Ali est né / 1ère partie
-Je viens de tuer ma mère.
-Ah ! bon !
-Je l'ai même torturée, un peu, avant.
-Jean-Paul, tu ne vois pas que je suis en train de lire. Je prends mon café et je veux terminer ce putain de traité sur
-Oui, mais qu'est-ce que je fais du corps, et le sang, il me faut des serpillières. Rien ne marche ici. Tu pourrais m'accorder un peu d'attention, me conseiller, t'occuper de moi, quoi, toujours dans tes livres !
-OK, mais tu l'as déjà empoisonnée le mois dernier, décapitée en avril, écartelée en juin, elle ne peut pas mourir à chaque fois ta mère, tu as dû te tromper, c'est quelqu'un d'autre que tu as assassiné.
-Non, non, c'est bien ma mère et je viens de la tuer avec ces ciseaux à papier. Regarde, ils sont tachés de sang.
J'ai saisi la paire de ciseaux et j'ai commencé à m'arracher un ongle. Pas le couper, mais enfoncer une des pointes sous la peau pour le déchausser et quand il a bayé, j'ai mis mon doigt dans la bouche et avec les dents j'ai agrippé le bout relevé et j'ai tiré fortement. Une douleur violente, grisante, normale car j'avais décidé de m'ôter cette excroissance de chair dure qui me gênait, c'était indécent tous ces ongles qui poussaient sans arrêt et il fallait bien que j'intervienne. Hier, après la séance de l'après-midi, je m'étais occupé des doigts de pieds, c'était plus facile avec une tenaille, et je dois dire que j'avais passé une bonne nuit malgré la douleur et le sang qui coulait et inondait mes draps.
Jean-Paul se tenait devant moi et j'ai compris que je ne pourrais pas continuer ce chapitre passionnant. J'ai arraché la page 72 pour me rappeler où j'en étais et je l'ai fourrée dans ma poche puis je l'ai accompagné dans le salon. Evidemment, il n'y avait aucun cadavre, même pas une goutte de sang. Narquois, je l'ai branché.
-Tu vas avoir du travail pour tout ranger.
-Mais je te jure Erwan, elle était là, c'est quelqu'un qui a dû voler la dépouille pour la revendre, il paraît qu'il y a du fric à se faire avec un corps de femme.
Nadia est entrée, mutine à son habitude. Elle me cherchait depuis quelques temps déjà et tournait autour de moi comme une mouche attirée par un gros pot de miel.
-Mon Erwan chéri, c'est décidé, je vais accoucher, tu ne veux pas être le père ? Il aura tes yeux et ta bouche mais il faut que tu me promettes de ne pas lui arracher les ongles. Ce sera un bébé délicat et on l'appellera Ali.
-Je suis homosexuel, Nadia, tu le sais, c'est ma phase sans femmes.
-Quel gâchis, comment imaginer un tombeur comme toi dans les bras velus d'un mec, tu serais si bien comme géniteur de mon bébé, et puis j'ai envie de te sentir, ça fait un bon moment que j?ai pas baisé et il faut se dépêcher avant qu'Ali naisse.
Jean-Paul est intervenu, furieux.
-C'est dégueulasse, hier on a couché ensemble et tu l'as déjà oublié. A quoi cela sert-il que je m'escrime à te faire monter au ciel si tu ne t'en souviens même plus le lendemain, la prochaine fois que tu auras besoin de moi, tu pourras toujours courir !
-Peut-être mais encore faudrait-il que j'y sois arrivée au 7ème ciel, et que ton sperme vaille le coup. Elle est nulle ta semence, c'est du lait en boîte, du pasteurisé demi-écrémé, pas un spermatozoïde à l'horizon capable de me féconder. Ici il n'y a qu'Erwan pour être mon vrai amant. D'abord, j'ai couché avec toi parce que c'est sa période homo et qu'il lisait son livre, t'es qu'un remplaçant.
Nadia m'a pris à part et tiré par le bras. Elle m'a entraîné dehors pour fumer une cigarette, elle avait un secret à me confier. Elle était vraiment jolie bien que son haleine soit un peu forte. Il faut dire qu'elle refusait de se laver les dents à cause de sa religion, dans le coran, Mahomet n'avait pas prescrit de se laver avec une brosse et du dentifrice et elle avait décidé de suivre les préceptes de son guide.
-Tu ne devrais pas fumer dans ton état.
-C'est pas grave, j'ai pas encore le bébé dans le ventre, non, c'est autre chose, il faut que tu m'aides.
-Qu'est-ce que je peux faire ?
-Tu sais pour l'infirmier qui m'a violée le mois dernier dans sa voiture, quand il m'a sodomisée, figure-toi qu'il a introduit un rat dans mon anus et depuis Nestor remonte petit à petit dans ma colonne vertébrale pour me dévorer le cerveau?
-Nestor ?
-Ben oui, le rat ! C'est ainsi que je l'appelle, tu ne trouves pas que c'est mignon pour un monstre qui me dévore le bulbe rachidien.
-Mais que veux-tu que je fasse pour te soulager ?
-Simple, il faudrait que tu introduises ta main dans mon cul et que tu t'enfonces pour l'attraper. Je suis sûre de mon coup, quand il verra tes doigts s'agiter, il va se jeter dessus et les mordre. Tu n'auras plus qu'à retirer le bras et il sera piégé. Je le mettrai dans une cage et il regrettera d'être venu au monde, par contre il faut que tu penses à me faire jouir quand tu seras en moi, et après, il faudra bien se laver les mains. Tu peux le faire pour moi, dis ?
Je ne savais si j'en avais vraiment envie. J'hésitais en soupesant le pour et le contre quand Sophie,
Elle a croisé son index et son majeur pour signifier qu'elle voulait une cigarette. Nadia lui en a tendu une et elle l'a enfournée, la mastiquant avec délectation. Elle a déglutit son tabac et craché quelques brins puis est rentrée se vautrer devant le téléviseur pour fermer les yeux.
C'était une journée vraiment compliquée et les choses ne se sont pas arrangées avec Micheline qui a déboulé de la maison en montrant le ciel. Elle s'est mise à hurler : -Regardez, venez voir, y a des bites qui volent de partout. Elles arrivent tôt cette saison ! Faites attention, elles vont se mettre à pisser !
Je n'y croyais pas une seconde bien sûr, mais j'ai quand même enfilé mon bonnet, on ne savait jamais trop avec les bites volantes !
-Ecoute, Nadia, tu devrais plutôt envoyer Ali pour piéger ton rat.
-Mais je peux pas, tu me l'as pas encore fait, ou alors viens derrière la porte, je te suce un peu et avec de la chance j'aurai mon bébé, mon petit Ali.
Je n'avais vraiment pas envie d'une pipe à cette heure, d'autant plus qu'un nouvel arrivant avec une barbe longue jusqu'à la taille se pointait à l'horizon. C'est Thérèse qui l'a accueilli, normal, elle était la cheftaine, et ça, elle savait vraiment le faire, toujours avec son air de bonne soeur à nous dire ce qui était bien et ce qui l'était pas ! Elle répondait à nos questions invariablement par une autre question ce qui fait que les débats s'éternisaient avec elle et que l'on oubliait la première interrogation et que l'on ne savait jamais où cela devait aboutir quand on tentait de la suivre dans les méandres compliqués de son raisonnement. C'était frustrant et le nouvel arrivant allait découvrir un interrogatoire façon Thérèse.
-Mais vous sortez d'où, vous ?
-D'une autre planète, bien sûr.
-Et qu'est-ce que vous faites ?
-Je suis un moine et je viens vous évangéliser.
-Votre nom ?
-Diomède, le castrateur.
J'ai bien vu Thérèse lever les yeux au ciel, elle n'y croyait pas une seconde. Lui manifestement représentait une bonne source de dialogue. Elle aurait du travail notre cheftaine. Tant mieux, qu'elle comprenne que tout n'était pas si drôle dans notre univers. Et puis il allait falloir lui passer un bon savon car manifestement il avait oublié la fonction de l'eau et la crasse le recouvrait d'une pellicule épaisse. Moi ce qui m'attirait c'était ses ongles, des griffes recourbées d'au moins six centimètres qui lui donnaient l'air d'un oiseau de proie. Je lui aurais bien proposé de les extraire mais je ne le connaissais pas encore suffisamment. De toutes les façons, on avait le temps, il était là pour un bon moment vu sa tronche d'ahuri.
Nadia m'a regardé. Elle attendait ma décision. C'est fou ce qu'elle m'aimait. Pourquoi pas après tout ! Un petit coup vite fait, une bonne giclée et elle me lâcherait la grappe et retournerait à ses fantasmes. On est rentré et Mickey pérorait comme d'habitude. Il inventait un système d'antivol à base de résistance électrique et d'ammoniaque. Il en avait marre d'être potentiellement la victime d'un malandrin et se préparait activement à cette confrontation. Il fallait surveiller toutes les bouteilles de détergents pour être certain de survivre. Avec lui, on n'était jamais vraiment sûr que ses expériences ne nous mèneraient pas à faire sauter la baraque avec tous ceux qui y vivaient. Je l'ai contourné avec précaution, il était vraiment trop imprévisible.
Je me suis dirigé vers le grand placard des jeux, il y en avait plein à notre disposition et je me disais qu'une petite partie de trivial-poursuite serait
-Mais qu'est-ce que tu fais donc là ?
-C'est l'ascenseur, il est bloqué, je l'attends depuis tout à l'heure.
-Bon, ne t'inquiète pas, je vais faire appeler le réparateur.
Bien sûr, je n'en ai rien fait, je savais qu'il n'y avait pas d'ascenseur dans ce placard. L'heure du repas s'annonçait. Ils nous livraient la bouffe dans des grandes marmites de la cuisine centrale. Comme elle était loin et qu'il y avait un trafic intense, cela arrivait toujours un peu froid, mais ce n'est qu'une habitude à prendre.
Jean-Marc demanda s'il y avait de
C'était le jour du boudin et nous y avons encore eu droit. Angéla s'est levée, a rempli un broc d'eau et l'a versé sur les gros étrons qui marinaient dans