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Parler de Martinique

Publié le par Bernard Oheix

C'est d'abord une odeur et des couleurs. Une succession d'odeurs, un empilement de fragrances, un mille-feuille constitué de strates diverses qui montent vers le cerveau pour réveiller un parfum primitif, animal, respiré dans les couleurs de l'arc-en-ciel.

Celui d'une terre riche et meuble, sans cesse inondée, où les feuilles pourrissent pour se régénérer. Terre tropicale rouge, qui s'éventre au gré des averses violentes s'abattant à tout moment, rideau de pluie dérobant l'horizon, grains de folie sur cette terre qui exhale sa douleur de mourir pour vivifier l'esprit des ancêtres aux chants plaintifs...

Omniprésence liquide. Se déversant des nuages gonflés qui roulent dans le ciel, jaillit des replis des sols rouge pour rejoindre les côtes en serpentant au creux des vallons, montant à l'assaut des ilets décharnés par les rouleaux atlantiques parcourant les immensités aquatiques ou provenant des chaleurs caraïbes pour mourir sur le sable immaculée d'une baie brûlée par l'arc du soleil.

Aussi la canne à sucre coupée que l'on conduit vers les rhumeries crachant leur « part des anges », vers les sucreries qui dégorgent la fumée des « cabasses » à grosses volutes noires, camions à bennes ouvertes sillonnant les routes afin de livrer leurs charges, odeur douceâtre fleurant la promesse d'une ivresse future.

Toujours tant d'arbres et de fleurs parées de couleurs, avec leur message inscrit en lettres multicolores, chacune et chacun messager de fragrances inconnues qui se fondent dans la nature luxuriante... Des flamboyants grimpant vers les cieux pour dérober les cimes, aux toits carmin, à pétales jaune, des massifs aux élégantes immaculées, des lianes d'argent qui croulent vers le sol, arbres à pain, bougainvilliers rose, araucarias, frangipaniers, vanilliers de Cayenne, camélias et orchidées...

Manteaux d'or pour une luminosité qui se déchire d'un seul coup. Il y a si peu, du soleil clair et bleu qui brûle l'horizon, à la laiteuse perspective d'un ciel se dérobant, noir d'un grain, gouttes s'écrasant en gros flocons, vent qui tord les cimes vertes et remue les vagues en dégageant une odeur de sel marin.

L'arbre aux voyageurs nous tend ses bras en éventail. Il reste obstinément persuadé que les années s'écouleront, que le temps s'effacera, avant que les humains ne puissent dompter les éléments et s'imaginer à l'égal des dieux. Trop tard pour les esclaves morts, trop tard pour la terre des pleurs, il reste l'espoir des couleurs métisses et les rêves des survivants d'une terre orgueilleuse suspendue entre l'océan et la mer.

Odeurs mortelles, couleurs des lendemains qui chantent...C'est une île de Martinique pleine d'ivresse des senteurs, parée de couleurs, chargée de bruits et de fureurs que la voix chantante des enfants de douleur tente d'habiter d'humanité pour oublier le passé et feindre le bleu d'un avenir sans nuages.

 

 

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L
Je connais très bien la Martinique et je te conseille le Rhum JM au nord de l'île, le meilleur vieux rhum des Antilles. Le site de la rhumerie est extrêment typique.Bon séjour.Laetitia
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