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histoires vraies

La Battistinade

Publié le par Bernard Oheix

 

En attendant un article sur le Canto General de Mikis Theodarakis et Pablo Neruda et sur mon expérience de comédien (je joue un drôle de rôle dans une pièce de Grinberg, Linge Sale, mis en scène par Régis Braun), la dernière pièce de ma carrière de Directeur de l'Evènementiel qui sera programmée le 20 avril à Cannes et le 21 à  Nice...

Un discours anniversaire pour les 45 ans d'Hervé Battistini, collaborateur fidèle, régisseur dans mon équipe. Un homme que j'apprécie tout particulièrement et dont je sais la fidélité et les compétences. Je ne pouvais laisser passer son 45ème anniversaire, il y a des traditions dans notre équipe ! 

 

 

La Battistinade.

 

Cette figure très complexe s’exécute de la manière suivante :

1)      Bomber le torse en relevant légèrement les épaules

2)      pivoter d’un quart de tour de la gauche vers la droite en haussant l’avant-bras

3)      amener le biceps au niveau des lèvres

4)      déposer un baiser légèrement mouillé en gonflant le muscle

5)      relever la tête et toiser l’environnement d’un air farouche, du style, « -vous avez vu, je ne m’en laisse pas compter ! »

Seuls les grands et authentiques mégalomanes peuvent réussir cette figure très particulière dont on peut dire qu’Hervé Battistini fut l’inventeur, à la fin du siècle dernier. En effet, c’est après un concert des Nuits Musicales du Suquet, dans la joie et la passion d’une soirée sans faute de la régie technique qu’il inventa cette chorégraphie devant Angéla, une jeune vendeuse de programmes,  et un voiturier nommé Julien par ailleurs fille et fils du Directeur. Dans l’euphorie générale, personne ne pensa à noter la sophistication extrême de cet enchaînement. Pourtant, dans la semaine qui suivit, Julien toutes les nuits rêva de ce magnifique geste et un matin, au lever, il retrouva comme par magie l’essence même de cet art nouveau, de cette somptueuse gymnastique qui allait révolutionner l’art de s’autocongratuler !

Car, il faut bien le dire, Hervé Battistini ne fut pas toujours en mesure de s’infliger une telle récompense. On se souvient de ses débuts balbutiant à  la Direction de l’Evénementiel peuplée de jeunes filles en fleurs avec des seins superbes, lui, issu du moule masculin de la Gendarmerie Nationale, échoué au service du gardiennage des portes ouvertes du Palais des Festivals et des Congrès où il vivotait, récupéré in extrémis par le Directeur de l’époque qui avait pressenti l’authentique potentiel de ce grand dadais un peu raide, mais se posait la question de sa capacité d’exploitation d’ un talent brut englué dans une gangue forgée au fil des années d’exécution d’ordres absurdes et vains pour tenter de maintenir la paix et rétablir le calme dans une société ballottée et perturbée par des années de Sarkosyte aiguës !

Hervé, à l’époque, menait une vie quelque peu dissolue, dansant la salsa sur tous les planchers de Cannes et de ses environs, en traquant avec son pistolet magique les plus belles métisses qui succombaient toutes à son charme et à son portefeuille de petit blanc possédant des papiers authentiques et de surcroît, célibataire… un rêve pour certaines, une proie pour toutes ! Il en a passé ainsi des nuits blanches dans les ambiances lourdes chargées de Cuba libre et de sueur d’aisselles avec au matin les yeux dans les poches et les muscles gourds !

Les premières années furent éprouvantes. Il se souvient (et nous aussi, encore après tant de temps !) d’une régie particulière où un chanteur belge fuit dans la nuit plutôt que de monter sur scène et  de jouer sur le plateau qu’il avait aménagé avec  tant d’amour et de sa traque désespérée dans les rues noires alentours du Noga-Hilton des musiciens éméchés d’Arno ! Las ! Le punk de Bruxelles resta dans l’ombre et son concert avorté, comme le témoignage d’un apprentissage au forceps d’une technique rétive et de codes sanguinaires afin que le spectacle vive !

Il se souvient également de ses premiers balbutiements à la régie générale du Festival International des Jeux, de sa tendance à gonfler, non seulement les biceps, mais aussi le budget du nombre de techniciens, avec le secret espoir d’arriver à l’équité, un technicien pour un chaise et une table, un technicien par personne entrant dans le Festival… avec lui en Général en chef annonçant les figures imposées comme un juge aux Jeux Olympiques de patinage !

On se souvient toujours d’un Hervé Battistini pour qui une brise marine déclinante était un risque majeur climatique et une tornade venant du fond de l’océan, ou une ondée à 2heures du matin, un lundi, un ouragan potentiel sur la soirée concert du mercredi !

Mais derrière ces tentatives toujours sincères pour assurer sa mission envers et contre tout, la belle Sandrine vint mettre un peu d’ordre. Lui donnant au passage, l’authentique fierté d’engendrer une belle Carla et un délicieux Hugo qui devait perpétuer son nom. Finit les nuits dépravées, papa au boulot, repas en famille, il y gagna deux choses : une grande sérénité et un tour de taille que les repas de famille et les fonds de petits pots des enfants qu’il léchait goulûment jusqu’à faire craquer sa ceinture !

En même temps, par une étrange alchimie, sans aucun doute mis en confiance par cette famille soudée qui l’attendait tous les soirs en réclamant sa pitance, (Papa, du pain, papa du couscous !), il commença une révolution culturelle. Dans l’ombre de Jean-Marc, au début, qui lui permit d’acquérir les bases de son métier, il s’émancipa sur le Festival de Danse, trouvant instinctivement un style de management, son style à lui, mixe d’autorité naturelle et de gestion des hommes basée sur la dynamique et la confiance.

Ce qui n’était que balbutiements au départ s’avéra comme l’alphabet d’une régie générale débouchant sur les Nuits Musicales du Suquet ! Hervé était enfin au zénith !

Il était désormais fin prêt à affronter les budgets et à traquer les dépenses inutiles, allant même jusqu’à sabrer dans ses propres budgets techniques pour concourir à l’équilibre général des finances de la Direction de l’Evénementiel, (bon là, faut peut-être pas exagérer, il a encore un bout de chemin à faire !), négociant d’arrache-pied avec les fournisseurs extérieurs pour obtenir des rabais, organisant ses plannings comme une véritable partition de musique.

Bien sûr, il continue de vouloir séduire toutes les belles stagiaires qui débarquent comme des hirondelles de printemps, mais naturellement,  il n’a plus aucune chance vu que sa femme débarque régulièrement avec les petits, histoire de lui rappeler que le temps de la bagatelle est terminé…

Alors, avouons-le, les 45 premières années de sa riche existence lui permirent de s’affiner et de devenir un cadre performant, un régisseur d’élite, un père attentionné, un collègue  (presque parfait), au point que Florence J  ne veut plus qu’il soit séparé d’elle dans ce bureau sans lumière qu’ils occupent, les stagiaires ont appris à éviter le pitt-bull qui sommeille en lui, même si quelques périodes de garde continuent de lui permettre d’endosser son habit de lumière de flic dans lequel il se trouve un peu à l’étroit désormais, (et ce n’est pas seulement d’un tour de taille qu’il s’agit !), alors on peut le dire mon cher Hervé :

Tu nous es indispensable, ta bonne humeur rayonne (sauf quand il y a un nuage dans les Nuits Musicales du Suquet et que ton grand corps se malade !), tu apportes une vraie compétence et tu es fidèle (avec tes collègues, pas avec les salseras !), tu es Hervé, 15 ans d’Evénementiel au compteur, plein de rêves et de projets, une personnalité attachante, un vrai soutien pour ton directeur et la directrice qui prend les rênes. Tu es Hervé Battistini et aujourd’hui, pour ton anniversaire, nous t’autorisons à effectuer la plus belle des Battistinades, celle qui te permettra d’entrer dans une nouvelle ère, celle de la maturité rayonnante !

Bon anniversaire Hervé !

 

Voilà donc et en avant pour de nouvelles aventures....

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HUBERT-FELIX THIEFAINE

Publié le par Bernard Oheix

 

1985. Printemps de Bourges.

Un ovni chantant, poète rockeur, avec des textes longs comme des jours d’espoir, une musique au vitriol, un seigneur de la scène devant un public en délire. C’est dans ces années de folie d’une culture libérée qu’Hubert-Félix Thiéfaine forge sa légende avec des titres comme la Fille du coupeur de joints ou Alligator 427, Loreleï et tant d’autres textes abscons que seule son énergie permet de comprendre. Subtilité et passion, intelligence et déraison d’un rock sophistiqué dans l’outrance.

On ne sort pas indemne d’un concert d’Hubert-Félix Thiéfaine.

HFTetBO

 

Banni des plateaux télévisés, ne passant que très rarement sur les ondes, il va produire avec constance des albums beaux comme des lueurs d’espérance dans un monde de grisaille avec des scores de vente à faire hurler des producteurs engagés dans une course au formatage télévisuel dans une période où les rêves se transforment en cauchemars. Il égrènera comme dans la discrétion mais avec régularité des tournées lui permettant de sillonner la France, retrouvant son public dont la fidélité étonnera plus d’un opérateur, toujours présent sans être sous les feux d’une notoriété que la télévision impose éphémère… Lui, ailleurs, à côté, continuera son chemin, entre cris d’espoir et constat « rimbaldien » d’un monde en décomposition. Hubert-Félix Thiéfaine existe, je l’ai rencontré !

Avec mon adjointe Sophie Dupont, elle-même fan inconditionnelle de H-FT, en automne 2010, après avoir trimbalé mon désir de programmer Hubert-Félix (Non ! Mais quel nom pour un rocker !), au Palais des Festivals pendant des années, à l’aube de ma dernière saison, je peux enfin conclure. Après Christophe, Bashung, Higelin, Murat, Nilda Fernandez, Bertignac, Etienne Daho… Je peux toper avec son tourneur pour une conclusion de ma vie professionnelle : Thiéfaine sera à Cannes le 23 mars 2012 et je bouclerai ainsi la boucle. De 1985, jeune et sémillant Directeur de MJC à Bourg-en-Bresse, à 2012, sénior actif de l’action culturelle sur la Côte d’Azur… une vie de culture pour les « survivors » de l’agit-prop post-soixante-huitarde !

La mise en place de la billetterie, dès juin 2011, nous rassurera sans équivoque : -FT a toujours son public et les achats de places montrent une progression constante, une régularité rassurante.

Heureuse opportunité, lui, le grand marginal en dehors de tous systèmes et inconnu des coteries des bien-pensants, va alors se débrouiller pour rafler 2 Victoires de la Musique 2012 à la surprise générale, m’offrant le cadeau inespéré d’être enfin sous les feux de la rampe… Vous avez dit flair ? Le résultat est trébuchant et sonnant pour nous. La courbe régulière de vente des billets se retrouve fouettée vers une verticale annonciatrice de griserie des sommets ! Champagne à partir de 1700 tickets, score explosé avec à la clef une salle bondée de tous ses fans réveillés par son passage cathodique et son exposition médiatique.

Conférence de presse surréaliste dans sa loge. Il convoque Rimbaud et Nietzsche, invoque les muses, définit son approche d’une poésie moderne ciselée dans les volutes d’un rock primitif. Il est humble et fier, sûr de lui et rasséréné, quelques drames pudiquement éludés (la maladie, le temps de l’hôpital) le laisse en état d’apesanteur, cadeau d’une vie qu’il sait riche et accomplie dont il goûte encore plus chaque instant. « -J’ai  vécu de ma musique, j’ai pu rêver éveillé, c’est un privilège que la vie m’a offert ! »

Le concert sera un concert typique de Hubert-Félix Thiéfaine. Foule chamarrée de babas, vieux nostalgiques retrouvant leur jeunesse,  refrains entonnés en canon sans que jamais le chanteur ne joue avec ses « fans » en utilisant les ficelles du métier. Bien au contraire, son exigence est réelle, authentique. Il est heureux d’être ce héraut sans artifices dispensant une poésie moderne et sophistiquée, des mots d’entendement que son public attend et qui le rendent inimitable. HubertFelixThiefaine.jpg

Ce public que, trop souvent, je trouve si peu à la hauteur de l’événement, aujourd’hui est en phase avec l’exigence d’un monde meilleur, rendu plus intelligent par la force des idées, l’énergie d’une passion. Ce public ne cède pas à la facilité et devient disponible pour toutes les aventures intérieures.

Elle est belle cette soirée même si je l’ai attendue pendant 27 ans !

 

Dernier contact avec l’artiste. Dans sa loge. Seuls. Je lui dis mon émotion, je lui explique que c’est mon ultime concert dans cette salle en tant que Directeur de l’Evénementiel du Palais des Festivals et combien je suis fier de conclure cette page de ma vie professionnelle avec lui. La retraite à l’horizon proche d’un 1er juillet. Il sourit et m’annonce que lui, il la prendra dans deux ans, pour ses 65 piges ! Gag !

Puis, on évoque ce métier et son évolution des deux dernières décennies. On est en phase sur cette paupérisation générale des idées et sur le constat d’une culture qui s’est couchée devant la réalité ! Les idées fusent, il est amusé de notre partie de ping-pong, dans cette ville qu’il craignait, poids de l’image et des cérémonies d’un Festival omniprésent pour cet homme de discrétion ! Il m’interroge sur la vie pendant le mois de mai !

La nuit aurait pu s’étirer, mais ses invités attendaient. Je me suis éclipsé avec la certitude d’avoir rencontré un homme dont je pourrai dire avec fierté ; « -Je l’ai connu, je l’ai aimé et nous avons partagé quelques bribes d’humanité ! »

Merci Monsieur Thiéfaine !

 

HFT2.jpg

 

                        Une photo d'Eric Dervaux, mon ami photographe. Vous pouvez aller voir toutes les autres sur son nouveau remarquable site : http:// www.ericdervaux.com

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Vincent SEGAL... et Ballaké SISSOKO.

Publié le par Bernard Oheix

Soirée magique au Théâtre de La Licorne. Programmation de mon groupe fétiche des Huun Huur Tu (3ème fois que je les programme !), l’ensemble de Touva qui pratique les chants diphoniques et nous fait voyager dans les espaces et la culture d’un monde perdu.

 

CÔTE FACE

 

En première partie, présentation d’un duo à faire courir des frissons, à emporter tout être normalement constitué dans un monde étrange de notes éthérées. Ballaké Sissoko (un géant black débonnaire) à la kora et Vincent Segal, agrippé à l’archet de son violoncelle sont éblouissants de virtuosité et de tendresse. Les doigts de Ballaké pincent les cordes de la kora pour créer un univers de notes jaillissantes en cascades en contrepoint des glissandos du violoncelle de Vincent Segal. C’est un moment divin, un échange rare entre deux cultures par le biais de deux techniques... D’une part un instrument africain connoté ethnique pour aboutir à un univers de type classique, de l’autre un instrument classique qui s’échoue sur les rives de la musique moderne. Tous les deux partagent et confrontent l’extraordinaire sonorité qui se dégage de leur fusion. Ils font pleurer le silence, se juche en équilibre sur des mélodies qui déforment l’espace et atteignent le spectateur en de vagues douces. La tension est dans la salle, moment de rupture, comme pour basculer dans l’irrationnel d’un art apte à faire franchir les portes de perception.

Alors, si vous en avez l’occasion, courez, bondissez, prenez vos places pour participer au banquet des dieux auquel nous invite Ballaké Sissoko et Vincent Segal, ils vous combleront de bonheur !

 

CÔTE PILE

 

Comment un musicien aussi exceptionnel que Vincent Segal, peut-il être aussi méprisant et injurieux envers les organisateurs ? Comment, un violoncelliste capable de tirer des sons aussi étonnants, de partager avec Ballaké Sissoko un échange en partage aussi subtil, peut-il être autant vulgaire dans son rapport à la réalité ? D’une réception sans répondre au bonjour du technicien (entrée en matière plutôt malheureuse dans une salle où son destin artistique sera remis dans les mains de ces mêmes techniciens), aux incessantes récriminations sur la qualité environnementale de la salle, sur les travaux de ravalement de façade, sur la signalétique, sur le bruit de la climatisation, sur la loge trop petite qu’il exige de changer pour une autre qui ne lui convient pas… jusqu’à l’hôtel qui ne trouve pas grâce à ses yeux dans lequel « on se gratte »…

Et le bouquet final, quand je viens le saluer en me présentant avant le spectacle, ignorant de ses états d’âmes, et qu’il m’agresse verbalement avec hargne, (je ne suis pas content de l’accueil et…etc.), se plaignant de l’hôtel, de la salle, du personnel. Il rejoint au panthéon des malappris, Bernard Tapie, (et c’est en soi déjà un véritable exploit, cf. mon article dans ce blog, Les pieds dans le « tapie ») et quelques autres, heureusement pas nombreux devant l’immense majorité des artistes, particulièrement satisfaits de notre accueil et du professionnalisme de l’équipe de l’Evènementiel du Palais des Festivals.

Réaction plutôt vive de votre serviteur. Je refuse de continuer à écouter son torrent acrimonieux, le confie à son agent (mon amie Annie Rosenblatt de Mad Minute, sidérée) et pars en exprimant de vive voix mon désir qu’il joue le soir et se casse en empochant son pognon pour ne plus jamais revenir sur Cannes.

Par la suite, dans une soirée quelque peu alcoolisée, nous apprendrons les diverses frasques qui parsèment sa tournée, son incapacité à se contrôler, sans aucun doute produit d’un trac que l’on peut comprendre mais que son manque immense d’humilité rend particulièrement odieux. Le « -On voit bien que l’on n’est pas à Lyon ! » lancé au public de Bron qui le sifflera, les innombrables jérémiades, caprices et autres mouvements d’humeur qui poussent à bout son entourage et laisse planer une ombre délétère sur l’avenir de sa tournée.

Alors, Vincent Segal, ange ou démon ? Ange sans doute si vous êtes spectateur…mais ange qui ne remettra plus jamais les pieds dans une de mes programmations, et c’est vraiment regrettable car il aurait été parfait dans une édition des Nuits Musicales du Suquet.

Tant pis, on survivra, et lui aussi, il fait nul doute…mais il ne devrait pas oublier que ce sont des programmateurs comme nous qui misons sur lui, et que cet investissement porte sur son talent et certainement pas sur ses états d’âme de garçon mal élevé et mal embouché.

Une main mordue n’a pas envie de caresser !

Adieu Vincent Segal !

 

PS : j’ai attendu qu’il s’excuse après le concert, ce qui aurait effacé une partie du malaise, j’attends toujours même s’il est passé devant moi !

 

PPS : j’ai lancé le message qu’il pouvait me téléphoner auprès de ses tourneurs afin que l’on discute du problème à froid, mais apparemment sans effet. Il ne s’abaisse sans doute point devant un petit directeur de province !

 

PPPS : Huun Huur Tu, c’était génial, des musiciens sortis de leur steppe et heureux de vivre et de partager. Tout était parfait pour ces mongols issus de la nuit des temps ! Ballaké Sissoko s’est révélé adorable et passionnant… Dommage pour lui, mais il a encore quelques dates à souffrir, la perfection musicale tolère bien quelques petits accrocs à la sérénité et au confort d’une existence trop quiète !

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Ô Sergio...mon ami !

Publié le par Bernard Oheix

 

Un de mes discours, encore...mais pas pour n'importe qui ! Un des êtres les plus adorables hérité de ma jeunesse, quelqu'un qui donne le désir de tendresse, l'envie de le protéger, de garder le lien ténu qui court sur plus de 35 ans parsemés de douleurs et de joies, d'échecs et de réussites, de grands moments futiles et de petits instants précieux, de bruits et de fureur...

La vie toute simple, quand, même les distances et les années ne peuvent abolir le sentiment d'appartenir à une famille de coeur. C'est cela Mon Sergio, et à  l'occasion de ses 60 ans, il attendait ce discours avec impatience. Il a eu la larme à l'oeil, mais c'est normal, c'est un vrai tendre mon Pote !

 

 

A soixante ans, on est plus près de la fin de son siècle que de l’aube de l’humanité.

C’est ainsi Sergio, tu fais désormais partie des têtes grises, des cartes vermeil, du 3ème âge. Tu entreposes dans ton placard une provision de « couches confiance » et tu  radotes déjà comme les petits vieux sur « l’avant qui était mieux », que les jeunes ne savent plus rien parce que l’école, c’est le foutoir, qu’ils n’ont plus de respect, que c’est une bonne guerre qui leur manque et que les communistes, c’est la honte... etc...etc

Serge, réveille-toi, ils ont disparu depuis longtemps les communistes, ils ne peuvent être responsables de tout !

Mon pauvre Sergio, si tu savais comme tu es normal, abominablement normal, normal jusqu’à la caricature, toi qui raconte que tes petits-enfants sont les plus beaux et les plus intelligents du monde… Sais-tu qu’ils vont aller à l’école pour ne rien apprendre, faire leur crise d’adolescence comme les autres, se révolter et se droguer, et peut-être même devenir des gens de gauche comme les enfants de tes collègues !

Pourtant, on t’a aussi connu jeune, dynamique, plein de rêves et de passions. Souviens-toi de Thérèse, qui a commencé par bousiller la portière de ta superbe 4L alors qu’elle attendait le bus et que Micheline, dans la même école d’infirmières, la remarquant, t’obligea à freiner pour la charger…

Une portière en moins et 35 années après, l’amitié est toujours présente et nous sommes réunis pour célébrer tes 60 piges pour le pire… et le meilleur !

Tu étais jeune et beau, tu sentais bon le sable chaud, mais surtout, tu gagnais plein d’argent. Tu étais le seul d’entre nous à travailler, étudiants, nous dépensions ce que tu épargnais. Tu avais une voiture, un boulot, une femme qui débarquait des îles avec son délicieux accent chantant, mais derrière tout cela, au fond de toi, c’est à l’Italie que tu pensais, rital tu l’étais, rital tu le restais et c’est devant l’hymne italien que tu te pâmais en regardant les shorts des joueurs transalpins mettre régulièrement la pâtée aux tricolores !

Tu es un fils de paysan, et tu es resté ce fils de paysan italien, toi qui petit à petit s’est élevé dans la société pour côtoyer les grands de ce monde. Du chemin tu en as fait. Travaillant dans des hôtels luxueux, des restaurants de charme à étoiles, t’égarant même fortuitement dans la création florale jusqu’à ce que ta route croise celle d’un baron pas rouge mais ô combien protecteur et salvateur pour le fils d’émigré que tu es.

Il a poli en toi ce trésor brut qui restait dans sa gangue, il t’a adopté et tu t’es rangé à son service comme en noviciat, consacrant ton talent à lui offrir la quiétude et l’ordre d’un monde d’harmonie. Tu es devenu son ombre et il t’a formé à voyager, de Courchevel au Maroc, de Saint-Tropez à Madrid. Il t’a initié à la chasse, t’a permis de passer sous le par et de putter en swinguant comme un talentueux golfeur que tu es devenu.

Tu as aussi accueilli des têtes couronnées, servi des fortunes de France et d’ailleurs, et même, paraît-il, quelques dictateurs en instance de déchéance…

Sergio, tu vis tellement dans le luxe que tu aurais pu oublier tes amis roturiers, anciens soixante-huitards, étudiants attardés, femelles langoureuses et autres chats errants… mais tu ne l’as pas fait !

Et eux aussi ne t’oublient pas. Ils savent que tu es resté notre Sergio, celui généreux et sympathique que nous avons aimé et qui est toujours présent pour affronter les coups durs de la vie, et qui peut rire d’un rien et pleurer pour beaucoup, apte à offrir son cœur et à énoncer n’importe quelle bêtise…

Et tu deviendras aussi un vieux acariâtre, sa canne à la main en train de maudire le monde entier même si tu es toujours comme une fleur bleue malgré ton âge.

Tu as le temps, Sergio, 60 ans, c’est le début d’une autre aventure, peut-être la part la plus belle de notre vie, quand on décide de ne plus avoir peur et d’être enfin soi-même.

Et nous, on t’aime comme tu es !

Et on t’aimera toujours comme cela !

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Le Fantôme du Suquet !

Publié le par Bernard Oheix

Situons bièvement le contexte...Un Festival de Musique Classique perché sur les hauteurs de Cannes, en fronton de l'Eglise, 700 places en écrin sous les étoiles. Un art de vivre à l'image d'une version champagne de la Côte d'Azur. Depuis 35 ans, un Directeur Artistique compose des programmes à l'image d'une musique classique...toujours un peu plus poussièreuse au fil des années, reflet d'un âge d'or révolu des années 70/80, pour un public vieillissant inexorablement et dont chaque année, quelques sièges vides, rappellent que le temps poursuit son oeuvre en utilisant "métronomiquement" sa faux aiguisée à couper les têtes grisonnantes !  Depuis 22 éditions je produis le Festival avec l'équipe de l'Evènementiel ! 

Solistes, ensembles, cérémonial et frac du pauvre, échange de bons procédés entre organisateurs de Festivals, et par-dessus tout, salaire hérité d'une époque glorieuse... Terrain miné pour une musique classique en train d'étouffer sous le conformisme des rides. Souvenons-nous de la charge de Duchable, jetant son frac aux orties et balançant, d'hélicoptère, un piano dans un lac de la Vallée des Merveilles ! La révolte pouvait gronder !

Le temps du changement était venu et quand ma direction m'a demandé de reprendre le Festival (sans augmentation de salaire !) et de le moderniser, j'ai accepté pour deux éditions, par le challenge alléché, d'une dernière pierre à bâtir sur les remparts de ma Ville avant mon départ à la retraite ! On était à l'automne et les fleurs de la calomnie allaient s'épanouir sur les pavés de mon chemin de croix !

Que dire de la tempête dans un verre d'eau qui embrasa les médias locaux cet automne. Que d'articles en expressions libres dans Nice-Matin, un quarteron d'aficionados de l'ancien directeur artistique se leva pour jeter l'anathème à mon encontre ! Que les journalistes par l'odeur alléchée, entretinrent (à juste titre) une pression en convoquant le banni au rang du témoignage, que d'autres lancèrent aux cieux que la perte était irréparrable et que le "people", la "mode" et l'incompétence venaient de triompher de la sagesse et de la connaissance ! J'ai donc dû répondre et je vous livre mon "droit de réponse" paru dans Nice-Matin. Vous avez ici sa version originale, sa longueur ne pouvant lui permettre d'être publié en l'état, le journaliste effectua des coupes (intelligentes) afin de le formater.

   

 

BO/MAP

Objet : Réponse à Nice-Matin

Nuits Musicales du Suquet

 

 

Monsieur,

 

Pour faire suite à votre article paru dans Nice-Matin du samedi 9 Avril et à la rubrique C’est vous qui l’écrivez ! du mardi 12 Avril 2011, je vous prie de bien vouloir trouver, ci-dessous, ma réponse à Nice-Matin.

 

Vous avez tous, je l’imagine, reconnu « l’incompétent chargé des destinées du Suquet ». Je me décide donc à apporter ma pierre aux remparts du Suquet, un éclairage sur les raisons qui m’ont conduit à accepter les responsabilités de la programmation artistique sur les éditions 2011 et 2012, et sur l’analyse que je porte de la situation actuelle et du rôle d’une direction artistique.

 

Je tiens tout d’abord à rassurer votre lectrice : Gabriel Tacchino est très bien traité et les Nuits Musicales du Suquet resteront à dominante classique, fidèles à leur identité. Elles sont adaptées et dynamisées tout simplement. Car il en va des manifestations culturelles comme des êtres qui les dirigent…elles évoluent, se contractent, se libèrent, trouvent des axes nouveaux, vieillissent parfois, rebondissent souvent, sont ouvertes sur le futur mais dépendent de leur propre histoire.

Mais le temps nous rattrape toujours ! Et il y a bien longtemps désormais que la presse et la critique nationale ne s’intéressent plus à notre Festival. Son aura médiatique s’est bien terni, hélas ! De même, l’affluence générale suit une courbe descendante depuis quelques années à la mesure d’un non-renouvellement du public. Où sont les nouveaux spectateurs du classique ?

L’usure du Festival est bien là, elle se perçoit clairement pour ceux qui l’organisent et président à sa destinée.

C’est Gabriel Tacchino, l'enfant du pays, qui avait eu l’intuition de ce lieu, la vision de ce Festival. Avec Georges Dufour, l’adjoint au maire de l’époque qui joua un rôle déterminant, ils surent imposer la musique reine dans cette agora d’honneur.

 

Loin d’être seulement une charge, ce fut aussi un privilège pour Gabriel que de conduire pendant tant d’années une telle manifestation : salaires, cachets, échanges d’artistes, considération générale, réputation, autant de facteurs qui influèrent positivement sur sa carrière, juste considération en retour de son action !

Nous en avons vécu de belles heures, tous ensemble, avec des êtres de légende. Quelques noms tirés de ce livre d’or ne peuvent cacher la richesse de ces plus de 200 concerts, myriades de groupes et de solistes, chaînes de la passion : Le Mozarteum de Salzburg, Les Virtuoses de Moscou, Le Royal de Wallonie, I Musici di Montréal, L’Orchestre de Chambre d’Israël, I Solisti Veneti… accompagnés des Rostropovitch, Oistrakh, Pires, Rudy, Stern, Fazil Say, Repin, Sokolov…

 

35 années se sont écoulées entre les premiers essais d’un jeune programmateur et la machine à remonter un XXIème siècle de fureur. Il était alors venu le temps de prendre un peu de recul pour lui, de laisser à d’autres le soin d’entamer une nouvelle étape, celle d’une adaptation aux nouvelles tendances, aux contingences modernes.

 

Le public, qu’il soit dit élitiste ou populaire, les jeunes, les adultes de la génération actuelle ont des goûts, des habitudes culturelles qui ont évolué avec le temps présent. Ils ne se reconnaissent pas toujours dans un concept purement classique. C’est ainsi que la ligne directrice de la programmation des Nuits du Suquet se doit d’évoluer, afin d’être plus en phase avec ceux, nombreux, qui aiment le classique tout en étant dans la modernité.

 

L’édition 2011 fonde les bases d’un nouveau développement des Nuits du Suquet. Toujours classiques, et ouvertes sur d’autres genres. Toujours classieuses, et en phase avec la culture d’aujourd’hui.

 

Enfin, c’est à moi, Bernard Oheix, Directeur de l’Evènementiel depuis 1992, que les responsables du Palais des Festivals et des Congrès de Cannes ont confié la responsabilité d’accompagner cette mutation en douceur.

Jusqu’à preuve du contraire, les saisons « Sortir à Cannes », les  plus de 1000 artistes et groupes, pièces de théâtre et ballets, cirques et opéras, concerts gratuits et grandes stars programmés par la Direction de l’Evènementiel du Palais des Festivals et des Congrès ces dernières années ont écrit quelques belles pages de la vie culturelle cannoise.

Et cela continuera avec les Nuits du Suquet 2011…

Et même après mon retrait de la vie professionnelle, d’autres apporteront leur talent, leur finesse, leur passion pour que la culture vive à Cannes, au Suquet comme ailleurs ! Car s’il est une chose que ma vie professionnelle m’a bien appris au cours de ces longues années, c’est que même si les individus peuvent s’épuiser et disparaître, la réalité, elle, subsiste et perdure, possède une vie qui dépasse largement les intérêts de ceux qui sont en situation de responsabilités et vivent sur  les privilèges du passé.

 

Vous en souhaitant bonne réception,

 

Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

 

Bernard OHEIX

Directeur de l’Evénementiel

 

 

Les Nuits Musicales du Suquet ont eu lieu. J'ai entrevu le fantôme de l'ancien directeur errer entre les pierres séculaires. J'ai eu du mal pour lui, comme si cette histoire commencée il y a 22 ans, ne pouvait s'achever que dans le goût amer de la déchirure.

Brigitte Engerer et l'Orchestre de Cannes furent égaux à eux-mêmes. Laurent Korcia apporta son souffle d'air frais. Monsieur Jean-Louis Trintignant dans des poèmes de Vian, Desnos et Prévert en musique fit basculer le public dans l'émotion d'une vie déchirée, une voix inimitable pour un vieil homme encore debout comme un seigneur des temps modernes. Nemanja Radulovic fut éblouissant, le meilleur du classique en boots, crinière au vent, percing et élégance ravageuse. Grand Corps Malade scella la réconciliation des deux publics, le classique et le moderne malgré un repli dû à la pluie. Les Pianotokés importèrent des rasades de rires (l'humour en classique, cela existe !). Reste Dame Felicity Lott et Isabelle Moretti qui, malgré leur talent et leur gentillesse, oeuvrèrent dans un récital conformiste dénué de souffle (ce qui est regrettable pour une chanteuse !). Alors le Suquet ne s'est pas écroulé, le vent et le froid n'atteignirent que les gorges des plus fragiles et 2012 nous dira si le pari peut réussir d'allier le classique et la modernité pour enterrer toute guerre des anciens !

 

 

En prime et comme exemple, un mail et ma réponse (je réponds systématiquement !) comme un rappel de la crise passée.

 

Monsieur,

Les programmes des Nuits du Suquet ne sont plus ce qu'ils étaient depuis plusieurs années!

Programmes musicaux d'une rare qualité, ambiance festive et amicale!

Les Nuits ont perdu leur âme

C'est bien regrettable!

Avec mes salutations

Roger M....

 

Que les Nuits aient perdu leur âme est votre opinion...et je la respecte.

Mais est-ce à dire que vous n'avez pas aimé les concerts de Laurent Korcia et Nemanja Radulovic... Ou Brigitte Engerer avec l'Orchestre de Bender, ou le récital de Felicity Lott...ou l'humour des Pianotokés...Et même l'extraordinaire présence de Jean-Louis Trintignant par cette voix portant des poèmes magiques sur un accompagnement musical divin...

Bon, je vous accorde que question ambiance, le vent, la fraîcheur et même la pluie sur le dernier jour (mais cela n'a pas dû vous gêner... ce qui est regrettable car le concert de Grand Corps Malade a fait l'unanimité de tous les publics présents !) n'étaient pas pour améliorer cette édition. On peut rajouter les termites du Suquet, les fantômes du passé et espérer finalement que le temps saura vous convaincre que les Festivals ont une vie et doivent évoluer pour s'adapter et maintenir leur lustre !

Cordialement.

 

 

 

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Les pompes de Korcia

Publié le par Bernard Oheix

 

Laurent Korcia est un des violonistes les plus talentueux de sa génération. Jeune, beau, vivant, il décape l’image du soliste classique brillant enfermé dans son monde aseptisé. Il est un peu people, beaucoup et passionnément tourné vers les autres, avec des attitudes de rocker, fort de ce toucher d’un Stradivarius dont son génie a hérité !

Je le connais depuis longtemps, le suivant au fil des programmations des Nuits Musicales du Suquet et à chaque fois, un grain de sable me prouvait à l’évidence que derrière la star inaccessible, un homme fondamentalement humain était tapi en catimini.

 

Le vendredi 20 juillet 2007, Laurent termine son concert triomphalement après avoir interprété avec Dana Ciocarlie au piano,  la sonate n°1 de Robert Schumann, du Dvorak (danse slave) et Bartok (danses roumaines), ses fonds de commerce, Ravel et Debussy et une pincée de Liszt (les cloches de Genève). Après un dîner avec l’organisation, il avait changé ses plans pour aller dormir avec sa famille à Nice. Quittant le restaurant après avoir signé la facture, je le vis sur le parking de la mairie, sa famille autour de lui, en train de contempler, désemparé, une énorme berline allemande manifestement en panne d’inspiration ! A l’heure du tout électronique, foin de manivelle pour démarrer le monstre noir rutilant restant résolument sourd à toute sollicitation d’une clef magnétique.

N’écoutant que mon altruisme, bien que doté d’une capacité d’affronter les problèmes mécaniques proche du zéro, je m’incruste devant un Korcia étrangement serein dans cette situation kafkaïenne. Je fais revenir le voiturier et le charge de raccompagner la famille à Nice (il est 2 heures du matin quand même….tête du voiturier !), le charge dans mon modeste véhicule pour le ramener à l’hôtel Cavendish, et satisfaction du devoir accompli réintégre mes pénates à 3h du matin !

Le mercredi 22 septembre 2010, au Palais des Festivals, moment de grâce avec mon pote Nilda Fernandez accompagné de l’Orchestre Régional de Cannes, Provence Alpes Côte d’Azur. (cf article dans mon blog de septembre-octobre 2010). Un des invités présents s’appelle Laurent Korcia. Il va interpréter la Méditation de Thaïs de Massenet et faire courir des frissons dans le public. C’était si beau, si parfait et si superbement décalé, morceau de classique pur dans un concert de voix divines. Puis il accompagnera Nilda dans « Mes yeux dans ton regard » et autres tubes que son « Stradivarius » tout émoustillé permet de faire briller de mille notes étincelantes.

C’est au restaurant que je le retrouve pour un dîner où l’émotion pure venue des tréfonds de l’amitié baigne les convives de cette soirée autour de Nilda.

Laurent est heureux, un peu désorienté….Il me confie son plaisir d’échanger avec ce monde de « rockers » aux codes si différents de son univers « classique » et me lance qu’il a un programme « cinéma » qu’il rêve de jouer à Cannes, dans la capitale mondiale de l’image !

A l’époque, la décision venait d’être prise de me confier la direction artistique des Nuits Musicales du Suquet ! C’était confidentiel, et je me revois encore avancer en louvoyant pour instiller l’idée que ce programme « atypique » pourrait trouver sa place dans l’édition des Nuits Musicales du Suquet en 2011…Finalement, je lui lâche que c’est moi qui reprend les rênes de l’artistique et il me donne rendez-vous à Marseille en octobre pour assister à la première du spectacle.

Petite église perchée au-dessus du Prado, ambiance 3ème âge bénévoles, avec cartons nominatifs sur chaises en paille inconfortables et serrements de mains sur visages compassés. Les quatre saisons de Vivaldi en première partie et ces perles de cinéma réorchestrées, Chaplin, Morricone, In the Mood for Love, sans oublier ses propres créations pour le 7ème Art et des auteurs classiques mis à contribution de films, Bartok, Gardel…

C’est ainsi qu’en ce samedi 23 juillet, dans une ambiance particulièrement tendue entre l’ancien directeur artistique et le nouveau se croisant comme des fantômes à l’opéra, Laurent Korcia débarque avec ses quatre belles solistes et un accordéoniste gigantesque par la taille et le talent, Vincent Peirani. Il m’embrasse et me salue avec chaleur.

Comme d’habitude, il a du retard, il a la tête ailleurs, il est dans le vent, au propre et au figuré, et s’aperçoit avec horreur qu’il a oublié ses chaussures noires de concert dans un hôtel, la veille, à Montélimar où il jouait ce même programme.

Au dernier moment, incapable de supporter plus longtemps ses « baskets » bleues tranchant avec abomination sur son élégant costume noir, je lui propose un échange de pompes en toute clandestinité. Mon 42 de pointure lui sied à ravir, il n’en est pas de même de son 41,5 qui me comprime les panards et qui, outre la faute de goût évidente d’une couleur azur sur mon costume sombre, m’empêcheront d’apprécier pleinement son merveilleux concert ! Mais qu’importe, mes escarpins à moi ont trôné sur la scène pendant tout le concert, ils ont dégusté chaque minute de grâce aux pieds de celui que ses mains d’or ont consacré une fois de plus du côté des scènes cannoises !

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Et dès la fin du spectacle, je me suis précipité vers lui pour récupérer mon bien avec le soulagement évident d’orteils enfin libérés s’épanouissant dans un confort retrouvé !

Et le public l’acclamera sans savoir que j’avais quasiment sauvé le concert, que mes simples souliers de cuir avaient œuvré à l’accomplissement d’une soirée d’exception !

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Le repas d’après feu sera à l’image du personnage et de sa joyeuse bande talentueuse et sympathique groupée autour de leur leader charismatique. Un esprit nouveau vogue sur les flots de la musique classique, des jeunes moins corsetés, des artistes dans la vie réelle, des œuvres dépoussiérées et ce « Stradivarius » dont les plaintes magiques rappellent à qui l’aurait oublié, que ce n’est pas la pompe qui fait l’habit, que ce n’est pas l’habit qui fait l’image, et que le talent seul peut émouvoir dans l’ombre du génie !

PS : En récupérant mes grolles, j’ai rêvé de récupérer aussi une partie de son talent. Je me suis installé au matin devant le piano de ma fille en espérant que mes doigts courent sur le clavier pour une symphonie de notes. Que nenni ! J’ai bien retrouvé mes brodequins mais n’ai point hérité d’une parcelle de son art ! Elles n’étaient même pas géniales ces chaussures !

PPS : Faudra penser à écrire une nouvelle sur ce thème ! Vous savez, l’histoire d’un mec qui prête ses chaussures à un artiste et qui, en les récupérant, hérite du talent de celui-ci !

Bon, la suite, je ne la connais pas… encore !

 

 

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Surprise...surprise !

Publié le par Bernard Oheix

Le contexte : un mardi 4 janvier de reprise. Tout est normal. Je monte au bureau de la presse, pour une interview qui s'avère téléphonique. Un collègue m'accroche dans le couloir et commence à me raconter ses vacances en Egypte sur le Nil. Il tient à me servir un café, m'interroge sur mes enfants, mon chat, ma collection de timbres et le dernier épisode des Piliers de la Terre...Moi, je suis hyper poli et gentil et je l'aime bien ce collègue...mais je trouve le temps un peu long ! Au bout d'une demi heure, il prend sa veste, les filles de la presse viennent me chercher et l'on s'en retourne vers mon bureau...Je ne percute pas quand elles m'accompagnent et grimpent l'escalier en ouvrant à la volée la porte !

Surprise, surprise...Une cinquantaine de personnes m'attendent. Ils ont préparé un buffet, me servent une coupe, m'embrassent en me souhaitant un bon soixantième anniversaire. Sophie Dupont se juche sur une chaise et commence un discours (pour une fois, un discours écrit par une autre !). Puis chacune et chacun ira de son évocation sur le thème de "je me souviens".

Et moi, j'étais ému comme rarement, j'avais la certitude d'un moment d'une perfection rare ! 

C'était le 4 janvier 2011, de 11h55 à 13h42 !

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 Sophie, perchée en train de lire son discours...Elle est mon soleil de minuit, toute l'émotion dans mon regard  !

Voici donc le contenu des discours.

Très cher Bernard,

Nous sommes tous réunis ici pour te fêter et j’ai la lourde tâche de te célébrer au nom de toute l’équipe qui t’accompagne au quotidien, te vénère souvent et te supporte parfois.

Il n’est pas si loin le temps où tu usais tes culottes courtes sur les bancs des écoles de Ranchito car pur produit  boccassien tu es et le revendique même si parfois tu lui fais des infidélités avec Nissa la bella.  En 68 il y eut tes années révolutionnaire au Lycée Carnot  et les belles années 70-80  qui suivirent te marquèrent à tout jamais.  A 30 ans tu mettais fin à ta longue carrière d’étudiant pour intégrer la grande famille socioculturelle des MJC.

Je me souviens qu’à 40 ans tu devenais Directeur Adjoint de l’OMACC et allais constituer une belle équipe de D2. Après un passage éclair à La Palestre, galère dans laquelle tu entraînais ton obligée, tu devenais Directeur au Palais des Festivals et super coach d’une équipe de D1 qui reste dans les meilleures équipes  de cette catégorie, n’ayons pas peur de le dire et ne faisons pas preuve de fausse modestie, sentiment que tu ignores.

Car,  si l’on y regarde bien, ce ne sont pas moins de 2000 spectacles que tu as programmés, organisés, portés depuis 20 ans que tu es au service de la culture cannoise. Que de Festivals organisés dans des conditions parfois extrêmes mais toujours avec courage : Cannes Guitare Passion, les RCC, les Festivals de Marionnettes, du  Palm Beach  et encore aujourd’hui les  Festivals de Danse, du Suquet, de la Pyrotechnie, Jazz à Domergue, Russes, Festival International des Jeux, les saisons culturelles. Toutes ces manifestations, leurs Directeurs artistiques, publics, collaborateurs d’hier et d’aujourd’hui, tous te doivent, d’avoir parfois contre vents et marées et BBZ, défendu avec fougue et volonté ces manifestations.

Homme de cœur tu sais faire partager toutes tes passions à ton équipe et  nous nous souvenons de tes années foot, de ta période coureur de fond, de tes années cycliste et challenges en tous genres (que n’avons-nous entendu sur le tour de Corse à vélo ou Nice/Gdansk), de tes années nageur ou de tes années baignades en eau sibérienne glacée par grand temps de vodka.

 Et puis, il y a toujours ces films du FIF que tu nous  fais vivre par procuration, ces essais et livres que nous avons le privilège de lire voire de corriger (merci Marie), ces parties de cartes endiablées pendant le Festival International des Jeux, et  ce blog qui te permet  de t’exprimer librement toi qu’aucun Directeur, et dieu sait que tu en as épuisé plus d’un, n’a jamais réussi à faire taire.…

D’ailleurs, te souviens-tu du nombre de Directeurs et élus qu’il t’a fallu convaincre du bien-fondé de notre action et qui t’ont souvent pris pour un extraterrestre de la culture, un électron libre parfois  non maîtrisable  mais toujours professionnel et sachant faire rêver tous ceux qui t’approchent.

Te souviens-tu de notre premier surbooking à la Licorne avec ce concert fabuleux d’al di Méola, de tes folies qu’étaient les concerts sous la Mer, les circassiens de Tridon au Palm Beach, les Jam -sessions du Festival de Guitare,  la reconstitution de Nashville , le show laser et plus récemment les programmations d’Archive, d’Iggy Pop,  de Pete Doherty  et du Requiem de Verdi.

 

JEAN-MARC : Je me souviens...en 1993, lors d’un spectacle à Mérimée, où tu m’avais demandé de rejoindre l’équipe pour les Festivals comme le Suquet, la Danse, Musique Passion, les Marionnettes, Musique Classique, et bien d’autres mais aussi des événements comme les concerts sous l’eau Mare Sonans, des concerts au stade des Hespérides, des concerts DJ’s sur la plage, des créations théâtrales, la liste est longue mais tout cela nous a permis de nous connaître et nous rapprocher, toi d’avoir confiance, moi d’aller toujours plus loin et plus haut, preuve en est maintenant avec les bombes, non pas les Russes, mais celles qui éclatent et réjouissent tout nos spectateurs. Toutes ces années ont fait notre force et nous ont permis surtout de ne pas voir les années passer car heureux des événements créés, des résultats obtenus et soif d’en faire toujours plus. Donc sans revenir plus longtemps sur le passé, nous avons encore envie d’aller loin avec cette famille que tu as su paterner à ta manière et qui porte ses fruits. Alors à « l’an que ven » et pendant plusieurs années !

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Quelques garçons en train de s'éclater, les coupes se remplissent !

NADINE : Je me souviens...  du loto GEANT du Festival International des Jeux où... je n'étais pas là !!! Et d’ailleurs, qu’aurais-je pu faire ? Il n’y avait que toi qui pouvais répondre à la demande de…Jambons ! Je me souviens… des faux Chœurs de l'Armée Rouge où cette fois-là ... tu n'étais pas là et la foule ne scandait pas Kalinka, Kalinka  mais… remboursez ! remboursez !

Mais je me souviens surtout de la magie du spectacle vivant que tu fais si bien vivre à Cannes. Merci pour l’enthousiasme et l’émerveillement que tu nous a insufflés que nous espérons continuer à perpétuer à tes côtés.

 

HERVE : Je me souviens  de ce début novembre 1997 où j'arrivais dans le service Démentiel !!!!, ce fameux spectacle  "Mare Sonans" dans lequel je pensais refaire le Grand Bleu mais au bout du compte je ressemblais à l'homme qui coule à pic !!! La fabuleuse file d'attente sur le concert d’Elton John qui s'étendait du Grand Audi jusqu'à la sortie du parking public qui aurait pu nous faire penser au premier jour de soldes dans les magasins !!!! ou encore à tenir, sous un pluie battante, les bâches du podium extérieur sur les Allées avec des balais en attendant le mot magique de Bernard qui ne viendra jamais (on annule ) !!!! Mieux encore où Bernard et moi-même étions devant les caméras du monde entier pour les remerciements du Président de la République de l'époque Jacques CHIRAC qui était présent dans le cadre du G7 à Cannes devant l'entrée des artistes !!!!!! il y en a tant d'autres !!!! Merci Bernard pour toutes ces aventures trépidantes et insolites !!!!!!

 

MARIE : Je me souviens Bernard d’être passée sous ton bureau, ce qui pouvait prêter à confusion si l’on n’avait pas connu la nature on ne peut plus « chaste » de nos rapports. Je me souviens de cette photo prise par Julien, par surprise, sur la terrasse et sous la pluie, toi en short tenant un grand parapluie rouge et blanc et ta secrétaire posant à tes côtés (drôle de duo) !!! Je me souviens de tous ces moments de pure émotion lorsque, à l’occasion d’anniversaires de tes collaboratrices et collaborateurs, tu lisais, en les vivant, après les avoir rédigés et personnalisés, des discours à leur intention. Je me souviens de tant d’événements qu’il me faudrait des heures pour les coucher sur le papier. Je me souviens surtout de l’évolution, au fil des ans, de nos rapports professionnels basés, de part et d’autre, sur la confiance, le respect et l’affection. Bien qu’ayant à plusieurs reprises, à une certaine époque, voulu changer de service aujourd’hui je suis fière d’avoir parcouru ces 19 années à tes côtés. Merci mon Directeur préféré.

FLORENCE : Je me souviens de ton arrivée à l'OMACC, j'avais 20 ans et c'est grâce à toi que j'ai signé mon CDI. Tu m'as fait confiance et j'espère que je ne t'ai pas déçu tout au long de ces 21 ans (pour le moment tu es le mec avec qui je suis restée le plus longtemps !!). Je t'ai vu vieillir !! Tu m'as vue grandir. Mes meilleurs souvenirs sont ceux de l'OMACC, tu étais fou et toute l'équipe l'était avec toi. Les vacances en Ardèche et ma valise à roulettes, quel délire ! le week-end à Turin, une tuerie ! Les soirées bien arrosées à l'hôtel Mondial pendant le Festival de Guitare, une boucherie ! J'ai des anecdotes plein la tête, mais celles-ci sont aussi les tiennes, nous nous comprenons !!! QUE DU BONHEUR. Les années Palais sont super également, mais je suis beaucoup moins folle et donc beaucoup plus sage et raisonnable. C'est grâce à toi que j'ai vibré sur les concerts de Jacques Higelin, Cali, Iggy pop et une grande émotion quand j'ai rencontré Maurice Béjart et découvert son univers chorégraphique. Toutes ces joies, ces rencontres, et ces émotions je te les dois. 1000 MERCIS et bon anniversaire.

 

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Les filles énamourées en train de me fixer....toute la tendresse du monde !

EURIELLE : Je me souviens d'une permanence de février 2009 qui devait se passer le plus simplement du monde et qui a tourné en véritable cauchemar...loto, Festival International des Jeux 2009, ou comment un Directeur a fait face à une foule en colère, ivre de parapluies et de porte-clés du groupe Barrière, devant une animatrice en larmes totalement dépassée par l'événement. Comment oublier cette soirée sans fin où nous avons fini par faire les fonds de tiroirs du bureau de l'Evénementiel, sous les huées d'un public irrité, avide de gains ! Je me souviens aussi d'un discours sur la scène du Grand Audi...on peut, je pense, le qualifier de magistral...repli au Grand Audi du concert des Sœurs Labèque...vous seul avez le don de justifier un repli par temps de pluie alors qu'il fait beau ! 

NITYA : Je me souviens

Par cœur du numéro de téléphone de Frédéric Ballester…à force de vous le donner

De cet ordinateur, machine obscure et capricieuse, mais qu’on arrive toujours à dompter.

De cette sono qui hurle 10 fois de suite la dernière merveilleuse chanson d’un artiste encore inconnu qu’IL FAUT ABSOLUMENT ECOUTER, et qu’on écoute, en boucle…

Des réunions d’équipe qui, à partir de midi, dérivent et se ponctuent de blagues, qu’il faut avouer souvent douteuses…mais qui nous mettent toujours de bonne humeur !

Des nombreux compliments de nos abonnés, parfois râleurs, mais qui s’abonnent quand même…donc c’est qu’ils sont contents !

De la magie d’une salle de spectacle qui se met debout et qui applaudit, grâce à certains spectacles non programmables, et pourtant programmés, et qui marchent…bravo chef !

 

CYNTHIA : Je ne me souviens pas avoir été volontaire pour Rouben Elbakian, et pourtant… J’étais à vos côtés ! Je ne me souviens pas, non plus, avoir été actionnaire chez Marlboro, et pourtant… J’aurais dû croire en vous ! Mais, je me souviens de Pete Doherty, de la foule et de votre regard envieux quand les petites culottes volaient sur scène ! Je me souviens aussi vous avoir entraîné dans les quartiers, pour vous faire découvrir la « nervous » folk, qui l’aurait cru ! Merci Patron.

Bernard, je mets mes souvenirs de côté pour continuer à vivre, je l’espère, de belles années au sein de l’Evénementiel.

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Les jeunes de l'équipe tentent de me consoler...elles y réussissent !

SOPHIE : Je me souviens  de tous ces concerts fabuleux que le temps n’a pas pu effacer : Arno, Rachid Taha, Cali, Goran Bregovic, Daho, Da Silva, Idir, Charlélie Couture, Higelin, Aznavour, Arthur H et bien sûr, nos regrettés Bashung et Mano Solo.  Et il y a tous ces blacks que tu nous as fait découvrir : Salif, Sally, Ismaël, Rokia, Youssou ainsi que tous ces Corses que tu as réussi, au fil du temps, à nous faire aimer : A Filetta, I Muvrini …Il y a tous ces spectacles de Théâtre, de Danse ou non identifiés qui nous ont ravis mais que je n’ai pas le temps de citer et puis  tous ces artistes que tu continues à nous faire découvrir en même temps qu’à un public de plus en plus difficile à convaincre.  

 Les temps ont changé depuis que tu exerces ce métier mais à l’heure d’internet, tu sais et nous le savons tous ici que l’Homme aura toujours besoin de se retrouver pour partager ces moments de bonheur que seul peut offrir le spectacle vivant.

Continue à nous faire rire, à nous émerveiller et  sache que grâce à toi, nous avons assez de souvenirs pour vivre encore heureux pendant 60 ans.

Merci  Bernard !!! 

 

 

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Le jugement dernier/Requiem de Verdi

Publié le par Bernard Oheix

 

La genèse de cette création plonge dans le Trastevere, un restaurant de pâtes situé le long du Tibre dans une Rome où je m’étais rendu pour visionner La Divina Comédia, opération chantilly sponsorisée par le Vatican. De cette Divine Comédie, il ne restait que la qualité d’un procédé de rétrovision sur des tulles transparents d’un décor virtuel créant un véritable choc esthétique. Au repas qui suivit, se trouvaient réunis mon ami Richard Stephan, un producteur atypique de gros spectacles et Paolo Miccichè, auteur, dans cette Divine Comédie, des projections futuristes permettant aux chanteurs et acteurs d’évoluer dans des décors de synthèse à la réalité sublimée.

C’est au cours de ce repas, qu’après avoir formulé quelques réserves sur le spectacle à la mortadelle auquel nous venions d’assister, vantant malgré tout la qualité de son procédé, que nous convînmes tous les 3, de créer à Cannes un véritable événement, une création mondiale s’appuyant sur son idée de mêler le Requiem de Verdi avec les images du Jugement Dernier de Michel-Ange ornant le plafond de la Chapelle Sixtine. Ajoutons que les pâtes étaient succulentes, le vin délicieux que nous bûmes à forces rasades pour fêter cet engagement à l’ancienne, et que nous « topâmes » dans la main en gens qui se respectent et respectent leur parole !

 

Disons-le, à partir de ce moment, tout ne fut pas rose…

A commencer par les négociations avec les orchestres de Nice et de Cannes en train de fusionner dans la haine, des responsables (que nous ne citerons point) nous toisant de haut, trublions dans ce monde compassé d’une musique classique qu’ils étouffent et font mourir sous leur conformisme…En décembre 2009, après une réunion à Nice qui tourna à l’inquisition et au procès d’intention, nous décidâmes de jeter l’éponge malgré les ventes plus que satisfaisantes et l’attente du public : l’orchestre refusait toute idée de mise en scène et les chœurs hurlaient avec la meute ! C’est toujours triste l’annulation d’une création, un sentiment d’injustice qui nous prive de notre part de rêve, la disparition dans le chaos d’une oasis d’espérance, des émotions perdues à jamais…

C’est dans ce week-end fatal entre chien et loup que Richard Stephan eut un sursaut libérateur. Il me demanda de suspendre la suspension, le temps pour lui de négocier avec l’orchestre de l’Opéra de Toulon et les chœurs semi-professionnels de Nice.

 

Que dire du spectacle ? Superbe et envoûtante cérémonie secrète, hymne à une vision libérée et désincarnée dans les plages sonores obsédantes d’un Requiem de Verdi sublimé. Les voix magnifiques, les solistes d’exception au service de ce Jugement Dernier de Michel-Ange, contrepoint par l’image des angoisses d’une messe des morts. C’est un opéra total, une œuvre hybride entre la leçon magnifique d’un peintre offrant sa vision d’une humanité désarmée devant la mort et les boucles intemporelles envahissant l’espace d’un compositeur obsédé par cette frontière que l’homme franchit pour s’affranchir. Rarement j’ai perçu à ce point combien le détail d’une peinture, qui a marqué une époque, pouvait se confondre avec un son immatériel, une alchimie complexe, deux arts se fondant dans une fresque animée pour renvoyer le public vers des questions essentielles : beauté mortifère, hymne à la mort, sentiment d’un Dieu tout puissant bien loin des oripeaux du pouvoir, dans un éden que la vie offre à ceux qui passent de l’autre côté du miroir et nous laissent orphelins d’une mémoire.

 

Bien sûr, comme toute authentique création, le spectacle progressera encore après cette première, certaines images ne sont pas assez exploitées, le montage peut gagner en efficacité, la mise en scène se libérer en s’étoffant…mais en toute état de cause, cette première ébauche affirme la force de la vision de Paolo Miccichè, son talent dans l’orchestration d’une technique novatrice au service d’œuvres immémoriales.

 

Et n’en déplaise à tous les conformistes qui parasitent le monde de la musique, on peut aimer et travailler le classique en étant moderne, en offrant une alternative à l’ennui profond de ceux qui endorment le public dans la répétition sans saveur du suranné ! L’inventivité peut faire bon ménage avec le bon goût…Nous l’avons prouvé ! Merci à Richard Stephan, le producteur atypique et à Paolo Miccichè le metteur en scène de génie de m’avoir permis de les accompagner sur les chemins tortueux de la création et d’avoir entrouvert les portes de la perception !

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Rokia Traoré : ma déclaration d'amour !

Publié le par Bernard Oheix

Rokia Traoré : déclaration d’amour.

 

Samedi 20 mars 2010, Théâtre de la Licorne. Après bien des vicissitudes, Rokia s’apprête à entrer sur scène. Il est 21 heures 15. Nous avons 45 minutes de retard, la salle initialement prévue ayant été récupérée pour un congrès, nous avons dû nous replier à la Licorne pleine à craquer, arrêter les ventes et mettre en place un système de navettes afin de rapatrier les égarés de La Croisette que nous n’avions pu informer. Le public s’impatiente. J’arrive de mon piquet de garde devant l’ex-lieu où j’ai fait la voiture-balai. J’ai hâte de retrouver une de ces chanteuses merveilleuses, une de celles qui font rêver et permettent de penser que la musique est bien un vecteur entre les cultures, un facteur de paix et d’amour. Elle me donne l’impression de faire quelque chose de bien en la programmant, de servir et d’être utile. J’ai déjà assisté à 2 de ses concerts et pour rien au monde je ne raterai celui que j’organise dans ma ville !

 

Elle est belle, étrangement belle d’ailleurs. En dehors de tous canons, Grande et filiforme, un visage étroit et plat, deux immenses yeux fureteurs, un corps maigre. Elle n’a pas de poitrine ni de fesses, une longue robe l’enveloppe, dissimulant sa finesse. Elle ressemble à une enfant gracile qui ouvrirait d’immenses yeux devant la beauté du monde.

Quand elle parle, un filet de voix discret s’échappe de sa bouche, comme si elle avait peur de ce micro ouvert qui l’oblige à meubler le silence et à se livrer au public. Elle veut partager, pas imposer et s’excuserait presque de ces feux qui l’illuminent dans un travail d’orfèvre. Pourtant elle habite la scène et quand la musique sculpte l’ombre, quand elle se met en mouvements devant ses musiciens dans un cône de lumière, alors, elle devient une reine, somptueuse de grâce, liane vivante habitée de toutes les passions, nerveuse, cadencée, vivant les notes comme si elle pouvait les incarner et donner de la chair à l’éphémère.

Et cette voix si fluette, quand elle décide de la projeter pour l’inscrire dans le rythme de ses musiciens, rien ne lui résiste. Elle franchit les barrières, casse les frontières, envahit chaque espace, devient l’incarnation de ces notes qui flamboient et dévastent tout sur leur passage.

Elle est à mi-chemin de toutes les cultures même si son essence africaine affleure à chaque instant. Sur la base d’une étrange guitare « ethnique » au son aigre, elle va évoluer en flirtant entre le blues et les rocks, sertissant de mélopées profondes d’autant plus belles que sa voix aiguë se glisse entre les instruments, batterie, basse et guitare en contrepoint, sa sœur en appoint de chœur pour relever le chant et lui permettre de dominer le son en l’épiçant de variations.

Dans son introduction musicale, elle va installer son univers, donner une atmosphère en tendant la main à son public, deux morceaux très lents et doux avant de prendre possession de la salle et d’attirer les spectateurs dans son univers si particulier de douceur et de fureur. Loin d’un Salif Keita ou d’un Ismael Lo, elle est en rupture d’une tradition et invente une musique de métissage originale, fusion de deux mondes qui communiqueront par son entremise pour mieux s’aimer. Elle est Princesse Africaine et donne son énergie pour que l’osmose ne soit pas seulement le tribut d’un concert mais bien au cœur d’une démarche où la vie prend toute sa valeur.

Ses interventions, toujours justes et mesurées, donnent une dimension humaniste à sa démarche, une compréhension de ce qui réunit les gens et gomme les différences sans les exclure. Elle est l’oriflamme derrière lequel nous avons le désir de nous rallier, pour la paix dans le monde, pour le partage.

Rokia, je t’aime d’amour, ton univers est le mien, tes gestes me fascinent, ta voix me transporte. Avec toi, je deviens « fan », je signe et persiste. On a besoin de toi parce que tu es une lumière dans la nuit et que derrière ton sourire humble, tes yeux qui rient, ton corps qui tangue, il y a la beauté de l’humanité, la ferveur d’une femme, le cri désespéré de ceux qui portent la paix et la tolérance au sein d’un monde si imparfait.

 

J’avais déjà écrit sur Rokia Traoré, (cf. mon blog, Musiques et spectacles en stock 1, juillet 2007). Après le concert, je me suis rendu dans sa loge pour la saluer et la remercier. Elle avait la tête ailleurs, ivre de sa prestation, décompressant. J’ai balbutié quelques mots et je l’ai serrée dans mes bras en me présentant. Elle a mis quelques secondes à redescendre sur terre et je lui ai sorti quelques tristes banalités de circonstance, sincères mais si pauvres ! Elle a souri et quand j’ai tourné les talons après avoir obtenu une dédicace sur mon programme, elle est rentrée dans sa loge. En m’éloignant dans le couloir, j’ai entendu « Bernard ». Elle était ressortie sur le seuil et m’a lancé « -Merci de m’avoir invitée, merci vraiment… », comme pour se rattraper d’une distance qu’elle n’aurait point désirée…J’ai été heureux, simplement, bêtement, de ce rappel, d’un merci sincère, sans affectation, comme rattrapé par une force qui cimente les passions, les gens de bonne volonté dans la crudité d’un couloir triste illuminé par sa présence.

Rokia, une grande Dame, une artiste d’exception, une femme de cœur !

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Infernum Suquetam

Publié le par Bernard Oheix

 

La roche Tarpéienne n’est jamais loin du Capitole…J’en ai fait la cruelle expérience, une fois de plus, et des ors de Montréal, où la gloire m’effleura, aux pavés glissants des Nuits Musicales du Suquet, il n’y eut qu’un pas que je franchis allégrement pour me vautrer dans la fange de l’ignominie !!! Jugez-en par vous-même !

 

« -Mesdames, messieurs, aujourd’hui, je viens de prendre la décision la plus stupide de ma carrière d’organisateur… ».

Ainsi ai-je entamé mon discours sur le plateau du Grand Auditorium du Palais des Festivals, déclenchant les rires des 700 personnes installées sur les fauteuils de velours rouge, dans la quiétude de la salle, en lieu et place d’affronter des bourrasques sur les gradins du Suquet, sous les étoiles, plus près de toi, Mon Dieu !

Le repli éventuel au Palais des Festivals devant être impérativement décidé au plus tard à 16h15, sans possibilité de retour en arrière, en ce 22 juillet 2009, la lecture à 14h30 du bulletin météo me refroidit quelque peu. Des vents en moyenne à 40km/h étant annoncés, je passe 30 mn au téléphone avec le responsable de la station où nous sommes abonnés afin de tenter de voir clair dans l’imbroglio d’une soirée qui s’annonce complexe. 700 personnes ont pris leurs billets pour les sœurs Labèque. La salle est archicomble. Ce n’est pas la première fois que je les programme et chacune de leur venue est propice à une bonne décharge d’adrénaline. Disons-le clairement, elles n’aiment pas jouer en extérieur, détestent le vent et les cris des cormorans, le moindre klaxon déclenche leur irritation et quand un spectateur tousse, elles se sentent personnellement agressées. Cela n’enlève rien à leur talent et à leur gentillesse, elles sont comme cela les sœurs Labèque, méticuleuses et particulièrement scrupuleuses quant à l’exercice de leur art.

Je reprends rendez-vous téléphoniquement avec le gardien des cieux pour 16h afin de faire un ultime point qui ne changera rien. Il me certifie que le Suquet subira de travers des rafales de vent marin entre 20h et 23h et les artistes consultées par précaution me poussent au repli immédiat…

J’imagine la tête de mes supérieurs à l’annonce qu’il faut rembourser tout le monde parce que j’aurais fait le mauvais choix et déclenche in petto un repli stratégique au risque zéro malgré la maigreur du souffle d’Eole qui tente une percée vers 16h30, sans conviction… avouons-le !

Sophie D, mon adjointe débarque en rigolant… « -repli, vous avez dit repli, mais il n’y a pas de vent …pourquoi ? Encore une de tes lubies, Bernard !». Admirez au passage la solidarité de ma plus proche collaboratrice, celle qui partage ma vie (professionnelle) depuis 20 ans désormais !

Je résiste et tente de me convaincre de la justesse de ma décision, me mets à guetter, le nez en l’air, chaque branche d’arbres qui se courbe timidement… Et plus le temps passe, plus le vent décroît jusqu’à ce qu’il s’éteigne définitivement à 19h30, laissant les drapeaux en berne, mon cœur en jachère et le public particulièrement furieux de ce repli intempestif, incompréhensible.

Je vais donc passer les heures qui suivent à exhiber mon bulletin devant les faces de hordes excitées zébrées de rictus méchants afin de prouver que le vent devrait être là, jusqu’à ma montée sur scène pour une expiation publique.

Inutile de vous dire que je n’en menais pas large au moment de pénétrer sur l’immense plateau, m’accrochant au micro comme à une bouée de sauvetage…jusqu’à cette introduction qui dérida la salle et me mit les rieurs dans la poche…

Sophie, goguenarde, avait annoncé à la cantonade, que cette fois-ci, si j’arrivais à les faire sourire et à les retourner en ma faveur, j’aurais vraiment droit à une médaille ! Je la porte au revers de tous mes espoirs, comme un tribut payé au vent capricieux colportant les ondes mauvaises d’un dieu Suquétan pervers !

 

Les soeurs Labèque, après la tourmente...

Mais ce n'en était pas fini avec cette édition du Festival !
Passons sur les rumeurs montantes, celles qui déchirent le silence précieux des pianistes avec des airs de « batucada » peu propices au mixage des genres, à notre toile esthétisante surplombant les spectateurs sauvagement lacérée dans un pur élan de vandalisme par une nuit sans fond, pour arriver à cette clôture des Nuits Musicales du Suquet avec mon ami Nilda Fernandez.

« -Mesdames et messieurs, un guitariste a besoin de doigts, un chanteur de cordes vocales et une danseuse de jambes…c’est, hélas, ce qui manque à notre Carmen ! En effet, il y a une semaine, pendant une répétition de ce spectacle que j’ai vu à Paris, à la Casa des Espana, spécialement repris pour Cannes en exclusivité, elle s’est foulée une cheville…exit donc notre Carmen. Dans l’impossibilité de trouver une danseuse, refusant une annulation pure et simple, j’ai convaincu Nilda d’adapter son spectacle en reprenant  un travail sur Garcia Lorca qu’il avait monté tout en conservant la trame musicale du précédent spectacle… Dommage pour la Carmen Cita et vive donc Fédérico Garcia Lorca… ».

 

Il est certain que le début du spectacle péchait quelque peu, malgré deux chansons sublimes de Nilda sur des poèmes de Garcia Lorca…le rapport à l’Espagne, une conférence sur la renaissance du flamenco, une distribution de jambon…chaque élément en soi était plutôt riche mais l’impréparation et l’improvisation de cette première partie de 30 minutes rendaient un flou artistique pas toujours convaincant…Par la suite, le groupe (deux guitares, deux voix masculine et féminine, un carom et deux danseurs, homme et femme) entra en scène pour une heure et quart d’un flamenco âpre et rugueux. Les musiciens géniaux, la chanteuse sublime, un danseur atypique portaient l’ensemble et réussissaient à retourner l’ambiance et à faire basculer les spectateurs malgré une poignée d’entre eux (une vingtaine) qui décidèrent de quitter la salle au bout d’une demi-heure non sans avoir au passage, apostrophé le metteur en scène avec vulgarité.

Un des semeurs de zizanie, 35 ans, pantalon blanc, chemise blanche, (ouverte sur un torse viril avec poils noirs frisés) vint vers moi de sa démarche chaloupée et m’apostropha. « -J’ai un ami avocat, je suis Corse, et maintenant, si tu ne me rembourses pas immédiatement, on réglera ça en homme » me dit-il, en me saisissant par une épaule ! « D’abord, c’est pas un spectacle, ils boivent et mangent du jambon sur scène au lieu de jouer et de danser ! »

«-Monsieur, enlevez votre main de mon épaule », répondis-je stoïque, avant que la police n’intervienne avec brio, (on ne s’en prend pas au caissier ! (sic), et que le spectateur irascible et peu mélomane conclue d’un sonore « -mais enfin, si on se fait enculer, alors on n’est pas un homme ! »

Et moi qui pensais que la musique adoucissait les mœurs et qu’une soirée au Suquet à 30€ sous les étoiles ne pouvait déboucher que sur une note d’harmonie !

Et 650 personnes debout, à la fin du spectacle, firent une ovation aux musiciens et à un Nilda attachant, légèrement désorienté et quelque peu perplexe.

Reste l’attitude inqualifiable d’une poignée d’histrions sans éducation, mais de cela, je vous reparlerai bientôt, dans un billet futur !

 

Le Suquet est terminé, il fait chaud, très chaud, et les manifestations s’enchaînent, Feux d’artifice, Pantiero, plages électroniques, Jazz à Domergue… avec leur lot de problèmes et leur somme d’angoisse. C’est la marque d’un été complexe, dédié aux caprices d’une météo fluctuante et d’une société en crise…mais le beau temps reviendra et « l’avis de tempête culturelle », accroche de notre programme d’été sur Cannes, cessera bien un jour prochain ! Enfin, on l’espère !

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