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le Festival Du Film de Cannes (4)

Publié le par Bernard Oheix

 
Cette année… dur, dur de se lever pour la séance de 8h. Le boulot, la thyroïde, l’âge, et les parties rituelles de rami vers 1h du matin y sont, il fait nul doute, pour quelque chose. Le rythme de 3 films en moyenne n’est pas très élevé pour un « cinéphage » comme moi, j’ai fait nettement mieux, ce sera juste une petite année de festival avec un peu plus de 30 films au compteur ! La maison est de nouveau pleine à craquer, c’est la fête, à tous les étages et les repas dans le jardin sont  des moments de bonheur. Mais bon, il faut traverser la rue et se rendre au théâtre de la Licorne, la séance va bientôt commencer !
 
Mercredi 23 mai.
9h La citadelle du désir. (France). Bô Dukham.
Une photo violine troublante, une histoire étrange, entre réalisme et surréalisme, une première œuvre qui se situe à la confluence de l’humour et de la déraison d’un jeune réalisateur. L’histoire est complexe, personnages qui se croisent, couples qui s’élargissent et se transforment en phalanstère de toutes les libertés dont celle, première, d’une sexualité sans tabous. Bataille et Sade sont des références directes mais l’auteur inscrit son projet dans un réalisme comportemental tout à fait surprenant. L’utopie est en marche et c’est dans le sexe qu’elle devrait devenir ce fruit mûr d’une société du désir. Ambitieux et surprenant. A suivre pour sa qualité d’écriture !
11h45. L’homme de Londres. (Hongrie). Bela Tar.
Bon un premier plan de 15 mn, avec de la fumée, un jour grisâtre, des entrecroises de fenêtres, une proue de bateau et les épaules d’un homme qui a une certaine propension à fuir l’objectif de la caméra …donnent le ton de ce qui nous attend ! Le pire est à venir. Même Bastia est méconnaissable, ce sont les Corses qui vont être contents ! Ce ne sont que silences, plans fixes, travellings interminables, plans-séquences sinueux, esthétisme insupportable de celui qui nous inflige un pensum poético-absurde sur le mal être de la vie. Mais où est Simenon, où est le cinéma ? A fuir sauf si on veut dormir !
19h. A mighty Heart. (USA) Michael Wintterbottom.
L’histoire de Danny Pearl ne peut que nous toucher. C’est la vision extérieure de son enlèvement, celle que sa femme interprétée par Angelina Jolie a vécue, qui est scénarisée. Elle n’est pas forcément très convaincante dans son rôle de bouddhiste mais bon, on s’en fout ! On suit l’enquête entre les services secrets pakistanais, américains, les terroristes, les journalistes, etc. La plongée dans la vie grouillante d’une multitude d’individus anonymes d’un Karachi au bord de l’implosion est une épreuve à donner envie de fuir et de se retrouver dans un havre de paix, au sommet d’une colline verdoyante de notre Savoie si sereine ! Bof ! Bof ! C’est vraiment triste pour Danny Pearl, il avait l’air d’être quelqu’un de bien !
 
Jeudi 24 mai.
11h30. Océan’s 13. (USA). Steven Soderberg
Où comment réunir des vedettes à faire hurler les midinettes du monde entier, des moyens colossaux pour tourner dans un Las Vegas d’opérette, structurer une industrie totalement au service de ce film, prendre un réalisateur au-dessus de tous soupçons… et se vautrer lamentablement, faire une grosse daube, une merde innommable, pire que le pire de ce que vous pouvez imaginer ! Le scénario est débile et invraisemblable, un tissu de trucs à deux sous pour cacher le vide sidérant du projet… Pire, sa seule justification, faire du pognon et de l’image en réunissant des stars pour ne rien dire. J’arrête d’en parler, je commence à avoir les boules et je vais dire des bêtises sur l’industrie du cinéma d’Hollywood !
 
Petit commentaire sur les à-côtés du Festival. Si le film est nul, imaginez mon beau bureau, surplombant la mer et les escaliers qui descendent du photo-call. Des centaines de photographes et de festivaliers nous assiègent. Le bruit monte. Soudain, une poignée d’acteurs descendent sous notre nez, à les toucher ! Nous sommes les premiers témoins, les privilégiés qui campent sur le chemin de Brad P… Georges C… Matt D… et tous les autres. Nous prenons des photos à un mètre sous l’œil jaloux des hordes de fans. Nous tendrions le bras que nous les toucherions… mais les gardes du corps sont là et c’est sans doute la seule chose à ne pas faire ! Nous assistons stoïques à leur passage Enfin, nous avons côtoyé les dieux vivants du 7ème Art ! C’est nous, c’est moi, c’est cela notre festival ! Les filles de mon équipe ne s’en sont pas encore remises et j’ai une stagiaire Cynthia qui a eu une syncope devant Clooney pendant que Sophie se pâmait devant le beau Brad ! Elle me regarde différemment depuis, j’ai dû perdre une partie de mon charme dans cette confrontation sauvage avec les monstres sacrés d’Hollywood ! Tant pis pour elles, c’est moi qui reste !
 
19h Persépolis (France) Majane Satrapi, et Vincent Paronnaud.
La vie de Marjane de la fin du Shah à la guerre contre l’Irak, de ses études à son exil. Je ne suis pas un fan des films d’animation, mais là ! Une belle histoire émouvante qui nous touche, un vrai destin hors du commun magnifiquement filmé avec des effets de pur cinéma, des fondus au noir, des images qui marquent, un ton sépia et des touches de couleurs qui illuminent des voix (Catherine Deneuve, Danièle Darrieux…) envoûtantes. Un vrai plaisir qui ennoblit le charme de la BD et lui offre une dynamique et une mise en mouvement jubilatoire. Peut-être grâce à ce mouvement, mais encore plus que dans la BD, l’intensité de cette vie, de ce destin hors du commun, fait ressortir un parler savoureux, des notes justes, des personnages attachants. On aime la grand-mère de Marjane, on adore ses parents, comme si sous la botte des dictateurs, l’herbe de la contestation ne pouvait s’empêcher de croître ! Une autre image de l’Iran, celle d’un vrai peuple qui tente de survivre !
21h.De l’autre côté. (Turquie/Allemagne) Fatih Akin.
Deux corps dans des cercueils effectuent un voyage inversé. Une prostituée de Hambourg pour être enterrée en Turquie, une jeune Allemande assassinée à Istanbul pour un dernier voyage chez les siens. Entre temps, une histoire très sophistiquée mêlant des Allemands et des Turcs dans un chassé-croisé permanent va évoluer sur le fil du rasoir, mixant les destinées et les impasses tissant des liens dont certains resteront cachés, d’autres se dévoilant par la force d’un destin ironique. Le meilleur (les relations de famille entre père/fils et mère/fille) le moins convaincant (l’histoire d’amour entre les deux filles et la mission confiée par la terroriste) mais toujours une caméra qui maîtrise l’espace, qui met en valeur les lieux (beauté d’Istanbul !!), qui nous entraîne dans un mouvement fluide à travers les méandres d’une histoire aux ramifications incessantes.
Il y a dans ce film, cette technique moderne illustrée par Gus Van Sant, Alessandro-Gonzales Inarritu et tant d’autres, cette tentative de déconstruire le scénario et d’en offrir des facettes filmées par bouts et sous des angles différents. De ce point de vue c’est une belle réussite formelle !
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