Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Nouvelles de mes nouvelles !

Publié le par Bernard Oheix

Au fil des années et des images insoutenables d'une humanité en souffrance, j'ai accumulé une série de nouvelles dont j'envisage la prochaine édition chez mon éditeur Ovadia.

Vous avez pu découvrir Ali est né dans le précédent article et je vous livre le préambule de ces 16 récits qui véhiculent le regard désorienté de celui qui cherche un peu de vérité dans la cruauté des hommes et la barbarie d'un monde qui perd son sens dans la fureur des drames qui le consument !

Bon courage !

 

Dans le domaine de l’horreur, la réalité dépasse largement la fiction et rien ne peut décrire la vraie douleur de quelqu’un qui souffre dans sa chair, dans son esprit. Les mots sont impuissants, les phrases inutiles, il ne reste que ce déchirement profond de l’être meurtri, cet impossible partage d’une souffrance indicible. Vous pouvez essayer de reproduire avec ce maigre alphabet les cris intérieurs, ils seront toujours assourdis, si loin de la crudité d’un hurlement qui doit jaillir en réponse au mal qui ronge.

Quand l’on regarde les actualités télévisées, quand on parcourt les feuilles d’un journal, plonge dans les reportages d’un magazine, on est appelé à croiser nos regards, nos pensées avec des évènements qui, chacun, représente une somme de douleurs et de drames incommensurables comme aucun scénariste, aucune fiction ne pourrait les rendre.  Quoi de plus odieux que la situation au Darfour avec ses populations exterminées, ses enfants violés, cette faim qui dévore une partie de notre humanité ? Quoi de plus intolérable que ces femmes toujours voilées de l’Afghanistan, cette déforestation de l’Amazonie, la situation au proche orient, la haine du juif et de l’arabe, les ravages du sida en Afrique, le commerce de la chair en Thaïlande, le corps décharné d’un homme rongé par la drogue, le ventre vide et si gros d’un enfant au bord d’une route sans destination ?

Et pour tenter de comprendre ma démarche, établir un lien entre le regard apeuré d’un enfant au moment du sacrifice et celui de son bourreau, fait-il de vous un propagandiste de ce drame ? Que peut-on découvrir derrière les prunelles exorbitées de l’auteur de cette sauvagerie barbaresque qui ne peut contrôler ses pulsions morbides et souffle sur les braises du cauchemar ? Existe-t-il un châtiment à la mesure de l’horreur accomplie ? Un million de victimes sous les yeux des occidentaux dans la région des grands lacs africains ont-ils valeur de symbole pour des sociétés repues dans leur conformisme et dans la paix illusoire de leurs frontières ?

 

Dans toutes ces histoires, dans les emballements de ces élans mortifères, il y a toujours en point commun la décapitation des élites intellectuelles et des artistes pour des raisons aussi contradictoires que le pouvoir absolu, la domination de la matière sur l’esprit, le refus d’ouvrir une porte sur l’avenir par les gardiens qui en possèdent les clefs. Tous ceux dont les cris peuvent devenir audibles deviennent suspects, tous ceux dont l’écho peut transformer la souffrance en actes et la dévoiler aux yeux du monde sont des dangers pour les maîtres de l’horreur qui campent sur ces ruines gorgées de douleurs.

Derrière le masque de la religion qui autorise toutes les vilenies, derrière les potentats nationaux, locaux, les caïds de quartiers, il y a toujours le goût du pouvoir, les intérêts privés, la raison de la force sur la force de la raison, histoire éternelle où le plus démuni est toujours la victime. C’est ainsi que se construit le monde, que s’érige l’histoire de demain, dans la frénésie des passions exacerbées !

Ce mal ne touche pas seulement le tiers monde, les pays de la faim, l’obscurantisme des sans espoirs, il gangrène les riches qui entretiennent cette pauvreté, il corrompt les nations arc-boutées sur leur sang, leur race, leur histoire falsifiée, leurs légendes frelatées de héros inutiles. Brecht déclarait : « Bienheureux les pays qui n’ont pas besoin de héros », il se trompait, il n’y a pas de pays heureux, il n’y pas de société « humaine », juste une gigantesque arène où la partition de la mort est la seule conduite que nous avons trouvée pour aller vers le futur en boitillant, cahin-caha, éclopés de la vie, perclus des drames que nous refusons de voir et d’entendre, parmi les millions de morts et de bouches avides qui appellent au secours désespérément sans que jamais on les entende.

Que reste-t-il de ces drames si réels ? Quelques photos jaunies par le temps toujours chassées par d’autres documents encore plus cruels, l’horreur n’ayant pas de frontières et reculant les limites de l’indicible, de l’inaudible ! Le sentiment confus d’un marasme avec en revers cette capacité de fermer les yeux, de clore nos oreilles, de fermer nos bouches afin de ne pas désespérer de nous-mêmes et de continuer à vivre malgré la cacophonie ambiante dans l’atonie la plus totale.

Il n’y peut-être rien à faire. Nous avons accepté la dérégulation sauvage pour une rentabilité à court terme et l’exploitation des plus faibles au profit des nantis, nous nous aidons d’une religion comme une béquille qui nous garantirait la vie éternelle en rémission d’une vie de souffrance, nous acclamons les forts et les portons au pouvoir en démissionnant de notre droit de contrôle, blanc-seing dont ils usent largement devant notre apathie, nous abandonnons notre planète à nos déchets,  faisons mourir nos rêves parce qu’il est plus facile de se laisser porter par les flots tumultueux de nos faiblesses que de se battre pour une liberté qui ne serait pas seulement la nôtre, mais un bien de partage, un trésor commun qui impliquerait une vigilance de tous les instants. Il y a si peu d’humanité en l’homme que l’on peut désespérer de lui.

Alors que faire ? Le temps des révolutions est bien terminé, elles ont si peu accouché d’un monde meilleur que l’on peut légitimement s’interroger sur leur utilité. Fermer les yeux et rejoindre la grande masse de ceux qui privilégient l’illusion d’un confort parce qu’ils sont nés du bon côté de la frontière et ne veulent pas sentir la colère gronder dans le ventre de ceux qui n’ont rien ? Léguer à nos enfants un monde où le cancer de l’égoïsme se développe, tenter de vivre tout simplement ? Savoir que l’on a si peu de place et d’importance qu’il n’est nul besoin de revendiquer d’exister et de trouver un sens à sa vie pour aspirer au bonheur.

 

Peut-être un peu de tout cela ! Etre capable de dire non, de pleurer devant la souffrance des autres, de s’émouvoir et de rêver, de rire et de respecter. C’est par les mots que je veux lutter, en dessinant les contours d’un univers incomplet, en mettant en exergue les plaies de notre tissu social, les déchirures de nos rapports à l’autre, en décrivant la souffrance de la victime tout en tentant de saisir les revers cachés de celui qui commet l’irréparable, en riant de ne pas me prendre au sérieux tout en offrant la description de quelques moments d’inhumanité à la sagacité du lecteur qui me suit dans le parcours erratique de ces troubles si inhumains. Puisse-t-il partager un soupçon d’émotion et panser quelques plaies, puisse-t-il offrir un peu de réconfort à ceux qui en sont trop démunis.

Si le stylo était une arme, il pourrait venger bien des humiliés, si l’esprit primait sur la matière les larmes se fondraient en un océan de douceurs, si le soleil se décidait à briller pour tout le monde, les exclus se retrouveraient exposés à ses caresses. Les mots restent des mots, les idées des idées, mais la douleur est tangible, les blessures saignent et nous avons si peu de temps pour apprendre à grandir et aimer.

Voilà donc un chapelet de nouvelles qui ont pour but de vous étonner, de vous émouvoir, parfois de vous entraîner sur les rives escarpées de l’horreur au quotidien. Partageons-les comme le pain qui accueille ceux qui ont faim à l’issue d’une grande traversée du désert. Rappelez-vous, ce ne sont que des mots, des lettres de papier, des signes tracés sur une feuille blanche. Mais derrière ces mots, on trouve une réalité que même les phrases les plus sincères ne peuvent pas décrire : celle de millions et de millions d’êtres humains qui souffrent dans leur chair et dont les rêves sont bornés par l’ignominie de leurs frères.

De l’écrivain qui compose une partition définitive destinée à venger son talent méconnu au cerveau torturé d’un bourreau exécutant les victimes innocentes d’un génocide, d’un sniper se complaisant dans la brutalité et jouissant de la torture à une naissance en accéléré au bout d’un cordon qui s’avèrera comme un film en raccourci d’une vie incomplète, d’une malle bourrée de chefs-d’œuvre inconnus aux yeux d’une proie terrienne dans un café galactique, de Betty, hantée par les camps de la mort à cet enfant de la guerre à la recherche d’un ennemi fantôme, de tous ces personnages, il ne restera sans doute que l’amertume d’un monde à construire pour que vivent les hommes et qu’ils apprennent à se regarder comme des êtres humains, se détachant de ces liens tragiques qui les réunissent et sont le dénominateur commun de leur incapacité de vivre en harmonie.

 

Bonne lecture.

Voir les commentaires

Ali est né (La suite) !

Publié le par Bernard Oheix

-Qu’est-ce que je peux faire ?

-Qu’est-ce que je peux faire ?

-Tu sais pour l’infirmier qui m’a violée le mois dernier dans sa voiture, quand il m’a sodomisée, figure-toi qu’il a introduit un rat dans mon anus et depuis Nestor remonte petit à petit dans ma colonne vertébrale pour me dévorer le cerveau…

-Nestor ?

-Ben oui, le rat ! C’est ainsi que je l’appelle, tu ne trouves pas que c’est mignon pour un monstre qui me dévore le bulbe rachidien.

-Mais que veux-tu que je fasse pour te soulager ?

-Simple, il faudrait que tu introduises ta main dans mon cul et que tu t’enfonces pour l’attraper. Je suis sûre de mon coup, quand il verra tes doigts s’agiter, il va se jeter dessus et les mordre. Tu n’auras plus qu’à retirer le bras et il sera piégé. Je le mettrai dans une cage et il regrettera d’être venu au monde, par contre il faut que tu penses à me faire jouir quand tu seras en moi, et après, il faudra bien se laver les mains. Tu peux le faire pour moi, dis ?

Je ne savais si j’en avais vraiment envie. J’hésitais en soupesant le pour et le contre quand Sophie, la grande Sophie est arrivée. Cela faisait trois ans qu’elle était muette. Un matin pendant la réunion, elle s’était dressée et avait déclaré qu’elle refuserait désormais de s’exprimer. C’était son auto-stoppeur, celui qu’elle avait chargé sur la nationale 7 et qui l’avait violée pour s’installer dans sa tête qui la commandait et elle en avait vraiment marre d’entendre ses mots dans sa propre bouche. Tout ce qu’elle disait provenait de lui, et le seul moyen de le faire taire était de la fermer définitivement. « -Je me révolte désormais, il pourra guider mes gestes, j’en suis désolée, il est odieux, mais au moins mes pensées seront miennes. » Elle s’était rassise et depuis on n’avait plus entendu le son de sa voix. Cela ne l’empêchait pas de vivre avec le groupe, c’était juste un peu plus compliqué pour communiquer avec elle.

 Elle a croisé son index et son majeur pour signifier qu’elle voulait une cigarette. Nadia lui en a tendu une et elle l’a enfournée, la mastiquant avec délectation. Elle a déglutit son tabac et craché quelques brins puis est rentrée se vautrer devant le téléviseur pour fermer les yeux.

C’était une journée vraiment compliquée et les choses ne se sont pas arrangées avec Micheline qui a déboulé de la maison en montrant le ciel. Elle  s’est mise à hurler : -Regardez, venez voir, y a  des bites qui volent de partout. Elles arrivent tôt cette saison ! Faites attention, elles vont se mettre à pisser !

Je n’y croyais pas une seconde bien sûr, mais j’ai quand même enfilé mon bonnet, on ne savait jamais trop avec les bites volantes !

-Ecoute, Nadia, tu devrais plutôt envoyer Ali pour piéger ton rat.

-Mais je peux pas, tu me l’as pas encore fait, ou alors viens derrière la porte, je te suce un peu et avec de la chance j’aurai mon bébé, mon petit Ali.

Je n’avais vraiment pas envie d’une pipe à cette heure, d’autant plus qu’un nouvel arrivant avec une barbe longue jusqu’à la taille se pointait à l’horizon. C’est Thérèse qui l’a accueilli, normal, elle était la cheftaine, et ça, elle savait vraiment le faire, toujours avec son air de bonne sœur à nous dire ce qui était bien et ce qui l’était pas ! Elle répondait à nos questions invariablement par une autre question ce qui fait que les débats s’éternisaient avec elle et que l’on oubliait la première interrogation et que l’on ne savait jamais où l’on allait aboutir quand on tentait de la suivre dans les méandres compliqués de son raisonnement. C’était frustrant et le nouvel arrivant allait découvrir un interrogatoire façon Thérèse.

-Mais vous sortez d’où, vous ?

-Mais d’une autre planète, bien sûr.

-Et qu’est-ce que vous faites ?

-Je suis un moine et je viens vous évangéliser.

-Votre nom ?

-Diomède, le castrateur.

J’ai bien vu Thérèse lever les yeux au ciel, elle n’y croyait pas une seconde. Lui manifestement représentait une bonne source de dialogue. Elle aurait du travail notre cheftaine. Tant mieux, qu’elle comprenne que tout n’était pas si drôle dans notre univers. Et puis il allait falloir lui passer un bon savon car manifestement il avait oublié la fonction de l’eau et la crasse le recouvrait d’une pellicule épaisse. Moi ce qui m’attirait c’était ses ongles, des griffes recourbées d’au moins six centimètres qui lui donnaient l’air d’un oiseau de proie. Je lui aurais bien proposé de les extraire mais je ne le connaissais pas encore suffisamment. De toutes les façons, on avait le temps, il était là pour un bon moment vu sa tronche d’ahuri.

Nadia m’a regardé. Elle attendait ma décision. C’est fou ce qu’elle m’aimait. Pourquoi pas après tout ! Un petit coup vite fait, une bonne giclée et elle me lâcherait la grappe et retournerait à ses fantasmes. On est rentré et Mickey pérorait comme d’habitude. Il inventait un système d’antivol à base de résistance électrique et d’ammoniaque. Il en avait marre d’être potentiellement la victime d’un malandrin et se préparait activement à cette confrontation. Il fallait surveiller toutes les bouteilles de détergents pour être sûr de survivre. Avec lui, on n’était jamais vraiment sûr que ses expériences ne nous mèneraient pas à faire sauter la baraque avec tous ceux qui y vivaient. Je l’ai contourné avec précaution, il était vraiment trop imprévisible.

Je me suis dirigé vers le grand placard des jeux, il y en avait plein à notre disposition et je me disais qu’une petite partie de trivial-poursuite serait la bienvenue. J’allais bien trouver deux où trois joueurs disposés à se faire battre. J’avais appris toutes les réponses par cœur. J’ai ouvert la porte et j’ai vu Shiaman recroquevillée près des balais, les yeux grands ouverts. C’était ma préférée, une petite brunette qui souriait toujours et ne s’énervait jamais.

-Mais qu’est-ce que tu fais donc là ?

-C’est l’ascenseur, il est bloqué, je l’attends depuis tout à l’heure.

-Bon, ne t’inquiète pas, je vais faire appeler le réparateur.

Bien sûr, je n’en ai rien fait, je savais qu’il n’y avait pas d’ascenseur dans ce placard. L’heure du repas s’annonçait. Ils nous livraient la bouffe dans des grandes marmites de la cuisine centrale. Comme elle était loin et qu’il y avait un trafic intense, cela arrivait toujours un peu froid, mais ce n’est qu’une habitude à prendre.

Jean-Marc demanda s’il y avait de la purée. Faut dire qu’avec les cinq dents qu’il lui restait, la mastication n’était pas chose aisée. Je lui avais demandé pourquoi il s’obstinait à se faire sauter une dent pas jour, mais il m’avait répondu que c’était un secret et que s’il le disait à moi ou à un autre, il les perdrait toutes. Il n’en avait plus pour longtemps avant de pouvoir tout nous dire. Sa technique se sophistiquait. Au début, il se cognait la mâchoire contre le lavabo mais les inconvénients étaient nombreux. Il n’arrivait pas à bien viser et ne se la cassait qu’à moitié, ou même se trompait de cible. Et puis il fallait tout nettoyer après, et cela lui prenait un temps infini pendant lequel il hurlait de douleur, cela nous empêchait de travailler tranquillement, énervait les pensionnaires. Il prenait désormais son temps, un rituel bien rodé, enroulant sa mâchoire d’un tissu, il ligaturait sa dent avec un gros fil de nylon et l’accrochait à la poignée de la porte et quand l’un d’entre nous allait faire ses besoins, il entendait un crac et pouvait observer sa satisfaction, une extraction bien menée, un travail d’orfèvre qui le remplissait de fierté. Il prenait un sirop anesthésiant avant ce qui fait qu’il ne sentait même plus la douleur, cela l’attristait bien un peu, mais il avait compris que ses cris nous perturbaient.

C’était le jour du boudin et nous y avons encore eu droit. Angéla s’est levée, a rempli un broc d’eau et l’a versé sur les gros étrons qui marinaient dans la marmite. Elle ne supportait pas que l’on mange du sang mais Jean-Marc s’en foutait, il était en train de se gaver de mousseline par les espaces béants que ses cinq dents laissaient entrevoir quand il ouvrait la bouche, par contre on était plusieurs à aimer la consistance moelleuse d’un bon boudin et il a fallu égoutter le plat avant de pouvoir se servir. Tant pis, jusque-là, la journée avait été presque normale. Personne ne pouvait prévoir que Julien pète un plomb. 

Il a pris un couteau de cuisine et l’a lancé violemment sur son vis-à-vis, en l’occurrence le pauvre Christian qui n’y pouvait rien. La lame a ricoché sur son pull et a atterri à terre sous le buffet. Thérèse est intervenue avec promptitude, elle s’est interposée entre eux et a empêché que Julien, dans sa crise, ne se jette sur sa victime. Il lui hurlait au visage qu’il l’avait reconnu le traître, et que ce n’était pas besoin de se déguiser, qu’il était l’ennemi du masque de fer et qu’il le vengerait. Sa visite thérapeutique d’hier à la prison du Fort Sainte-Marguerite avait laissé des traces. Il se prenait pour le vengeur du prisonnier masqué, le fils du roi, alors que tout le monde savait parfaitement que ce n’était pas Christian qui jouait un double jeu. Lui n’y était strictement pour rien. Nous savions pertinemment que son truc c’était les photos de joueuses de tennis, toutes ses belles Kournikova, Mauresmo, Mary Pierce et autres championnes qu’il collectionnait dans des tenues affriolantes, leurs jupettes dans le vent, les jambes écartées dans l’effort pour rattraper la balle. Il ne se séparait jamais de son album et il était en train de hurler que Julien l’avait lâchement agressé parce qu’il était jaloux de ses photos et qu’il voulait lui dérober ses fiancées.

Une voiture est venue chercher un Julien désemparé. Il savait qu’il avait fauté, la violence sur les autres était prohibée, c’est une règle intangible, un principe sacro-saint qu’il ne fallait pas transgresser sous peine de retourner au centre illico. Il était penaud et tout chamboulé, il ne s’expliquait pas son geste et a embrassé Christian en l’assurant qu’il n’en voulait aucunement à ses trésors. Cela a fait un vide et Thérèse nous a réunis pour un groupe de paroles. Cela a cassé l’ambiance. Je n’avais pas du tout envie de parler et j’ai repris mon livre pour me plonger dans la phénoménologie. La page 72 était toujours au fond de ma poche et personne n’avait pu me la voler. J’ai remis la page à sa place et je me suis immergé dans mon bouquin. La lecture a vraiment du bon, j’ai pu tout oublier.

Au bout d’un moment, vu que personne ne voulait s’exprimer, elle nous a libérés et Nono est venu me demander de l’aider à enlever son casque. C’était un magnifique casque de football américain bleu avec des étoiles et le nom de l’équipe de Boston en lettres dorées. J’ai dû refuser car nous avions interdiction de lui ôter. Il faut dire qu’il se précipitait la tête la première contre les portes fermées et les murs dès qu’il en avait l’occasion. Il avait cabossé tant de parois et des cicatrices couraient sur son visage, c’est pour ça qu’on l’obligeait à le porter. Son visage était une carte routière, avec des grosses nationales, des petites départementales et même des carrefours, une plan Michelin déambulant. Il disait que quand il se regardait dans un miroir, son visage se déformait, la partie droite s’estompait et il n’avait plus que la moitié de ses cheveux comme un iroquois.

J’ai vu Nadia en train de parler avec Danièle derrière les fourrés d’aubépine du jardin, des histoires de femmes sans doute, je me suis approché pour écouter discrètement leur conversation. J’aimais beaucoup surprendre les discussions. Elle était en train de lui expliquer qu’aucun rat ne pourrait rentrer par sa minette vu qu’elle s’était ligaturée le sexe avec un fil de pêche, le matin même avant de venir au centre. Elle a soulevé sa jupe et baissé sa culotte. Elle s’était cousue les lèvres intimes et l’on voyait des gouttes de sang perler sur sa fente, le fil comprimait le bouton de son clitoris en l’entortillant, cela me rappelait une paupiette de veau dans une assiette de jus de tomates. Elles ne m’en ont pas voulu de les surprendre, bien au contraire, cela les a émoustillées et Nadia en a profité pour me demander si j’étais enfin  prêt à lui faire son enfant.

-Je réfléchis encore, on verra tout à l’heure !

Il y a eu un instant de répit, le calme plat avant la tempête. Françoise a jailli de la maison comme si elle avait le feu aux fesses. Elle était encore débraillée et sortait des cabinets. Elle avait sans aucun doute vu un serpent lui rentrer dans l’intestin pendant qu’elle faisait ses besoins. Cela ne lui était plus arrivé depuis un mois et elle était manifestement terrorisée. Elle s’est arrêtée, a pointé le doigt vers le cumulus blanc qui paressait dans le ciel et s’est mise à hurler: -C’est lui, ce nuage satanique, c’est sa faute, il a réveillé les serpents du diable ! Elle s’est enfuie, elle était vraiment paniquée. J’ai averti Thérèse et nous avons formé deux groupes pour la retrouver.

Nous avons exploré les entrées des immeubles et tous les recoins. Un chien aboyait dans le quartier, cela a attiré l’attention de Nadia très sensible aux animaux. Un berger allemand qui gardait une villa manifestait sa colère et nous alertait. Il grognait et grattait le sol avec ses pattes, furieux contre l’intruse qui l’empêchait de se coucher dans sa niche. Françoise s’était glissée par l’étroite ouverture et l’on ne voyait que sa tête blonde émerger de la pimpante cabane verte et rose. Il a fallu la rassurer, lui promettre que les serpents avaient raté leur coup pour qu’elle accepte de sortir et libère la place pour le chien qui se précipita sur sa gamelle. Heureusement qu’elle ne lui avait pas mangé sa pitance.

Diomède le castrateur, avec les pans de son cache-poussière qui balayaient le sol, ne cessait de demander si c’était de lui que l’on riait quand il n’était pas là. Thérèse l’a rassuré et tout le monde a rejoint le centre pour prendre un thé ou un café avec des petits gâteaux. C’était un moment important, tous assis en rond, à récapituler les évènements de la journée avant de rejoindre nos appartements thérapeutiques. C’était le dernier de nos rendez-vous, après nous aurions la possibilité de nous retrouver chez nous et d’être libre.

Nadia s’est installée à mes côtés et a posé sa tête contre la mienne. Elle ne parlait plus mais je sentais sa respiration, elle était oppressée à l’idée de se retrouver seule. Elle espérait vraiment que je l’inviterais à m’accompagner, que nous passerions la nuit ensemble. J’en avais marre d’être homo et finalement quand la réunion s’est terminée, je lui ai pris la main et nous sommes partis. Nos pas se sont accordés et je crois que Jean-Paul était un peu jaloux, je le comprends, il l’aimait tellement.

Elle a accepté de se laver les dents pour moi et je lui ai préparé une salade de tomates et de la mozzarella. On a regardé la télévision, c’était un épisode de Colombo et on a ri en pensant à Diomède le castrateur à cause de son imperméable. Elle ne m’a plus parlé de Nestor, il avait dû s’endormir et j’en ai profité pour lui faire l’amour. C’était bon et je sais qu’elle a eu du plaisir, quand elle ne fait pas semblant d’avoir un orgasme, c’est qu’elle est vraiment contente. Elle n’a pas simulé, elle est restée les yeux grands ouverts pendant que je jouissais et nous nous sommes endormis dans les bras l’un de l’autre.

C’était vraiment une bonne journée mais je ne sais toujours pas si Ali est né.

 

PS : En hommage aux personnels qui rendent l’hôpital psychiatrique un peu plus humain et tentent  d’harmoniser le monde des cauchemars et celui de la réalité

 

Voir les commentaires

Ali est né !

Publié le par Bernard Oheix

Voilà, exhumé du Grenier de ma mémoire, une nouvelle écrite il y a bien longtemps, à l'époque où je baignais, grâce à ma conjointe et à ses amies, dans l'univers de la psychiatrie et du rapport entre la normalité et la fuite en avant de ceux qui n'ont plus de limites.

Je vous l'offre, avec le recul du temps et la sagesse de la vieillesse, comme un hommage à tous ceux et celles qui doivent affronter le mal être des autres et remettre un peu d'harmonie dans la folie d'un monde qui perd ses repères et pousse les êtres à glisser vers le néant !

 

Ali est né

 

               -Je viens de tuer ma mère.

-Ah ! bon…

-Je l’ai même torturée, un peu, avant.

-Jean-Paul, tu ne vois pas que je suis en train de lire. Je prends mon café et je veux terminer ce putain de traité sur la phénoménologie. C’est facile à comprendre, non ?

-Oui, mais qu’est-ce que je fais du corps, et le sang, il me faut des serpillières. Rien ne marche ici. Tu pourrais m’accorder un peu d’attention, me conseiller, t’occuper de moi, quoi, toujours dans tes livres !

-OK, mais tu l’as déjà empoisonnée le mois dernier, décapitée en avril, écartelée en juin… elle ne peut pas mourir à chaque fois ta mère, tu as dû te tromper, c’est quelqu’un d’autre que tu as assassiné.

-Non, non, c’est bien ma mère et je viens de la tuer avec ces ciseaux à papier. Regarde, ils sont tachés de sang.

J’ai saisi la paire de ciseaux et j’ai commencé à m’arracher un ongle. Pas le couper, mais enfoncer une des pointes sous la peau pour le déchausser et quand il a bayé, j’ai mis mon doigt dans la bouche et avec les dents j’ai agrippé le bout relevé et j’ai tiré fortement. Une douleur violente, grisante, normale car j’avais décidé de m’ôter cette excroissance de chair dure qui me gênait, c’était indécent tous ces ongles qui poussaient sans arrêt et il fallait bien que j’intervienne. Hier, après la séance de l’après-midi, je m’étais occupé des doigts de pieds, c’était plus facile avec une tenaille, et je dois dire que j’avais passé une bonne nuit malgré la douleur et le sang qui coulait et inondait mes draps.

Jean-Paul se tenait devant moi et j’ai compris que je ne pourrais pas continuer ce chapitre passionnant. J’ai arraché la page 72 pour me rappeler où j’en étais et je l’ai fourrée dans ma poche puis je l’ai accompagné dans le salon. Évidemment, il n’y avait aucun cadavre, même pas une goutte de sang. Narquois, je l’ai branché.

-Tu vas avoir du travail pour tout ranger.

-Mais je te jure Erwan, elle était là, c’est quelqu’un qui a dû voler la dépouille pour la revendre, il paraît qu’il y a du fric à se faire avec un corps de femme.

Nadia est entrée, mutine à son habitude. Elle me cherchait depuis quelques temps déjà et tournait autour de moi comme une mouche attirée par un gros pot de miel.

-Mon Erwan chéri, c’est décidé, je vais accoucher, tu ne veux pas être le père ? Il aura tes yeux et ta bouche mais il faut que tu me promettes de ne pas lui arracher les ongles. Ce sera un bébé délicat et on l’appellera Ali.

-Je suis homosexuel, Nadia, tu le sais, c’est ma phase sans femmes.

-Quel gâchis, comment imaginer un tombeur comme toi dans les bras velus d’un mec, tu serais si bien comme géniteur de mon bébé, et puis j’ai envie de te sentir, ça fait un bon moment que je n’ai pas baisé et il faut se dépêcher avant qu’Ali naisse.

Jean-Paul est intervenu, furieux.

-C’est dégueulasse, hier on a couché ensemble et tu l’as déjà oublié. A quoi cela sert-il que je m’escrime à te faire monter au ciel si tu ne t’en souviens même plus le lendemain, la prochaine fois que tu auras besoin de moi, tu pourras toujours courir !

-Peut-être mais encore faudrait-il que j’y sois arrivée au 7èmeciel, et que ton sperme vaille le coup. Elle est nulle ta semence, c’est du lait en boîte, du pasteurisé semi-écrémé, pas un spermatozoïde à l’horizon capable de me féconder. Ici, il n’y a qu’Erwan pour être mon vrai amant. D’abord, j’ai couché avec toi parce que c’est sa période homo et qu’il lisait son livre, t’es qu’un remplaçant.

 

Nadia m’a pris à part et tiré par le bras. Elle m’a entraîné dehors pour fumer une cigarette, elle avait un secret à me confier. Elle était vraiment jolie bien que son haleine soit un peu forte. Il faut dire qu’elle refusait de se laver les dents à cause de sa religion, dans le coran, Mahomet n’avait pas prescrit de se laver avec une brosse et du dentifrice et elle avait décidé de suivre les préceptes de son guide.

-Tu ne devrais pas fumer dans ton état.

-Ce n’est pas grave, je n’ai pas encore le bébé dans le ventre, non, c’est autre chose, il faut que tu m’aides.

-Qu’est-ce que je peux faire ?

-Tu sais pour l’infirmier qui m’a violée le mois dernier dans sa voiture, quand il m’a sodomisée, figure-toi qu’il a introduit un rat dans mon anus et depuis Nestor remonte petit à petit dans ma colonne vertébrale pour me dévorer le cerveau…

-Nestor ?

-Ben oui, le rat ! C’est ainsi que je l’appelle, tu ne trouves pas que c’est mignon pour un monstre qui me dévore le bulbe rachidien.

-Mais que veux-tu que je fasse pour te soulager ?

-Simple, il faudrait que tu introduises ta main dans mon cul et que tu t’enfonces pour l’attraper. Je suis sûre de mon coup, quand il verra tes doigts s’agiter, il va se jeter dessus et les mordre. Tu n’auras plus qu’à retirer le bras et il sera piégé. Je le mettrai dans une cage et il regrettera d’être venu au monde, par contre il faut que tu penses à me faire jouir quand tu seras en moi, et après, il faudra bien se laver les mains. Tu peux le faire pour moi, dit ?

Je ne savais si j’en avais vraiment envie. J’hésitais en soupesant le pour et le contre quand Sophie, la grande Sophie est arrivée. Cela faisait trois ans qu’elle était muette. Un matin pendant la réunion, elle s’était dressée et avait déclaré qu’elle refuserait désormais de s’exprimer. C’était son auto-stoppeur, celui qu’elle avait chargé sur la nationale 7 et qui l’avait violée pour s’installer dans sa tête qui la commandait et elle en avait vraiment marre d’entendre ses mots dans sa propre bouche. Tout ce qu’elle disait provenait de lui, et le seul moyen de le faire taire était de la fermer définitivement. « -Je me révolte désormais, il pourra guider mes gestes, j’en suis désolée, il est odieux, mais au moins mes pensées seront miennes. » Elle s’était rassise et depuis on n’avait plus entendu le son de sa voix. Cela ne l’empêchait pas de vivre avec le groupe, c’était juste un peu plus compliqué pour communiquer avec elle.

 Elle a croisé son index et son majeur pour signifier qu’elle voulait une cigarette. Nadia lui en a tendu une et elle l’a enfournée, la mastiquant avec délectation. Elle a dégluti son tabac et craché quelques brins puis est rentrée se vautrer devant le téléviseur pour fermer les yeux.

C’était une journée vraiment compliquée et les choses ne se sont pas arrangées avec Micheline qui a déboulé de la maison en montrant le ciel. Elle s’est mise à hurler : -Regardez, venez voir, y a des bites qui volent de partout. Elles arrivent tôt cette saison ! Faites attention, elles vont se mettre à pisser !

Je n’y croyais pas une seconde bien sûr, mais j’ai quand même enfilé mon bonnet, on ne savait jamais trop avec les bites volantes !

-Écoute, Nadia, tu devrais plutôt envoyer Ali pour piéger ton rat.

-Mais je ne peux pas, tu ne me l’as pas encore fait, ou alors viens derrière la porte, je te suce un peu et avec de la chance j’aurais mon bébé, mon petit Ali.

Je n’avais vraiment pas envie d’une pipe à cette heure, d’autant plus qu’un nouvel arrivant avec une barbe longue jusqu’à la taille se pointait à l’horizon. C’est Thérèse qui l’a accueilli, normal, elle était la cheftaine, et ça, elle savait vraiment le faire, toujours avec son air de bonne sœur à nous dire ce qui était bien et ce qui ne l’était pas ! Elle répondait à nos questions invariablement par une autre question ce qui fait que les débats s’éternisaient avec elle et que l’on oubliait la première interrogation et que l’on ne savait jamais où l’on allait aboutir quand on tentait de la suivre dans les méandres compliqués de son raisonnement. C’était frustrant et le nouvel arrivant allait découvrir un interrogatoire façon Thérèse.

-Mais vous sortez d’où, vous ?

-Mais d’une autre planète, bien sûr.

-Et qu’est-ce que vous faites ?

-Je suis un moine et je viens vous évangéliser.

-Votre nom ?

-Diomède, le castrateur.

J’ai bien vu Thérèse lever les yeux au ciel, elle n’y croyait pas une seconde. Lui manifestement représentait une bonne source de dialogue. Elle aurait du travail notre cheftaine. Tant mieux, qu’elle comprenne que tout n’était pas si drôle dans notre univers. Et puis il allait falloir lui passer un bon savon car manifestement il avait oublié la fonction de l’eau et la crasse le recouvrait d’une pellicule épaisse. Moi ce qui m’attirait c’était ses ongles, des griffes recourbées d’au moins 6 centimètres qui lui donnaient l’air d’un oiseau de proie. Je lui aurais bien proposé de les extraire mais je ne le connaissais pas encore suffisamment. De toutes les façons, on avait le temps, il était là pour un bon moment vu sa tronche d’ahuri.

 

Nadia m’a regardé. Elle attendait ma décision. C’est fou ce qu’elle m’aimait. Pourquoi pas après tout ! Un petit coup vite fait, une bonne giclée et elle me lâcherait la grappe et retournerait à ses fantasmes. On est rentré et mickey pérorait comme d’habitude. Il inventait un système d’antivol à base de résistance électrique et d’ammoniaque. Il en avait marre d’être potentiellement la victime d’un malandrin et se préparait activement à cette confrontation. Il fallait surveiller toutes les bouteilles de détergents pour être sûr de survivre. Avec lui, on n’était jamais vraiment sûr que ses expériences ne nous mèneraient pas à faire sauter la baraque avec tous ceux qui y vivaient. Je l’ai contourné avec précaution, il était vraiment trop imprévisible.

Je me suis dirigé vers le grand placard des jeux, il y en avait plein à notre disposition et je me disais qu’une petite partie de trivial-poursuite serait la bienvenue. J’allais bien trouver deux ou trois joueurs disposés à se faire battre. J’avais appris toutes les réponses par cœur. J’ai ouvert la porte et j’ai vu Shiaman recroquevillée près des balais, les yeux grands ouverts. C’était ma préférée, une petite brunette qui souriait toujours et ne s’énervait jamais.

-Mais qu’est-ce que tu fais donc là ?

-C’est l’ascenseur, il est bloqué, je l’attends depuis tout à l’heure.

-Bon, ne t’inquiète pas, je vais faire appeler le réparateur.

Bien sûr, je n’en ai rien fait, je savais qu’il n’y avait pas d’ascenseur dans ce placard. L’heure du repas s’annonçait. Ils nous livraient la bouffe dans des grandes marmites de la cuisine centrale. Comme elle était loin et qu’il y avait un trafic intense, cela arrivait toujours un peu froid, mais ce n’est qu’une habitude à prendre.

Jean-Marc demanda s’il y avait de la purée. Faut dire qu’avec les 5 dents qu’il lui restait, la mastication n’était pas chose aisée. Je lui avais demandé pourquoi il s’obstinait à se faire sauter une dent pas jour, mais il m’avait répondu que c’était un secret et que s’il le disait à moi ou à un autre, il les perdrait toutes. Il n’en avait plus pour longtemps avant de pouvoir tout nous dire. Sa technique se sophistiquait. Au début, il se cognait la mâchoire contre le lavabo mais les inconvénients étaient nombreux. Il n’arrivait pas à bien viser et se la cassait qu’à moitié, ou même se trompait de cible. Et puis il fallait tout nettoyer après, et cela lui prenait un temps infini pendant lequel il hurlait de douleur, cela nous empêchait de travailler tranquillement, énervait les pensionnaires. Il prenait désormais son temps, un rituel bien rodé, enroulant sa mâchoire d’un tissu, il ligaturait sa dent avec un gros fil de nylon et l’accrochait à la poignée de la porte et quand l’un d’entre nous allait faire ses besoins, il entendait un crac et pouvait observer sa satisfaction, une extraction bien menée, un travail d’orfèvre qui le remplissait de fierté. Il prenait un sirop anesthésiant avant ce qui fait qu’il ne sentait même plus la douleur, cela l’attristait bien un peu, mais il avait compris que ses cris nous perturbaient.

C’était le jour du boudin et nous y avons encore eu droit. Angéla s’est levée, a rempli un broc d’eau et l’a versé sur les gros étrons qui marinaient dans la marmite. Elle ne supportait pas que l’on mange du sang mais Jean-Marc s’en foutait, il était en train de se gaver de mousseline par les espaces béants que ses 5 dents laissaient entrevoir quand il ouvrait la bouche, par contre on était plusieurs à aimer la consistance moelleuse d’un bon boudin et il a fallu égoutter le plat avant de pouvoir se servir. Tant pis, jusque-là, la journée avait été presque normale. Personne ne pouvait prévoir que Julien pète un plomb. 

Il a pris un couteau de cuisine et l’a lancé violemment sur son vis-à-vis, en l’occurrence le pauvre Christian qui n’y pouvait rien. La lame a ricoché sur son pull et a atterri à terre sous le buffet. Thérèse est intervenue avec promptitude, elle s’est interposée entre eux et a empêché que Julien, dans sa crise se jette sur sa victime. Il lui hurlait au visage qu’il l’avait reconnu le traître, et que ce n’était pas besoin de se déguiser, qu’il était l’ennemi du masque de fer et qu’il le vengerait. Sa visite thérapeutique d’hier à la prison du Fort Sainte-Marguerite avait laissé des traces. Il se prenait pour le vengeur du prisonnier masqué, le fils du roi, alors que tout le monde savait parfaitement que ce n’était pas Christian qui jouait un double jeu. Lui n’y était strictement pour rien. Nous savions pertinemment que son truc c’était les photos de joueuses de tennis, toutes ses belles Kournikova, Mauresmo, Mary Pierce et autres championnes qu’il collectionnait dans des tenues affriolantes, leurs jupettes dans le vent, les jambes écartées dans l’effort pour rattraper la balle. Il ne se séparait jamais de son album et il était en train de hurler que Julien l’avait lâchement agressé parce qu’il était jaloux de ses photos et qu’il voulait lui dérober ses fiancées.

Une voiture est venue chercher un Julien désemparé. Il savait qu’il avait fauté, la violence sur les autres était prohibée, c’est une règle intangible, un principe sacro-saint qu’il ne fallait pas transgresser sous peine de retourner au centre illico. Il était penaud et tout chamboulé, il ne s’expliquait pas son geste et a embrassé Christian en l’assurant qu’il n’en voulait aucunement à ses trésors. Cela a fait un vide et Thérèse nous a réunis pour un groupe de paroles. Cela a cassé l’ambiance. Je n’avais pas du tout envie de parler et j’ai repris mon livre pour me plonger dans la phénoménologie. La page 72 était toujours au fond de ma poche et personne n’avait pu me la voler. J’ai remis la page à sa place et je me suis immergé dans mon bouquin. La lecture a vraiment du bon, j’ai pu tout oublier.

Au bout d’un moment, vu que personne ne voulait s’exprimer, elle nous a libérés et Nono est venu me demander de l’aider à enlever son casque. C’était un magnifique casque de football américain bleu avec des étoiles et le nom de l’équipe de Boston en lettres dorées. J’ai dû refuser car nous avions interdiction de lui ôter. Il faut dire qu’il se précipitait la tête la première contre les portes fermées et les murs dès qu’il en avait l’occasion. Il avait cabossé tant de parois et des cicatrices courraient sur son visage, c’est pour ça qu’on l’obligeait à le porter. Son visage était une carte routière, avec des grosses nationales, des petites départementales et même des carrefours, une plan Michelin déambulant. Il disait que quand il se regardait dans un miroir, son visage se déformait, la partie droite s’estompait et il n’avait plus que la moitié de ses cheveux comme un iroquois.

J’ai vu Nadia en train de parler avec Danièle derrière les fourrés d’aubépine du jardin, des histoires de femme sans doute, je me suis approché pour écouter discrètement leur conversation. J’aimais beaucoup surprendre les discussions. Elle était en train de lui expliquer qu’aucun rat ne pourrait rentrer par sa minette vu qu’elle s’était ligaturée le sexe avec un fil de pêche, le matin même avant de venir au centre. Elle a soulevé sa jupe et baissé sa culotte. Elle s’était cousue les lèvres intimes et l’on voyait des gouttes de sang perler sur sa fente, le fil comprimait le bouton de son clitoris en l’entortillant, cela me rappelait une paupiette de veau dans une assiette de jus de tomate. Elles ne m’en ont pas voulu de les surprendre, bien au contraire, cela les a émoustillées et Nadia en a profité pour me demander si j’étais enfin près à lui faire son enfant.

-Je réfléchis encore, on verra tout à l’heure !

Il y a eu un instant de répit, le calme plat avant la tempête. Françoise a jailli de la maison comme si elle avait le feu aux fesses. Elle était encore débraillée et sortait des cabinets. Elle avait sans aucun doute vu un serpent lui rentrer dans l’intestin pendant qu’elle faisait ses besoins. Cela ne lui était plus arrivé depuis un mois et elle était manifestement terrorisée. Elle s’est arrêtée, a pointé le doigt vers le cumulus blanc qui paressait dans le ciel et s’est mise à hurler : -C’est lui, ce nuage satanique, c’est sa faute, il a réveillé les serpents du diable ! Elle s’est enfuie, elle était vraiment paniquée. J’ai averti Thérèse et nous avons formé deux groupes pour la retrouver.

Nous avons exploré les entrées des immeubles et tous les recoins. Un chien aboyait dans le quartier, cela a attiré l’attention de Nadia très sensible aux animaux. Un berger allemand qui gardait une villa manifestait sa colère et nous alertait. Il grognait et grattait le sol avec ses pattes, furieux contre l’intruse qui l’empêchait de se coucher dans sa niche. Françoise s’était glissée par l’étroite ouverture et l’on ne voyait que sa tête blonde émerger de la pimpante cabane verte et rose. Il a fallu la rassurer, lui promettre que les serpents avaient raté leur coup pour qu’elle accepte de sortir et libère la place pour le chien qui se précipita sur sa gamelle. Heureusement qu’elle ne lui avait pas mangé sa pitance.

Diomède le castrateur, avec les pans de son cache poussière qui balayaient le sol, ne cessait de demander si c’était de lui que l’on riait quand il n’était pas là. Thérèse l’a rassuré et tout le monde a rejoint le centre pour prendre un thé ou un café avec des petits gâteaux. C’était un moment important, tous assis en rond, à récapituler les évènements de la journée avant de rejoindre nos appartements thérapeutiques. C’était le dernier de nos rendez-vous, après nous aurions la possibilité de nous retrouver chez nous et d’être libre.

Nadia s’est installée à mes côtés et a posé sa tête contre la mienne. Elle ne parlait plus mais je sentais sa respiration, elle était oppressée à l’idée de se retrouver seule. Elle espérait vraiment que je l’inviterais à m’accompagner, que nous passerions la nuit ensemble. J’en avais marre d’être homo et finalement quand la réunion s’est terminée, je lui ai pris la main et nous sommes partis. Nos pas se sont accordés et je crois que Jean-Paul était un peu jaloux, je le comprends, il l’aimait tellement.

 

Elle a accepté de se laver les dents pour moi et je lui ai préparé une salade de tomate et de la mozzarella. On a regardé la télévision, c’était un épisode de Colombo et on a ri en pensant à Diomède le castrateur à cause de son imperméable. Elle ne m’a plus parlé de Nestor, il avait dû s’endormir et j’en ai profité pour lui faire l’amour. C’était bon et je sais qu’elle a eu du plaisir, quand elle ne fait pas semblant d’avoir un orgasme, c’est qu’elle est vraiment contente. Elle n’a pas simulé, elle est restée les yeux grands ouverts pendant que je jouissais et nous nous sommes endormis dans les bras l’un de l’autre.

C’était vraiment une bonne journée mais je ne sais toujours pas si Ali est né.

 

PS : En hommage aux personnels qui rendent l’hôpital psychiatrique un peu plus humain et tentent d’harmoniser le monde des cauchemars et celui de la réalité

 

Voir les commentaires

Bain du jour de l'an !

Publié le par Bernard Oheix

Et l'heure fatidique de mon bain rituel a donc sonné !

Dans une France sous la pluie et au matin glacé, le soleil se lève pour honorer mon acte de bravoure et c'est le coeur battant que je pénètre dans une mer pas vraiment complice ! Qu'à cela ne tienne, j'ai comme un désir de partage ancré en moi et c'est le coeur vaillant que je viens me faire dorloter par les vagues afin de transmettre, sinon un message, tout au moins une constatation : l'année 2023 aura été une année de merde et l'on peut s'interroger sur 2024 et les conséquences funestes de nos errements, de l'action de nos potentats jouant avec des bombes, de l'impéritie de nos dirigeants et de la perte de confiance d'une humanité désarçonnée qui voit l'humanisme devenir une valeur refuge de ceux qui n'ont plus rien et ne peuvent influer sur la marche du monde !

Bain du jour de l'an !

Il n'en reste pas moins que 2023 m'aura permis de sortir cette belle Métisse du Peuple des Épines de son sommeil et de l'exhiber aux yeux de tous. Dans 200 librairies de France, on peut la trouver ou la commander afin de partager avec elle un destin d'exception en 210 pages pour le prix de 18€.

Et si vous voulez vous donner toutes les chances de rêver en ce début d'année, plongez dans mon livre à défaut de la Méditerranée et suivez Talike, cette femme de passions dans son île de mystères. 

Bain du jour de l'an !

Alors, meilleurs voeux de bonheur pour cette nouvelle année, avec de l'espoir comme enraciné en nous pour que la beauté renaisse et que les femmes et hommes de bonne volonté puissent voir la beauté du monde et nos enfants grandir dans un monde pacifié !

Voir les commentaires

La Corse et Le principe d'incertitude

Publié le par Bernard Oheix

Samedi 15 décembre 2023. Nous traversons la Corse de Bastia à Ajaccio, par une route superbe, dans un soleil qui illumine les montagnes et accroche la lumière aux cimes enneigées. C'est la fin d'une semaine de plaisirs dans cette île magique, dans les repas de famille aux discussions alanguies, dans la chaleur d'une vie où tout semble plus simple, plus humain. La place Saint-Nicolas de Bastia, où les cafés se sirotent dans les incessantes rencontres de ceux qui ont toujours quelque chose à se dire, le vieux port en plein travaux avec ces voiliers se balançant au gré des flots dans une brise printanière et les terrasses qui débordent de rires et de voix chantantes.

Ce sont les amis que l'on retrouve plus vieux, avec des barbes et des rides mais qui renvoient au temps d'une jeunesse d'insouciance. C'est ma Corse, celle que j'ai épousée, il y a un demi siècle, et qui ne m'a jamais trahie même si elle m'a irrité trop souvent. Une corse du chant dans les mélodies des Muvrini et d'A Filetta, de ces concerts qui portaient l'espoir d'un avenir, du partage d'un Lonzo ou de Figatelli grillés délicieux arrosés d'un vin rouge de Patrimonio. C'est aussi et surtout l'espoir d'un monde à créer dans le tonnerre des armes que l'on veut plus juste, plus fraternel...même si la réalité nous trouvera si loin de nos idéaux !

Mais le temps des colères est terminé et les constats parfois amers n'ôtent point les rires du futur. La Corse, toujours rebelle comme un refrain qui berce nos attentes et s'alanguit de cette mer qui miroite à l'infini.

C'est aujourd'hui à Bastia que nous prenons la voiture pour rejoindre Ajaccio, passer à Corte accroché aux collines, boire un café à Ponte Leccia, grimper le col de Vizzavonne en traversant la fôret de Tattone et plonger vers la mer et l'anse des sanguinaires aux îles si mal nommées. 

Ce soir, c'est théâtre, et des retrouvailles avec notre fils, responsable de tournées théâtrales, qui présente une pièce avec Jean-Pierre Darroussin et Élodie Frégé au théâtre, et c'est complet, il n'y a pas d'incertitude !

 

L'anse du vieux port de Bastia, le vent du large !

L'anse du vieux port de Bastia, le vent du large !

Dans les frémissements d'une salle comble et attentive, le rideau se lève. Une femme étreint furtivement un homme sur un quai de gare. Elle est jeune et splendide, il est vieux et fatigué. Que cherche-t-elle dans cette approche incongrue ?

Toute la pièce va se dérouler dans ce tête à tête fascinant de deux acteurs d'exception. Lui, bourru, vieux, ayant perdu ses illusions et renoncé aux rêves d'un futur, elle, engoncée dans cet état de léthargie d'une femme inconnue, et qui l'aime, et n'est jamais la même, ni jamais une autre (air connu !).

Il va se laisser aller à ce vent de l'espoir, bien malgré lui, et de ces illusions perdues aux plaisirs charnels d'un corps de femme, peut-être retrouver l'espoir sans certitude d'un présent de volupté. 

Incertitude de cette attente d'une autre, incertitude de cet amour flamboyant contre nature, le couple va cheminer entre hésitation et fulgurance vers une destination inconnue !

Et c'est tout l'art de l'auteur de nous embarquer, sans jamais donner les clefs, sur ce radeau de la méduse des sentiments les plus intimes, quand aucunes règles ne peuvent définir la réalité d'un lien mystérieux entre deux êtres que tout sépare.

Une pièce magistrale d'ambigüité portée par un Darroussin plus que jamais héraut de son personnage, se confrontant à une Élodie Frégé qui capte la lumière et ne rend que le trouble de l'incertitude en pâture aux spectateurs.

La mise en scène de Louis-Do de Lencquesaing est ambitieuse et met en écrin les incertitudes des personnages. Et s'il ne devait se révéler qu'une certitude de cette heure et demie de dialogues et de silences, c'est que nous avons vécu un vrai moment de théâtre

 

Coucher de soleil sur les Sanguinaires...Ajaccio, la cité impériale au passé de légende !

Coucher de soleil sur les Sanguinaires...Ajaccio, la cité impériale au passé de légende !

Voir les commentaires

La danse sur un fil !

Publié le par Bernard Oheix

La biennale de Danse de Cannes changeant tous les 6 ans de Directeur Artistique, c'est désormais Didier Deschamps (pas le footballeur, l'autre, le danseur) qui s'y colle avec bonheur. Sa connaissance aiguë de cet Art, son carnet d'adresses, sa passion qu'il utilise dans la réalisation d'une première édition somptueuse, ont transformé Cannes et sa région où sont décentralisés des spectacles (La Scène 55 à Mougins et le Théâtre de Grasse en particulier) en capitale d'une danse qui sort des sentiers battus et permettent de découvrir des créateurs hors du commun.

Avec le soutien de Sophie Dupont et de son équipe de l'Évènementiel du Palais des Festivals de Cannes, le public a vécu 15 jours d'une plongée dans des spectacles que les chorégraphes inventent à la frontière de tous les arts, là où le geste, le son et l'image ouvrent des horizons sans limites.

Antoine Le Ménestrel sur le fil d'Ariane d'une danse du vertige !

Antoine Le Ménestrel sur le fil d'Ariane d'une danse du vertige !

Avec sa compagnie Lézards Bleus, Antoine Le Ménestrel perpétue ses étranges spectacles "d'allumeur de rêves". Ici, dans la ville du cinéma, au sein du Festival de Danse, c'est au film muet de 1923 d'Harold Llyod qu'il rend hommage, projetant des extraits du film (la scène de l'horloge) sur la façade du Cinéum pendant qu'il est suspendu, accroché à un filin, et que ses complices se contorsionnent en se poursuivent sur les arêtes du bâtiment construit par l'architecte Rudy Ricciotti.

C'est fascinant, 40 mn de haute volée, dans une nuit fraîche où les spectateurs lèvent la tête pour assister à la fuite d'un équilibre dans la recherche d'une sens profond. Le cinéma sur le cinéma dans une danse de la vie !

Et des coups de coeur, il y en aura de nombreux, tant la scène actuelle est riche d'une pléiade de nouveaux chorégraphes arrivant à maturité.

C'est le cas avec Into the Hairy de Sharon Eyal et Gai Behar. Sharon Eyal, issue du vivier de la Batsheva, tente avec son complice de créer une danse envoûtante, répétitive et désaccordée, comme pour enrayer la fuite du temps. C'est étonnant et le spectateur reste enfermé dans l'univers de bruits et de fureur d'un monde désaccordé.

Plus traditionnel mais tout aussi passionnant, le dernier ballet créé à Cannes en avant-première par le Ballet de Biarritz de Thierry Malandin : Les saisons. Encore un peu frais, mais porteur de belles émotions.

Recirquel,la compagnie hongroise, sera un des coups de coeur de cette quinzaine. Entre le cirque et la danse, sur le thème de l'amour, des acrobates-danseurs vont évoluer sur la scène comme dans les cieux, à la recherche d'une harmonie où chaque corps tente de fusionner avec l'autre dans une recherche perpétuelle de l'accord parfait. Sublime !

Et bien sûr, les dernières oeuvres de Keléménis et Cie, le collectif espagnol de Kor'sia, David Coria, une compétition de films sur la danse et des moments de partage avec le public assidu et passionné.

Le Ballet du Grand théâtre de Genève

Le Ballet du Grand théâtre de Genève

Et pour terminer la flamboyance de deux oeuvres du Ballet de Genève. Skid du chorégraphe Damien Jalt, ou une fois encore, le danseur va faire reculer les lois de l'équilibre. Sur un plateau incliné à 34°, des corps apparaissent surgissant du néant pour glisser vers le sombre d'une fosse, ils vont tenter d'organiser le chaos en refusant la gravitation. Glissades, enchevêtrements, chaines humaines et ruptures du sens. Un moment de force sans repères pour troubler l'ordre naturel des choses.

Et Fouad Boussouf avec Via va achever en trois tableaux cette déconstruction de l'univers. Le rouge où les danseurs sautillent dans un paroxysme de trémoussements, la bleu où le geste se libèrent et les corps se cherchent et pour conclure, le jaune ou les danseurs deviennent fluides et réharmonisent l'espace en créant le mouvement sans attaches.

Bravo à Didier Deschamps et à l'équipe de Sophie Dupont d'avoir réenchanté l'univers de la danse sur les scènes de la région. Une danse libéré des contraintes de la scène, dans la ville où Rosella Hightower créa son école pour la postérité et qui lui rend bien son amour du geste juste, libéré, bien loin des affres d'un monde plongé dans l'obscurité !

Voir les commentaires

Introduction à La Métisse du Peuple des Épines

Publié le par Bernard Oheix

Je vous offre le paragraphe qui ouvre mon livre, comme une pincée de cet air du large qui m'a séduit dans la vie de Talike, cette incroyable aventure humaine d'une femme à la recherche de ses rêves dans une île de mystère. De ce feu qui hante ses nuits, à la quiétude d'un retour au pays, auprès des siens, après une vie de femme et de mère, et un exil pour chanter sur les scènes du monde entier les histoires de son peuple, il y a tout le courage de celles qui affrontent leurs désirs sans se renier, leurs passions, en acceptant les revers d'une vie dans une région où le prix de son existence se mesure à l'aune de son courage. Talike est une métisse, petite fille du dernier roi du Peuple des Épines, et sa voix résonne comme un hymne à la liberté et à la différence !

Le phare de l’enfer. Chaque volute grimpe à l’assaut des étoiles, se contorsionne et projette des nuages incandescents qui retombent en pluie de feu, irisant la nuit de particules rougeoyantes. Chaque bras s’échappant du foyer vient se fondre dans la matrice infernale qui grossit et gagne en hauteur, atteignant des sommets démesurés. Les flammes tutoient le néant. Un grondement sourd manifeste la colère des cieux. Le brasier se nourrit des tonneaux de rhum entreposés dans la cave, se gorgeant des bouteilles d’alcool qui explosent sous l’action de la chaleur. Tout lui est bon pour s’enrichir et conforter sa violence. Le bois des charpentes, les meubles, les papiers et les draps l’alimentent sans faiblir. Il rue par saccades et croît dans une tornade de fumée noire zébrée d’éclairs carmin. Nuit d’apocalypse.

Il paraît que l’incendie fut visible à plus de 40 Km. Sur ces contreforts de l’Androy, au sud de Madagascar, cette tragédie provoqua des rassemblements dans chaque hameau. Les familles se regroupaient, nez en l’air, cherchant la cause d’un sinistre qui illuminait l’horizon. Les vieux hochaient sentencieusement la tête, les femmes jacassaient en pointant du doigt le foyer qui rugissait, les enfants hurlaient. Quelques hommes se rendaient à pas pressés vers le lieu du sinistre, ombres furtives s’évanouissant dans les ténèbres. Chacun pressentait qu’un tel incendie annonçait un drame terrible.

Je marchais dans l’obscurité, m’éloignant du crépitement assourdissant de la chaleur. Les gens couraient autour de moi, se dirigeant vers l’épicentre de ce bouleversement. À contre-courant, du haut de mes 4 ans, je me fondais dans le noir, suivant des chemins inconnus entre les cases, contournant les carrefours où la population se regroupait. Le silence m’attirait. J’avais si peur du bruit. Je chantonnais une comptine que ma maman me psalmodiait pour m’endormir et à chaque refrain, j’avançais de quelques pas, persuadée qu’elle me protégerait contre les fantômes qui profitaient de cette confusion pour narguer les vivants.

 

On m’a retrouvée à l’aube, dans la forêt d’épineux, les pieds lacérés par les dards, la peau striée de cicatrices où le sang perlait, un pouce dans la bouche, les yeux secs d’avoir trop pleuré. Des voisins me reconnurent, ils me ramenèrent à ma grand-mère, la vazaha dont la maison-restaurant venait de se consumer.

Les cendres étaient encore chaudes, quelques fumerolles sourdaient de l’amas noirâtre, un tas impressionnant de meubles hétéroclites gisait dans un coin de la cour. L’incendie avait épargné les cases de mes oncles et tantes. La population avait extrait tout ce qu’il était possible du brasier, sauvant quelques bribes de la puissance de mes grands-parents paternels. Ma mère était absente. Elle avait accouché dans cette nuit d’horreur et se remettait au dispensaire de la naissance d’un enfant qu’elle appelera Afolahy, « enfant du feu », en mémoire de ce drame qui ensanglanta le jour de son arrivée intempestive sur cette terre Malgache. Plus tard, il apprit à marcher sur les braises et à dompter les flammes. Il se produisait sur les marchés, avalant des flammèches, jonglant avec des massues ardentes, devenant célèbre dans la région de l’Androy. Son existence se décline autour de ce maître du feu tout puissant qui l’accueillit avec tant de fracas la nuit de l’incendie qui illumina le ciel des Antandroy.

 

C’est ma mère qui avait donné l’alerte. Le terme s’annonçait, elle ne réussissait pas à dormir et avait perçu la fumée en train de ramper, se glissant comme un serpent venimeux à travers les interstices des parois, les trous dans les plafonds. Une fumée noire chargée des fureurs de l’enfer qui dégorgeait sans bruit en roulant sur le plancher, attendant de se réveiller et de rugir. Elle avait crié de toutes ses forces et senti se déchirer son ventre rebondit. Ses eaux inondant le plancher, elle s’était traînée dans la cour, entamant sa parturition pendant que chacun tentait d’éteindre le brasier, de sauver quelques meubles, d’arracher des souvenirs à la gueule brûlante du dragon qui ronflait d’aise. Une sage-femme arrivée à la rescousse l’avait soutenue et c’est dans la cour dévastée de mes grands-parents que mon frère naquit, par une nuit de folie où la nature avait décidé de se révolter contre la loi des hommes.

 

Mon père et mes oncles n’étaient pas encore revenus de la mine de pierres précieuses qu’ils exploitaient sur les contreforts d’Ambatomika. Depuis des semaines, ils s’acharnaient à extraire de minuscules saphirs, des tourmalines et améthystes d’une veine épuisée. Ils espéraient récupérer dans le sous-sol quelques miettes d’un festin abandonnées par les précédents exploitants. Ils étaient en route dans leur voiture cabossée sur les chemins défoncés qui sinuaient à travers la péninsule. Il n’y avait que les femmes et les enfants pour contempler les dégâts et tenter de remettre un peu d’ordre dans le chaos qui régnait.

Ce sont les policiers qui ont découvert le cadavre de mon cousin dans sa chambre. Personne ne s’était aperçu de son absence. Son corps desséché et recroquevillé restait le seul témoin de ce qui s’était déroulé dans l’ombre d’une nuit malfaisante.

Ce cousin qui venait de mourir, aîné de trois enfants, avait été élevé par ma famille. Après la guerre d’Indochine, son propre père, engagé dans un bataillon d’élite des fusiliers marins, était retourné en France et avait disparu. On ne savait pas ce qu’il était devenu. Évanoui dans la nature, ses enfants avaient naturellement trouvé refuge au sein de notre fratrie.

 

C’est ma grand-mère vazaha qui régentait ce lieu, moitié bar, moitié restaurant, halte à mi-chemin sur la route reliant Fort Dauphin à Ifotake. Équidistant des deux villes, le bourg d’Amboasary était une étape indispensable pour tous les marchands qui sillonnaient ce pays de l’Androy où le peuple des épines avait élu domicile, quelques siècles auparavant, quand aucune route ne perçait les buissons infranchissables. C’est dans cette grande bâtisse carrée qu’ils pouvaient se restaurer, boire en nouant des discussions avec les représentants des hameaux voisins. Ils écoulaient leur marchandise, prenaient des commandes, réglaient leurs affaires en consommant l’alcool de palme, le whisky où la bière française que des camions déversaient une fois par mois dans l’immense cour pour être stockés dans un cellier au rez-de-chaussée. C’est là que le feu avait pris pour se répandre comme une traînée de poudre.

 

La famille de mon père avait fui les persécutions en Alsace au milieu du 19èmesiècle. Dans les guerres qui ravageaient les terres des confins, il n’y avait pas de place pour des Bonapartistes espérant le rétablissement d’un empereur déchu au retour de l’île d’Elbe. C’était une période trouble pendant laquelle la vie était dure et incertaine dans les campagnes reculées. L’immensité océane ouvrait une route aux aventuriers que rien ne rattachait à leur pays. Ils s’étaient embarqués pour un confetti perdu au milieu de l’océan Indien, important leurs idéaux de justice et de fraternité auprès d’une population qui émergeait de l’oppression. Ils avaient créé une coopérative pour fabriquer des tonneaux de bois sur l’île Maurice avec d’anciens esclaves, puis imaginé un phalanstère pour cultiver une plantation de canne à sucre, échouant avec constance, incapables d’assumer les contradictions d’une société primitive où la force brute servait d’étalon à la réussite. Finalement, ils débarquèrent à Madagascar au début du 20èmesiècle, dans le sud désertique et sans eau d’une région sauvage coupée de toute civilisation. Ma grand-mère avait investi toutes ses dernières économies dans cette maison de bois d’un étage au centre d’une cour immense où chacun avait construit une case pour abriter sa famille.

 

Mes parents paternels sont donc des vazahas, blancs venus d’un pays lointain. La couleur de leur peau fait d’eux des colons, ces hommes qui régentent le pays, dictent leurs propres lois, construisent les routes, enseignent à l’école et perçoivent les taxes en important leur culture. Ils n’ont bien souvent que mépris pour les populations locales, indigènes à la peau foncée qu’ils croisent du haut de leurs certitudes, et toisent sans aménité. Mais plus que le mépris pour les indigènes, il y avait leur haine pour les métisses, les mulâtres, ces traîtres à leur race, jamais du bon côté, versant sombre de leurs peurs qu’ils ne pouvaient situer avec certitude sur une échelle des rapports humains. Les sangs mêlés semaient la confusion, ils étaient porteurs d’indécision devant les certitudes des blancs.

Mes ascendants étaient différents, leur blancheur qui commençait à se colorer n’était pas synonyme de désir de puissance. Ils étaient sur les routes depuis des lustres, chassés de toute part. Ce coin perdu à l’écart de tout était l’aboutissement d’une errance qui avait commencé si longtemps auparavant. Bien sûr qu’ils avaient la peau blafarde, que mon père avait poursuivi ses études en France et qu’il était employé comme contremaître à l’usine de sisal de Tsiarapoke, juste en face du village de Befaitse où il avait croisé le regard de ma mère. Mais ils avaient abandonné cette couleur de peau pour se fondre dans la vie des Antandroy, adopté leur rythme de vie, épousé leurs croyances.

 

La nuit, le ciel de mon pays a la pureté d’une eau translucide. La voûte étoilée rase le crâne, on a l’impression d’être plongé dans une mer sombre déchirée de lumières. Le firmament est constellé d’étoiles qui scintillent, l’air semble immobile quand le soleil se lève à l’horizon et que ses rayons viennent réchauffer la nature.

Il me manque mon ciel.

J’avais quatre ans le jour de l’incendie et j’ai entendu ma grand-mère pleurer. C’était la première et la dernière fois que j’ai vu des perles couler de ses yeux et suivre les chemins de ses rides, contourner chaque preuve de ses douleurs et tomber sur la terre sèche pour s’engloutir. Elle savait que la malédiction perdurerait, qu’ils n’auraient nul repos pour les fautes inconnues, qu’il fallait bien assumer pour ceux qui les avaient précédés en leur léguant ce fardeau. Mais la vie a continué.

J’avais 4 ans et je ressens encore cette langue incandescente surgir et tenter de me mordre, se débattre et hurler mon nom. J’ai toujours peur du feu.

Voir les commentaires

La Métisse du Peuple des Épines

Publié le par Bernard Oheix

La Métisse du Peuple des Épines

Après de longues vicissitudes, ce livre écrit en 2008 vient de naitre officiellement au Festival de Mouans-Sartoux, un Festival de toutes les passions qui a su s'imposer comme un des lieux incontournables de la création et de l'édition en France. 

Prévu pour fin octobre, c'est Laurence Berlioz, la collaboratrice de mon éditeur Frédéric Ovadia qui m'a convaincu de foncer afin d'être présent avec une édition spéciale pour le festival. Et c'est ma correctrice et amie, Myriam Zemour, qui a fait un travail superbe, qui a été heureuse de ce challenge, dans l'obligation de cravacher afin de tenir le délai. Et le miracle a eu lieu en ce vendredi matin du 6 octobre, à 9h, pour l'ouverture, un colis de 20 livres signés de Bernard Oheix m'attendant sur le stand des éditions Ovadia. Émotion indicible de voir l'objet, de toucher ce papier, de sentir cette encre encore fraiche, d'aimer cette couverture concoctée par Laurence.

Le vendredi, 7 exemplaires vendus dans cette foire d'empoigne, dont 5 à des inconnus séduit par la couverture, par Madagascar et par cette héroïne des temps modernes que je vendais avec passion !

Le samedi, jour blanc, le mariage d'un ami très cher avec sa compagne belle comme un soleil Brésilien, m'empêchant d'être au rendez-vous. Mais il restait le dimanche et dès le matin, mon réseau s'activa, avec l'inéluctable frustration de n'avoir plus de livres à vendre à 13H. Il faut dire que l'article ci-dessus d'une demi page dans le Nice-Matin du jour, m'a bien aidé dans ma tentative de séduction ! Merci à toi Alexandre Carini d'avoir aimé ce roman biographique d'une chanteuse Malgache

Alors, avec le dernier exemplaire restant, j'ai pris les commandes (35 unités) et j'attends désormais la livraison des 100 exemplaires qui me permettront de réaliser ce doux rêve de donner un peu de son âme à des lecteurs attentifs.

Oui, j'étais bien à Mouans-Sartoux, dans la cohue de ceux qui tentent de partager un soupçon de leurs passions avec ceux qui désirent ouvrir leur yeux aux horizons du large.

Alors, si cela vous tente, vous savez où me contacter en attendant la diffusion du livre dans 200 librairies de France !

 

Voir les commentaires

James Blake : la cérémonie pas secrète !

Publié le par Bernard Oheix

La façade de la salle mythique de Paris arborant le nom d'un extraterrestre !

La façade de la salle mythique de Paris arborant le nom d'un extraterrestre !

Assister à un concert de James Blake dans un Olympia bourré à craquer, les têtes chenues cotoyant allègrement les visages juvéniles de ses fans, c'est entrer dans un monde bien surprenant, un univers sonore étrange où toutes les règles sont bousculées. En effet, de cette voix si particulière dont il joue avec bonheur, en la faisant grimper dans les aigus au fil de ses mélodies aux arrangements modernes portées par ses 3 musiciens sur scène, il n'y a qu'une frontière qui éperonne toutes les conventions. Blake fait du Blake et c'est ce que l'on attend de lui.

Entre l'opéra-rock, la messe électro et le concert d'un chanteur hors-norme accompagné d'un bassiste et d'un batteur, le spectateur est envouté, porté par une sophistication du son dont l'ingénieur est le garant, des lumières exigeantes qui donnent une signature si particulière au concert. Félicitations à ces 2 techniciens qui jonglent avec un univers en perpétuel mouvement et permettent à James Blake d'être le porteur d'un message universel : la musique comme une lettre d'amour !

Et moi, en ce jour de froidure parisienne, j'ai eu chaud au coeur d'assister à ce concert et de partager l'enthousiasme des 2000 fans qui s'étaient donnés rendez-vous pour cette cérémonie d'un temps présent !

Debout, assis, l'Olympia comme jamais je ne l'avais vu !

Debout, assis, l'Olympia comme jamais je ne l'avais vu !

Voir les commentaires

Naissance de la Quinzaine des Réalisateurs et d'une vocation : ma cinéphilie !

Publié le par Bernard Oheix

La mémoire comme un coup de fouet ! En 1969, quelques mois après un mai 68 qui allait bouleverser ma vie, les bruits d'une étrange manifestation nichée au sein d'un Festival du Film qui succédait à la précédente édition avortée, Godard et Truffaut s'accrochant au rideau du vieux Palais afin d'interrompre les projections dans une France qui s'insurgeait contre un pouvoir fatigué et usé qui n'avait pas su comprendre l'évolution des jeunes et leur soif de liberté.

La Quinzaine des Réalisateurs venait étoffer le conformisme d'un Festival engoncé dans ses ors et ses rites désuets. Une porte s'ouvrait et je m'y suis engouffré avec délectation !

5) La Quinzaine des Réalisateurs : Mai 1969. 1re édition et révolution permanente.

C’est à quelques semaines d’un Baccalauréat qui aurait nécessité un peu plus d’attention et de concentration de ma part que j’ai eu le privilège de vivre une expérience cinématographique fondamentale qui allait bouleverser mes choix et donner un sens à ma vie. Derrière les ors de la compétition officielle au Palais des Festivals, dans une petite salle de la rue d’Antibes, le Rex, une fête du cinéma débutait aux portes grandes ouvertes. La Quinzaine des Réalisateurs sous le slogan « Cinéma en liberté » démarrait dans l’effervescence d’un groupe de réalisateurs (Doniol Valcroze, Costa Gavras, Louis Malle, Jacques Deray, Albicocco...) décidés à casser le moule de la sélection officielle et à imposer des œuvres qui ne se retrouvaient pas sur les écrans du Palais des Festivals.

« Les films naissent libres et égaux » ! Un foutoir gigantesque, accumulation de 62 long-métrages sans critères de sélection, vont se succéder devant un public qui s’entassait dans les travées, en présence des réalisateurs et des équipes des films. Une orgie à l’accès libre, sans protocole, où l’on pouvait dévorer des films représentants cette génération qui aspirait prendre le pouvoir dans le cinéma en imposant un style de rupture.

Barravento de Glauber Roccha, Le Lit de la vierge de Philippe Garrel, Notre Dame des Turcs de Carmelo Bene, le cinéma québécois, La pendaison de Oshima, Le nouveau cinéma Français (Luc Moullet, Michel Baulez, Jean Daniel Pollet), des films de cinématographies inconnues du public (Hongrie avec Jancso et Mészaros, Cuba avec Gomez (La première charge à la machette) et Humberto Solas (Lucia). Et tant d’autres bijoux, important l’air du grand large et des cultures nouvelles dans la Ville des paillettes et des stars.

Il y avait aussi des films de la compétition officielle qui venaient à la rencontre de ce nouveau public jeune et passionné. If, la future Palme d’Or de Lindsay Anderson avec le tout jeune Malcolm McDowell qui portait sur ses épaules notre désir de révolte et croisé dans la salle bondée. Easy Reader de Dennis Hopper, en présence de Peter fonda et de Jack Nicholson que j’aurais pu toucher en tendant le bras...

Des heures scotchées devant l’écran, un monde qui s’ouvrait en direct et des réalisateurs qui s’invitaient pour partager nos rêves d’un avenir meilleur, d’une lecture de notre univers.
Je n’ai pas beaucoup suivi de cours entre les 8 et 23 mai 1969, j’ai beaucoup menti à mes parents sur mes journées et mes soirées, mais j’ai su, après ces 11 jours, que ma vie avait basculé. Désormais, le cinéma y occuperait une place centrale. Je ne pouvais que l’accepter parce que c’était ainsi !

J’ai eu mon Bac malgré tout, et avec mention, s’il vous plait ! En octobre 1969, j’ai intégré l’Université de Nice, section histoire, seule filière qui débouchait sur une Maitrise de Cinéma, mon objectif.
J’étais devenu un Cinéphile et je savais ce que je voulais !

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 > >>