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histoires vraies

Une nuit à Vence

Publié le par Bernard Oheix

 

Juan Carmona, mon vieux complice des « Nuits Flamenca », virtuose de la guitare gitane, avec Dominique Fillon, un jazzman au nom si lourd à porter (Eh oui ! C’est bien le frère !)… même si son talent n’appartient qu’à lui, sans aucune discussion. Ils étaient annoncés dans une création en première partie de Khaled, dont le dernier disque est un bijou, autant d’éléments pour me convaincre de me rendre avec Nilda Fernandez, sur la place de la ville pour passer une soirée musique de détente après son opus flamenco en clôture des « Nuits Musicales du Suquet » de Cannes.

 

 

Jaillissement de notes, torrents déferlants pour maestros en fusion, un jazz teinté de sonorités flamenca qui coule en flots ininterrompus. Une création les réunit pour des échanges riches et cristallins. Même si la virtuosité élégante des musiciens est manifeste, c’est une musique qui ne me parle pas, qui effleure mon cerveau sans atteindre le cœur. Je préfère et de loin le Carmona de la Symphonie Flamenca, le rugissement de sa guitare à une expressivité trop sophistiquée. C’est ainsi, j’aime toujours le Maître, même si sur ces chemins de traverse, il m’apparaît quelque peu figé, enfermé dans sa volonté d’aller vers les autres en s’oubliant. Carmona est un grand soliste contemporain de la guitare, il n’est que juste qu’il se confronte à diverses formes d’expression mais son talent réside au bout de ses doigts quand il parle vraiment de cette musique qui le hante et règne dans son âme de gitan perdu dans un monde de chaleur.

 

J’adore l’ultime opus de Khaled. Des compositions fortes, un musicien qui se régénère et offre une nouvelle facette de son talent. J’en frémissais de l’écouter et de voir son show. Déception. Il reste Khaled, un son trop fort et gras qui déboule des enceintes, une gestuelle un peu ridicule, un sourire qui résiste au temps. On a envie de l’aimer, de lui offrir notre écoute mais il semble si absorbé par son propre destin, qu’il n’y a pas de prises à l’émotion. Quelques tentatives de se trémousser plus loin, il nous laisse sur notre faim, sans l’énergie de ses débuts, sans la sérénité de la maturité. Un peu trop accrocheur, manquant de finesse, il réussit par la force de son timbre à me prendre par la main mais échoue à me transporter dans une contrée où tout est harmonie.

J’aime khaled malgré tout et continuerai à le suivre en espérant que l’alchimie subtile de la perfection lui offre enfin la magie d’une communion avec son public !

 

Au passage, dans cette équipe géniale des Nuits du Sud, le meilleur festival de la Côte, où professionnels et bénévoles se côtoient, Théo Saavedra, le directeur artistique et Serge Kolpa, le directeur technique nous accueillent avec le sourire de ceux qui ne trichent pas. J’ai toujours du plaisir à les retrouver, la concurrence est une belle émulation quand elle se produit dans un respect mutuel.

 

Pendant le changement de plateau, une amie qui m’avait interviewé récemment se dirige vers moi et me dit bonjour. Elle est accompagnée d’une jeune fille qui me salue. Je la regarde sans mettre de nom sur son visage.

-Bonjour, je suis Gwendoline C. Vous ne vous rappelez pas de moi ?

-A vrai dire, non, cela me dit quelque chose, mais…

-J’étais une de vos étudiantes à l’Université de Nice, il y a plus de 5 ans. Les cours d’économie du spectacle en licence Arts du Spectacle.

-C’est vrai ! Et que deviens-tu ?

-Je travaille aux Nuits du Sud… et c’est grâce à vous ! Vous m’avez donné le goût de l’évènementiel et vous m’aviez conseillée d’aller vers la technique pour trouver du travail…C’est ce que j’ai fait et je voulais vous dire merci. Je vous avais raté l’an dernier mais quand j’ai su que vous étiez là, je tenais à vous rencontrer, enfin !

 

Je lui ai claqué une grosse bise qui a résonné sur la place pour la gratifier de ces mots doux et pendant quelques secondes, j’ai été heureux, simplement heureux et fier. Comment imaginer que l’on puisse influer positivement sur l’avenir des autres ? Elle me rappelait à l’espoir et au plaisir que j’avais réellement eu de transmettre un peu de mon expérience dans ces murs de la Faculté. Même si l’aventure avait tourné cours, (confère mon article dans le blog, rubrique Culture du 05/03/2008), elle reste la preuve vivante que je n’ai pas effectué tout cela pour rien !

Merci Gwendoline et bon vent dans ton métier !

 

 

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Mes 5 minutes de gloire...

Publié le par Bernard Oheix

C’est Andy Warhol qui écrivait que chacun d’entre nous est condamné à avoir son quart d’heure de gloire dans son existence…Bon, dans mon cas, j’ai la nette impression que Montréal 2009 aura entamé ce capital de quelques minutes particulièrement riches ! Jugez-en par vous-même en lisant la suite…

 

Je suis le Père Noël et nous sommes en juillet…C’est ainsi que j’ai attaqué mon discours devant 25 000 personnes massées sur les gradins de La Ronde déclenchant immédiatement une cascade de rires !

Au départ il y a un voyage éclair à Montréal afin de rencontrer les responsables du Festival de Feux d’Artifice et de Juste pour Rire…deux manifestations avec lesquelles je suis particulièrement lié par des liens d’amitié. 5 jours qui s’annonçaient intenses et qui le furent bien au-delà de mes espérances !

Après une telle entame qui déclencha une première vague de rires, il fallait pouvoir assurer. J’ai donc enchaîné en expliquant qu’il y avait trois raisons à mon statut provisoire de Père Noël.

La première fut expédiée rapidement, en l’occurrence, c’est votre serviteur qui devait distribuer les cadeaux aux artificiers accostant sur le ponton flottant où j’étais juché devant la foule installée sur d’immenses tribunes en arc de cercle. La deuxième me permit de renouer avec le succès. En effet, contrairement à ce qu’affirmait la jeune chanteuse québécoise qui m’avait précédé en tant que marraine de la soirée, j’affirmais haut et fort que ce n’était pas elle qui avait importé le beau temps (les précédents feux s’étaient déroulés sous la pluie et dans les tourmentes du vent) mais bien moi, arrivant de Cannes. Le soleil, en tant que méridional, je maîtrise quand même mieux qu’une native qui ne fait que l’entrevoir pendant quelques semaines de juillet à août ! Pour la troisième raison, je m’assurai derechef un triomphe auprès de la foule.

« -Je viens faire allégeance, devant Martyne Gagnon la Directrice du Festival et toute son équipe, devant vous, chers amis québécois, j’ose l’avouer : Cannes n’est pas le premier Festival de Pyrotechnie du monde, c’est bien Montréal…et c’est dur pour un Français d’avouer un truc comme cela, c’est très dur ! »

A partir de là, j’ai déroulé en souplesse, brodant sur les feux d’artifice et la créativité des artificiers dans cet art devenant majeur, sur les liens d’amitié entre Montréal et Cannes et mon plaisir d’être ici, dans ce temple de La Ronde où se dessine les voies de l’artifice !

Effet garanti pour un discours rondement mené qui m’autorise à penser que j’ai désormais ma place réservée au soleil de l’été québécois et quelques Québécoises définitivement attachées à l’idée de nouer des liens d’amitié avec la France du sud !



Pour la petite histoire, originellement, c'est le consul d'Argentine qui devait faire le discours, mais son absence de dernière minute m'a obligé, à la demande de Martyne Gagnon, la Directrice du Festival, d'improviser mon laius...avec le résultat que vous connaissez !

Mais mon séjour avait pour but aussi de rencontrer le Directeur de Juste pour Rire, Gilbert Rozon, un homme avec qui j’avais sifflé un infâme vin dans des cornes de buffles par -30° au carnaval verglacé de Québec en matant des Miss transies dénudées dans le froid polaire, quelques siècles auparavant, scellant une amitié que ni l’éloignement ni le temps ne pourront éroder. Un homme étrange, passionnant, chef d’entreprise et visionnaire, à l’humour affleurant en permanence derrière une vision caustique de la vie, dissimulant derrière une provocation permanente, une vraie pudeur de la vie !

C’est ainsi, qu’honneur suprême, je me suis retrouvé entre les tables de Patrick Timsit ou de Florence Foresti, en train de déjeuner en solo avec maître Rozon pour un repas sympathique, humour et propos sérieux se mêlant en un rideau de fumée que nous seuls pouvions décrypter !

Pendant ces quelques jours, j’ai assisté à une version particulièrement étrange de Boeing-Boeing. Je n’avais jamais vu cette icône du théâtre parisien et outre qu’elle fonctionne parfaitement dans sa mécanique de standard « boulevardien », cette version québécoise, les accents, l’adaptation discrète aux codes locaux, lui donnent une puissance supplémentaire. Un gala (carte blanche) de François Morency réunit Anthony Kavanagh, Eboué, et une pléiade de comiques du crû dans des sketches d’une férocité sans égale !

Si l’on rajoute la zone de déambulations extérieures, en accès gratuit, interdite à la circulation, grande comme le centre ville de Cannes (entre les rues Saint-Denis, Maisonneuve et Sainte-Catherine) où des centaines d’artistes jouent en permanence pour les passants, où des animations sont proposées dès le début de l’après-midi jusqu’au soir tard, où juste pour jouer, juste pour danser, juste pour chanter se confondent en un joyeux mélange qui ne perd pas son sens premier d’amener à la fête, où défilent des jumeaux et explose un carnaval… Alors, on a la dimension de l’événement gigantesque qui se déroule sur 3 semaines à Montréal. Il n’y a pas de pendant à Juste pour Rire…et c’est quand même la deuxième fois que j’avoue cela à nos cousins de la belle province… en une semaine !

Une équipe d’organisation géniale, (beaucoup de filles efficaces et sympathiques), attentive à bien recevoir, un club VIP où se croisent, dans la bonhomie, stars et inconnus, les yeux d’une belle black comme le souvenir d’une Afrique qui élit domicile sur ces terres accueillantes (le Québec est devenu le nouvel eldorado des francophones des anciennes colonies), une mousse avec des amis à parler de transformer le monde par l’humour, des soirées qui dérivent, Nathalie G, adjointe de Rozon comme cerbère de charme pour se fondre dans la nuit quand les chemins se séparent, c’est Montréal 2009, hardi au cœur, Juste un Rêve, un feu d’artifice, Juste un moment de Grâce…

 

Et je vous certifie que les 25 000 personnes du Festival de la Pyrotechnie de Montréal m’ont applaudi à tout rompre. Je les ai eus, mes 5 minutes de gloire !

 

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De l'enfer au paradis musical

Publié le par Bernard Oheix

 

Vendredi 17 avril. Dernier week-end de musique, quasiment la fin d’une saison. Salle des Ambassadeurs. 2000 zombis débarquent de la planète « jeans-slim », mèches gominées, femmes enfants à tendance « cagolle », mecs androgynes au verbe trop haut et aux épaules tombantes… Ils sont là, bien présents, nos amateurs d’électro, une nuit si longue qui nous mènera jusqu’à 2h30 en compagnie de DJ’s impériaux derrière leurs machines en train de déclencher des vagues grasses d’un son puissant qui roulent comme des pierres sans mousse !

Objectif bar pour se noircir au plus vite, détour par le balcon pour s’enfumer à « donf », et passage devant la scène pour lever le bras et sauter en rythme, épousailles du vide et du trop plein, degré zéro de l’inutile !

Je l’avais tant espérée cette soirée confiée à David B, un ami programmateur d’une gentillesse extrême, compétence et sérieux, dynamique organisateur de manifestations électro sur la place de Cannes ! Des Pantiero, nous en avons partagées nombre, avec des moments de folie quand basculent les repères, sautent les verrous de la conscience. Cela peut devenir si beau la modernité !

Mais quand la bière est éventée, que le cadre magnifique de cette salle se gonfle d’outrecuidance, que les chiottes débordent d’une pisse nauséeuse, que chaque minute est le reflet déformé de la vanité d’ombres sans horizon, alors, l’électro devient une mauvaise soupe, une potion amère que rien ni personne ne peut sauver du néant !

C’était ainsi en ce 17 avril, une soirée dont la réussite quantitative (2000 personnes) s’est brisée sur l’écueil du vide, où le trouble intérieur d’une jeunesse sans illusion s’exprimait dans l’acidité d’un comportement sans appel. Clops sur la moquette, vomi sur le velours, toilettes dévastées, vendeurs de produits illicites, rien ne nous aura été épargné que l’espoir ne puisse sauver ! Il reste la désillusion et la certitude que nous n’avons pas à œuvrer pour cette fuite sans rêves ! A d’autres l’organisation des nuits Electro, vive la musique live !

Je passe mon tour !

 

Samedi 18 avril. Nous sommes encore plus près de la quille, une odeur suave de libération ! Avant-dernière soirée avant le Festival du Film. Cela sent furieusement le sable chaud, les seins nus des starlettes et la cure de 7ème Art ! Mais en attendant, je vais présenter une de ces petites pépites qui règnent dans mon cœur de programmateur même si elle peine à trouver son public. Voix Malgaches et Fado, mélange des genres cohérent par le biais de voix de femmes, mais aussi d’un lien subtil entre le Fado et le chant universel de l’Afrique, les marins portuguais se nourrissant de ces chants polyphoniques en remontant le long des côtes africaines, comme nous l'expliquait la sublime Mariza. 

Tiharea (La richesse) est un groupe de polyphonies composé de trois princesses. Ando aux formes plantureuses de « mama » africaine, Eliane, petit bout nerveux de chou noir comme du charbon, et rayonnante, Talike Gelle, femme au regard de braise, habitée par la passion de la vie, véritable star au pays des voix de femmes. Leurs tresses traditionnelles, les dokodokos, leur donnent une allure de guerrières sauvages, nous offrent un parfum d’exotisme. Le groupe est issu du pays Androy, une terre sèche et aride couverte d’épineux, où la pluie ne tombe que 10 jours dans l’année, peuplée d’Antandroy durs et volontaires, façonnés par des siècles de survie et de combats contre les diverses vagues d’envahisseurs. Talike est l’authentique petite-fille du dernier roi des Antandroy, Fagnisaha, qui lui contait les mystères de son pays et les légendes d’un peuple. Il l’a chargée à sa mort de devenir son ambassadrice afin que le feu ne puisse s’éteindre et la mémoire s’effacer !

S’aidant de percussions (colliers de clochettes, instruments traditionnels, djembé), en rythme, les trois voix vont sertir le silence religieux de la salle où 300 personnes attendent de s’embraser. Mélodies et « rimotse » (raclements de gorge, halètements, sons gutturaux) composent une colonne sonore envoûtante. Talike peut passer de l’aigu au grave, du rapide au lent, elle est la colonne vertébrale sur laquelle les deux autres voix fusionnent. De l’unisson au décalage, elles nous prennent par la main pour nous faire découvrir les rites séculaires, la douleur des femmes et par-dessus tout, l’espoir et le don de vie de ceux qui sont accrochés par un fil ténu à la réalité du monde. Survivre en chantant et chanter pour faire revivre des siècles d’histoire. Un concert magique qu’une ovation d’intensité saluait en hommage au courage et à la vertu de femmes ordinaires que la grâce des dieux a effleuré de ses ailes !

 

En deuxième partie, le noir se déchire sur une silhouette fantomatique, femme déhanchée, mains derrière le dos, dans un pinceau de lumière rouge, robe ample, cheveux en cascade sur un visage gracile. Katia Guerreiro, émouvante, accrochée à sa voix rauque exprimant la saudade de tout un peuple nous prend par le cœur pour ne plus nous lâcher ! En contrepoint, assis sur des chaises surélevées, trois musiciens (guitares portugaise, sèche et basse acoustique) aux doigts légers, à la stature figée par les siècles d’un pays tourné vers l’univers, marins parcourant les mers, soldats perdus d’un empire défunt, pliant sous le joug d’une histoire trop lourde pour l’individu que la musique rend à l’éternité.

Katia Guerreiro est un médecin des corps, elle pratique toujours son art de panser les imperfections de la nature et pour faire bonne mesure, sillonne les scènes du monde pour dispenser un message de tendresse aux âmes blessées.

La guitare se fait tendresse et sa voix s’accroche aux notes. Dans la grande tradition d’Amalia Rodriguez, elle module chaque phase musicale pour en tirer la quintessence de l’émotion brute. Le public se laisse aller, entre dans sa transe, épouse ses vocalises, du chuchotement à la plainte passionnée. Cérémonie religieuse dans le sens d’une technique sacrée, comme si la musique pouvait devenir un art universel au service de la beauté. C’est Katia Guerreiro, perdue dans un abyme du temps, une boucle infinie qui autorise de communier avec le surnaturel.

Un vieux complice de ma jeunesse cannoise, Portugais de son état, Joao da Fonseca, qui m’a aidé dans la promotion de ce concert, m’avait donné un texte pour sa présentation. Voici ce qu’il écrivait : 

« -Peu de gens ont cette voix, la voix du Fado. Elle vient de loin, des chants anciens, probablement bien avant que le mot fado soit prononcé !

Derrière la guitare portugaise, pleure ses peines d’amour, sa saudade. C’est la fusion limpide des cordes qui se promènent dans les rues de Lisbonne, où se respire la mélancolie aimable d’un peuple.

Tout cela existe, tout cela est triste, tout cela est fado…et tout cela rend heureux ! »

 

Alors nous avons été heureux en cette soirée du 18 avril, du côté du Théâtre de la Licorne, à La Bocca, dans une salle à visage humain, avec un public de gens normaux, d’ouvriers et de blacks, d’hommes et de femmes de tous âges, reflet d’or d’une humanité capable de pleurer pour la grandeur d’un monde sans frontières et de voix venues d’ailleurs pour instiller une parcelle de bonheur dans le quotidien.

C’est si beau le monde quand il chante à l’unisson.

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Coeur Battant

Publié le par Bernard Oheix

 

Depuis tant d’années que je parcoure les routes sinueuses de ce métier, j’ai eu le privilège de rencontrer des gens formidables. Des Michel Bouquet au sourire facétieux, plein de douceur et d’attention, un Philippe Caroit d’élégance venant s’excuser d’un écart de langage dû au trac, Iggy Pop rayonnant au sortir de la scène s’extasiant d’avoir joué sur cette scène du Palais foulée par les stars du monde entier, des grands noms du théâtre et de la chanson, le regard transperçant de Maurice Béjart dominant un bouc austère, Arturo Brachetti avec sa houppe de Tintin lunaire, Gilbert Bécaud et sa faconde méridionale, Cali qui dissimule sa timidité derrière le visage d’un extraverti, Salif Keïta qui tombe à genoux devant son public, la bande d’Archive en train de boire et de poser pour les photos avec leurs fans au comptoir d’un bar de Cannes et tant d’autres qui allient le talent et l’élégance, dont le nom brille sans cacher l’humanité profonde.

 

Melody et Bernard O présentent la soirée.

Mais derrière ces grands noms, il y a toujours l’aile des autres, inconnus du grand public bien qu’au service de leur talent, les hommes et femmes de l’ombre sans qui les ors ne luiraient point de mille feux, qui se mettent à la disposition de la grandeur et n’en récupèrent pas forcément la gloire…quelques miettes tout au plus ! Ils restent pourtant au cœur du mouvement, de la pulsation qui entraîne le public vers l’horizon d’un bonheur éphémère, le moment du spectacle, la magie d’un instant d’éternité.

Gilles Choir est de ceux-ci, un batteur de talent, de génie, au service des stars, derrière ses caisses et cymbales, il règne sur un empire d’illusions, l’ombre est son domaine même si je l’en ai extrait pour braquer fugacement les projecteurs sur un visage d’enfant émerveillé dissimulé par de longs cheveux et un chapeau qui lui mange le front. Gilles Choir est mon ami et je lui ai offert le concert de ses 30 ans de carrière dans sa ville, sa région, devant son public…même si c’est lui qui m’a, dans la réalité, donné le plus grand des bonheurs, celui de réaliser un concert unique, de légende, la réunion de talents improbables que seule l’amitié peut souder, bien au-delà de tout calcul et d’additions mercantiles d’un plan de carrière à construire.

Melody, Gilles Choir, Phil Edwards et Ahmed Mouici à l'unisson !
 

Se bousculaient pour l’honorer en musique, le Corou de Berra de Michel Bianco dans sa version instrumentale, Phil Edwards avec son chapeau de cow-boy et son allant de folk et de country, la moitié de Pow Wow (Ahmed Mouici monté sur un courant sans alternative, Pascal Periz à la guitare sèche à pleurer), quelques membres prestigieux de la famille des batteurs (les Lajudie, Claude Salmieri, Pierre-Alain Dahan, rois de la baguette, transformant la batterie rythmique en harmonie souveraine)… des noms qui comptent dans le métier, qui sonnent les plus grandes stars de la variété…que vous ne connaissez peut-être point mais qui gagnent à se parer des atours d’une célébrité éphémère.

Ce qui aurait pu déboucher sur une kermesse bordélique de vieux potes blanchis sous le harnais, par la magie d’un Gilles Choir en batteur chef d’orchestre, se transformera en cérémonie d’initiés, opéra moderne se baladant dans tous les genres musicaux, un rituel plongeant ses racines dans la musique rock, country, jazz, dans l’alliance entre la voix et l’instrument, dans des batteries qui se superposent pour créer une harmonie universelle. Des fulgurances nous en avons vécues à chaque moment du concert. 8 mains pour batterie en introduction, père et fils Lajudie réunis par la tendresse et la complicité d’un art partagé, soli de Pascal Periz pour des mots enchanteurs dans des notes distillées, larmes de Gilles Choir et soli désespérés sous ses baguettes animées d’une passion que le temps compte trop chichement pour ceux qui rêvent éveillés. Voix rauque et stridence des riffs de Phil Edwards, Nex’Station avec la Melody du bonheur, sa fille à la voix portée par l’espoir, fanfare batterie des jeunes de l’école de la batterie, bœuf final emmené par un complice cannois débarquant de sa tribu, Bruno Clavel déchaîné, rejoignant ses amis pour emballer le rappel dans les notes grasses d’un blues d’anthologie…Le public qui remplissait la salle de la Licorne en redemandait encore au bout de 3 heures de concert, ovation montant jusqu’au ciel pour charmer les dieux de la félicité universelle en train de s’extasier sur ces grappes de petits hommes bleus couverts de notes fringantes.

C'est le moment des larmes sous le chapeau !
 

Par-dessus tout, les larmes de Gilles, star de la soirée, sa réserve naturelle mise en lumière dans la plus grande des simplicités. Il y avait des torrents de bons sentiments sertis dans la qualité de musiciens se lâchant en toute liberté, énergie débridée où rien n’était important que nier la fuite du temps et son cortège de morts, de rencontres évanouies, de destins funestes. L’ombre de Balavoine rôdait, Michel Berger se tenait au bord du vide, tant d’idoles brisées par l’ombre que les présents faisaient revivre dans la connivence d’un temps qui n’a pas de prise sur l’éternité d’une note de musique étirée jusqu’à l’infini.


Le vrai Gilles en action, derrière sa batterie, quand plus rien n'a d'importance que la note juste et que la vie devient  fluide comme la musique.

Quelques jours après, Gilles et Melody nous convient, Sophie et moi, à un déjeuner au Bar de la Marine pour débriefer la soirée. On reprend le cours de la genèse de ce concert et par la magie d’un homme qui a bourlingué sur tant de scènes d’Europe et des Etats-Unis avec ses baguettes sous le bras comme passeport, on se retrouve plongé dans un monde d’artistes tous plus célèbres les uns que les autres, nourris d’anecdotes, de descriptions friandes, de portraits croqués au traits rudes de la sincérité sans que jamais la méchanceté n’occulte le brillant tableau de chasse d’un attrape-rêveur. Gilles et sa Victoire de la Musique avec les Pow Wow, les débuts balbutiants de Mylène Farmer, les calculs savants d’un Balavoine sûr de son destin, les étoiles sans comète fracassées contre le mur de l’indifférence…

Alors oui, Gilles Choir, tes larmes fleuraient bon l’amitié et la gentillesse d’un musicien hors normes, comme un rappel que le talent n’est pas forcément concentré dans les mains égoïstes de ceux qui se parent d’indifférence, mais aussi dans la vraie générosité de ceux qui plongent leur regard dans les profondeurs de l’humanité !

Alors avec toi dans ce que tu vis, avec toi dans le courage, avec toi pour la guérison des petites bêtes qui rongent la beauté !


Le dieu de la musique est parmi nous, sans son chapeau mais en extase !

 

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Yves Simon, Archive et petits bonheurs.

Publié le par Bernard Oheix

 

La vie réserve parfois de belles surprises…Cette semaine d’un voyage éclair sur Paris en est la preuve évidente. Il y a du soleil dans le ciel bien chargé de ce printemps qui refuse de s’installer…parfois, ce n’est pas grave car c’est dans le cœur que les rayons brillent !

 

Combien y avait-il de chance pour que ce séjour éclair sur Paris me permette de rencontrer mon ami Yves Simon sur un trottoir, devant le Café de Flore, au sortir d’une réunion du jury des As d’Or du Festival International des Jeux qui s’était étirée jusqu’à me mettre en retard ? Aucune, à l’évidence !

Pourtant, chargé de mon sac, j’hésite sur la route à prendre, bascule par une ruelle pour rejoindre le métro Saint-germain et débouche sur le trottoir qui longe ce célèbre café où Sartre dégustait son petit noir en tirant sur sa cigarette. Là, debout en train de discuter avec une femme, dans la perspective exacte de mon regard, Yves Simon me voit et ouvre de grands yeux. Je vois la surprise, un « Bernard » s’échapper de sa bouche, il m’embrasse en me demandant ce que je fais sur Paris, pourquoi je ne l’ai pas averti et me prenant par le bras, en saluant son interlocutrice, m’entraîne vers le café de Costes.

C’est vrai que je ne l’avais point informé de mon passage. Deux jours « à l’arraché », le fait qu’il soit en train de lire un truc que j’ai écrit (et qui semble lui plaire !), le refus de mettre une pression sur ses épaules, m’avaient naturellement porté à ne pas lui dévoiler que je serais dans la Capitale !

Mais il était écrit que nous nous croiserions malgré tout pour le meilleur ! J’éclate de rire quand je le vois avec Libé et le Monde sous le bras, ayant strictement les mêmes journaux dans la même main… ce qui n’est que logique sans aucun doute pour des animaux à sang chaud ayant traversé les mêmes épreuves dans le même parcours !

Puis il enchaîne en me contant qu’il était à FR3 avec Patrice, sa compagne métisse pour un film sur le père d’Alexandre Dumas, héros romantique, général métisse de Napoléon… Là, j’hallucine et extrais de mon sac, le 3ème tome du Vicomte de Bragelonne que je suis en train de dévorer. Pour la petite histoire, j’avais lu plusieurs fois, adolescent, les 4 mousquetaires mais jamais leurs suites. Il y a quelques semaines, je me suis donc plongé dans les 2 tomes des Trois mousquetaires, embrayant avec les 3 de 20 ans après, et, découvrant que le Vicomte de Bragelonne avec ses 6 volumes en était le prolongement, me débats avec la cour de Louis XIV et un D’Artagnan vieillissant mais toujours fine lame devant l’Eternel enfin débarrassé de ses cardinaux maudits.

Combien y avait-il de chance pour rencontrer mon ami Yves Simon, avec ses deux quotidiens sous le bras en train de me parler d’un auteur que je n’avais plus lu depuis 40 ans et dans lequel je me replongeais ? Et si en plus, il laisse entrevoir du plaisir à me lire, alors, la vie est belle et le soleil de retour pour annoncer le chant d’un été prolixe !

Je ne peux passer sur l’extraordinaire spectacle du Théâtre de la Cité. Le Lyon Opéra Ballet de mon ami Yorgos Loukos dans une soirée spéciale William Forsythe reprenant 3 pièces phares de son parcours. Second detail (1991) est un alphabet du style « Forsythe ». Tout y passe… de ces pointes et entrechats qu’il va faire exploser pour inventer des signatures atypiques en créant un chaos apparent, de ces allers/retours entre académisme et recherche d’un geste libéré, de ces ruptures permanentes entre la notion de groupes et d’individus, sculptant le vide pour le remplir de son espace intérieur. Le Duo (1996) de danseuses à la poitrine nue est sublime de grâce et d’élégance, une composition troublante entre la précision extrême de l’unité et des fractures de rythme qui viennent casser la linéarité de l’échange. Les danseuses prouvent à l’évidence qu’elles possèdent les attributs à part entière d’une féminité rayonnante, elles sont belles et portent la grâce en elle d’une chorégraphie fluide et inspirée. One Flat thing, reproduced (2000) est un ballet d’une violence absolue. Des danseurs jaillissent du fond de scène pour installer des tables de cantine et vont évoluer entre les coins acérés, dessus et dessous, sculptant l’espace contraint rempli de ces arêtes meurtrières en un crescendo qui laisse bouleversé et haletant le spectateur devenu complice.

Et comme les grands bonheurs n’arrivent jamais seuls, après un dîner avec mes enfants, j’apprends que le disque d’Archive (prononcé Arkaïve) est enfin sorti…Je l’achète au Virgin de la Gare de Lyon et plonge dans la pochette à la recherche de mon nom (pour ceux qui s’interrogent, voir les articles dans mon blog concernant Archive et le plus beau et majestueux concert que j’aie jamais produit avec mon complice Michel Sajn !). Il y a bien nos noms, petits et noyés dans la masse, mais ils sont là, dans un service minimum mais qui me donne un sentiment de réalité… Je ne les pas inventées ces séances du côté de la Victorine avec le groupe pendant l’enregistrement des cordes et percussions avec l’Orchestre de Cannes, ces repas et discussions, cet échange avec des artistes qui ont produit un nouvel opus somptueux, baroque, entre la messe païenne et l’énergie d’un rock aux accents du désespoir. J’ai toujours en mémoire, les volutes sombres qui emplissent le Grand Auditorium pour ce concert de légende de septembre 2007.

Alors même s’ils ont oublié de remercier le Palais des Festivals et son Président David Lisnard, (et je le regrette vraiment parce que c’est grâce à son implication que nous avons pu mener à bien notre projet !), je suis heureux comme un enfant devant une galette majestueuse qui nous convoque pour un bout d’histoire, devant la postérité !


Pour Yves Simon et Archive, voir les articles dans mon blog ! 

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Max Gallo, mon académicien et moi...

Publié le par Bernard Oheix

 

Bernard O., particulièrement ému en ce jour de retrouvailles. Près de 40 ans après, la rencontre avec Max Gallo me replongeait dans une période de jeunesse, quand mai 68 venait percuter toutes nos certitudes, que la fièvre pulsait des humeurs dans notre sang, que rien n’apparaissait impossible à des jeunes de 20 ans en train de s’affranchir des chaînes familiales et d’inventer un avenir radieux.

Frais, émoulu, bac en poche avec son corollaire… fuir le toit familial et obtenir sa liberté, faire des études à l’université de Nice, loger en résidence universitaire (Ah ! le charme d’une petite chambre que l’on investit de sa liberté !), étudier, un peu, faire la fête et draguer les filles, beaucoup, tout un programme pour cet automne 1969 où je débarquais à Carlone, la toute neuve fac de lettres, pour entamer mon parcours universitaire. J’avais choisi de faire de l’histoire, non par conviction, je l’avoue, mais parce que cela pouvait déboucher sur une maîtrise d’histoire du cinéma, le vrai objet de ma passion.

Cinéphile acharné, plongeant déjà dans un Festival du Film à Cannes qui nous permettait (la belle époque !), de rentrer par des portes dérobées, avec de fausses cartes de presse, en pleurant à l’entrée, rois de la débrouille devant un système tolérant pour ceux qui osaient mettre en avant leur amour du 7ème Art comme passeport vers les salles obscures.

Fac de lettres où mon professeur principal s’appelle Jean A Gili, grand spécialiste du cinéma italien, critique connu et respecté qui deviendra un ami, et un certain Max Gallo dont la réputation montait sur la colline inexpugnable des sciences littéraires dominant la Baie des Anges qu'il allait rendre célèbre.

Max Gallo est un tribun étonnant, il parle de l’histoire avec des mots qui donnent le désir de comprendre, d’ouvrir les portes du passé pour en saisir les mystères. Toute l’année, il va nous enchanter en brodant sur la révolution russe, Staline, Trotski, Lénine, la Nep et Kamenev, les sovkhozes et les koulaks …

Notre relation fut bien sûr éphémère. Il démissionna très vite de son poste de professeur universitaire pour produire des livres avec le succès que l’on sait. Entre-temps, il nous avait pris par la main et menés sur les sentiers de la découverte, quand l’histoire supposait que l’on réfléchisse, analyse et construise des modèles rigoureux.

Un peu coincé, je discute avec mon maître d'antan et le passé renaît, comme si le temps n'avait aucune importance !
Je me souviens de mon premier exposé avec lui. Je m’étais mis en tandem avec mon amie d’enfance, la belle Sylvie G. et nous devions analyser la succession d’un Lénine trop tôt disparu. C’était un exercice redoutable, nouvel outil pédagogique, la prise de parole n’était pas si fréquente dans ce monde où le silence régnait à la mesure de son âge et de sa place dans la société. Nous avons construit notre temps de parole et déroulé un argumentaire avec le brio de comédiens affirmés (Elle était aussi cabotine que moi, la Sylvie !) et quand nous terminâmes notre exposé, l’amphi applaudit vigoureusement notre performance.

Max Gallo nous réunit alors et impavide, nous tint ce commentaire.

« Mes chers amis, réduire la succession d’un Lénine à la tête des soviets à l’inimitié d’un Staline et de Trotski, frères ennemis consacrés, peut apparaître un peu réducteur quant à une analyse scientifique de l’histoire… mais vous avez commis ce péché avec tant de plaisir et de brio que je vous attribue un 14 sur 20, juste pour vous donner envie d’être plus rigoureux la prochaine fois ! Félicitations pour la forme de votre exposé.»

Max Gallo était ainsi. Un pédagogue passionnant sachant transmettre le goût d’apprendre et de devenir meilleur. Il m’a instillé, tout au long de cette année passionnante, le plaisir de s’ouvrir à des vérités apparentes pour mieux les contester, de traquer les fils d’une histoire pour en dénouer les nœuds et dénicher du sens dans ce qui ne semble pas en avoir. Je suis devenu un adepte de la pensée analytique et de la nécessité du raisonnement parce que des profs comme lui nous hissaient vers ces hauteurs, nous amenaient à regarder avec lucidité derrière les apparences.

Je n’avais pas revu Max Gallo depuis ces années. Il est devenu un romancier d’importance, un homme politique majeur, il a manqué l’élection à la mairie de Nice d’un souffle… Puis il s’est enfermé dans une rigueur dogmatique bien étrange avec un Chevènement atypique pour finir dans les bras d’un Nicolas Ier qu’il nous aurait dépeint sous d’étranges traits à l’époque où il n’était qu’un petit professeur à l’Université. Mais ce n’est pas grave… Et même s’il eût pu, à l’occasion d’une fête offerte par le maire de la Ville de Nice dans le cadre du Festival du Livre, se dispenser de certains propos sur la politique actuelle… cela n’aurait pas changé ma tendresse pour lui et mon émotion pour ces retrouvailles.

Je suis allé lui parler un peu intimidé, je me suis présenté comme un ancien de ses étudiants et je lui ai raconté l’anecdote de mon exposé. Il a ri. J’ai retrouvé ce timbre grave d’une voix inimitable, ces accents parfois pompiers toujours émouvants d’un discours qui l’amena à revisiter la Ville de Nice à l’aune d’un père débarquant d’Italie pour fonder une famille française de la tolérance. Max Gallo possédait toujours ce regard clair fureteur et cette voix chaude à conviction.

Qu’importe que l’histoire finisse étrangement dans les balbutiements d’une politique qui a les relents d’un drapeau rouge en berne… il restera à jamais mon prof génial, celui qui m’a aidé à vouloir être meilleur et me traça, avec d’autres, les chemins d’une liberté à conquérir par la force de l’esprit.

 

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Devenir le père de son père

Publié le par Bernard Oheix

 

 

 Avant le pari, vêtu de lumières, fier et angoissé de remonter sur son vélo après 7 années d'abstinence.


Dans les années 50, celles de mon enfance, le père est la figure tutélaire de l’autorité absolue. Il règne sur le pays, ayant payé son tribut à la folie des hommes quelques poignées d’années auparavant. On voit encore les stigmates de ce passé dans les ruines alentours, les blockhaus de guingois sur les côtes méditerranéennes, les vestiges de la guerre, le regard flou de ceux qui ont laissé un peu de leur âme dans les cris de l’abomination.

Il est le maître incontesté de sa maison, la femme n’ayant voté qu’une poignée de bulletins depuis la guerre et l’obtention commisérative de ce droit par une assemblée d’hommes dans l’enthousiasme de la libération. La femme est liée à sa famille par des attaches indissolubles, n’ayant pas de travail ni de compte en banque, aucun des droits actuels, et surtout étant plongée dans l’éducation d’une famille à plusieurs enfants, sans machine à laver, frigidaire ou autres accessoires qui participeront bientôt à la libération d’un peu de son temps des tâches ménagères.

Le père est un Dieu tout puissant, qui régente la vie des siens, distribue des fessées, ordonne les règles, attire la lumière sur lui. Nous sommes des enfants dépendant d’une image si forte, si crue que rien ne peut l’occulter. Nous écoutons le souffle de sa voix, percevons les variations subtiles de son humeur, anticipons les sanctions qui pleuvent quand nous dérogeons aux règles. Nous le copions toujours, rivalisons derrière ses pas, dans sa foulée. On fait du vélo sur son vieux cadre, on court avec lui le matin dans la rosée, il est notre entraîneur de foot, il est celui qui fixe la loi, définit les objectifs.

J’ai été élevé dans cette famille traditionnelle, sans argent, mais avec des principes gravés dans le marbre.

Puis le temps file à la vitesse du sable dans nos doigts. On grandit, toujours avec cette image d’un père omniscient, l’adolescence et sa révolte timide, puis l’âge adulte avec son propre projet à mettre en œuvre qui implique que l’on s’éloigne, que l’on écarte de son chemin ce qui entrave son envol. On se retrouve responsable, soi-même mari et père, parce que c’est ainsi, avec un travail, des responsabilités dans un monde qui mute à une vitesse fulgurante. La réalité de l’aujourd’hui engendre les rêves du lendemain. Les femmes ont conquis leur espace, les familles explosent, les enfants grandissent, l’environnement mute… mais toujours la présence de ce père qui hante les nuits fauves, qui reste un phare éblouissant bien malgré soi, qui jalonne les échéances de son propre parcours. S’émanciper mais à quel prix ?

Mes rides apparaissent sans même que je m’en rende compte, mes cheveux grisonnent, pourtant je reste l’enfant de mon père. Il campe encore dans ce champ de repères qui guident mes pas vers un dernier parcours. Le temps de la retraite, devenir vieux, rejoindre l’âge de son père.

Jusqu’à ce jour où tout bascule, jusqu’à cette limite ultime avant la mort, celle ou l’on devient le père de son père, celle qui laisse une amertume béante dans les rêves et ouvre une nouvelle perspective dans le regard inversé du père.

Le père et la mère, 60 années de vie commune. Séquence émotion pour le photographe Serge Haouzi, que mon père avait entraîné au football... 40 ans auparavant !

Cela c’est passé une matinée du 2 août 2008, dans cette proposition de refaire du vélo pour fêter d'une manière originale des Noces de Diamant, dans le regard teinté d'angoisse qu’il m’a lancé en acceptant mon pari. Il avait peur, mais il avait confiance en moi. J’étais le guide du guide, le père du père et mon cœur pleurait parce que mon histoire s’était construite sur le reflet de sa force, sur le désir de le copier et d’être dans ses pas. J'étais celui qui suit et ne doit pas précéder.

Etre le père de son père pour le crépuscule d’une vie, la mienne comme la sienne, boucle bouclée dans le sourire de fierté qu’il m’a lancé ce matin-là, en retrouvant les habits de sa gloire.

Et quand il m’a défié comme un gamin pour sprinter au dernier de ses 10 tours, fier d’avoir reconquis quelques miettes de son passé et d'être allé au bout du bout, je l’ai laissé partir et il a ri, complice, une dernière fois, comme si la vie était encore une farce, une comédie et que rien n’avait d’importance. Même les orages à venir ne pourront gommer ce jour où je suis denu le père de mon père.

La vie rêvée des anges. Ombres et lumières.

Projet d'article transmis à Nice-Matin.

A 82 ans, après 80 ans de vélo, il déclare sa flamme à sa femme en pédalant sous le soleil  pour leurs noces de diamant !

 

A 17 mois, en 1929, son père le juche sur un vélo, convoque la presse et un article avec photo le montre en train de pédaler hardiment pour conjurer le mauvais sort d’une période troublée qui s’annonce.

Toute sa vie, le vélo accompagnera Gérard Oheix, même si, dès ses 20 ans, il va partager cette passion avec la femme de sa vie, Paulette Icardi, celle qui lui donnera 4 enfants et du bonheur pour une existence consacrée à son travail, à sa famille et à sa passion du vélo.

Lui, sapeur-pompier à Cannes, elle, élevant ses 4 garçons qui feront tous des études supérieures, ils vont parcourir les chemins d’une vie d’émotion et, la main dans la main, voir les années s’écouler vers l’âge de la tendresse.

Plusieurs Bol d’Or (24 h sur la selle), d’innombrables rallyes, raids, des sorties qui le mènent à travers les routes de la région, inscrit pendant de longues années au Cyclo-Club de Cannes, il va renoncer à sa licence à 75 ans, parce que la peur est plus forte que le désir.

Pourtant, à l’heure exacte de fêter leurs 60 ans de vie commune, il a décidé de remonter sur son vélo pour effectuer 10 tours de piste à La Bocca. Ces tours de piste, 80 ans après ses débuts, il a décidé de les offrir à sa femme en hommage à tout l’amour qu’ils ont partagé !

 

Voilà, Gérard et Paulette Oheix. De la part de Nice-Matin, longue vie de bonheur et meilleurs vœux d’une santé de fer pour les années qui viennent, où il fait nul doute, que les rêves de vélo se conjugueront à l’espoir de vieillir paisiblement ensemble, unis comme vous l’avez toujours été.  


Article paru dans Nice-Matin le 3 août 2008.



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Yves Simon : Histoire Vraie

Publié le par Bernard Oheix

Yves Simon, pour ceux qui ont plus de 40 ans, c’est quelques chansons qui parlaient d’intelligence dans les années 80. On ne les comprenait pas toujours, tant leur texte paraissait complexe avec des phrases alambiquées sur des rythmes bizarres, mais leur  forme entraînante conjuguait l’adhésion du grand public et l’intérêt des intellectuels. J’ai rêvé New York, Au pays des merveilles de Juliet et tant d’autres mélodies qui s’inscrivaient durablement dans la mémoire collective tout en résistant à une indigestion programmatique. Il y avait toujours un sens à découvrir dissimulé par une simple écoute.

Yves Simon avait commencé par écrire des livres, passant indifféremment d’un disque à une œuvre littéraire, surfant sur une image d’esthète populaire, de beau ténébreux intellectuel, échappant à tout enfermement dans des catégories simplistes. Yves Simon n’était pas, malgré son succès, une star. L’époque ne s’était pas encore, pieds et poings liés, offerte aux dieux des médias qui encensent l’aujourd’hui pour ignorer le lendemain et installe la vacuité comme étalon du mouvement. Yves Simon était beaucoup plus, il était lui-même, un personnage attachant, un artiste pluriel, une personnalité dont la richesse intérieure résistait à l’usure de son exposition médiatique et au succès de ses concerts.

Et puis, Yves Simon décida de se consacrer à la littérature et abandonna la scène et l’univers du show-biz. Il avait d’autres préoccupations, celle de construire une œuvre littéraire à l’évidence l’emportait sur le plaisir de la rencontre avec son public.

C’est il y a un peu plus d’un an que j’ai entendu parler de son come-back. Un passage aux Francofolies dans la ferveur retrouvée comme si le temps n’avait pas existé, un Olympia lui réservant un triomphe à la romaine, un CD à sortir, une tournée en préparation, une aubaine pour la nostalgie.

C’est au mois de mars que je décide de le contacter dans la perspective de le programmer pour les Concerts de Septembre. Son disque « Rumeurs » m’a été envoyé par un tourneur dont je ne me rappelle plus le nom et je le passe en boucle sur ma chaîne au bureau, jusqu’à la saturation. Il est beau, intelligent, résiste à toutes les écoutes, laisse traîner des pans de mélodies en vous (Irène, Irène…Des oursons blancs dans nos bras…). Loin des ors d’une production kleenex, il oppose une résistance au temps qui efface les notes et gomme les mots. Je lui envoie sur son site personnel un message, juste pour connaître le nom de son tourneur en le complimentant pour la beauté de « Rumeurs ». 5 mn après, Yves Simon me remercie pour mes compliments et m’indique que son tourneur est « Astérios », dont j’apprécie la qualité du catalogue et avec qui j’ai déjà travaillé, (Cali, Arthur H, Vincent Delerme, Sanseverino, Eicher…etc.). J’étais persuadé qu’une secrétaire gérait son site et avait répondu en lieu et place d’un Yves Simon bien trop préoccupé pour se pencher sur de vagues interrogations atterrissant dans son courrier électronique.
J’entame une discussion avec Astérios sur le concept de la soirée, une double programmation avec Suzanne Vega, sur les conditions financières et techniques et pose une option à confirmer dans la semaine.
Le lendemain, après une réunion, je trouve sur mon bureau, un bout de papier de ma secrétaire. « Rappeler Yves Simon, 06 08… ! » J’ai bien cru à un canular, tant les filles de mon équipe se gaussaient depuis quelques semaines de mon attachement pour ce chanteur dont je parlais sans arrêt, pour le disque d’Yves Simon qui passait en boucle dans les bureaux, pour ma décision de le programmer qui me rendait comme un gosse heureux et fier. Je compose le numéro. Voix inimitable. Nous dialoguons pendant quelques minutes. Je suis impressionné qu’il me réponde personnellement. Je lui avoue mon émotion :

 -Cher Yves, il faut que je vous confie… Nous avons quelque chose en commun…
-Ah ! Et c’est…
-Si je vous dis que ma fille est née en 1984 et s’appelle Angela…
-Non ? L’amour dans l’âme… ! Racontez-moi !
-Ma femme était enceinte et lisait votre livre. Quand elle l’a refermé, elle m’a annoncé, « -si c’est une fille ce sera Angela, si c’est un garçon, Simon ! ». C’est donc à cause de vous que ma fille porte ce beau prénom, en plus elle est belle ! Moi, de toute façon, j’étais heureux à cause d’Angela Davis.
-La pasionaria Américaine…

Et c’est ainsi qu’une indéfinissable amorce trame d’étranges liens. Lui, au faîte d’une gloire largement méritée, moi, Directeur au Palais des Festivals de Cannes, responsable d’une programmation qui peut lui offrir une scène pour des retrouvailles avec son public.
Après quelques échanges de mails, en juin, je le recontacte pour lui proposer d’organiser une conférence de presse et un show-case à la Fnac. Il répond avec enthousiasme, me déclare adorer ce type de rencontre avec le « vrai » public et nous convenons qu’il viendra donc la veille, le samedi, que nous partagerons un repas après le concert d’Iggy Pop le 27 septembre. De purement professionnels, nos échanges glissent vers le désir de se découvrir, dans mon cas avec certitude, dans le sien, ses réponses et son ton le laissent augurer.

Pendant l’été, nous échangeons quelques nouvelles et en septembre, finalisons son arrivée sur Cannes. Il me demande de déjeuner avec lui à 13h30, puis il enchaînera avec la conférence de presse à 15h et le forum Fnac à 17h. Après le concert d’Iggy (auquel il préfère ne pas assister pour ne pas meurtrir ses oreilles, vu qu’il joue le lendemain), nous nous retrouverons pour souper.
J’ai accueilli des milliers d’artistes, des centaines de grands et quelques-unes des stars d’aujourd’hui, pourtant, je suis impressionné comme un gamin en l’attendant dans le hall du Gray d’Albion où il loge.
Quand il débarque de la navette, il me reconnaît sans m’avoir jamais vu, vient vers moi et m’embrasse, comme si nous nous connaissions depuis toujours, comme si un passé existait en ce lieu, en ce moment présent, dans une complicité bien réelle. Le contact d’une accolade comme une signature d’espoir. La peau qui s’effleure pour l’esprit qui se cherche.

Le repas sur la plage du Gray, par un beau soleil, arrosé d’un Minuti frais délicieux, laissa les heures s’écouler dans l’enchantement d’une conversation sans affectation. Au fond, dans ces échanges où nous nous cherchions pour nous trouver, dans ce vrai dialogue qui nous permet d’approcher nos vérités, il n’y a pas de maître ni d’élève mais deux complices qui se découvrent, des actes qui cimentent un passé, artistes, petites scènes vécues de la grande histoire, femmes de vie, émotions et autres anecdotes d’un demi-siècle de désordre.
Nous parlons de nous sans pudeur ni excès, juste afin de se donner des gages de sincérité.
Après un café pris avec Alain Lahana (le producteur français d’Iggy Pop), nous filons vers la conférence de presse où il fut génial, disponible, passionnant, ouvert. Les journalistes dans sa poche, il dédicacera quelques livres et prendra des photos avec eux, légende à l’évidence que sa discrétion dans les médias entretient.

Le forum de la Fnac lui permis de rencontrer ce public qu’il aime. Quelques chansons avec sa guitare sur une sono improvisée (Ah, la Fnac !) où le public qui remplissait la petite salle lui offrit un cœur spontané sur « Juliet », des réponses aux questions posées avec cette intelligence et cette finesse qui le caractérisent. Après une longue séance de signatures où il restera disponible, je le raccompagnai au Gray d’Albion pour filer au Palais des Festivals où le public piaffait avant de pénétrer dans le lieu saint pour un concert de légende avec Iggy Pop et les Stooges. (Cf, précédent article).
Que dire de ce moment de violence pure d’un concert hors norme, de cette rencontre avec la star de l’ultra-rock, si ce n’est qu’après mon après-midi de rêve avec Yves Simon, je flottais sur un nuage pendant qu’il m’attendait patiemment pour aller dîner, au « Farfalla » en dégustant un verre de Meursault, relisant quelques pages de son livre « L’amour dans l’âme », que je lui avais apporté pour une dédicace croisée à ma femme et ma fille.

-Il est pas mal ce livre, j’avais du style… me confia-t-il en souriant, loin de toute affectation, comme pour renouer avec ses origines, quand les certitudes sont à inventer dans une vie en devenir.

Pizza du Port. Jusqu’à deux heures du matin, on continue à tracer des lignes sur les cahiers de nos mémoires. Parallèles comme nos vies qui ont couru le long des mêmes méandres d’une histoire qui part de 1968 pour atteindre le XXIème siècle, courbes parce que l’époque n’était pas aux certitudes mais aux interrogations, parfois un trait droit, définitif, celui des répulsions, le racisme, la malhonnêteté, la petitesse des grands, le crime contre l’humain. Parler avec Yves Simon, c’est ouvrir un livre vivant, échanger, se renvoyer des mots, appeler le passé à la rescousse de l’avenir. C’est partager avant tout.

Le dimanche 28 septembre, son équipe arrive et je les rejoins pour le café. Une vraie complicité règne. J’ai l’habitude de ces repas d’avant concert. Yves Simon ne trompe pas, c’est un vrai seigneur en osmose avec les siens, les « vieux » fidèles rescapés de ces tournées seventies comme les petits nouveaux qui m’avouèrent avoir découvert le Maître en répétant avec lui. L’esprit est à la légèreté, au rire et à la complicité avec un soupçon de culture où le gotha de la musique et des arts transparait dans les discussions animées. Je partage en rajoutant mon grain de sel. Le Palais des Festivals est un carrefour qui a vu tant d’artistes passer que j’ai mon compte ouvert pour narrer des anecdotes succulentes.

Autant l’avouer, j’ai ramé pour réunir 650 personnes. Un peu décevant mais inadéquation normale pour un spectacle « intelligent ». Pour tout autre artiste, j’aurais été fier d’un tel score un dimanche à 19h30, mais là, il s’agit de « mon » concert. J’aurais tant aimé la remplir en hommage à mon ami Yves Simon.
Suzanne Vega. Voix monocorde, commentaires en anglais que l’on ne fait qu’entrapercevoir, elle étire 1h15 de show dans un certain ennui, le public réagit mollement. Elle est malade, il est vrai, sa représentation est à l’image de son style, unicolore, électroencéphalogramme plat, sans passion ni rupture.
Que dire du concert ? Que celui qui n’a pas connu Yves Simon dans un tour de chant se flagelle. Il ne connaît pas le poids d’un silence dans une mélodie, la valeur d’un mot dans une phrase, d’une image sertie dans une rivière de diamants. Parfois poème a cappella dans un cône de lumière, quelques textes susurrés sur guitare sèche (Cet enfant), débouchant sur une profusion discrète (piano, accordéon, batterie et percussions, guitare et basse) chacun jouant sa partition en phase avec le chanteur, (Amazoniaque, J’ai rêvé New York) souvent dans le mezzo, (Les embruns de la jeunesse, La métisse), voix insinuante colorée par la texture des instruments brodant sur les mots des franges de notes cristallines. C’est entre le concert intimiste et l’œuvre ouverte aux 4 vents, entre une cérémonie païenne et une réunion d’amis. Dans les intervalles, il prend son temps, parle de la vie, du monde, chacun se sent concerné, parce qu’en se livrant, il nous ouvre son cœur, celui d’un homme qui aime sans réserve une vie de beauté, parle de ses amitiés avec simplicité, lance parfois le message d’une vigilance devant les forces de la haine. On retrouve alors des airs qui ont accompagné notre jeunesse, on découvre de nouvelles compositions (Rumeurs est très présent), on passe sans à-coups de la voix à la musique, de l’image au son. Il y a du tableau impressionniste dans son show, rien de manipulatoire dans ce qu’il nous offre, pas de ce rapport vicié entre celui qui possède le micro et l’art de parler, le pouvoir, et le public réduit au stade d’un faire-valoir, foule moutonnière bêlant sur commande. Il y a de l’osmose dans l’air, une authentique communion entre la salle et les musiciens.

C’est notre grand-frère à tous, il chante au cœur des filles, à la sensibilité de l’homme, il reste avant tout, un magnifique héraut des sentiments les plus nobles. C’est un show-man extraordinaire de simplicité, qui sait rendre le sophistiqué naturel à toutes les écoutes.

Dans sa loge, quelques amis discutent avec lui, climat ouaté avec la satisfaction d’un beau concert touchant. Il dédicace encore et toujours avant de se rendre avec son équipe au catering pour un dîner que nous partagerons. Nous finirons tard la nuit, vers 2 heures, au Sun 7, un bar qui l’accueille avec amitié. Tous ses musiciens et techniciens sont présents. Il y a de l’euphorie dans l’air pour ce concert de reprise avant une grande tournée d’automne.
Yves Simon et Bernard, après le concert...

Nous nous retrouverons seuls, tous les deux, pour un dernier punch offert par le patron. Il n’y a plus de gêne, et même nos silences comptent. Nous parlons d’écriture, de politique, de la vie. Je ne sais pas si je peux dire que j’ai un nouvel ami, pour cela il faudra que le temps agisse et nous offre d’autres propositions, que les échanges perdurent. Dans une vie si pleine comme la sienne, y a-t-il encore de l’espace pour un futur d’amitié ? Mais quel que soit l’avenir, je sais aujourd’hui que j’ai rencontré un être rare, un genre d’artiste dont nous manquons trop cruellement dans ce monde du spectacle qui consomme parfois les individus à la vitesse d’ego surdimensionné. Il y a 24 ans, Yves Simon m’a offert le prénom de ma fille, aujourd’hui, il m’a fait le bonheur d’un concert d’exception après 30 ans de sevrage et d’un échange rare. Merci Yves Simon !

Voilà donc la saga d’Yves Simon et de Bernard Oheix bien en cours. Un jour, nous nous retrouverons, nous saurons alors si les ailes de l’amitié ne nous ont pas seulement effleurés. Un conseil, si vous voulez en découvrir plus sur le personnage, achetez et lisez « Epreuve d’artiste » son dernier opus. Un dictionnaire intime qui dévide, au fil des pages des impressions personnelles résonnant universellement. Et vous pourrez le lire en écoutant « Rumeurs », son dernier disque. Vous verrez, les mélodies s’accrocheront à vous, elles resteront ancrées et hanteront vos nuits bien après que vous les ayez découvertes.

 

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Compadre Nilda Fernandez

Publié le par Bernard Oheix

Il y a des jours comme cela. Goran Brégovic qui nous avait offert un concert sublime, Nilda Fernandez en première partie... C'est comme une madeleine qui fond dans la bouche, dans la moiteur des nuits vençoises. Cela donne des reflets dorés, l'impression de plonger dans son passé, de sentir les rêves se briser sur la réalité. C'est aussi la magie des souvenirs à fleur de peau, quand rien n'était trop beau pour une génération en train de conquérir son espace. Qu'en avons-nous fait est une autre histoire ?  Peut-être qu'il vaut mieux fermer les yeux et se souvenir du temps enfui !

 

Backstage aux Nuits du Sud de Vence, le meilleur Festival estival de la Côte d’Azur. Une programmation de Musiques du Monde, des groupes qui se livrent sans retenue, un public regroupé en masse sur la place du village, des restaurants et de la bière. Ce Festival est géré par Thé Saavedra, un latino génial qui monte sur scène avec ses chemises bariolées pour faire rugir le public et honorer les artistes qu’il aime pardessus tout et Serge Kolpa, régisseur général compétent, attentif aux détails, un de mes amis dans ce métier où tout le monde se connaît et où beaucoup se jalousent. Avec Théo et Serge, c’est différent, un respect, une passion autour de la musique, une humanité profonde. Vence, c’est à la fois une manifestation populaire (places entre 10 et 17€), le rendez-vous branché de ceux qui aiment les sons du monde et un endroit où l’on rencontre ses amis.

Sur la vidéo de contrôle, les cuivres de Goran Brégovic traversent la foule pour accéder à la scène, la musique se fait bal populaire. J’ai la nette sensation que mon ami va me faire rater le show de Goran, mais ce n’est pas grave, celui-ci ne pourra être meilleur que le concert de folie qu’il m’a offert à Cannes, quelques mois auparavant. (cf article dans le blog du mois de février 2007). Une assistante vient nous demander si nous désirons une bière, Nilda opine, elle est fraîche et nous nous regardons. Un ange passe. C’est bon de se retrouver.

Il sort à peine de scène, une première partie osée, seul avec sa guitare, avant le déferlement de Brégovic et de ses 50 musiciens, fanfares, chœurs d’hommes, voix bulgares, groupes… Nilda est entré à 20h 30 dans la lumière déclinante du jour, il s’est assis sur un tabouret… Barcelone, Mes fiançailles, Mes yeux dans ton regard… des mots ciselés, des mélodies simples qu’il retransmet fidèlement avec son unique instrument. Le public arrive par vagues et il les accroche, il les tient au bout de sa voix, charmeur, jouant de son élégance et de sa décontraction. Il a toujours cette voix de tête inimitable, monte dans les aigus, un timbre féminin qui envoûte. C’est Nilda sans la pression d’un groupe, jouant et s’arrêtant, interpellant le public, reprenant des thèmes à sa guise, communicant jusqu’à laisser la musique envahir l’espace et le silence reculer devant son talent. C’est Nilda et c’est mon ami.

Je me souviens toujours.

Débarquant en septembre 1980 pour un premier poste dans cette grande petite ville bourgeoise agricole, « la plus au sud possible ! », jeune Directeur de MJC, j’avais 30 ans, aucune expérience et des rêves plein la tête. Des années mythiques où rien n’était impossible. Le choc d’un métier à apprendre en réalisant ses propres expérimentations. Mon accent du sud qui faisait rire le Maire, mon premier coup avec la nuit du polar où une actrice jouait le rôle d’une Myralène Bacall inventée, marraine de la manifestation arrivant des USA, kidnappée par des mafiosi la pourchassant à coups de révolver (à blanc !) dans une « studbaker » blanche à travers les rues de la ville, la nuit de l’horreur avec la MJC intégralement recouverte de tissu noir où le public devait présenter sa carte de groupe sanguin avant de pénétrer dans l’arène et cette porte découpée en direct avec une tronçonneuse pendant la poursuite finale de « massacre à la tronçonneuse ». Des années de rires et de passion, quand l’ « agit-prop » n’était pas enfermée dans un corset de règles et de peurs, quand les acteurs pouvaient investir la ville sans craindre les foudres d’une administration terrorisée par l’éventualité d’un accident, quand l’ordre public était une question de public avant d’être celle de l’ordre. Ces années furent si belles, vivantes, animées de rencontres et de passions.

En 1984, je produisais des disques, des spectacles et mobilisais mon équipe dans la création d’un organisme officiel de production artistique et de diffusion des jeunes artistes. A l’époque, 600 structures programmaient régulièrement des spectacles. L’hypothèse que j’avais réussi à « vendre » à la Fédération Française des MJC, au Ministère de la Jeunesse et des Sports et au Ministère de la Culture, était que si chacun sélectionnait 3 spectacles dans notre catalogue, nous campions sur un capital de 1800 concerts, assurant le développement de notre structure, des artistes en devenir, forgeant une nouvelle crédibilité au réseau associatif en pleine mutation avec l’arrivée de la gauche au pouvoir.

Rassurez-vous, n’est pas Don Quichotte qui veut et Zorro qui peut !  Je n’étais que Bernard O, et mon projet si séduisant vola en éclats sur les aspérités des égos des programmateurs et sur cette sacro-indépendance des MJC qui allaient faire leur lit dans cette période où la culture rencontrait de plein fouet le monde de l’économie.

En attendant mon échec, c’est grâce à cette expérience que je découvrais les jeunes artistes de cette région.

C’est dans un café-concert de Lyon que je l’ai entendu pour la première fois. Sa voix m’avait bouleversé, une voix d’androgyne, perçante dans les aigus, descendante dans les graves pour remonter en boucles tourbillonnantes, trilles brodant un univers particulier entre l’Espagne et la France. A l’époque, il tentait de se frotter au rock, à la chanson, à tout ce qui pouvait exciter son imagination fertile. Avec son frère à la guitare, une batterie et une basse en rythmique, il se lançait à l’assaut du public, cherchant à le convaincre de l’aimer.

Son histoire est de celles qui feraient rêver les apprentis de la Star’Ac. Un premier disque pressé par une major qui décide de l’enterrer vivant et ne sort pas le produit. Il m’en avait offert un, prénom bizarre de conformité (c’est avant qu’il ne le change comme on change de peau, pour se purifier d’une tare originelle, exit D…, bienvenue à Nilda !), déjà cette touche originale, atypique, sans doute trop pour une industrie du disque qui surfait sur les dernières vagues de la prospérité, avant que le CD ne pointe son nez et ne bouscule les équilibres de l’industrie culturelle balbutiante.

Nous avions sympathisé, une amitié naissante, faite d’éclairs et de passion. J’ai encore une lettre qu’il m’écrivit, dans les jardins du Luxembourg pour me confier son désarroi et son espoir que je lui offrirais cette renaissance pour une reconnaissance. Je l’intégrai dans mon catalogue de La Belle Bleue, le proposant pour 1400 francs de l’époque (1985/1986) dans des MJC qui acceptaient de jouer le jeu. Il y en avait si peu, même si je me souviens avoir décroché un contrat à Ranguin à Cannes, en 1986, grâce à un de ces Directeurs qui croyaient que nous pouvions changer l’histoire et renverser les montagnes. Le nord l’accueillit pour quelques dates aussi, dates refouloir de mes ambitions pour cette perle dont je ne savais que faire.

Il entra en studio pour enregistrer un nouveau single, j’assistais à cette genèse sans avoir les moyens de le produire. La Belle Bleue s’effondrait et moi avec, sombrant dans le paradis des bonnes idées sans avenir.

Le titre qui en sortit s’appelait Madrid, Madrid. Cruel paradoxe, je déposais mon bilan au moment précis où un de mes artistes perçait pour devenir une vedette médiatique. Je voyais le train de la réussite me filer sous le nez, lui décollant pour un premier CD qui allait faire exploser les ventes en le propulsant comme chanteur à succès.

J’ai rebondi tout naturellement. Directeur de la MPT des Campelières, puis Directeur-Adjoint de l’Office de la Culture de Cannes pour atterrir Directeur de l’Evènementiel Cannois au sein du Palais des Festivals.

Pourtant, nos chemins ont continué à se croiser. Dormant à la maison au cours de sa première tournée promotionnelle, puis, programmé au Palais devant 800 spectateurs enthousiastes. Nilda ne pouvait se contenter d’être un chanteur à succès, le temps passant, il se dérobait devant le chemin direct qui mène au showbiz et installe l’artiste dans une case prédéterminée.

Son expérience en roulotte, son cabotage vers Cuba, des disques toujours, et son installation en Russie où il acquit un statut ambigu de star, disparaissant de la scène française pour réapparaître par intermittence, brouillèrent son image dans le métier tout en lui assurant une liberté qu’il partageait avec son public. Je le vis ainsi dans plusieurs villes et Festivals comme les Musicales de Bastia, toujours avec plaisir, toujours ce sentiment d’un passé à fleur d’émotion.

Là, en cette nuit caniculaire, à Vence, nous nous sommes retrouvés avec plaisir. Chacun avait fait son chemin, chacun a roulé sa bosse et expérimenté la vie. On dépose les armes de nos échecs, on compose avec nos succès passés, on rêve encore d’un avenir de beauté. Un projet s’ébauche, entre la sortie de son prochain album et une programmation à Cannes. On reprend nos habitudes, mon humour grinçant, son ton décalé, les échanges fusent dans les chorus de mon ami Brégovic qui tente vainement de capter notre attention. Le temps s’écoule à la vitesse d’une amitié libérée.

Il décide de passer le lendemain manger à la maison, à Cannes, sur le chemin de Nîmes où il a un rendez-vous en fin d’après-midi.

Dans mon jardin, après un repas arrosé d'un bon rosé, Nilda et son pacte avec le diable qui l'empêche de vieillir.

C’est ainsi que dans mon jardin, à l’ombre de mes bananiers, on boira, on mangera, on parlera des choses intimes d’un être qui fait partie de sa vie, de légèreté aussi parce que la vie est surprise et que la plus belle des aventures se situe au niveau du cœur, dans l’amitié triomphante.

Et puis, il est reparti, vers Nîmes et on se retrouvera bientôt, pour chanter et faire la fête. Compadre Nilda, petit bout de mon histoire chargé d’émotions, celle du côté des ombres, quand sa gloire illuminait son chemin et que le mien se pavait de mes incertitudes. Même sous les spots, il reste mon ami, celui qui fait chanter les mots, pleurer les notes et ouvre des horizons nouveaux à ceux qui entendent les cris de la beauté.

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RE-ARCHIVAGE (Histoire vraie)

Publié le par Bernard Oheix

 

J’avais mis en ligne sur ce blog, un billet d’émotion en octobre 2OO7, après un concert d’exception au Palais des Festivals, le plus beau, le plus magique de toute ma carrière professionnelle. Une date blanche pour ce samedi 30 septembre 2007 noyé dans les volutes d’une musique céleste, fusion entre le rock progressif d’Archive et les violons de l’Orchestre Symphonique de Cannes. Une messe pour le temps présent. Une ode à la fureur de vivre et au désir de paix, subtil équilibre entre le pouvoir de la musique et les aspérités d’un monde imparfait. Pendant le concert, mon cœur pleurait dans la certitude d’atteindre par la grâce de cet événement, le paradis des organisateurs heureux. Vous pouvez toujours le relire, (tapez sur l’éphéméride, octobre 2007, colonne de droite), vous saisirez peut-être entre les lignes ce que les mots ont tant de peine à transcrire !

Rappelons-nous…Il ne s’agissait pas d’une simple programmation mais bien d’une production originale montée avec mon compère d’Image Publique, Michel Sajn !

Je pensais ainsi en avoir, hélas, terminé avec mon groupe fétiche, celui que je place au panthéon de ma musique, en compagnie des Pink Floyd, au nirvana des groupes. C’était sans compter sur le destin… Voici donc la suite de mes aventures avec Archive (prononcer Archaïve !).

 

 

Il a deux mois, un maïl de leur producteur Français, Salomon H. atterrissait sur mon écran. Becks, la « manageuse » d’Archive, l’interrogeait pour savoir si l’orchestre de Cannes serait intéressé  par l’enregistrement des cordes, cuivres et percussions de leur prochain album. Elle y évoquait le souvenir d’un concert magnifique, la qualité de l’Orchestre et le désir du groupe de continuer une relation entamée à Cannes en septembre 2007. La réponse du producteur signalait qu’au vu de la complexité du travail en France avec un orchestre symphonique et des coûts rédhibitoires des musiciens Français, l’opération lui paraissait impossible mais qu’il me transmettait le dossier... malgré tout !

A sa réception, je dois avouer être resté dubitatif. La logique anglo-saxonne contre la rigidité des syndicats français de musiciens, le bizness anglais versus l’immobilisme du monde classique… la partie semblait impossible, le challenge hors de portée ! Pourtant, peut-être à cause de cette difficulté, par fidélité à ces heures magiques passées, par inconscience aussi (on ne se refait pas !), moi qui n’avais strictement rien à gagner à priori dans une telle galère, que des coups à prendre pour un échec prévisible, ai-je décroché mon téléphone pour appeler Becks.

Archive avait prévu l’enregistrement à Bratislava, tout était prêt. Suite à une discussion avec le groupe, elle avait tenté une dernière manœuvre, comme une bouteille lancée à la mer, sans trop y croire. Dans mon anglais d’arrière-cour, je lui ai demandé de me laisser une semaine avant de confirmer Bratislava, juste pour tenter et voir !

J’ai donc fait le point avec mon complice en « Archivie », le Michel Sajn par qui tout était né. Celui qui m’avait apporté ce formidable cadeau, qui avait monté avec moi la production du concert de septembre en partageant ma passion pour ce groupe.

Le premier coup de fil au directeur administratif de l’Orchestre (Catherine M) fut tiède mais la porte restait ouverte. Le deuxième à David L, Président du Palais, me donnait un accord de principe… sous réserve, le troisième à Martine G, Directeur-Général du Palais des festivals permettait d’espérer. Montée d’adrénaline.

Même en calculant au plus juste, le coût dépassait  les objectifs du management d’Archive. La première tâche fut donc de rogner sur les conditions normales d’un enregistrement (réduction de l’indemnité repas, coût des transports, nombre de musiciens, supplémentaires à embaucher) et de trouver un financement complémentaire par le biais du Palais contre un retour en image sur la pochette du disque. 55OO€ furent ainsi débloqués par le Palais sur le budget de ma direction, une somme conséquente permettant d’espérer.

Michel Sajn se chargea de trouver un studio sur Nice, à la Victorine et leur ingénieur du son, co-réalisateur de l’album (Jérome L) vint le visiter. Son feu vert donnait un premier signe positif.

Pendant le Festival du Film, j’ai passé environ une vingtaine de maïl, répondant à chaque question du management anglais, argumentant sur chaque détail, expliquant et commentant tous les éléments, mettant en copie l’ensemble des décideurs et des partenaires. La Spédidam, une caisse typiquement française faillit faire capoter le projet, mais l’assurance que j’apportais que cela ne pénaliserait pas le producteur anglais permis de contourner l’obstacle. Les musiciens interprètes toucheraient une somme de cette caisse sans qu’elle soit répercutée sur la production anglaise.

Les dates de l’enregistrement se rapprochaient dangereusement. Les 5 et 6 juin se pointaient à l’horizon quand ce que je craignais depuis le début explosa avec fracas : le syndicat s’opposait à l’enregistrement. Le 6 juin au soir, l’Orchestre devait jouer à la fondation Maeght et le règlement interne imposait de ne pas avoir plus d’un service en sus d’un concert !

Discussion orageuse avec les responsables. Devant l’impossibilité de trouver un accord, je téléphone à Michel Sajn pour l’informer de la situation. Dans la foulée, je rédige un maïl à Becks l’informant de notre renoncement. Je l’ai encore en mémoire… honte d’être un fonctionnaire de la culture, de ne pouvoir conjuguer la créativité et les règles absurdes de bureaucrates qui assassinent l’Art. Au moment de l’envoyer, ce 19 mai à 16h50, un coup de fil de l’administratrice vint me confirmer que les miracles existent : une solution avait été trouvée  in extremis, le classement du concert en « exceptionnel » permettait aux musiciens de donner le feu vert à l’enregistrement. Cette magie fut possible grâce aux efforts de l’administratrice et du régisseur de l’Orchestre et surtout, il faut le dire, aux désirs des musiciens qui avaient dans leur grande majorité, adhéré à l’expérience de septembre et se souvenaient encore de l’ovation qu’ils avaient reçue ce soir-là !

Le contrat d’Archive refusé car écrit en Anglais, l’administratrice de l’Orchestre leur envoya une version rédigée en Français, qu’ils refusèrent. Une traduction leur fut  alors transmise et après une rafale de derniers messages « in the bottle », l’accord de toutes les parties obtenu, la confirmation tomba le 29 mai, il y aurait bien un enregistrement à Nice avec l’Orchestre…exit Bratislava !

 

Restait donc à vivre l’événement ! Comment raconter l’indicible ? En vacances sur les côtes normandes, rentré spécialement par Easyjet, je débarque au studio le 5 juin à 13h et file les retrouver à la cafétéria où ils se restaurent. Les leaders du groupe, Darius Keeler, Dany Griffiths et Pollard Berrier sont présents et mangent une entrecôte, Graham Preskett le chef d’orchestre s’active sur les partitions, Becks m’accueille avec un grand sourire. Ils m’embrassent tous et me remercient chaleureusement, sincèrement. C’est une première, tout le monde est tendu, le studio n’a pu être libéré que le matin même. Retard, sempiternels problèmes de câbles et de connexions, de cuisine informatique. L’orchestre doit arriver d’ici quelques minutes… Michel Sajn et Evelyne Pampini me rejoignent, trio reformé. Magie du spectacles, à 14H30 précise, les premières notes de violon viennent se greffer aux colonnes sonores que le groupe a enregistrées à Londres et viennent se fondre dans la table de mixage.

Nous avons le privilège d’une avant-première. C’est majestueux, impressionnant. Les reprises s’enchaînent et les morceaux défilent, tous plus beaux et somptueux les uns que les autres. L’ambiance est excellente, le chef manie l’humour, les musiciens jouent le jeu et l’archet. Archive est en train d’écrire sous nos yeux une nouvelle page de leur œuvre, la plus belle, la plus fascinante.

La rapidité d’exécution des musiciens de l’Orchestre qui découvrent les partitions en même temps qu’ils les exécutent, est étonnante et justifie l’attachement d’Archive de renouer avec eux. Il y a une vraie complicité, un échange permanent. Les deux sessions de 3 heures s’enchaînent jusqu’à l’épuisement. A 21 heures, 7 morceaux sur les 12 prévus sont en boîte. La partie est d’ores et déjà gagnée. Il reste 2 sessions de 3 heures pour les derniers morceaux, les cuivres et les percussions.

Nous partons donc avec le groupe qui nous invite pour le Safari, un restaurant typique de Nice  dont je vous conseille les calamars aux artichauts. L’ambiance est détendue, gaie, le chef d’orchestre lance des plaisanteries, les anglais racontent des histoires… il y a du rêve pour des années dans cette soirée surréaliste. Directeur et groupie, fan et organisateur, je bade heureux comme un enfant. Les projets se déclinent. Je conclus un accord. En septembre 2009, ils viendront rejouer au Palais avec l’Orchestre, ce disque que nous voyons s’ébaucher. Michel Sajn, éternel agitateur d’idées, lance l’hypothèse d’une série de concerts pour l’Europe dans les grandes capitales. Ils s’enflamment et nous terminons à 2 heures du matin, ivres de bonheur et de passion.

Le lendemain, les cordes sont terminées avant même la fin de la session du matin. Les cuivres ne sont qu’une formalité. Pendant ce temps, ils se prêtent avec gentillesse au jeu des journalistes, des photographes, signent des dédicaces.

Les percussions seront plus difficiles à enregistrer. Subtiles, complexes, elles s’inscrivent dans un schéma qui implique beaucoup de précision et de reprises. Le temps s’étire, ce sont les derniers réglages et à 18H30 le clap de fin retentit dans l’euphorie générale.

Un gâteau d’anniversaire pour les 38 ans de Danny Griffiths, une coupe de champagne et à 20 heures, nous déposons le groupe à l’aéroport de Nice, destination Londres avant d’entamer un mois de mixage à Paris

 

Alors que dire de plus ! Que ce disque sera un chef d’œuvre, j’en suis persuadé, un évènement pour sa sortie en février 2009, que nous avons passé un moment d’exception, de magie pure, que mon métier m’offre encore le privilège d’une telle expérience, que rien ne peut effacer les émotions ressenties en ces deux jours de passion… bien sûr et beaucoup plus encore !

J’ai rencontré d’innombrables artistes dans ma carrière, j’en ai vécu des rencontres impérissables, côtoyé des grands qui font rêver et des petits qui mériteraient de le faire… Mais en ces 5 et 6 juin 2008, j’ai été au cœur de la musique, un acteur de la création et j’en suis fier. Je sais que ce disque à venir contiendra éternellement une parcelle de ce que je suis et cela me remplit d’un vrai bonheur. Je ne me trompe pas, les créateurs sont autour de moi, mais en ce mois de juin 2008, j’ai réussi à conjuguer, par la force de mon inconscience, les impératifs de la production anglaise avec les contraintes d’un orchestre Français pour accoucher d’une œuvre maîtresse. La puissance des désirs conjugués reste incommensurable, l’histoire nous le prouve une nouvelle fois !

Vive Archive !

   

 

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