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Vive le spectacle

Publié le par Bernard Oheix

Une belle série de spectacles, des émotions à la pelle, des regards et des sourires, c'est la vie de la scène et en dehors de la scène, des rencontres pour espérer d'un monde meilleur. Je vous les livre, avec un peu de moi, à vous d'en faire ce que vous voudrez !
 
Vienne 1913.
Samedi 10 mars. Théâtre Croisette. Cannes
Sur un texte d’Alain Didier-Weill d’une grande richesse (parfois un peu trop, on sent que c’est un homme d’idées qui a écrit et pas un homme d’images !) Jean-Luc Paliès a conçu une mise en scène originale et « esthétisante ». Les sons bizarres d’un embaumeur d’espace, l’artifice des pupitres qui induit un jeu polyphonique où chacun va à tour de rôle assumer son statut de soliste en s’extrayant de la foule anonyme du chœur, le symbolisme d’accessoires détournés de leur fonction… c’est un opéra baroque qui nous est proposé, un tableau surréaliste ancré dans l’horreur en train de naître. Un jeune maçon anarchiste se transforme  sous nos yeux en idéologue convaincu de l’ordre. Son nom, Adolf Hitler. Son environnement, la ville de Vienne de 1909 à 1913. Sigmund Freud et son élève Jung se déchirent autour de son cas. La théorie nous la connaissons, la pratique, elle entraînera des millions de morts sur les terres désertées d’humanité d’une Europe exsangue ! Une belle leçon d’histoire et de théâtre, un projet complexe mené avec doigté par une douzaine de comédiens avertis qui font résonner les heures de l’angoisse au moment où l’antisémitisme renaît de ses cendres en polluant les consciences.
 
Petit détour en compagnie de Camille.
Jeudi 15 mars
 La Camille est venue afin de tester l’acoustique du Suquet où elle est programmée le 30 juillet dans une œuvre de Britten et des prières liturgiques du monde. Elle, une mécréante fascinée par les sons religieux ! C’est l’occasion, au pied des remparts, de quelques hurlements devant des touristes japonais (sic) interloqués, quelques photos avec votre serviteur, d’une discussion passionnante en dégustant un chocolat chaud au buffet de la gare…et elle s’en est retournée avec son frère  sans un regard pour moi. Je t’aime d’amour Camille…vivement le Suquet 2007, l’été de toutes les folies pour que ma passion s’embrase à ton soleil caniculaire !
 
 
Riccardo Caramella. Soirée Italienne
Samedi 17 mars. Théâtre de la Licorne
Imaginez un pianiste fou, suffisamment sympa pour être accompagné d’amis forcenés, un thème absurde, la bouffe et la musique, 40 ans de concerts à user son frac sur les sièges des plus grandes salles comme des lieux les plus atypiques de musique, et ce que le public ne savait pas, l’annonce émouvante d’une fin de carrière ! Mais qui est donc Riccardo Caramella ? Pianiste talentueux trop en marge pour être une star du clavier, hédoniste, homme d’affaires avisé, sympathique en diable et surtout, formidable conteur capable de faire (re)vivre ses maîtres Verdi, Rossini, Puccini… dans des anecdotes formidables déclenchant des cascades de rires. Les 500 personnes qui remplissaient à ras bord la salle se souviendront longtemps de ces 3h45 de spectacle Humour, beauté, ferveur (Ah ! cette petite messe solennelle de Rossini !), communion et désacralisation ! Riccardo Caramella nous a offert une leçon de pédagogie musicale… ou comment faire aimer le classique, comment rendre vivant et moderne ce qui apparaît comme des tranches d’histoires enfermées dans les tiroirs de la connaissance ! Merci Riccardo, en plus d’être mon ami (cette soirée, nous l’avons désirée et bâtie ensemble !), tu es vraiment un bougre d’enfoiré de génie de la musique. Ne disparaît pas trop des scènes, on a encore besoin de toi !
 
Julia Migenes. Alter-Ego
Samedi 24 mars. Palais des Festivals. Théâtre Debussy.
On avait signé pour Luz Casal dans une salle bourrée à craquer ! La soirée s’annonçait si belle… mais une maladie longue, comme l’on dit, nous a privés de notre belle Ibère ! En catastrophe, on dégote la Migenes au débotté et en deux coups de cuillères à peau, banco, on (re)remplit la salle Debussy et voilà notre scientologue rousse aux seins avenants en train de rugir sur scène. Bon, de l’avis unanime, c’est un spectacle étonnant, surprenant, intéressant, et tout et tout… une façon de revisiter la musique et d’éblouir par la variété de ses approches.
Moi, cela me laisse indifférent, une performance épicée de kitch, une belle voix mais une voie parcourue de trop de poncifs et d’images toutes faites. Il y a ce soupçon de trop qui me dérange, une exhibition largement centrée sur un nombril qui la dévore. Ce n’est pas grave, moi c’est la Luz que je voulais ! La lumière ne s’éteindra pas et le public est sincèrement satisfait de sa prestation enlevée et de son punch qui n’est pas une légende !
 
Pour moi, pas de Bab’el med à Marseille cette année, la grande foire des musiques du monde. Hélas, les shows cases, les petits coups au comptoir et les cigarettes avec les potes et les potesses, on remettra tout cela à la saison prochaine, quand les thyroïdes du monde entier se seront données les endocrines et que le feu coulera dans mes veines. En attendant, doucement les basses. On se calfeutre et on annule son voyage au Sénégal pour une retraite dans un gîte situé en Ardèche. Promenades, siestes et calme en perspective. Et pourquoi pas une tisane tant que vous y êtes ! Ou même un concert de Vincent Delerm ! Bien justement, en parlant de Delerm !
 
Vincent Delerm
Samedi 31 mars. Palais des Festivals. Théâtre Debussy.
On l’attendait après ses shows intimistes des saisons passées, son piano-solo derrière lequel il tendait la main au public en établissant un lien mystérieux. Il revient avec un ensemble de 6 musiciens, une sono enrichie, un espace à meubler. Surprise ! Le son est ample, la voix chaleureuse, les mélodies percutantes. Un vrai univers souligné par une mise en espace d’une grande qualité, des jeux de lumières parfaits. Ses interventions parlées entre les chansons sont pleines d’humour. Il est heureux sur scène et transmet sa chaleur, du bonheur au public qui a rempli la salle. Il a désormais des vrais « fans » qui reprennent ses refrains et mérite une belle ovation finale. Un très beau concert et un artiste gentil et agréable, qui me remercie à la fin avec douceur. Son équipe est formidable (y compris la technique !) alors vive les bobos et ne ratez pas Delerm, il mérite le déplacement !
 
Caligula  Albert Camus. Mise en scène Charles Berling
Jeudi 5 avril. Palais des Festivals. Théâtre Debussy
C’est la semaine des grands, des très grands. Après Delerm, Berling en attendant Genty ! Une série diabolique !
Un texte sublime qui devient musique, d’une actualité brûlante sur le pouvoir, l’isolement et la folie des hommes, leur veulerie et la passion destructrice ! Berling est Calugula, définitivement, à jamais. Il faut l’avoir vu dans une cérémonie païenne, en tutu blanc, maquillé de rouge en train de se faire les ongles pendant qu’il envoie à la mort ses nobles terrorisés pour comprendre l’adéquation entre ce texte et le désir du metteur en scène. Un grande soirée théâtre comme on en redemande encore et toujours !
 
La fin des terres. Philippe Genty
Samedi 7 avril. Palais des Festivals. Grand Auditorium.
Je vais passer sur ce spectacle car j’étais à Nice ce soir-là. Mais cette création vue l’an passé à Paris m’avait enthousiasmé. Libellule volante, tête mangeuse, humour ravageur, angoisse… entre le mime et la danse, la magie et le théâtre, utilisant un alphabet infini de l’étrange, Philippe Genty nous emmène dans son monde de cauchemars et nous redonne un âme d’enfant ! A voir absolument en famille !
 
Le système Castafiore. Lifes forme.
Samedi 7 avril 20h30. Acropolis. (Nice)
Comment décrire le choc d’un plateau hanté par les rêves absurdes d’un Karl Biscuit et d’une Marcia Barcellos au sommet de leur génie, quand le talent s’exprime avec grâce, que l’alphabet si particulier qu’ils utilisent invente des figures issues de la nuit des temps. Moi, je suis un vrai supporter, je retrouve une âme d’enfant pour des cauchemars d’adultes. La scénographie est magique s’appuyant sur une technique époustouflante, les voix d’un chœur dirigé par Alain Joutard ponctuent une bande-son très sophistiquée, les chorégraphies découpent les mouvements et cisèlent l’espace dans des formes minimalistes pendant que des êtres monstrueux envahissent l’espace. On retrouve du temps moderne dans cette pièce, mâtiné d’un surréalisme ancré dans un noir troué de rayons mortifères. La compagnie Castafiore est à un stade de maîtrise absolue, une perfection ancrée dans la personnalité hors norme de ses créateurs. Longue vie à eux !
 
Archive Musique.
Samedi 7 avril. 23h Acropolis (Nice)
Avec mon pote Michel Sajn d’Image Publique, nous avons rendez-vous avec Archive afin de régler leur programmation en septembre dans le cadre de ma saison avec un orchestre symphonique pour une soirée exceptionnelle. On commence par l’écoute de leur concert acoustique. Génial. Un Trip-Hop de derrière les fagots, les voix claires détachées mise en valeur par l’acoustique qui permet de suspendre les voix et les instruments et de les relier par la mélodie. Des conditions d’écoute idéales pour entrapercevoir les violons de l’orchestre comme s’ils effectuaient une répétition pour nous. Connaissez-vous nos amis Anglais d’Archive ? Vite, courez acheter un CD, le groupe d’avenir, un Massive Attack un peu plus rock, avec des morceaux qui sonnent juste et emportent sans réserve.
Après le set, dans la loge avec nos 4 garçons dans le vent et la chanteuse, assis en cercle, nous parlons musique, organisation du concert futur à Cannes, des choix esthétiques et techniques. Ils sont doux et humbles. Ils sont géniaux et une demi-heure après, en mon for intérieur, je me dis en les saluant, que j’ai de la chance de faire ce métier, que vivre un tel moment est un privilège et que finalement la vie est vraiment belle !
Pour fêter cela, direction le Calypso, la boîte des blacks de Nice, avec Cheick, mon copain Guinéen. Jusqu’à 4 heures, danses et rhums avec des beautés noires qui dansent sur la scène et un peu de collé-serré avec la belle et troublante Fadira !
 
Stationnement Alterné. Théâtre.
Samedi 14 avril Théatre Croisette.
Le théâtre de boulevard en version anglo-saxonne. Un glissement progressif vers la déraison, le non-sens, l’absurde ! C’est ce que j’aime chez Ray Cooney, ce qui différencie les Anglais de nous. Les situations bancales, ici un chauffeur de taxi bigame qui vit suspendu à son agenda voit un grain de sable enrayer la mécanique de ses allers-retours entre ses deux foyers. Il va falloir un petit mensonge pour se dédouaner, auquel succèdera un mensonge moyen…etc., etc. Eric Metayer et Roland Marchisio sont énormes, truculents, les seconds rôles complétent parfaitement une histoire échevelée où rien ne peut s’enchaîner normalement ! C’est un authentique éclat de rire de deux heures ! Moi, j’aime quand le rire dérape et s’échoue sur la logique.
C’est, pour la petite histoire, presque la conclusion de notre saison. Plus qu’un, Violettes Impériales, et une nouvelle boucle sera bouclée, une aventure de plus, des soirées d’émotions dont je vous ferai le bilan très bientôt !
 
Pour la lecture, un excellent « roman » de Franz Olivier Gisbert sur la Tragédie du Président, Anthéchrista de Amélie Nothomb (pas mal mais finit un peu abruptement !) et le Secret de Grimbert, un émouvant et fort intelligent roman qui se lit avec attention. Je fatigue actuellement par contre sur un roman russe de Emmanuel Carrère
 
Rubrique Cinéma.
Eviter Peut-être que je l’aime de Jolivet. Ensemble, c'est tout de Gavalda. Génial Canet et Tautou. Le film se laisse voir avec plaisir. Dans les cordes est un film intéressant, les actrices et Richard Anconina jouent à la perfection et le thème, la boxe féminine, est à la mode. 300 de David Snider est une BD vivante. Un exploit technique, la combinaison entre le virtuel et le réel. C’est génial, une vraie aventure sur les traces des spartiates. On en redemande ! Alpha Dog de Cassavetes fait froid dans le dos. C’est un beau petit film sur le parcours d’une jeunesse dorée entre le sexe et la drogue sous l’œil de parents irresponsables ! Reste le bijou, la perle, Hanna M un film français comme on les aime, intelligent et subtil, interprété à la perfection par le couple Carré-Melki mais aussi par une pléiade de gueules, de seconds rôles. L’histoire est sophistiquée, autour d’une érotomane (cherchez dans le dico, moi je sais maintenant ce que cela recouvre !). Le film ne se termine pas à la hauteur de son propos… mais ce n’est pas grave, on peut tout pardonner à un réalisateur qui se nomme Spinosa (sic !!!)
 
Bon voilà, des fois, il y a du bon dans la maladie et dans le rien faire, il y a faire malgré tout ! On peut en profiter !
A bientôt dans une salle de spectacle ou dans la vraie vie !
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