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Les fossoyeurs de la Danse

Publié le par Bernard Oheix

Texte polémique. Moi qui aime la modernité, qui tente de rester désespément "branché", d'ouvrir les yeux, et de me mettre au tempo de la modernité, je pondrais un hymne "réac" !!! Que nenni ! Avant de le mettre en ligne, je l'ai transmis à Jean-Marc G, mon pote immergé dans la danse comme une taxifolia dans un aquarium monégasque, en lui demandant ce qu'il en pensait. Sa réaction est mitigée. En gros, il comprend ma position en soulignant : " c'est un texte violent qui pose la question que pose  toute violence... à savoir sa légitimité... Tu revendiques le plaisir et c'est cette absence que tu dénonces. Ma question alors est : la violence de l'absence (fût-elle celle du plaisir) est-elle préférable à l'absence de violence ?"

J'ai décidé de boire. C'est aussi une réponse et contrairement à ce que je pensais au départ, de mettre mon texte en ligne. Après tout, c'est un espace de ma liberté. Je ne sais pas si j'ai raison au fond, mais je suis persuadé, par ce texte, d'exprimer tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Ce n'est pas une justification, la majorité n'a pas toujours raison parce qu'elle est majoritaire, surtout dans le domaine artistique ! Mais moi, Bernard, premier public avant tout de mes spectacles, je revendique le droit de vivre, d'avoir des émotions, de pleurer et de crier, de sentir des fulgurances, d'espérer et de craindre... jamais de m'emmerder, de sentir mes paupières peser, de couper mes sens en quatre pour laisser résonner le vide de l'orgueil.

C'est ainsi, je le mets en ligne et après, c'est à vous de réagir à ce texte. Il est là pour cela. Bon courage.



De Maguy Marin à Carolyn Carlson, de Bill T Jones à… tant d’autres créateurs, un vent de folie est en train de consumer le public de la danse. Dans leur nihilisme artistique et leur ego surdimensionné, ces créateurs attirent autour de leurs oeuvres, les derniers feux d’un public alléché par des noms qu’une critique inconséquente célèbre et loue. Ces spectateurs payent, et souvent cher, pour assister à des spectacles indigents dont ils ressortent brisés à jamais dans leur volonté de découvrir l’expression d’une danse moderne. Qui est coupable de cette complaisance ? Le critique enfermé dans sa tour d’ivoire pour qui, danse, doit nécessairement rimer avec ennui, pour qui le nec plus ultra de leur critique anémique est de vanter une « non-danse » comme forme ultime de la déconstruction de l’art chorégraphique ? Le programmateur qui veut faire mode et se laisse subordonner en donnant carte blanche à des créatifs sans projets pour être « branché » et s’attirer ces mêmes pseudos critiques qui ne font illusion que dans le cercle si fermé de leurs intimes ? Le créateur, dans son impuissance régénératrice, vivant et occupant les espaces d’une danse largement subventionnée et qui ne doit rendre de comptes qu’à sa conscience et pousse son suicide intellectuel en refusant tout plaisir au spectateur ?
C’est Maguy Marin qui déclarait dans une conférence de presse que l’art chorégraphique d'aujourd’hui ne pouvait que restituer la laideur du monde. Sans aucun doute, à la lecture de ses derniers spectacles, est-elle en phase avec elle-même… laideur des déplacements, des costumes, de la musique insupportable, de l’absence de dramaturgie. Tout est cohérent dans sa volonté désespérée de chasser le plaisir du spectateur… sauf qu’elle vide ses salles, y compris pendant les représentations. Au Festival de Danse de Cannes, pendant sa précédente création, les 400 personnes se sont évanouies dans le bruit infernal des guitares saturées, fuyant par grappes le non-spectacle proposé en création mondiale(sic !!!) et ce qui est terrible, c’est que cela ne fait même plus polémique… juste un grand refus du spectateur de se faire piéger dans un inutile débat sans fond… juste la certitude qu’on ne les y reprendra plus et qu’ils ne sont pas près d’y revenir et de faire confiance à ces noms médiatisés qui font la danse actuelle.
Alors voici donc nos créateurs, occupant les postes clefs de la danse, gérant les centres dramatiques, subventionnés par les pouvoirs publics, trustant les festivals, insérés dans un réseau si petit et sans ambition, en train de se saborder parce qu’incapables d’assumer leur mission de création. C’est le cas au Festival de Danse de Cannes, au Monaco Danse Forum, à Montpellier, à la Maison de la Danse de Lyon…
Pourtant, une danse moderne et festive, cela existe. Des Maguy Marin en train d'inventer une Cendrillon ou May B, œuvres de jeunesse qui ont fait son succès… (mais qu’elle doit renier, au vu de son regard désespéré actuel), et qui portaient tant d’exubérance et de magie à l’époque, il y en a beaucoup. De Preljocaj à Thierry Malandin, de la danse « afro » de Georges Momboye aux délires si ludiques de Jean-Christophe Maillot dans ses grandes fresques, Kafig qui invente une chorégraphie de la banlieue et définit un art moderne du mouvement, de tous ceux que la critique ignore, car marqués du sceau d’un néoclassique infamant ou d’une modernité trop banale à leurs yeux, mais qui permettent au public de ressortir d’un spectacle de danse avec des rêves plein la nuit et des émotions dans le cœur.
Car il s’agit de cela. Le cœur. Le désir. L’amour. Ceux qui verrouillent la danse actuellement en sont cruellement démunis. Ils creusent la tombe d’une danse moderne et ambitieuse, branchée sur le versant ensoleillé du mouvement. Cet art si proche de l’être humain quand il parle aux sens, devient un cauchemar quand plus rien ne le soutient, que le seul ego désespérant d’un créateur vide de toute richesse.
C’est le public qui paye cette débauche, c’est lui qui fuit désormais la danse et se réfugie vers les grands ballets classiques et la danse folklorique. Alors, l’âge d’or de la danse contemporaine ne déboucherait que sur cet échec sanglant : des salles vides, pire, des spectateurs à jamais écartés des chemins de la beauté. Peut-être notre système a-t-il échoué et faut-il refonder les axes de subventionnement de la danse en cassant les institutions. Il faut réinventer la danse et c’est aux créateurs d’effectuer ce voyage en tendant la main au public, en l’invitant à ses agapes afin de partager et de communier dans un espace meublé de tous nos rêves. Il y a péril en la demeure et ce sont tous les acteurs de la culture qui sont concernés.

Juste pour terminer. Il existe beaucoup de spectacles passionnants, d'oeuvres complexes et riches, de visionnaires en recherche d'équilibre. Surtout ne vous trompez point, continuez à chercher la pépite, la perle rare, elle mérite des efforts et quelques déceptions ! Surtout, sortez, couverts peut-être, mais sortez !

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N
Salut Bernard,<br /> Tu as désormais un 32ème bloggueurs<br /> .  Eh bien ! tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère ! merci , merci de cette sincèrité. Je n’ai pas beaucoup de talent dans ma profession ( y a qu’à voir mon planning de tournée pour s’en rendre compte) mais si j’en avais je danserai tout ce que tu viens d’écrire et avec lequel je suis entièrement d’accord.<br /> Merci d’être vrai. <br /> Maintenant, je vais essayer de lire tout le reste de ton blog et d’y apporter quelques commentaires.<br /> Ton ami<br /> Le sauvageon<br /> P.S : Je suis toujours en Nouvelle-Calédonie et il fait 39°<br />  <br />  <br />
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