Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Histoire vécue (1)

Publié le par Bernard Oheix

Ne tentez pas le diable, cela n'arrive qu'une fois... et encore, c'est à se demander ce que j'avais fumé ce jour-là !!!

2 février 2006. Il est 20h30 au théâtre de la porte Saint-Martin. Un siège inconfortable, la pluie et le froid, la foule des grands soirs pour un des évènements de la saison théâtrale. Je suis installé en loge latérale, pas forcément la meilleure place pour voir le spectacle, mais avec  vue plongeante sur le parterre où se presse le public bruyant qui vient se défouler au duo de choc constitué par Patrick Timsit et Richard Berry dans une nouvelle mouture de L’emmerdeur de Francis Veber.

Bruissement et douce rumeur. Un ancien président de la République Française , Valéry Giscard D’Estaing se glisse entre les sièges suivi par des centaines de regards. Certains tendent la main afin de le toucher. Il s’assied et le noir tombe sur la salle.

Les dix premières minutes s’écoulent, la pièce éculée mais efficace fonctionne mollement portée par  un tandem qui ronronne avec professionnalisme. Soudain, juste en dessous de ma loge, un cri monte, couvrant la tirade plaintive de Patrick Timsit. Déchaînement de fureur. Deux spectateurs se frappent dans les cris de leurs femmes éplorées qui demandent qu’on les sépare. Le rire de l’un perturbant l’autre, une remarque appelant une réponse, c’est aux poings que les deux spectateurs ont décidé d’en découdre, oubliant les vertus d’un Molière consensuel, devant les regards ébahis des acteurs rendus muets qui tentent de percer le mystère de cette interruption intempestive. On expulse les deux perturbateurs après deux ou trois minutes d’intense agitation et Richard Berry se tourne vers le public et annonce que le spectacle va recommencer, qu’ils sont là pour jouer et qu’ils aimeraient pouvoir mener à bien cette mission. Applaudissements de la salle.

La pièce mystérieusement se pare d’une aura étrange. Un peu comme si un détonateur venait de déclencher une accélération non prévue par le metteur en scène. Timsit et Berry se cherchent enfin et se trouvent. Tirades qui s’étirent et se percutent, rires de connivence, mise en danger des acteurs sur le fil. Il se passe enfin quelque chose et les rires peuvent monter les soutenir.

Au tiers de la pièce, pour ceux qui l’ont vue, les deux acteurs se retrouvent dans un jeu très « boulevard » enlacés sur le lit de la chambre d’hôtel. Langoureusement, dans un demi-sommeil, Patrick Timsit, l’emmerdeur, passe sa jambe par-dessus la taille de Richard Berry le tueur. Las ! Des hurlements montent dans la nuit sous les regards ébahis des acteurs qui s’adossent à la tête du lit et contemplent abasourdis le trou noir de la salle. Une voix perce le silence glacé. « - Il a une attaque, vite un médecin, appelez les pompiers, au secours ! -».

Pendant de longues minutes le pauvre spectateur va voler la vedette à la scène où les acteurs désemparés errent comme des âmes en peine. Timsit s’installe sur le lit, les yeux absents, Berry se rend en coulisses et disparaît de notre vue. Le temps s’étire à la limite du possible.

Il reviendra par la suite, la pauvre victime évacuée, reprenant sa place, et lancera un « -Nous allons tenter de terminer la pièce » sous les applaudissements nourris des spectateurs complices. La soirée pourra enfin aller jusqu’au bout de la nuit !

Un ancien président, une rixe, un malaise… c’était sans doute beaucoup pour « s’emmerder » dans une soirée parisienne où tout pouvait arriver  !  

Commenter cet article