Yves Simon, Archive et petits bonheurs.
La vie réserve parfois de belles surprises…Cette semaine d’un voyage éclair sur Paris en est la preuve évidente. Il y a du soleil dans le ciel bien chargé de ce printemps qui refuse de s’installer…parfois, ce n’est pas grave car c’est dans le cœur que les rayons brillent !
Combien y avait-il de chance pour que ce séjour éclair sur Paris me permette de rencontrer mon ami Yves Simon sur un trottoir, devant le Café de Flore, au sortir d’une réunion du jury des As d’Or du Festival International des Jeux qui s’était étirée jusqu’à me mettre en retard ? Aucune, à l’évidence !
Pourtant, chargé de mon sac, j’hésite sur la route à prendre, bascule par une ruelle pour rejoindre le métro Saint-germain et débouche sur le trottoir qui longe ce célèbre café où Sartre dégustait son petit noir en tirant sur sa cigarette. Là, debout en train de discuter avec une femme, dans la perspective exacte de mon regard, Yves Simon me voit et ouvre de grands yeux. Je vois la surprise, un « Bernard » s’échapper de sa bouche, il m’embrasse en me demandant ce que je fais sur Paris, pourquoi je ne l’ai pas averti et me prenant par le bras, en saluant son interlocutrice, m’entraîne vers le café de Costes.
C’est vrai que je ne l’avais point informé de mon passage. Deux jours « à l’arraché », le fait qu’il soit en train de lire un truc que j’ai écrit (et qui semble lui plaire !), le refus de mettre une pression sur ses épaules, m’avaient naturellement porté à ne pas lui dévoiler que je serais dans la Capitale !
Mais il était écrit que nous nous croiserions malgré tout pour le meilleur ! J’éclate de rire quand je le vois avec Libé et le Monde sous le bras, ayant strictement les mêmes journaux dans la même main… ce qui n’est que logique sans aucun doute pour des animaux à sang chaud ayant traversé les mêmes épreuves dans le même parcours !
Puis il enchaîne en me contant qu’il était à FR3 avec Patrice, sa compagne métisse pour un film sur le père d’Alexandre Dumas, héros romantique, général métisse de Napoléon… Là, j’hallucine et extrais de mon sac, le 3ème tome du Vicomte de Bragelonne que je suis en train de dévorer. Pour la petite histoire, j’avais lu plusieurs fois, adolescent, les 4 mousquetaires mais jamais leurs suites. Il y a quelques semaines, je me suis donc plongé dans les 2 tomes des Trois mousquetaires, embrayant avec les 3 de 20 ans après, et, découvrant que le Vicomte de Bragelonne avec ses 6 volumes en était le prolongement, me débats avec la cour de Louis XIV et un D’Artagnan vieillissant mais toujours fine lame devant l’Eternel enfin débarrassé de ses cardinaux maudits.
Combien y avait-il de chance pour rencontrer mon ami Yves Simon, avec ses deux quotidiens sous le bras en train de me parler d’un auteur que je n’avais plus lu depuis 40 ans et dans lequel je me replongeais ? Et si en plus, il laisse entrevoir du plaisir à me lire, alors, la vie est belle et le soleil de retour pour annoncer le chant d’un été prolixe !
Je ne peux passer sur l’extraordinaire spectacle du Théâtre de la Cité. Le Lyon Opéra Ballet de mon ami Yorgos Loukos dans une soirée spéciale William Forsythe reprenant 3 pièces phares de son parcours. Second detail (1991) est un alphabet du style « Forsythe ». Tout y passe… de ces pointes et entrechats qu’il va faire exploser pour inventer des signatures atypiques en créant un chaos apparent, de ces allers/retours entre académisme et recherche d’un geste libéré, de ces ruptures permanentes entre la notion de groupes et d’individus, sculptant le vide pour le remplir de son espace intérieur. Le Duo (1996) de danseuses à la poitrine nue est sublime de grâce et d’élégance, une composition troublante entre la précision extrême de l’unité et des fractures de rythme qui viennent casser la linéarité de l’échange. Les danseuses prouvent à l’évidence qu’elles possèdent les attributs à part entière d’une féminité rayonnante, elles sont belles et portent la grâce en elle d’une chorégraphie fluide et inspirée. One Flat thing, reproduced (2000) est un ballet d’une violence absolue. Des danseurs jaillissent du fond de scène pour installer des tables de cantine et vont évoluer entre les coins acérés, dessus et dessous, sculptant l’espace contraint rempli de ces arêtes meurtrières en un crescendo qui laisse bouleversé et haletant le spectateur devenu complice.
Et comme les grands bonheurs n’arrivent jamais seuls, après un dîner avec mes enfants, j’apprends que le disque d’Archive (prononcé Arkaïve) est enfin sorti…Je l’achète au Virgin de la Gare de Lyon et plonge dans la pochette à la recherche de mon nom (pour ceux qui s’interrogent, voir les articles dans mon blog concernant Archive et le plus beau et majestueux concert que j’aie jamais produit avec mon complice Michel Sajn !). Il y a bien nos noms, petits et noyés dans la masse, mais ils sont là, dans un service minimum mais qui me donne un sentiment de réalité… Je ne les pas inventées ces séances du côté de la Victorine avec le groupe pendant l’enregistrement des cordes et percussions avec l’Orchestre de Cannes, ces repas et discussions, cet échange avec des artistes qui ont produit un nouvel opus somptueux, baroque, entre la messe païenne et l’énergie d’un rock aux accents du désespoir. J’ai toujours en mémoire, les volutes sombres qui emplissent le Grand Auditorium pour ce concert de légende de septembre 2007.
Alors même s’ils ont oublié de remercier le Palais des Festivals et son Président David Lisnard, (et je le regrette vraiment parce que
c’est grâce à son implication que nous avons pu mener à bien notre projet !), je suis heureux comme un enfant devant une galette majestueuse qui nous convoque pour un bout d’histoire, devant
la postérité !
Pour Yves Simon et Archive, voir les articles dans mon blog !