Ah ! Rachid
Avant de partir à Paris, je tenais à vous mettre en ligne mes impressions sur un concert hors norme, un de ceux qui vous laisse pantois, désarçonné, plein de passion, écorché de
musique. Rachid Taha, un maître, un grand, quelqu'un qui sait parler aux notes et les rendre vivantes !
Voilà, le mardi 13, je vais tenter de rallier Paris envers et malgré les grèves, histoire d'aller faire mon marché théâtral. Rendez-vous dans quelques jours pour un compte-rendu sur l'actualité théâtrale.
Voilà, le mardi 13, je vais tenter de rallier Paris envers et malgré les grèves, histoire d'aller faire mon marché théâtral. Rendez-vous dans quelques jours pour un compte-rendu sur l'actualité théâtrale.
Oui, mon cher, tu ne ressembles pas à grand-chose quand la lumière vient t’enfermer dans sa cage dorée. Une grande pelisse dont les rabats trainent sur la scène, une « chapka » à étoile
rouge sur la tête (qu’il ressortira sur « camarade », fièrement) laissant échapper une touffe de cheveux noir ébouriffés, petit et pas rasé, un informe sarouel rouge à carreaux et cette
allure inimitable, entre l’aisance et l’abandon, la nonchalance et le je-m’en-foutisme, un côté décalé soigneusement entretenu qui va exploser dès que le groupe se mettra en branle.
J’avais eu le plaisir de le programmer en 2001 dans la première édition d’une Pantiero qui voyait Mathmata, Sinsémilia et d’autres, apporter un souffle d’air nouveau dans les programmations trop
conformistes qui étaient mon lot quotidien de programmateur cannois. J’avais modestement ouvert un créneau sur les musiques du monde mais toujours reculé devant la jeune scène iconoclaste
française. Il était temps de me lâcher et les élections m’avaient ouvert cette lucarne tant attendue. Début d’une aventure qui nous verra prendre des risques et ouvrir grand les portes de la
nouveauté. Je me souviens d’un des plus beaux concerts qu’il m’ait été donné de voir. C’était dans la tournée d’un Made in Médina décapant. Je vous conseille ce disque, il doit nécessairement
faire partie de toute discothèque intelligente !
Depuis, je savais que nos chemins se recroiseraient. Il avait été ébahi de jouer dans ce cadre magique, dans cette ville si décalée par rapport à son univers habituel. Il me l’avait dit dans un
sourire en coin, entre deux verres en penchant sa tête sur le côté. Cannes, sa Croisette, ses petits vieux et leurs chiens en laisse… mais aussi Rachid Taha, l’enfant d’une douce France qui
retrouvait ses racines pour inventer un rock nerveux, tribal, électro-ethnique, parfait exemple d’une mixité où le meilleur des deux cultures entrait en fusion.
Pour la petite histoire, c’est à ce concert du 14 août 2001 que j’ai vécu mon unique « baston » de toutes les soirées que j’ai pu organiser. Un public particulièrement chaud, une
sécurité à fleur de peau et l’inévitable scène d’affrontement de coqs en colère, tee-shirts déchirés, hurlements et vagues du public partagé entre la violence des sons qui grimpaient au zénith et
la bousculade et les coups qui pleuvaient.
Samedi 10 novembre. Il fait un temps superbe, l’équipe de Taha débarque de Strasbourg en bus. Ils sont sympas et décontractés, prennent possession de la salle et installent la technique. Rachid
est à l’hôtel, dérangement gastrique à la clef.
Les réservations ne sont pas bonnes (150 ventes !) mais j’espère en la dernière vague, ceux qui ne réservent pas, vont au concert sans prendre leur billet ! Disons-le tout de suite, cela
fera chou blanc, l’assistance remplira la salle de la Licorne pour un 320 qui permettra au concert de se dérouler dans de bonnes conditions (la capacité est de 450) mais qui m’empêchera de rêver
à une recette miracle ! Encore un concert largement déficitaire, tout comme celui d’Arno. Il va falloir tenter de remédier à ce problème endémique d’objectifs non atteints sur la musique
afin de conserver cette liberté de choix dont je dispose actuellement ! On sait bien que seule la réussite et le remplissage des salles empêchent l’effraction de pressions extérieures !
Mais bon, pour le moment, j’ai encore un répit grâce à quelques superbes réussites comme Brégovic, Archive et autres Migenes…
Sur le concert que dire ? Génial, superbe, fantastique et autres qualificatifs…Quelques morceaux de légende de ses précédents disques parsèment son show. Barra barra, Garab, Ala Jalkoum, Hey
Anta et le sublime Médina. Tous des morceaux qui obéissent à une logique de monté vers la transe rock en une série de paliers qui font grimper l’intensité. Batterie, basse et clavier installent
une rythmique, la guitare brode et cisèle les interstices, les articulations permettent un basculement et déclenchent la fusion. Rock in the Casba et de nouveaux morceaux tirés de Diwan 2
complètent le set, soutenu par une derbouka et une mandoline qui apportent des sonorités orientalisantes à ce rock progressif. Tous les musiciens qui l’accompagnent (à parité entre européens et
arabes) sont en phase totale avec leur leader qui tient la scène et tangue. Sa voix éraillée de basse, rauque, déchire les pans de musique et vient se heurter aux instruments en soli. C’est un
grand Rachid Taha qui opère en ce soir du 10 novembre 2007 pour un public définitivement acquis. Merci Rachid. En loge, goguenard, la bouche en coin, tu sais que tu a réussi ton coup, que tu as
mis les spectateurs dans ta poche et que le métier a encore parlé. Tu reviendras, mon Ami, la scène cannoise ne peut tolérer trop longtemps une aussi longue absence.
Bon, le bilan, même s’il est mitigé question nombre de billets vendus, reste exceptionnel quand à la qualité de ces concerts de la rentrée 2007/2008. Avoir accueilli Grand Corps Malade, Mano
Solo, Archive, Arno et Taha…et en attendant Eicher, tout cela en un mois, nous donne la certitude d’avoir œuvré pour ceux qui cherchent à atteindre un pan de paradis et à fuir la morosité
ambiante, nous rend heureux et persuadés d’avoir autorisé quelques moments de rêves pour ceux qui aiment la musique, la vraie, celle de toutes les passions, celle qui n’a pas de frontières et
transgresse les normes.
Vive la musique des cœurs vaillants !
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