Une nuit à Vence
Juan Carmona, mon vieux complice des « Nuits Flamenca », virtuose de la guitare gitane, avec Dominique Fillon, un jazzman au nom si lourd à porter (Eh oui ! C’est bien le frère !)… même si son talent n’appartient qu’à lui, sans aucune discussion. Ils étaient annoncés dans une création en première partie de Khaled, dont le dernier disque est un bijou, autant d’éléments pour me convaincre de me rendre avec Nilda Fernandez, sur la place de la ville pour passer une soirée musique de détente après son opus flamenco en clôture des « Nuits Musicales du Suquet » de Cannes.
Jaillissement de notes, torrents déferlants pour maestros en fusion, un jazz teinté de sonorités flamenca qui coule en flots ininterrompus. Une création les réunit pour des échanges riches et cristallins. Même si la virtuosité élégante des musiciens est manifeste, c’est une musique qui ne me parle pas, qui effleure mon cerveau sans atteindre le cœur. Je préfère et de loin le Carmona de la Symphonie Flamenca, le rugissement de sa guitare à une expressivité trop sophistiquée. C’est ainsi, j’aime toujours le Maître, même si sur ces chemins de traverse, il m’apparaît quelque peu figé, enfermé dans sa volonté d’aller vers les autres en s’oubliant. Carmona est un grand soliste contemporain de la guitare, il n’est que juste qu’il se confronte à diverses formes d’expression mais son talent réside au bout de ses doigts quand il parle vraiment de cette musique qui le hante et règne dans son âme de gitan perdu dans un monde de chaleur.
J’adore l’ultime opus de Khaled. Des compositions fortes, un musicien qui se régénère et offre une nouvelle facette de son talent. J’en frémissais de l’écouter et de voir son show. Déception. Il reste Khaled, un son trop fort et gras qui déboule des enceintes, une gestuelle un peu ridicule, un sourire qui résiste au temps. On a envie de l’aimer, de lui offrir notre écoute mais il semble si absorbé par son propre destin, qu’il n’y a pas de prises à l’émotion. Quelques tentatives de se trémousser plus loin, il nous laisse sur notre faim, sans l’énergie de ses débuts, sans la sérénité de la maturité. Un peu trop accrocheur, manquant de finesse, il réussit par la force de son timbre à me prendre par la main mais échoue à me transporter dans une contrée où tout est harmonie.
J’aime khaled malgré tout et continuerai à le suivre en espérant que l’alchimie subtile de la perfection lui offre enfin la magie d’une communion avec son public !
Au passage, dans cette équipe géniale des Nuits du Sud, le meilleur festival de la Côte, où professionnels et bénévoles se côtoient, Théo Saavedra, le directeur artistique et Serge Kolpa, le directeur technique nous accueillent avec le sourire de ceux qui ne trichent pas. J’ai toujours du plaisir à les retrouver, la concurrence est une belle émulation quand elle se produit dans un respect mutuel.
Pendant le changement de plateau, une amie qui m’avait interviewé récemment se dirige vers moi et me dit bonjour. Elle est accompagnée d’une jeune fille qui me salue. Je la regarde sans mettre de nom sur son visage.
-Bonjour, je suis Gwendoline C. Vous ne vous rappelez pas de moi ?
-A vrai dire, non, cela me dit quelque chose, mais…
-J’étais une de vos étudiantes à l’Université de Nice, il y a plus de 5 ans. Les cours d’économie du spectacle en licence Arts du Spectacle.
-C’est vrai ! Et que deviens-tu ?
-Je travaille aux Nuits du Sud… et c’est grâce à vous ! Vous m’avez donné le goût de l’évènementiel et vous m’aviez conseillée d’aller vers la technique pour trouver du travail…C’est ce que j’ai fait et je voulais vous dire merci. Je vous avais raté l’an dernier mais quand j’ai su que vous étiez là, je tenais à vous rencontrer, enfin !
Je lui ai claqué une grosse bise qui a résonné sur la place pour la gratifier de ces mots doux et pendant quelques secondes, j’ai été heureux, simplement heureux et fier. Comment imaginer que l’on puisse influer positivement sur l’avenir des autres ? Elle me rappelait à l’espoir et au plaisir que j’avais réellement eu de transmettre un peu de mon expérience dans ces murs de la Faculté. Même si l’aventure avait tourné cours, (confère mon article dans le blog, rubrique Culture du 05/03/2008), elle reste la preuve vivante que je n’ai pas effectué tout cela pour rien !
Merci Gwendoline et bon vent dans ton métier !