Chérie, et si on faisait l'amour ?
Bon, un peu de sexe, après tout, cela ne fait pas de mal ! Et puis, les horreurs de la guerre, les cris de douleur, la famine... Y en a marre ! Un peu de tendresse enfin, de la douceur et de la volupté... L'histoire se passe entre un homme et une femme... et si l'on ne donne pas la date de cette soirée d'amoureux, hélas, elle ne devrait pas tarder cette copulation programmée, ce sexe de cadres dynamiques à qui rien ne résiste.
Bon, rassurez-vous, cette romance n'est que presque vraie !
-Tu es si belle, un ange dans ma vie, et si on faisait l'amour ce soir !
Elle a souri et ses joues prirent une belle couleur rose tendre. Les flammes des bougies auréolaient son visage fin, ses yeux en amande qui m'avaient toujours fasciné, son sourire dévoilant des dents blanches parfaites, des lèvres carminées pulpeuses soulignées par une intervention discrète au silicone lui donnant une bouche sensuelle qui appelait le sexe. Une cascade de cheveux cendrés frémissait à chaque mouvement de sa tête. Elle possédait le port altier d'une reine que j'avais épousée il y a plus de six ans et qui résistait à l'usure du temps en continuant à me ravir.
Sa dernière intervention au botox était vraiment une réussite, sa peau était lisse comme un fruit frais mûri au soleil. Elle ressemblait à une jeune fille pure comme de l'eau de roche malgré ses trente-deux ans, et je discernais sous son chemisier de soie une poitrine ferme et orgueilleuse que les implants mammaires maintenaient en équilibre et dont les tétons durcis laissaient une trace pointant sous le tissu vert pomme. Elle était symphonie de couleurs, oeuvre d'art, ma femme pour l'éternité.
Nos amis s'étonnaient de la longévité de notre couple, le cap des sept années bientôt atteint, cette ligne qui paraissait infranchissable à tant de nos relations allait devenir notre horizon, un objectif bien tangible de notre vie commune qu'aucun nuage menaçant ne semblait pouvoir mettre en péril. Il faut dire que nous ne lésinions pas sur les moyens nécessaires pour contrer la monotonie d'une relation de couple et sur les ingrédients indispensables à l'harmonie de notre foyer malgré les aléas du quotidien et les tracas de la vie professionnelle.
Ma fonction de directeur commercial dans une société de congrès particulièrement connue dont je tairai le nom pour d'évidentes raisons, impliquait un investissement total de ma personne. Des journées de dix à douze heures, des voyages incessants autour de la planète, des relations à faire fructifier pour maintenir l'activité de mon secteur dans un contexte de concurrence mondiale, la lutte permanente pour m'accrocher à mon poste et continuer à percevoir un salaire confortable, me mobilisaient et occupaient une grande partie de mon temps et de mon énergie. Il faut dire que le culte de la performance, la rentabilité poste pour poste et les objectifs toujours plus ambitieux de ma direction générale ne me laissaient aucune alternative, ma réussite était à ce prix.
Je voyais arriver des jeunes de moins de 30 ans bardés de diplômes, prêts à toutes les concessions pour obtenir ma place, se proposant à la moitié de mon salaire, mais à trente-neuf ans, je n'étais pas encore totalement fini et j'escomptais bien résister encore quelques années avant de me faire éjecter comme un outil usagé d'avoir trop servi. Les jeunes avaient de grandes gueules, une propension à tout connaître avec leur tête trop pleine d'un savoir scolaire, ils étaient formatés pour devenir ces « winners » de l'entreprise mais moi j'avais l'expérience et un carnet d'adresses, j'étais rompu à toutes les arcanes du monde souterrain qui structurait l'entreprise. Ils n'auraient pas facilement ma peau, il allait falloir qu'ils s'emploient encore beaucoup pour conquérir mon bureau et s'installer dans mon fauteuil.
Mon épouse était analyste financière dans un cabinet d'audit spécialisé dans les entreprises événementielles. Elle avait débarqué, pétillante de jeunesse pour réaliser une étude sur mes coûts de production et accordé un satisfecit à ma gestion en même temps que son coeur et le droit de partager sa vie. C'était une carnassière et je l'aimais pour son aptitude à mordre dans la vie. Le coup de foudre avait été mutuel, deux esprits forts s'attirant pour régner sur un champ d'espoir, la certitude de construire ensemble les bases d'un couple solide que rien n'altérerait.
Elle avait énormément de travail, se déplaçait sans arrêt et nos agendas respectifs ne nous autorisaient que trop rarement un dîner en amoureux dans un restaurant de luxe comme ce soir. J'étais décidé à la séduire et persuadé que nous finirions cette soirée dans les bras l'un de l'autre, j'avais vraiment une grosse envie de sexe. J'étais son mari.
Elle a semblé jouer avec l'idée, retardant avec coquetterie sa réponse, affectant une pose langoureuse qui était déjà en soi une réponse.
-Pourquoi pas, il me semble qu'il y a une éternité que nous n'avons pas fait l'amour ! C'était quand la dernière fois ?
-A Pâques, pendant notre week-end à Venise. Rappelle-toi, le Pont des Soupirs, la promenade en gondole, et la suite au Danieli, cette nuit extraordinaire, tu as joui trois fois, cela ne t'était jamais arrivé.
-Gros bêta, bien sûr que je m'en souviens, de tels orgasmes ne sont pas si fréquents qu'on puisse les oublier, il faut dire que l'on avait fait ce qu'il fallait !
-Pour cela, c'est certain ! La tronche du pharmacien quand tu lui as commandé deux boîtes de Micromégax et que tu les as avalées avec la bouteille de cognac en lui disant que tu avais une urgence !
Nous avons ri et elle m'a saisi la main, me caressant avec le pouce les veines apparentes qui couraient sous ma peau et remontaient vers le poignet. Il y avait une telle connivence et communion d'esprit entre nous que je comprenais pourquoi notre couple s'ancrait si profondément dans notre vie de tous les jours. Je l'aimais comme ma déesse du soleil et elle bornait mes rêves de sa sensualité.
-Attends, il nous reste le dessert, si je prends mon Viagrus tout de suite, je serai prêt dès que nous arriverons à la maison.
-Tu n'as pas intérêt à me faire attendre, sinon je fais descendre le voisin !
-Pas lui, tu sais bien que je ne le supporte pas avec ses airs de sainte nitouche, son affectation de gay branché pour mieux séduire les bourgeoises, je ne peux pas le piffer, un marginal qui vit des largesses de la société.
-Mon petit mari jaloux !
Je lui ai parlé de mon travail et des résultats inespérés de la convention des Harley Davidson que j'avais convaincue de venir s'installer pour trois années dans mon Palais des Congrès et du bonus que j'en retirais, une prime confortable que j'avais transformée en actions immédiatement. Mon portefeuille était au beau fixe et s'enflait d'une manière intéressante. J'espérais dans quelques années pouvoir me retirer de cette course harassante avant d'être chassé de mon poste, mon statut de vieux cadre onéreux obérant mon avenir. Puis nous avons dégusté notre flan au miel et aux fruits de la passion, un dessert qui venait à point nommé alors que les effets du Viagrus commençaient, à ma grande surprise, à se faire déjà sentir. Je suis sorti du restaurant en tenant ma serviette devant moi tant je bandais ce qui fit beaucoup rire ma compagne et l'émoustilla jusqu'à me caresser dans mon coupé jaguar. Elle avait ouvert ma braguette et son ongle glissait sur mon pénis pendant que je conduisais à toute vitesse vers notre havre de paix et d'amour.
J'avais une envie incroyable de baiser et pas seulement à cause de ses caresses. Je me suis précipité dans la maison en hurlant qu'elle se dépêche, que j'avais le feu à la bite et que l'incandescence me guettait, qu'elle seule pouvait calmer ma douleur.
-Je règle le lit sur passion et grandiloquence ?
-Non, tendresse et félicité.
Elle a fait glisser le curseur sur le niveau 4. C'était une soirée trop intime pour les exploits, j'avais vraiment un désir de tendresse et notre accouplement se devait de refléter notre attachement mutuel. Elle aurait, en y repensant, peut-être préféré une soirée plus sauvage mais elle se plia à ma volonté et se rendit dans la salle de bain pour ses ablutions.
Quand elle revint, j'étais allongé nu sur le lit qui vibrait et s'adaptait au biorythme de notre passion. J'avais enfilé le condom à la machine d'asepsie et mon dard flamboyait, parfumé à l'orange, luisant de lubrifiant, se dressant vers le plafond constellé d'étoiles brillantes qui nimbaient la pièce d'une clarté langoureuse. Dans l'encadrement de la porte, elle est apparue nue comme au premier jour, ses hanches pleines de vie comme une anse dans laquelle j'aspirais à mouiller. Son contraceptif anti-VIH débordait largement de son sexe épilé lui faisant une corolle dentelée irisée dont le centre m'appelait en palpitant.
Elle m'a rejointe et avant de se pénétrer sur mon sexe, a avalé deux cachets de Micromégax, la pilule de l'orgasme que les Japonais avaient conçue pour assurer aux femmes de se guider jusqu'à l'extase. Elle a rampé sur les draps et s'est embrochée sur moi pendant que le lit s'ouvrait en entamant son cycle de vibrations spécialement étudiées par les Norvégiens après de longues études sur la dynamique des accouplements et les phases nécessaires à l'accomplissement d'une sexualité libérée.
Une musique ad-hoc créée pour endormir les sens périphériques s'échappait des baffles incorporés dans les montants du lit. Nous étions heureux, enfin réunis, si seuls dans les mystères de l'amour et nous chevauchions de concert vers la jouissance ultime comme si l'homme et la femme ne pouvaient se rejoindre que dans la galaxie de l'indicible. Au bout de deux heures, le vibrateur m'a annoncé que je pouvais me libérer et j'ai joui en de longs spasmes pendant qu'un double orgasme l'embrasait, la laissant pantelante, essoufflée, rassasiée de bonheur. Quelques gouttes de sueur perlaient à son front et je l'ai essuyée tendrement.
-Mon amour, si tu savais combien je t'aime.
-Mon grand fou ! On aurait peut-être dû programmer passion dévorante, j'ai encore un peu faim.
Je n'ai pas hésité une seconde. J'ai jailli de notre couche comme un diable sort de sa boîte et j'ai couru vers ma salle de bains. J'ai avalé la potion régénérant express, ingurgité une double dose de Viagrus, réglé le lit sur le niveau maximum d'intensité pendant qu'elle se resservait une tablette de Micromégax et après 16 minutes nous nous sommes jetés dans les bras l'un de l'autre pour entamer une ultime danse née au fond des âges primaires, quand l'homme était une bête et possédait la femme comme un animal. Nous avons remonté le temps et je l'ai mordue, frappée, m'enfonçant en elle à coups de piston violents, sans aucune retenue, libérant ces forces sauvages issues des nuits lointaines où le soufre brûlait, jusqu'à attendre l'instant fatidique du minuteur qui m'autoriserait l'éjaculation. J'étais bien et quand mon jet vint ricocher contre la pellicule plastifiée de mon condom et glisser sur la membrane gelée de son intérieur, j'ai compris que nous nous aimerions toujours et que la vie se partageait à deux.
Le souffle court, j'ai plongé mes yeux dans les siens. Elle avait un regard indolent, repu des fastes de notre passion.
-Je sais ce qu'est l'amour depuis que je te connais. Tu m'as ouvert les portes de l'infini et je rends grâce au ciel de t'avoir rencontrée. Puissions-nous vivre ainsi jusqu'à la fin du monde et finir dans les bras l'un de l'autre ce que l'humanité a entamé avec la naissance de l'homme primitif.
Elle n'a rien dit, juste un sourire et a fermé les yeux. Je l'ai regardée s'endormir et j'ai su, à ce moment précis, qu'aucun homme n'a jamais aimé une femme comme j'aime celle qui se love à mes côtés, qu'aucun amour n'est aussi puissant que ce fil qui me relie irrémédiablement à toi pour l'éternité.
J'avais hâte d'être à Noël, encore quelques trois mois à attendre pour que nos agendas coïncident, un petit voyage aux Baléares que j'avais concocté nous permettrait certainement de nous retrouver physiquement et de refaire l'amour. Je m'en délectais d'avance.