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Festival du Film de Cannes 2023 : 4 jours, 16 films, et après ?

Publié le par Bernard Oheix

C'est reparti pour une rafale de films dans ce monde en colère où les images de la réalité sont bien plus dramatiques que celles des fictions d'un après-covid qui a laissé des traces. L'option pandémie semble trainer dans de nombreux films, comme si les certitudes d'antan vacillaient devant le spectacle de l'incertitude générée par un virus délétère.

Mais la vie doit continuer et regarder notre passé, c'est aussi construire l'avenir !

À l'évidence de ces premiers jours, deux films en compétition que l'on retrouvera dans le palmarès... si le jury est à la hauteur de sa mission ! Réponse dans une semaine !

Le premier est un chef d'oeuvre, The Zone of interest de Jonathan Glazer et fait la jonction avec mon précédent article consacré à Simone Weil, les combats d'une effrontée.

Rudolf Hoss est le commandant du camp d'Auschwitz, particulièrement apprécié pour son efficacité, sa capacité organisationnelle dans le traitement de l'extermination des juifs, sa rigueur dans la gestion des équipes de SS...

Sa femme et ses enfants ont construit un hâvre de paix sous les murs de ce camp que l'on ne verra jamais... si ce n'est quelques cheminées rougeoyantes, une litanie de cris sourds et les fumerolles de trains débarquant leurs cargaisons.

Mais une promotion va éloigner Rudolph de son lieu de vie et sa femme refuse de le suivre, s'accrochant à ce jardin fleuri, à cette paix si durement gagnéé par son mari.

C'est dans le final qu'enfin nous pourront entrevoir la réalité de l'horreur en jeu, dans un saut temporel où les vestiges d'une humanité perdue nous sautent aux yeux dans l'insoutenable tragédie d'un siècle perdu.

La construction originale, les vides d'un écran emplit des noirs desseins de la folie humaine, nous parlent au coeur et font de ce film une oeuvre majeure pour entrevoir les failles d'une humanité perdue.

Tout aussi passionnante est l'horreur moderne que dessine Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania. La plongée dans l'univers de Daesh de deux soeurs est confrontée au sort de la mère courage et des deux autres filles trop petites pour faire le grand saut. Des années après, dans un film sur le film passionnant, de la réalité à la fiction, quand les contours du jeu d'actrices affrontent le documentaire d'une vie, s'affrontent le silence des absentes aux regrets des présentes.

C'est un film sur la radicalisation de deux tunisiennes dans une après-dictature qui a libéré toutes les forces les plus néfastes de la société au service d'une religion intégriste mais dont le sourire d'une mère laisse augurer que la vie sera plus forte que la mort.

En attendant, les deux soeurs sont détenues dans un camp en Lybie et espèrent une extradition vers la Tunisie.

Reste quelques belles pépites qui font espérer... Ama Gloria de Marie Amachoukeli à la semaine de la critique (1er ou 2ème film), où les vacances d'une petite fille chez sa nounou adorée obligée de rentrer dans son pays, au Cap-Vert. Le rapport entre Cléo et Gloria rythme le tempo de ce beau film émouvant et sincère.

Dans la même catégorie, Vincent doit mourir de Stéphan Castang, où l'excellent Karim Leklou se retrouve agressé par des inconnus qui croisent sont regard à cause d'un virus (!) mystérieux. Le film est délirant et plein d'humour, un OFNI (Objet Filmique Non-Identifié) qui part dans tous les sens et nous offre quelques scènes d'anthologie sur la manière de faire l'amour sans croiser le regard de l'autre ou d'entraver sa partenaire avec des menottes sans esprit sm mais avec l'instinct de survie !

Le Retour de Catherine Corsini est un beau film loin du parfum de scandale dont il était précédé. Khédidja, une nounou (encore !) a le tort de retourner pour son travail en Corse avec ses 2 filles adolescentes Jessica et Farah. Le passé va resurgir, les haines d'antan se cristaliser, les non-dits se découvrir dans une île pas toujours tendre avec les autres. Mais la vie sera plus forte que les haines.

Et comment ne pas parler des films ratés qui auraient pu être bons, comme Los délincuestes de Rodrigo Moreno qui, sur une bonne idée, réussit à gâcher son film en l'étirant sur 2h30 et en massacrant la 2ème partie à coups de hache dans le scénario ! Tout aussi regrettable, l'explosion en plein vol de The New Boy de Warwick Thornton qui massacre ses images superbes, une Cate Blanchett sublime et une histoire qui aurait pu être passionnante en se perdant dans les tourments intérieurs d'une jeune aborigène fascinant !

Quand à Jeunesse de Wang Bing, 20mn sur les 3h de film m'auront suffit pour apprécier la qualité de la démarche sans en supporter la longueur insupportable infligé au spectateur !

Dommage !

Mais le grand cirque continue et les films de demain seront peut-être meilleurs  que ceux d'aujourd'hui, alors vite, aux écrans, dans une course contre la montre d'une horloge qui suspend son vol !

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Simone Veil, Les combats d'une effrontée.

Publié le par Bernard Oheix

Comment ne pas sortir bouleversé du spectacle Simone Veil, Les combats d'une effrontée, qui plus est, quand on a eu le privilège d'assister à cette représentation au Mémorial de la Shoah, à Paris, dans le Marais, dans ce temple d'un drame à nul autre pareil, dans cette période ou trop nombreux sont les héritiers de ce "détail de l'histoire"comme disait Le Pen, où même un bateleur de la dernière présidentielle a pu soutenir que Pétain avait sauvé des juifs.

Quand l'antisémitisme et tous les ostracismes fleurissent et que les portes du pouvoir s'ouvrent aux tenants d'une extrême droite même camouflée, alors il faut accepter ces mots d'une violence sans partage écrits par une survivante de ce massacre au regard lucide et à l'engagement sans faille.

 

Cette pièce, tirée de son autobiographie, écrite par Antoine Mory et Cristiana Reali, mise en scène par Pauline Susini parcourt les étapes d'une vie hors du commun. La déportation et la disparition d'êtres chers dans les soubresauts de la solution finale, l'extermination des juifs et des tsiganes, puis son engagement politique et cette lutte d'une violence inimaginable pour la légalisation de l'avortement devant une assemblée d'hommes ne reculant devant aucunes vilenies  pour couvrir sa voix.

Elle est la femme alibi comme elle se définit elle-même, celle qui offre une bonne conscience à ceux qui n'ont pas voulu voir la réalité ou en portant la parole des femmes dans une assemblée d'hommes pas du tout prêts à lâcher une partie de leurs pouvoirs pour laisser la parole à l'autre moitié de l'humanité.

Le droit de vote, la possession d'un chéquier, l'accès au travail et aux études supérieures se dessinent dans cette 2ème moitié d'un siècle de toutes les fureurs pour les femmes qui tentent d'exister.

Une jeune journaliste, Camille intervient dans une émission de radio pour parler de ses recherches sur Simone Veil. C'est alors qu'elle entre littéralement sur scène, une Cristiana Reali incarnant jusqu'à la fascination les traits de Simone Veil. Tailleur, visage encadré par des cheveux tirés, elle en est la porte parole troublante, lui permettant de la faire revivre le temps d'une scène, d'une tirade, d'une larme.

Dans une mise en abîme incroyable, l'actrice offre son corps et sa voix à l'expression d'un passé toujours présent.

C'est bouleversant, d'autant plus que les auteurs ont évité le pathétique des situations extrêmes pour faire sonner les mots justes d'un éveil de la conscience. 

Cette pièce est d'utilité publique, elle enchante l'esprit et donne le ton d'un regard sans concession mais jamais misérabiliste sur les pages troubles qu'ont vécu nos anciens. C'est aussi une leçon salutaire pour tous ces jeunes qui imaginent des vérités multiples au fil de ces réseaux où tout peut se dire, même l'inconcevable.

Oui l'être humain a une valeur, oui, il y a des principes auxquels on ne peut et doit déroger et Simone Weil, l'effrontée, nous porte vers un éveil de la conscience bien salutaire.

Et comment ne pas terminer par une plongée dans les arcanes du mémorial de la Shoah. Quand les mots de la pièce résonnent encore en nous et que nous découvrons ces bribes de l'horreur. 76 000 noms de victimes, portraits infinis de visages où les sourires nient l'horreur qui arrive à marche forcée, débris et oripeaux d'étoiles jaunies, vestiges d'une vie projetée dans le vide, photos de charniers et corps décharnés.

Oui le drame des juifs nous concerne, oui, nous nous devons de ne jamais oublier que "La Bête est toujours vivante" et qu'il suffit de si peu de choses (l'actualité nous le démontre tous les jours) pour que l'horreur fige à jamais le sourire des enfants ! 

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Pas de deux sur La Croisette : entre l'Europe et l'Afrique !

Publié le par Bernard Oheix

Aimé Ouédraogo est un personnage étrange, lunaire et flamboyant, exubérant mais pudique, toujours sur le chemin d'une danse qui parle au corps en invoquant l'esprit.

Créateur avec une équipe de bénévoles du Festival des 2 Terres, pont entre ces 2 continents qui l'habitent et  donnent un sens à sa vie, il avait depuis 3 ans dû mettre en sommeil le Festival pour cause de Covid.

En ce 22 avril 2023, dans la salle Miramar de Cannes, le Festival renaissait de ses cendres devant un public avide de renouer avec les fils d'une histoire en train de se forger, entre le Nord et le Sud, entre le noir de la peau et la blancheur de l'âme.

Après une après-midi de stages de danse, l'exposition des tableaux de Manuela Biocca et afin de sceller une convivialité de circonstance, un apéro délicieux, (verrines de taboulet et de betteraves accompagnées d'un verre de gingembre particulièrement corsé), la soirée pouvait commencer par un solo de Patricia Lionel chorégraphié par Aimé Ouédraogo. Mécanique des gestes, brisure des lignes, silence sépulcral pour cette mise en image d'un texte écrit par la danseuse portant sur les violences faites aux femmes. Un moment d'intense sensation ou le corps féminin se plie au désespoir d'un lendemain qui ne chante pas.

Le 2ème ballet sera d'inspiration ivoirienne avec une danseuse, Aminata Traoré déconstruisant la danse traditionnelle pour reconstruire un univers où le corps doit s'adapter aux balises d'un univers qui change. Fort et puissant.

La jeune compagnie Unidanse de Puget sur Argens enchaine alors avec La Valise, une oeuvre portée par l'énergie et la grâce d'une dizaine de jeunes danseuses à la recherche de leur passé, de leurs moments de vie symbolisés par ces valises que nous emportons avec nous et qui contiennent nos rêves et nos espoirs, nos déceptions et nos regrets.

Des danseuses éblouissantes dans une chorégraphie enlevée qui leur permet, entre le classique et le moderne, de développer toute la game des émotions qui touchent le public, du rire aux larmes.

Ange Kodro Aoussou-Dettman, est la chorégraphe et l'interprète (Ivoirienne et Allemande) d'un solo intimiste sur le péril encouru par les femmes quand elles donnent la vie, situation tragique que trop d'entres elles subissent dans un univers où leurs blessures sont acceptées comme une fatalité par une société qui refuse de partager leurs souffrances.

Enfin pour terminer ce cycle danse, la 5ème pièce, création d'Aimé Ouédraogo, offrira somptueusement Hors-Ligne. Un solo avec un mannequin en alter ego, des jeux d'ombres et de lumières où sa silhouette se découpe et sculpte l'espace, des mouvements fluides se heurtant à la mémoire de ceux qui peuplent nos souvenirs. Une oeuvre magistrale esthétiquement, entre la fluidité et l'ambiguïté, avec des plages de sons qui déchirent le silence et des flashs qui transpercent l'obscurité.

 

Et pour terminer en musique, après Moe Gin, un duo chant/guitare flamenco aux accents pop-rock, 2 tunisiens, Salah el-Ouergli et Medhi Belhassen, nous emportèrent avec ivresse dans une musique de transe, le Stambeli, guidant le public dans les interstices d'une raison captivée par les accords et percussions sertissant les voix des chanteurs d'une mélodie envoutante. Cet art musicolo-thérapeutique (comme celui des gnawas), est en train de sombrer dans l'oubli mais tant que des musiciens peuvent encore l'offrir aux oreilles d'un public même non-averti, alors le stambeli existera toujours pour le bonheur de ceux qui ont eu le privilège de l'entendre, un soir de Festival, entre 2 Terres, à Cannes, la ville de tant de lumières !

À l'an prochain donc, pour le Festival Les Deux Terres où Aimé et sa bande sauront encore nous surprendre et prouver que la différence n'est pas un vain mot, mais bien une valeur à chérir avec tendresse.

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Juan Carmona : la fusion pour l'éternité !

Publié le par Bernard Oheix

Juan Carmona est un guitariste flamenco pour l'éternité et un jour. Virtuose de la guitare, bardé de reconnaissance, dont ce Grand Prix Paco de Lucia remporté de haute lutte sur la scène du Palais des Festivals de Cannes à 20 ans, le Prix Charles Cros, des Latins Grammy Awards et avant tout, la ferveur constante d'un public qui le suit, le pousse et lui permet de rêver ses notes pures qui emportent les spectateurs dans un éther de douceur et de magie.

Juan Carmona qui vient de produire son 12ème album et a été programmé par Sophie Dupont, la Directrice de la programmation du Palais des Festivals de Cannes dans une salle conquise et éblouie par la virtuosité de son groupe. C'est dans un projet muri pendant les deux dernières années autour de Zyriab 6/7 qu'il vous invite. Un personnage qui l'obsède depuis qu'il l'a découvert dans une rencontre déterminante au Festival International de Luth de Tétouan au Maroc où il avait été invité et où il remporta un trophée de plus, le Zyriab des Virtuoses, à la saveur nulle autre pareille d'une rencontre fortuite à travers les époques et les cultures.

Et cela a débouché sur cet album et une tournée somptueuse.

Zyriab est un personnage hors du commun, né en 789 à Mossoul et mort en 857 à Cordoue après avoir traversé les 6700 km qui séparent ces deux régions (d'ou le 6/7 du titre de l'album), entre l'orient et l'occident, à dos de chameau, par des haltes oasiennes, dans une épopée inimaginable pour l'époque. Chassé de Bagdad à cause de la jalousie de ceux qui ne pouvaient accepter son génie musical, réfugié à à Kairouan dont il fut aussi chassé à cause d'un poème frondeur, il s'établit à Cordoue, accueilli princièrement par l'émir Abd al-Rahman où il vécu les 30 dernières années de sa vie dans le luxe. Musicien il a inventé la forme moderne de l'oud en y rajoutant une 5ème corde et il est considéré comme le père de la musique arabo-andalouse.

Mais le musicien Abu Hassan Ali ben Nafi, dit Zyriab, est aussi un lettré, poète, astronome, géographe, un homme  qui influença l'art de vivre en Andalousie et dont les découvertes ont bouleversé les cultures de ce IXème siècle qui allait ouvrir un nouveau millénaire. 

C'est ce personnage de légende trop méconnu qui a percuté l'univers de Juan Carmona, un gitan doué du talent de comprendre le monde et de l'interpréter avec des notes de musiques cristallines. Il fait nul doute que si Zyriab avait été génois ou vénitien, son nom serait devenu le symbole d'un aventurier à l'égal d'un Marco Polo ou d'un Christophe Colomb... mais il était né dans un petit village du mauvais côté de la Méditerranée !

Alors, courrez acheter cet opus de Juan Carmona. À son écoute vous allez partager un univers fascinant de fusion entre la musique orientale et le flamenco. En cette période ou l'obscurité tente de noyer le génie des hommes, vous pourrez partager un moment d'écoute de ceux qui marquent la différence comme une valeur positive.

Et si vous en avez la possibilité, prenez un billet pour assister au spectacle dans une salle, vous allez vivre un voyage intérieur en résonance avec l'épopée de ceux qui font l'histoire, les découvreurs, les magiciens du temps présent.

le groupe est somptueux avec deux percussionnistes aux tonalités différentes, un clavier, un oud et la guitare de Juan Carmona. Deux chanteurs, un de flamenco et l'autre orientaliste vont rivaliser d'audace dans une complémentarité de génie. Un danseur de flamenco sertira ses notes dans un écrin de beauté.

Alors, à vous de jouer votre partition intérieure et très longtemps après, vous aurez encore cette musique entêtante comme des vagues pour vous bercer du rêve d'un monde meilleur.

Et si vous voulez les contacter, Nomades Kultur se tient à votre disposition. Cendryne Roé, au gout si sûr, qui partage la vie et les rêves de Juan Carmona, saura répondre à vos questions.

Hasta Luego Compañero !

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Empire of Light.... Ma madeleine à moi !

Publié le par Bernard Oheix

Il y a une délicieuse saveur nostalgique dans les ombres cachées de ce Palais des Lumières de la côte sud anglaise. C'est à une plongée dans les années du punk et des skinheads ultras racistes, des ravages de la politique de Tatcher, que Sam Mendes nous invite sur fond d'un cinéma agonisant et de sa gérante, femme mûre brisée, malade et qu'un souffle d'espoir va entrainer dans un tourbillon d'émotions qu'elle ne pourra maîtriser.

L'arrivée d'un jeune noir dans l'équipe qui ouvre les séances au public va bouleverser l'équilibre précaire qui la maintenait en mode survie. 

Brève rencontre impossible, agonie d'un monde dans lequel les faibles n'ont plus leur place et qui annonce d'autres drames à venir. Mais il reste la magie d'un flux de lumières créant l'illusion du mouvement et d'une réalité que personne ne peut emprisonner, celle d'un univers artificiel qu'un projectionniste peut enclencher en pesant sur un bouton pour faire vaciller les certitudes. 

Quand Stephen, jeune noir brillant qui ne peut intégrer l'université, débarque dans l'équipe de bras cassés qui gère un cinéma, il ne se doute pas que son arrivée va ébranler tout l'édifice, un magnifique bâtiment à l'ancienne dont une partie est désormais abandonnée mais que deux salles aux velours rouges et aux charmes surannés continuent à faire vivre aux ors d'un passé glorieux.

Entre la formidable actrice Olivia Colman, femme subissant les blessures d'une vie, une mère qui ne l'a pas aimée, des hommes qui ont abusé d'elle, dont ce directeur du cinéma, son patron, qui profite d'elle au rythme de ses désirs lubriques, et qui survit avec des médicaments aux dérapages de son inconscient, et ce jeune noir brillant, une étrange amitié amoureuse va naître. Quelques étreintes, ce "lithium" que l'on décide de ne plus ingérer pour se sentir vivante à ses côtés, et surtout, la découverte de ce racisme viscéral d'une société qui chasse le nègre, "le bamboula", afin d'exorciser ses démons !

les maigres fils qui la reliaient à la réalité vont exploser, la laissant face à ses démons, provoquant une nouvelle crise et son enfermement.

Pourtant, ils vont se léguer mutuellement deux cadeaux inestimables : pour lui, la poursuite de ses rêves avec son intégration à l'université et un parcours de vie qui s'ouvre enfin à l'avenir, pour elle, grâce à Stephen, le visionnement pour la première fois d'un film avec une plongée dans un monde d'artifice qui bannit la peur du présent.

Alors c'est vrai que le film est brouillon, part dans tous les sens, manque de rigueur dans son écriture... mais qu'importe devant ce projectionniste fascinant qui créé la l'illusion, devant le sourire d'une femme qui cherche un peu de bonheur et le trouve dans le faisceau d'un arc de lumière, devant ce jeune exilé qui part à la conquête d'un monde entre deux univers.

C'est un hommage au 7ème Art et à un monde qui change. C'est une plongée dans la vie de quelques individus réunis par les hasards de la vie qui voient s'écrouler le monde d'avant pour plonger dans le futur.

C'est avant tout un formidable film sur le racisme à l'heure où il s'est banalisé jusqu'à devenir le crédo officiel de tant de gouvernants et de faiseurs d'une histoire frelatée.

A l'heure où on laisse se noyer des familles dans l'eau saumâtre d'une Méditerranée sans un regard pour leur désespoir, où l'on érige des murs pour ne pas voir les gens mourir, où des guerres trouvent des boucs émissaires aux plus nauséabonds des exutoires  ou l'autre devient un ennemi de la raison, il est salutaire de sentir qu'un film peut avoir envie d'aimer la différence et que l'humanité peut se nicher dans un regard, dans un geste dans un coeur libéré de toute obsession par l'alchimie d'un projecteur qui braque son faisceau sur le rêve d'un monde meilleur. 

Alors je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager la 1ère page d'un livre sur mon "cinéma Paradiso" que j'ai composé en hommage à cette lucarne qui m'a tenu éveillé tout au long d'une vie où les films ont jonglé avec ma réalité. Le cinéma m'a façonné et m'a accompagné toute une vie consacré à la culture et à la fraternité. Mon Empire Of Light s'est échoué  sur les bords de la Manche, dans une Angleterre qui nous a offert tant de bonheur avant de sombrer dans le cauchemar d'un monde moderne où le présent s'écrit avec le sang de ceux qui n'ont plus rien !

1) L’Enfance Nue ou comment devenir un cinéphile.

1) L’arrivée d’un train en gare de ... Nice !

J’ai échappé une nouvelle fois à la surveillance de ma mère. Il faut avouer qu’avec mes deux frères et tout le travail de la maison, elle a fort à faire. Il y a toujours un moment où je peux franchir la porte, traverser la petite cour et ouvrir les deux battants qui me permettent de pénétrer dans ma caverne mystérieuse ! Je me faufile dans le bruit électrique d’une musique et de mots que je ne comprends pas. Ce n’est pas grave ! J’ai l’habitude et même pas peur ! Je m’assieds sur un des fauteuils, mes pieds ballants dans le vide. Il fait noir, mais en levant la tête, je vois un pinceau de lumières qui jaillit d’une ouverture en scintillant.

Et quand je regarde devant moi, c’est l’illumination. Des ombres noires et des taches blanches, des silhouettes qui courent, des masses qui dérapent, des pleurs et des rires. C’est ma caverne secrète et j’aime m’y réfugier même si je ne comprends rien à ce qui s’y déroule.

Nous sommes en 1955 et j’ai cinq ans. Mes parents habitent un appartement de pauvres parce qu’on l’est ! Traverse Longchamps à Nice, derrière la rue de France. Deux pièces où l’on s’entasse, donnant sur l’arrière-cour du « Cinémonde », avec la cabine du projectionniste à laquelle on accède par un escalier métallique extérieur en face de notre entrée et l’issue de secours du cinéma barrée par cette porte à deux battants que j’ai appris à franchir discrètement.

Mais il y a toujours un moment où je sens une main me saisir pour me ramener dans la cour et tomber les reproches de ma mère, « -J’étais folle d’inquiétude, je t’ai dit de ne pas aller dans la salle tout seul, c’est dangereux ! » Frisson rétrospectif délicieux. Il faut alors que je promette de ne plus m’y rendre, ce que je fais en sachant pertinemment que, dès que je le pourrai, je retournerai dans ce monde d’une « lanterne magique » où rien n’est vrai, mais tout si réaliste...et que ma mère viendra de nouveau pour me récupérer.

Au fond, entre l’affolement des premiers spectateurs d’un art nouveau, qui se lèvent précipitamment et fuient devant une locomotive entrant en gare de La Ciotat en fonçant sur eux, et mon attirance pour cet objet confus qui me fascine, il y a la même part de mystère, la même dose de magie qui échappe à la raison. L’inconscience du public en ce 25 janvier 1896 devant ce film de 50 secondes n’a d’égale que mon jeune âge qui obère ma perception de la réalité, 60 ans plus tard. Le spectateur est toujours prêt à être un grand enfant, moi, j’étais un petit enfant toujours prêt à être un grand spectateur !

En 1957, nous deviendrons un peu moins pauvres. Mon père troquera sa tenue de livreur en vélo pour une maroquinerie niçoise contre celle plus chamarrée d’un sapeur-pompier à Cannes, et nous déménagerons. Entre temps, j’avais appris à escalader cet escalier de fer, et le projectionniste m’avait ouvert les entrailles de son domaine. Des appareils qui grondent, de la pellicule qui défile, le contrôle par la lucarne, le point à l’objectif... même tout petit encore, je comprenais que derrière le mystère, il y avait la mécanique d’une technique bien rodée que des accidents pouvaient entraver, déchirure de la pellicule, les charbons générateurs de l’arc électrique à changer en urgence...

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Aucun Ours... mais un chef d'oeuvre !

Publié le par Bernard Oheix

Je m'en souviens encore, comme si c'était hier... Étudiant à l'orée des années soixante-dix, entrant dans une salle de cinéma de la MJC Gorbella à Nice, pour visionner le film d'un jeune réalisateur peu connu, Bernardo Bertolucci. Cette séance allait bouleverser ma vie et me donner l'occasion de prendre mon envol. Une maitrise de cinéma sur son oeuvre sous la direction de mon maître Jean A Gili dont une grande partie sera publié dans Études Cinématographiques, une maitrise de linguistique et un DEA de communication pour achever mon apprentissage, puis l'envol dans une carrière professionnelle où le cinéma sera toujours présent, jusqu'à la Direction de l'Évènementiel dans le temple du 7ème Art, ce Palais des Festivals de Cannes qui allait m'héberger pendant 22 années d'une vie de passions.

En ce samedi 7 janvier 2023, dans la nuit qui allait voir la mia mama partir en douceur pour une terre inconnue, je me présente au cinéma Raimu, petite salle de la MJC de Ranguin à la programmation remarquable que je fréquente avec assiduité pour un film d'un réalisateur iranien bardé de prix. Ours d'or, Lion d'or, Léopard d'or, une véritable ménagerie enchantée, Prix spécial du jury à Cannes après une caméra d'or pour des films fascinants comme Taxi Téhéran, Le cercle, Le Miroir, 3 visages... autant de perles serties dans un pays corseté par les interdits, la censure et la difficulté d'être un intellectuel épris de liberté dans un univers étranglé sous la botte des intégristes.

Jafar Panahi où l'intelligence et la sensibilité au service d'un Art humaniste.

Alors disons-le, quand je suis sorti de la salle, un demi-siècle après La Stratégia del ragno de Bertolucci, la même impression de vertige, la certitude d'avoir touché à l'essentiel sur les pas d'un réalisateur sachant allier la forme au fond d'une petite histoire ancrée dans une grande tragédie de la vie.

 

Le visage poupin de Jafar Panahi éclaire d'emblée l'écran. Le réalisateur joue le rôle d'un réalisateur qui télécommande le tournage de son film avec un assistant, par le biais d'un ordinateur trop souvent sans réseau. Lui, a fuit Téhéran et s'est réfugié dans une petite ville frontière, loin de la capitale, et son équipe de tournage a franchi le pas, exilée dans un pays riverain. Ce film qu'il tourne à distance parle d'un homme et d'une femme amoureux qui cherchent a fuir leur pays pour vivre leur amour dans la liberté.

On discerne dans l'entourage du réalisateur un village perdu confronté à sa présence inquiétante, source d'insécurité pour les habitants qui ont peur d'être sous le feu de la police à cause de lui. La réalité renvoie au sujet du film qu'il tourne dans une mise en abîme saisissante.

Il va parcourir ces chemins de traverse qui longent la frontière, lieu de tous les trafics, mais ne pourra physiquement la franchir afin de basculer de l'autre côté du miroir. Sa liberté ne peut se construire sur la fuite et le reniement de son pays, même s'il sort de quelques années de prison et que l'aile d'une justice aveugle peut s'abattre à tout moment sur le libre penseur qui filme la vie et s'interroge sur le temps présent. Alors il va continuer à télécommander le tournage, affrontant le filet qui se resserre autour de lui en apportant leurs nuages d'incertitudes.

Pendant ce temps, dans un décalage incroyable, les acteurs qui interprètent le rôle des deux jeunes amoureux se posent la question de fuir définitivement leur terre et leurs familles, troisième niveau d'une interrogation fondamentale : l'exil est-il la solution d'une vie rongée par l'interdit ?

C'est littéralement éblouissant techniquement, malgré des moyens limités, prouvant à l'évidence que le cinéma n'est pas seulement un Art de la démesure, bien au contraire, la fiction naissant d'une réalité triplement renvoyée à la vraie nature de ce que vivent les iraniens, les intellectuels et ces femmes prêtent à dénouer leur foulard pour crier leur révolte.

Jafar Panahi, lui, refuse de partir et sera emprisonné dans les geôles d'Evin, le 11 juillet 2022 à l'âge de 62 ans pendant qu'Aucun Ours obtient le prix spécial du jury à Venise. Les spectateurs du monde entier auront la possibilité de voir son oeuvre pendant qu'il croupit derrière des barreaux. Sa libération intervient le 3 février 2023, en pleine crise d'un régime à bout de souffle que les femmes viennent éperonner en dévoilant leur visage et en exhibant leurs mèches de cheveux.

Jafar Panahi, en plus d'être un très grand cinéaste est un grand monsieur... alors chapeau l'artiste, et continue de filmer tes bouts de misère pour parler de la grandeur de l'homme !

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1er janfévrier 2023 : enfin la nouvelle année !

Publié le par Bernard Oheix

En hommage à une Mama d'amour et de tendresse !

En hommage à une Mama d'amour et de tendresse !

Et là, je ne triche pas ! C'est bien dans l'eau à 14° d'une Méditerranée hivernale que je barbotte pour fêter, avec un décalage d'un mois, l'entrée dans une nouvelle année particulièrement chaude sur tous les plans, sauf bien évidemment, sur la température d'une eau de mer bien peu accueillante !

Le mois de janvier restera celui de la disparition d'une femme de bonté, un soutire d'humanité qui s'est effacé, emportant un torrent de souvenirs, 95 années d'une vie de maman où l'autre avait toute sa place dans son coeur, avec ses différences et son refus du racisme et du rejet.

Elle avait souffert à l'adolescence d'un rejet de la Paoletta Icardi qu'elle était, fille d'un immigré Italien à une époque où sur Nice, fleurissait un racisme violent contre les "ritals", ces "mangia polenta" qui sous la botte de Mussolini, imposaient leur alliance avec les nazis en rêvant d'un monde vêtu de chemises noires. 

Elle n'était que la fille d'un immigré qui envoyait de l'argent à sa famille pour élever ses frères accrochés à un lopin de terre près de Acqui-Terme où ils cultivaient la vigne afin de produire une Barbera qui atterrirait sur les tables du Piémont.

C'est à l'ainé de la tribu, Paolo, mon grand-père qu'étaitt échu le rôle de partir pour nourrir à distance, sa famille qui vivait chichement et savait ce que la faim voulait dire !

Étrange résonance avec ces migrants poussés par la misère, dérivant à la recherche d'un Eldorado, qui portent le devenir de leurs frères et soeurs dans leur acharnement à trouver du travail. 

La mama refusait le racisme et tous les extrèmismes, accrochée à sa mission de mère aux côtés de l'homme de sa vie, Gérard Oheix, afin de nourrir sa progéniture et les copains et copines qui déboulaient à sa table accueillante.

Reine de la soupe au pistou, elle avait le sourire généreux et une aptitude au bonheur ancré dans les rires de ses enfants.

Elle a vécu les 5 dernières années de sa vie dans un EHPAD à Cannes, heureuse d'une vie sociale et d'amies qu'elle savait enjôler ! À l'heure où ces établissements sont si critiqués, à juste titre quand le profit l'emporte sur le sort des pensionnaires, Les Gabres à Cannes prouve que l'on peut accueillir et choyer des anciens qui n'ont plus que le passé pour survivre et y trouvent un espoir de vie sociale et de bonheur.

Mais son temps était venu et juste avant que l'aile de la peur et de la douleur l'effleure, après le départ de sa grande et dernière "copine", Santa la corse, elle s'est endormie pour ne plus se réveiller.

Et ses 4 garçons et les cousins, quelques ami(e)s et les responsables de l'Ehpad se sont retrouvés pour lui dédier une dernière page définitive d'amour et de tendresse pour celle qui en débordait.

Et pendant la cérémonie au crématorium, je savais que je lui dédierai ce bain rituel d'une nouvelle année qui commencerait pour moi le 1 février 2023. 

1er janfévrier 2023 : enfin la nouvelle année !

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2023 ?

Publié le par Bernard Oheix

2023 ?

Bon d'accord... j'avoue tout ! 

Ce n'est pas le 1er janvier 2023 mais bien le 24 aout 2022 que j'ai pris cette photo et ce n'est pas au rocher de Bernard dans la Méditerranée mais dans la piscine à nénuphars niçoise de ma copine Anna...

Qu'importe, pour moi l'année n'a pas vraiment commencé, c'est le 1er février qu'elle entamera son cycle réduit exceptionnellement à 11 mois en cette année 2023 et c'est donc à cette date que j'effectuerai mon plongeon célèbre dans une mer glacée qui vous a apparemment tant manqué en ce début d'année.

Et pour cause... après un séjour paradisiaque dans l'oasis de Dar Tawarta de ma copine Françoise Bastide à Dakhla en cette fin décembre avec la tribu des Oheix dont Lise et Alma, mes petites filles éblouies par les chameaux et les dunes, entre l'océan et le désert, le retour à la réalité fut quelque peu difficile : une maman d'amour avait décidé de nous quitter après 95 ans de bons et loyaux services.

Une femme de coeur et de gentillesse, usée et s'évadant avant de souffrir, avec ce regard plein d'humanité qui va nous manquer mais restera gravé comme une signature indélébile de cette profonde humanité qui la caractérisait.

La cérémonie de crémation de ce vendredi 20 janvier fut un moment d'émotion pure, les 4 frères et la famille proche, quelques amies de l'époque des années 70 qui squattaient sa soupe au pistou en reluquant les garçons de la reine mère, les proches de sa dernière période, elle la survivante, dans un Ehpad où elle régna et fut heureuse dans ces 5 dernières années au milieu d'un personnel attachant et de résidents qui l'aimaient.

Michel, le maître de cérémonie dans un texte survolant sa vie de femme et de mère, moi improvisant sur sa jeunesse et son italianité, le racisme qu'elle a vécu dans sa chair et cette dernière période de sa vie accomplie où elle se vivait "comme à l'hôtel", Jean-Pierre déclamant des proverbes italiens dont "La vita é une aventura meravigliosa... peccato chez non ci usciamo vivi !", et Jean-Marc entonnant une "Tosca" bouleversante pour cette amatrice de belle voix, pour finir par un texte de Vinciane, l'animatrice des Gabres, sa dernière étape de douceur.

Elle est partie dans son sommeil, avant de sombrer dans la peur et la douleur, et l'on garde son sourire comme un sésame pour cette période étrange où tout semble se dérégler et fouler aux pieds nos valeurs, sauf bien sûr, l'amour d'une maman qui aima ses enfants jusqu'à la déraison.

2023 ?
Ciao, la reine mère !

Ciao, la reine mère !

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Le Festival du Film : De la scène à l'écran.

Publié le par Bernard Oheix

Nous étions nombreux, vieux cinéphiles de Cannes, à nous précipiter au Palais Stéphanie pour un OVNI annoncé depuis des lustres mais sans cesse reporté. Prévu et balayé par la Covid, une pièce au titre peu engageant débarquait enfin et le film pouvait se faire de chair et d'os par la voix de comédiens : Cannes 39/90, une histoire de Festival, programmé par Sophie Dupont (avec un T en final !), où la tentative originale de donner un sens à notre histoire de Cannois, la naissance et la magnificence d'un Festival du Film pour cette Ville atypique.

C'est Etienne Gaudillère, avec sa compagnie Y et une dizaine de comédiens, qui s'est attelé à la tâche de composer et de mettre en scène cette ode à l'histoire d'un Festival. 

La première partie du spectacle est enlevée et pointe bien les enjeux d'une période où la Mostra di Venezia règne sur le cinéma mais croule sous la férule de dictateurs qui impriment leur marque au nom de leur toute puissance : en 1938, c'est Mussolini sur injonction de Hitler qui fait primer les Dieux du stade de Leni Riefenstahl sur Autant en emporte le vent de Victor Fleming qui avait la faveur du jury, provoquant la fureur d'un Jean Zay et sa volonté de créer un Festival du monde libre.

Cannes va naître de cette conjonction et la pièce chemine sur cette première période avec un certain bonheur pour le spectateur (de théâtre !).

C'est à partir de 1968 que le processus se grippe quelque peu, et ce n'est pas parce que je suis un soixante-huitard et que j'ai vécu cette période que je réalise ce constat. Sans aucun doute écrasé sous le poids et la richesse du propos, les acteurs perdent parfois le fil narratif, le verbe est trop présent et décousu à l'image de la révolte des Godard et Truffaut, trublions héros d'une Nouvelle Vague en train de submerger les rives de la Méditerranée.

Mais la pièce avance sûrement, les années défilent, la starlette devient reine des sables, le star système impose ses noms de légende, le Festival devient vitrine et acteur du 7ème Art.

On peut regretter l'omission de deux évènements qui ont été particulièrement déterminants : le scandale autour de La Grande Bouffe de Marco Ferrerri et l'accueil plein de haine de La Maman et la Putain de Jean Eustache... (J'y étais, je sais de quoi je parle !)

2 heures pour raconter  50 ans de vie. Le pari était osé mais plutôt réussi. Le final d'une monté des marches sur un tapis rouge renvoie à l'image trop iconique du Festival même si on peut regretter une ultime phrase jetée avec violence au visage du spectateur, trop "accrocheuse" et sans doute écrite pour annoncer une 2ème partie qui courrait de 1990 à nos jours.

Pourquoi pas ?  Même s'il n'était pas vraiment opportun de lancer "je me suis fait violer à Cannes" en ultime réplique pour accrocher des producteurs et faire revenir le public par l'odeur du sang alléché !

Il n'en reste pas moins que cette pièce est particulièrement intéressante et pose bien des questions qui interrogent tous les cannois coincés entre un festival omnivore qui se déroule au mois de mai et cette vie quotidienne à l'ombre des palmiers en fleurs tout le reste de l'année !

Alors, attendons cette suite maladroitement annoncée, le Festival a encore tant de secrets à dévoiler !

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Cinéma et Rencontres : un peu d'histoire !

Publié le par Bernard Oheix

Les 35ème Rencontres Cinématographiques de Cannes proposent des films sélectionnés et primés dans d'autres festivals et des avant-premières pour un public de cinéphiles et pour les jeunes de Cannes. 

Nées en 1965, je me souviens encore de la présentation de Quand passent les cigognes dans les ors du vieux Palais des Festivals, un de mes premiers grands chocs de cinéphile adolescent. C'est monsieur Francis Legrand, un professeur de philosophie du Lycée Carnot qui en était le maître d'oeuvre avec Henri Vogel, un professeur d'anglais et quelques autres cinéphiles avertis. Ils avaient conçu ces RIFJ (Rencontres Internationales Film et Jeunesse) comme un outil pédagogique,  pendant du grand festival, afin permettre aux jeunes de Cannes de mieux comprendre le cinéma, avec des débats sur des films exigeants. Âge d'or de la cinéphilie, quand les fenêtres sur l'ailleurs passaient par les 24 images secondes d'un film qui se déroulait en créant l'illusion d'une réalité.

À l'époque, la cinéphilie était portée par les directeurs et anciens directeurs des MJC de Cannes. Jean-Pierre Magnan, Liliane Scotti, Jean-Robert Gilli, furent successivement, avec leur passion, les responsables de l'entité Cannes Cinéma naissante. D'autres animateurs comme Myriam Zemour, Josée Brossard et Erwan Bonthoneau prirent leur envol dans ce foyer de créativité avec une Paquerette Madre présidente attentive aux jeunes qui partageaient l'amour du cinéma dans une ville qui se façonnait autour du 7ème Art. Des ouvertures vers la critique avec des ateliers d'écriture, des stages et des ateliers étoffèrent l'action pédagogique des enseignants, définissant une nouvelle manifestation tournée vers la jeunesse de Cannes.

Mais le monde moderne avançant à marche forcée, la télévision s'imposait comme un vecteur qui dévoilait l'horizon et à la fin des années 80, le cinéma, sous l'impulsion de la petite lucarne, entrait en mutation. Les élus de la ville de Cannes décidèrent de moderniser ces RIFJ qui en étaient à leur 22ème édition en 1987, Les Rencontres Cinématographiques de Cannes naissant sur les décombres des RIFJ dans la période précise où je devenais Directeur-Adjoint de l'Office de la Culture de Cannes sous la responsabilité de René Corbier, me faisant de facto un des acteurs de cette mutation. Cruelle ironie d'un monde qui basculait dans la modernité et dont j'étais partie prenante bien malgré moi.

J'ai même eu le privilège de gérer ces Rencontres pendant quelques années, avant que Cannes Cinéma ne prenne son envol  gérant les manifestations du cinéma et le volet cinéphile Cannois du Festival International du Film. Par la suite, j'ai eu le privilège d'être membre du Jury (avec Nilda Fernandez, mon ami), et en tant que cinéphile, un spectateur assidu des projections.

Mais coincé entre un président attaché à sa gloire éphémère pendant les 15 jours du "grand" Festival, une directrice qui ne connait rien au 7ème Art et gère à la baguette les cinéphiles comme un troupeau de moutons, le règne d'un Internet souverain et sa dématérialisation imposée aux forceps sans considération pour ceux qui partagent l'amour du cinéma et sont désarmés devant la technologie moderne, il ne reste que les effluves passées d'un avenir de lumière : le cinéma se meurt de devenir une vitrine officielle en perdant son humanité et les salles se vident avec constance depuis que les directives nouvelles sont appliquées sans ménagement et sans égards !

Le passé s'enterre vite et si j'ai disparu des écrans et des listing d'invitations aux premières des Rencontres Cinématographiques de Cannes, je n'en reste pas moins un fidèle des films. En cette 35ème édition, les 6 oeuvres que j'ai visionnées dans la salle trop vide de la Licorne ont résonné comme les lames acérées de la fureur d'un temps où le monde perd sa raison pour se réfugier dans la peur des certitudes !

Et s'il ne devait rester que quelques images, alors courrez voir Divertimento de Marie-Castille Mention-Schaar, Saint-Omer d'Alice Diop, Petites de Julie Leray-Gersant et Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi, 4 bijoux de films réalisés par des femmes cinéastes qui prouvent à l'évidence que le cinéma continue de muter et que les images ont encore un avenir dans un monde où la poussière du temps affronte l'arrogance des puissants !

 

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