Dance me (2)
Suite et fin des commentaires sur le Festival de la Danse de Cannes qui s'est déroulé du 24 novembrez au 1 décembre. Une semaine chargée mais ô combien passionnante !
Mercredi 28 novembre 18h30
Compagnie Najib Guerfi.
« Orphée et Eurydice ». (Création 2007)
« Les damnés »
On connaissait Les Damnés dont une première version avait été offerte au Monaco Danse Forum. Ancien de Kafig, Najib tente de faire fusionner le Hip-hop avec d’autres styles, d’y greffer des
mythes et de garder de l’humour. C’était le projet d’Orphée et Eurydice.
Le moins que l’on puisse dire et que, dans cette création, il se prend les pieds dans le tapis, se roule en boule et se plante en beauté. La danseuse est aussi adaptée au rôle que votre serviteur
nu en train de faire des claquettes, Najib, pour impressionnant qu’il soit, peine à arquer sa carcasse de vieux macadam runner des années de gloire dans des portés vacillants, c’est abstrait et
prétentieux, tout semble faux et inabouti…même s’il reste les micropulsions pour faire illusion… dommage ! Il faut savoir revendiquer l’échec, cela fait partie intégrante de l’art… et en
conséquence, Najib, ce jour-là, a été un grand artiste !
Les Damnés viendront remettre les choses en place. Bien sûr que Najib est un bon, bien sûr qu’il est un vrai chorégraphe, que ses Canaques ont une énergie de folie et qu’il est un metteur en
scène bourré de talent ! Cette version est encore meilleure que celle du Monaco 2006. Salut Najib, l’artiste, tu retomberas sur tes pattes de chat et rebondiras encore et toujours comme un
éternel « sauvageon », (le titre de ton excellent livre !) qui sait que la vie n’est pas là pour lui faire de cadeaux !
14h00 et 21h00
Europa Danse
« Picasso et la danse »
La première partie est composée de 3 pièces dont « Parade » remontée à l’identique sur l’argument de Cocteau, musique de Satie, chorégraphie de Massine, rideaux de
scène, costumes et décors reconstitués à partir des maquettes de Pablo Picasso.
Sur le plan de la danse, Parade ne marquera pas l’histoire, on a connu des œuvres moins mièvres ! Mais la fraicheur et la naïveté de la mise en scène, le rôle désuet des accessoires, la
jeunesse des danseurs en attente de trouver une grande compagnie donnent à ce ballet de 20mn un charme authentique. Cela renvoie à une époque où tout était possible… parce que beaucoup devait
encore être inventé de la vie, parce que les génies précoces se croisaient et échangeaient leur passion et n’avaient pas besoin de s’enfermer dans des tours d’ivoire, parce que cette époque était
ouverte à tout, même à l’horreur naissante ! C’est donc à une tranche d’histoire que nous étions conviés et nous l’avons feuilletée comme un vieux livre jauni au parfum suranné.
« Pulcinella » et « Mercure », deux créations de Stekelman et Malandain venaient compléter Parade. En 2ème partie, un
flamenco pur et dur (pas comme Galvan !) avec filles en chair, garçons bondissants, les doigts en l’air, le derrière en l’air, la tête en l’air…et toujours ces attitudes hiératiques, les
grincements de la guitare, le rauque de la voix… bon, vous l’avez compris, nouveau ou ancien, le flamenco m’ennuie !
Jeudi 29 novembre 18h30
The Guests Company-Yuval Pick
« Look white inside » création 2007/coproduction Festival de Danse de Cannes.
Il y a un drap sur la scène, les danseurs s’agitent, dessous et dessus, à tour de rôle, y en a un qui a une queue, et un autre une couronne, mais on sait jamais pourquoi… et cela dure une heure,
et les danseurs ont une gastro pendant tout le temps du spectacle ! C’est long une heure, c’est dur la gastro !
21h00
Sidi Larbi Cherkaoui/ A Filetta
« Apocrifu » (Coproduction Festival de Cannes/Théâtre de la Monnaie).
Qui a vu « In Memoriam » à Monaco sait combien l’alliance de la créativité de Sidi Larbi Cherkaoui (l’homme qui crée plus vite que son ombre !), la qualité des danseurs de Maillot
(le chorégraphe des ballets) et les chants polyphoniques d’A Filetta peuvent se magnifier de s’enrichir mutuellement. In Memoriam était un chef-d’œuvre, qu’en serait-il de cette coproduction avec
des Belges ?
D’abord, 3 danseurs (dont le chorégraphe Cherkaoui) cela ne vaut pas les Ballets de Monte-Carlo, un décor fagoté, une moitié d’escalier réussi grimpant vers le ciel en regard d’une maison hideuse
sur un étage manquant singulièrement de charme ! Un thème ambitieux : Coran, Bible et Thora disent la même chose… différemment (!!). Las ! Le chorégraphe se noie rapidement dans
une agitation qui alternera le bon, l’excellent et le surfait, le facile, l’à-peu-près !
On a beau posséder le don, aimer travailler sous pression, Apocrifu ne rend que peu de crédit au génie de son maître ! La faute à un manque de temps, à un travail trop superficiel, à la
tendance suicidaire d’une fuite en avant. Certains passages peuvent surprendre et attirer, l’ensemble n’est que redite, bien souvent, de son propre travail. La chorégraphie ne se situant pas
toujours à la hauteur du foisonnement de son auteur. Bon, on aura la prochaine création de Grasse ou celle de Nice en 2008 pour se consoler !
Vendredi 30 novembre. 21h00
Emanuel Gat Dance
« K626 »
Il y a des noms que l’on sent porter par une forte houle. C’est le cas d’Emanuel Gat, Israélien nommé à la tête de la Danse à Istres, précédé d’une réputation flatteuse, dont personne n’a
vraiment vu le travail…ce qui n’est pas important puisque la rumeur publique affirme que c’est un génie. Cela sera donc génial puisque tout le monde (personne ?) l’a décrété ! Il ose le
bougre avec ses 8 danseurs se colleter au Requiem de Mozart, s’embarque dans cette épopée avec aussi peu d’expérience que moi pour une transatlantique par force 8. Les bonnes intentions ne font
pas forcément le talent. On sent quelque chose de plutôt sympathique, dans sa capacité à faire fusionner le groupe, à le faire se déplacer d’une façon atypique, mais l’ensemble manque cruellement
de fluidité et de constance ! Si Pietragalla avait osé faire le dixième de ce que commet Gat, (les mains en l’air en éventail, le sourire niais, les doigts suivant mécaniquement la courbe du
visage), il fait nul doute qu’elle eût été immédiatement brûlée vive en place de la Danse ! Gat, lui, s’en tirera avec les honneurs puisque les jeux étaient déjà distribués ! Dommage,
il y a quelque chose d’intéressant dans sa démarche, mais les brûlures d’orgueil condamnent parfois au silence et au tarissement des sources les plus abondantes !
Samedi 1 décembre. 18h30.
Compagnie Grenade-Josette Baïz
« Les Araignées de Mars »
Très beaux décors, belle scénographie, lumières fantastiques, utilisation particulièrement astucieuse de draps immenses qui vont devenir à tour de rôle des cordes, des paravents, des éléments
d’architecture…
Reste la danse. Les danseurs sont jeunes et beaux mais ils ont si peu à se mettre en mouvement que cela en est misère. Pourquoi les as-tu brimés ma Josette ? Pourquoi ne pas leur permettre
d’utiliser cette technique dont on sent qu’elle ne demande qu’à s’épanouir ? Bon, ce n’est pas grave, moi j’aime malgré tout, c’est ma copine ! Tu aurais quand même pu te laisser aller
et donner du souffle à ce qui ne demandait qu’à vibrer !
21h00
Les Etoiles de Ballet 2000
Où et quand la revue Ballet 2000 fait son show ! Quelques solistes des plus grandes compagnies venant exécuter des figures hardies dans une danse exhibitionniste où seule la performance
compte ! C’est le lot des galas, celui-ci n’y coupera pas, sauf à dire que le néoclassique et le moderne ont aussi droit de cité, que l’aspect poussiéreux des galas traditionnels tend à
disparaître et à fusionner avec un temps plus pressé, moins avide de salut et de ronds de jambe. Le petit Ukrainien Daniil Simkin du Ballet de l’Opéra de Vienne va éblouir et désarçonner dans les
Bourgeois de Jacques Brel. Doté d’un talent, d’une énergie hors du commun, (on dit de lui qu’il est le nouveau Baryshnikov). Dans le Don Quichotte, il bondira vers des frontières insoupçonnées
pour des sauts à ravir et à déclencher une Ola d’enthousiasme ! Aki Saito et Wim Vanlessen (Ballet Royal des Flandres) seront parfaits dans In the Middle, Somewhat Elevated… de William
Forsythe.
Il y aura aussi le San Francisco Ballet, l’Opéra de Paris, La Scala… pour un spectacle finalement de bonne facture (un peu court au goût des spectateurs… payants !), dans lequel la cérémonie
de remise du Prix à la carrière Irène Lidova à une Violette Verdy rayonnante aura été un moment d’émotion intense. Une grande Dame qui aura marqué son époque (elle fut une des danseuses attitrée
de Balanchine qui créa spécialement pour elle de nombreuses chorégraphies !). Elle reste une observatrice aiguë de la danse et conserve un esprit frondeur et curieux.
Bon, un cocktail plus loin, le Festival se termine…Enfin ! Il aura déclenché les passions sans aller jusqu’à la rupture, il aura vu 12 000 spectateurs, des critiques, des amateurs de
danse, des artistes gigantesques et des usurpateurs, des flagorneurs et des humbles, des tordus et des belles, des bêtes et des sanguinaires… Il nous aura permis d’ouvrir une fenêtre sur la
création du monde et de mieux comprendre où en est la Danse dans ce grand mouvement des idées qui brasse l’espoir d’un monde différent !
Voilà, le producteur du Gala, mon ami Richard Stephan, avait besoin de tendresse et d’encouragements ! Nous avons donc décidé, en un pari stupide, de nous baigner si la recette atteignait la
barre fatidique des 50 000€. Malgré notre échec patent (elle fut de 49 680€ !), nous décidâmes de plonger dans la Méditerranée afin de mettre au frais nos ardeurs… mission
accomplie ! Un festival de plus réalisé, un de moins à faire !
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