blanc sème le désespoir et la mort.

Francis Ford Coppola avec les Parrains I et II impose une nouvelle génération d’acteurs dans cette épopée mafieuse sulfureuse et romantique. Steven Spielberg offre le colossal succès Des dents de la mer et file vers une Rencontre du IIIème type où François Truffaut (un de ses maîtres) apparait. Scorsese promène dans les rues de New-York, un Taxi driver qui déambule dans les nuits glauques. Georges Lucas renoue avec la BD d’aventures dans la saga de La Guerre des étoiles. Sylvester Stallone impose un boxeur loser en archétype de la reconquête d’une dignité perdue, Rocky au succès phénoménal qui prouve que l’Amérique ne mourra jamais à ceux qui en doutaient.

Tous les genres et tous les secteurs de la vie sont touchés. MASH de Altman sur un hôpital militaire pendant la guerre de Corée, un asile avec Vol au dessus d’un nid de coucous par l’exilé Milos Forman, le quartier chinois de Chinatown (1974) de Roman Polanski, la bourgeoisie cultivée sous les saillies d’un Woody Allen (Annie Hall, Manhattan) en train de s’inventer un style, le policier prêt à tout, L’inspecteur Harry (Don Siegel), French Connection (William Friedkin) Serpico (Sydney Lumet), et bientôt des films sur la corruption et la gangrène de ceux qui sont chargés de maintenir l’ordre. Il y a l’horreur intérieure avec L’exorciste de Friedkin ou extérieure avec des Aliens (Rydley Scott) omniprésents restant sous la menace d’un Massacre à la Tronçonneuse orchestré par Tobe Hooper pour Carrie au bal du Diable (Brian de Palma). On court éperdument sur les traces de Dustin Hoffman dans Marathon Man (John Schlesinger) comme on s’égarait à suivre un Macadam Cowboy toujours campés par le même acteur omniprésent. Alan Parker, lui, narre l’histoire vraie d’un prisonnier des geôles turques dans Midnight express (1978).

Il se dégage de cette pléiade de films portés par une nouvelle génération d’acteurs, une véritable volonté d’inventer de nouvelles façons de toucher le spectateur en cassant le moule de la narration classique, d’agir par le spectaculaire pour découvrir l’infinie petitesse de l’être. On assiste à une perte de repères dans la confrontation entre le bien et de mal et le sexe et à la violence sous-tendent le comportement des individus à la recherche d’un bonheur impossible. Les drogues sont omniprésentes et l’appât du gain un miroir aux alouettes qui ravage les structures sociales et les familles. Enfin, il se dégage une forme de méfiance absolue pour tous ceux qui représentent la loi et l’autorité trop souvent gangrenés par les intérêts particuliers et l’égoïsme.

Dans le prochain texte, je vous présenterai donc le Cinéma Français dans une de ses périodes les plus flamboyantes... A moins qu'une autre catastrophe naturelle m'oblige à reporter ma parution... Mais bon, une inondation suffit largement à mon malheur et j'ai hâte de connaître vos réactions...

Bonne lecture !

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Les années 70 et le cinéma

Publié le par Bernard Oheix

Cet article a été écrit pour illustrer une des séquences d'un livre-jeu que nous sommes en train de concevoir avec Luc Michel Toledano, Patrick Coulomb et Julien Oheix. Il s'agit d'une adaptation du jeu Le Cinéphile que nous avons créé devant déboucher sur une édition prochainement.

Le découpage des fiches jeu en décennie est précédé d'un texte introduisant chaque période, tant sur le plan de l'histoire que du cinéma, dans une volonté de lier à la fois les drames et les joies de chaque moment de notre vie avec les films qui en ont fait le succès.

Il s'agit pour moi d'écrire sur les années 70 et je vous présente ici la première partie de mon texte, le contexte en quelque sorte de ces années si riche cinématographiquement !

La dernière vague du baby-boom (cette génération enfantée avec la paix revenue et l’espoir renaissant) déboule dans ces années 70 avec les rêves d’une génération dorée. Ils ont encore sous leurs yeux la génération de leurs parents, issue de la guerre et de ses ravages, de la privation et de l’horreur d’un monde basculant dans la folie, et peuvent en contempler les stigmates toujours présents une vingtaine d’années après la fin du chaos de la Deuxième guerre mondiale.

Ils ont vu dans la précédente décennie, les biens de consommation faire irruption dans leur vie et transformer leur environnement. Le frigidaire, la voiture, le solex, la machine à laver le linge puis la vaisselle, le téléphone qui abolit les distances et cette toute nouvelle lucarne fascinante, la télévision, qui ouvre leurs yeux au monde de l’ailleurs et dévoile des pans d’une humanité inconnue.

On se déplace encore peu dans ce monde où les frontières et les distances enferment l’individu dans sa région et les seules migrations sont celles héritées des guerres de décolonisation et de la volonté des industriels de trouver des bras à bon marché ! Qui se souvient encore du «plein emploi» de l’Age d’Or et de l’importation massive d’une génération sacrifiée à l’industrie «taylorisée» de la production des biens de consommation dans des chaînes qui aliènent le travailleur et le coupent du produit fini ?

On y vit pourtant bien dans cette France assoupie où les convulsions d’un Mai 68 portées par les jeunes et les étudiants ont créé un électro-choc !

Les années 70 s’ouvrent sur cette montée en puissance d’une jeunesse avide de prendre sa place. La majorité va basculer rapidement de 21 ans à 18 ans sous l’impulsion d’une nouvelle droite plus «moderne» incarnée par Valéry Giscard D’Estaing, les femmes s’imposent comme une force à part entière et militent pour l’appropriation de leurs droits et de leurs corps, obtenant même, contre cette société machiste, le droit à l’avortement en 1974. L’ascenseur social fonctionne à plein, permettant à des enfants des classes moyennes et ouvrières d’accéder à l’Université avec la certitude d’un emploi à la sortie et d’une montée dans l’échelle sociale leur permettant de «dépasser» le niveau de leurs parents.

Tout irait pour le mieux si le premier choc pétrolier de 1973, consécutif à la guerre du Kippour, ne venait lancer un coup de tonnerre, rappelant aux français que le monde extérieur avait son mot à dire dans notre destin national !

Et personne en ce début de décade ne peut imaginer qu’elle sera celle de la fin des utopies. Envolés les élans libertaires d’un mai 68 où tout semblait possible. Choc de la guerre du Kippour, guerre tournée vers l’avenir au contraire des guerres de décolonisation, séquelles d’un passé qu’il faut bien accepter de solder. Lecture de l’Archipel du Goulag de Soljenitsyne qui vient abolir la frontière entre l’idée d’un monde imparfait issu de l’idéologie communiste et ses bourreaux d’un capitalisme conquérant. Même si c’est dans la décennie d’après que le Mur s’écroule, c’est en cette année 74 qu’un livre ravageur dévoile l’atroce vérité d’un monde concentrationnaire érigé sur une philosophie des vertus !

Ces années 70 sont fertiles en événements majeurs. La sécheresse du Sahel, la fin de la guerre du Vietnam par les Etats-Unis contraints de signer les accords de Paris en 1973 pour sortir du bourbier sous la pression d’une jeunesse se révoltant en créant les bases d’une contre-culture où les drogues se développent. Cette même jeunesse se radicalise en Europe avec Les Brigades Rouges en Italie et la Bande à Baader (Fraction Armée Rouge) en Allemagne, tentatives terroristes de basculement de l’Etat.

La Révolution Culturelle de Chine avec un Grand Timonier à la barre sanguinaire d’un pays sous électro-chocs d’une jeunesse avide de casser le moule de « l’ancien » afin de faire ce « nouveau » pays que Mao Tse Toung dessine pour eux. Les luttes de libération en Asie débouchant sur un gigantesque camp d’extermination dont les Kmers Rouges sont les apôtres sanguinaires, le coup d’état au Chili organisé par une CIA imposant une dictature sanglante et les pouvoirs militaires qui investissent l’espace public en Amérique du Sud, les convulsions du continent Africain entre les séquelles des décolonisations douloureuses et un néo-colonialisme qui pille leurs richesses en soutenant des gouvernements fantoches où la prévarication règne en loi d’airain…

Et pour terminer cette « décade prodigieuse », en un mouvement concomitant, l’Iran fait sa révolution et L’URSS envahit l’Afghanistan. Les heures sombres des années 2000 s’annoncent alors… mais personne se s’en rend vraiment compte sur le moment !

Cette jeunesse Française qui ouvre la décennie des années 70 ne sait pas que les Trente Glorieuses, cette période bénie de la reconstruction avec plein-emploi, miracle économique et course aux biens de consommation, est en train de se terminer. Un nouvel ordre se dessine, mondialisé, avec l’émergence de l’Asie dont les règles se formateront dans les soubresauts de l’agonie des économies industrielles européennes traditionnelles. Le monde est en train de changer…

Pourtant, cette jeunesse reste insouciante, gorgée de passions, est avide d’une culture qui se démocratise, des revues de musique qui naissent, un espace réel qui s’ouvre à leurs désirs. Le rock et les revues de musique comme vecteur de leurs aspirations, Johnny qui perdure et les Beatles qui se sont séparés, les Pink Floyd qui percent le « mur » de l’oppression. La scène musicale toute neuve s’ouvre au jeune public qui a désormais les moyens de consommer, d’écouter des vinyles, de voir des vedettes dans des Festivals ou des salles spécialement construites adaptées à cette passion électrique…La fin de l’utopie aussi avec les « punks » qui se radicalisent contre un rock populaire trop institutionnalisé à leurs yeux. C’est bien dans ces années que l’on bascule de l’optimisme béat initial au pessimisme d’un monde trop imparfait qui nous guette !

Le cinéma a fait sa grande révolution formelle dans les années soixante, cassant un système de production figé grâce aux progrès de la technique, inventant un langage moins académique et collant à la réalité d’un monde en mouvement ! Le cinéma de papa agonise dans l’académisme des productions classiques. D’ailleurs, le cinéma populaire, la sortie en famille, la notion de films « détente », tout cela explose pour répondre à la soif d’une nouvelle catégorie de spectateurs dont les jeunes sont le pilier et qui revendique que le 7ème Art soit celui de l’intelligence et de l’émotion, du reflet d’une réalité et de l’interprétation d’un présent que l’on peine à décrypter.

Ils se sont formés à la « cinéphilie » dans les nombreux ciné-clubs qui pullulaient, à coups de débats énergiques, de réflexions sur le fond et la forme, esthétique revendiquée devant renvoyer aux problèmes d’un monde qui perçait alentour. La pellicule en 16mm autorisait la diffusion la plus large, dans tous les recoins du territoire, des oeuvres plus confidentielles trouvant un public que les réseaux de salles ne lui offrait pas forcément. Une salle de classe, l’arrière cour d’un restaurant, une place dans un camping, un « drive in »… tout pouvait concourir à la diffusion d’un film brésilien ou japonais qui n’aurait jamais trouvé sa place dans le réseau traditionnel commercial !

Dans ces années 70, les revues de cinéma foisonnent et sont des forums de discussions acharnées. Les Cahiers du Cinéma comme une institution dispensant la « loi », Positif en opposant stratégique, Ecran et Cinéma 70 comme la vulgarisation intelligente du 7ème Art, Image et Son, Jeune Cinéma, émanations des fédérations de ciné-clubs. Chaque mois, des milliers d’exemplaires se retrouvent sur le marché, une génération de critiques naissant grâce à l’extraordinaire appel d’air de toutes ces revues qui luttent afin de s’imposer.

Voilà, la semaine prochaine je vous présenterai la deuxième partie, celle sur le cinéma et les films. Vos remarques sont les bienvenues, n'hésitez pas à me faire part de vos impressions !

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