Un père Noël pour les Pères Noël
C’est un incunable que je vous offre. Un texte composé il y a 25 ans exactement ! A l’époque, le Courrier de l’Ain m’avait proposé d’écrire un conte de Noël et pendant 3 ans,
j’ai eu ce privilège de la « Une » d’un quotidien de la Bresse. J’aimais cela.
Bon, il faut resituer le contexte : le mur de Berlin existait plus que jamais, le parti communiste en France faisait plus de 15%, la gauche n’avait plus détenu le pouvoir depuis
35 ans et moi je pétais le feu, directeur de la MJC de Bourg en Bresse, 30 ans, toutes mes dents et plein d’espoir. Il y avait des blocs idéologiques, des combats d’idées et la tentation de
refaire le monde était permanente.
Si je devais écrire un conte aujourd’hui, pensez-vous que la belle Carla pourrait incarner l’avenir radieux d’une nation ? Et le Père Noël français ne ferait-il point peur
aux petits enfants ? J’ai préféré exhumer le passé, il fleurait bon la France d’avenir !
« La vocation se perd, éructait le représentant de l’Imam. De vieux vicelards qui serrent sur leurs genoux de petits chérubins blonds… voilà ce que nous devenons ! »
« Fascistes », l’interpella le Père Noël américain en enfournant une tablette entière de chewing-gum, papier compris.
Le bloc des Pères Noël socialistes, groupé autour du soviétique, se leva alors…
« Monsieur le président, nous sommons les impérialistes américains de retirer ce mot. La provocation contre un pays qui se libère du joug américain n’a que trop duré. Nous soutiendrons
jusqu’au bout la juste cause des enfants opprimés par l’exploitation capitaliste du temps de loisir enfantin »
Le Père Noël de l’Allemagne (de l’Ouest) applaudit bruyamment pendant que celui de l’Allemagne (de l’Est) lui filait un coup de coude dans le plexus solaire.
Dans le chahut général, le délégué du Zimbabwe annonça une rupture unilatérale des Pères Noël noirs avec les enfants blancs de l’Afrique du Sud et exigea une augmentation de 30% des frais de
déplacement pour le continent Africain.
Le symposium des Pères Noël tournait à la foire d’empoigne quand le Chinois (malgré l’éclatante réussite du plan de régulation des naissances) demanda le respect intégral des quotas-foyers,
l’Albanie et la Corée du Nord saisirent la Yougoslavie et la République de Formose par leur grande barbe et les traînèrent par terre.
Le président intérimaire des Pères Noël, un Suédois, devant la gravité de la situation, envisagea même de faire un putsch militaire avec le Père Noël argentin, un grand spécialiste de la
question, quand soudain…
Comment vous raconter ?
Un ange, oui, pas un Père Noël, un ange se leva, devenant le point de mire, faisant taire même les plus obstinés. Le Père Noël chilien rengaina son fouet, le Suisse oublia de remonter sa montre,
l’Italien dissimula ses mains dans plis de sa grande houppelande.
Il dégageait une impression de calme, de force, mais d’une force – comment dire- oui – tranquille. Oui, c’est cela, une force tranquille. D’un geste dominateur, sa voix sensuelle…
« Avant que de subir l’anarchie, engendrée par nos propres errements, eux-mêmes sous-produits d’une conjoncture à dominante de crise, parlons franc : le Sud a des problèmes… et bien
nous l’appellerons le Nord, l’Est et l’Ouest s’affrontent, réglons cela à la belote, vous avez des chômeurs, faites-en des Pères Noël supplétifs, les titulaires devenant ministres des droits de
la femme ».
Enfin, pêle-mêle, une série de 378,5 mesures furent annoncées, parmi lesquelles nous pouvions noter la détaxation des barbiers de Père Noël, une augmentation (0,33%) de la TVA des piles de
voitures de course Renault et Fiat, la suppression du catalogue Goldorak pour incitation à la violence, la gratuité des poupées gonflables pour les plus de 72 ans avec assistance technique…
L’assemblée se déchaîna, ovationnant le Père Noël français. Une ronde spontanée entraîna les hommes rouges à grandes barbes blanches, l’Américain et le Russe en profitèrent pour s’embrasser sur
la bouche, l’Afghan et le Polonais riaient à gorge déployée, l’Arabe versait des rasades de pétroles à n’en plus finir… c’était du délire !
Et oui ! Après avoir frôlé la rupture, le désastre… Noël 82 laissait présager d’un bon 83 harmonieux, relevé à souhait.
Qu’en sera-t-il exactement ?
Et bien cher lecteur, rendez-vous au 25 décembre 1983 !
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