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Extraits du Grenier de ma Mémoire !

Publié le par Bernard Oheix

Texte écrit à la suite de la sélection de Frédéric Flamand comme Directeur artistique, en remplacement de mon vieux complice, Yorgos Loukos avec qui j'avais réalisé environ une dizaine d'édition. Moment d'émotion avec au passage, une remontée de souvenirs et des noms et des visages mythiques surgissant de ces années de programmation si intense ! Merci mon Yorgos pour ton amitié qui fut arrachée aux aléas d'une rencontre explosive entre nos deux personnalités.

 

Depuis 20 ans, Yorgos Loukos, Directeur du Lyon Opéra Ballet, assurait avec talent la direction artistique du Festival de Danse de Cannes. C’est grâce à lui que la manifestation a trouvé son identité, s’appuyant sur de nombreuses créations, résolument axée vers le contemporain, et présentant les nouveaux talents de la scène françaises, les leaders historiques de la modernité américaine, le fond inépuisable des grands chorégraphes.

 

Nous avons décidé, en accord avec Yorgos Loukos, de confier à Frédéric Flamand, Directeur des Ballets de Marseille, les éditions 2011 et 2013 et sa thématique autour des Mythologies Modernes nous a convaincus. Un thème en phase avec notre belle cité « arlequin », à cheval entre le passé et le futur, petit port méditerranéen qui se vit comme un village mondial, au cœur de l’univers, balayé par les vents de l’ailleurs.

 

La danse, à l’instar du cinéma, y a toujours trouvé une place privilégiée, et ce n’est pas un hasard si aux ombres fugaces des écrans du mois de Mai, se conjugue cet art de la « chair », cette présence physique d’un corps vivant sculptant la lumière pour faire émerger le rêve d’un absolu.

 

Que Yorgos soit remercié pour toute cette passion qui l’a animé au service de notre image, et bienvenue à Frédéric qui apporte son souffle et sa fraîcheur pour perpétuer l’excellence des scènes cannoises.


 

Lettre envoyée aux membres du Jury du Festival Pyrotechnique de l'été 2011, dernière édition avant mon départ à la retraite. J'avais choisi mon pote Richard Gotainer comme Président, et j'avais bien eu raison... On ne s'est pas vraiment ennuyé pendant les six feux de l'été 2011 et ce fut vraiment un vrai feu d'artifice pour mon départ !

 

A mon meilleur jury de toute la préhistoire des feux d'artifice.
Bon, faut peut-être pas exagérer, il faut quand même moduler... Entre celui qui parlait trop et semblait atteint de "nationalïte" aiguë, (n'est-ce point Christian S... "Il faudra se souvenir du feu  Français", trémolos dans la voix !), celle qui était discrète mais flashait pour la virilité velue des Portugais (Paola C, c'est toi), celui qui parlait mal (le Président, avec sa voix de satyre pornocrate), il y avait aussi le renieur de Monégasques prêt à vendre son Président pour devenir membre permanent du jury, la commerçante suisse et son tiers-monde de blacks people accrochés à ses basques, l'avocate parigote qui couchait (bon, qu'avec le Président, et encore, il a failli être punie d'abstinence parce qu'elle votait mal !), et l'ancien pote de Daniel qui pensait qu'à dédicacer son livre (au fait, il est très intéressant pour moi qui ai vécu pas mal de ses anecdotes !)... Finalement, meilleur jury, c'est peut-être beaucoup !
Mais comment ne pas aimer des gens qui votent pour un feu russe sans avoir une kalachnikov dans les reins, qui provoquent une standing-ovation pour un "jeune et brillant" Directeur de l'Evènementiel à son ultime remise des Prix, qui offrent un superbe cadeau à une belle stagiaire alors qu'elle a même pas couché, qui avalent la fumée du feu italien sans y prendre du plaisir tout en restant stoïques, qui sont capables de rire et de pleurer, et d'être iconoclastes, fleurs bleues, sérieux et maniaco-délirants, obsédés de la chose et comme des enfants éblouis par la beauté d'un ciel embrasé...
Alors oui, en y repensant, vous êtes bien une exception et je vais garder longtemps dans mon cœur, le dernier jury de ma carrière, celui qui m'aura définitivement relaxé en abandonnant toute charge contre moi...
Et le chemin des gens de bonne volonté ne peut que se chevaucher à l'infini, jusqu'aux frontières de la tendresse.
La biz.
 

 

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Oppenheimer : Le cinéma au service de l'intelligence !

Publié le par Bernard Oheix

Moi qui m'insurge à longueur de temps contre les films qui s'étirent au long de la complaisance des réalisateurs, je dois avouer que les 3 heures de Oppenheimer sont indispensables pour entrer dans le cerveau et la vie tumultueuse du père de la bombe atomique, Robert Oppenheimer. 

C'est à une véritable page d'histoire que nous convoque Christopher Nolan, celle d'un homme de génie dans la tourmente d'un pays aux prises avec une guerre et qui devra se relever  dans un monde où les règles sont définitivement changées, à cause, entre autre, de son apport à l'invention la plus terrifiante de l'humanité.

Christopher Nolan, cinéaste britannico-américain à réalisé de grosses machines à cash, Inception, Interstellar, The Dark Knight... Habitué des podiums avec 11 oscars, il est sans conteste, un des acteurs de ce cinéma grand public intelligent capable de drainer des cohortes de spectateurs devant les écrans.

Avec Oppenheimer, il s'est confronté à un personnage de légende, renvoyant à l'histoire controversée d'un pays aux prises avec la réalité d'une guerre monstrueuse, avec l'affrontement d'un bloc communiste, et les tourmentes d'un monde à recréer après l'horreur nazie et la fureur d'une guerre avec le japon ou les soldats américains tombaient les armes à la main devant l'incroyable résistance d'un peuple qui ne cédait rien ! 

Et c'est une belle réussite qui, il fait nul doute, contribuera à accroitre sa collection de statuettes sur les étagères de son succès.

Le film se penche sur 3 périodes de sa vie : sa jeunesse étudiante, gestation d'un cerveau hors-norme, puis le projet Manhattan où la bombe nucléaire devient une réalité dans l'enclave secrète d'Alamo avant d'être larguée au dessus de Nagasaki et de Hiroshima et enfin, l'après guerre où le Maccarthysme tente de le faire chuter, de déboulonner l'idole de la communauté scientifique en raison de ses amitiés avec des communistes.

C'est dans une série d'aller/retour permanents que ces 3 univers se télescopent  avec leur logique intrinsèque. 

Dans la jeunesse, il y a l'éblouissement d'un cerveau sans limites, des rencontres avec d'autres génies, l'intuition comme un clef qui ouvre le futur, les voyages, les langues apprises, la mobilité et l'agilité d'un esprit enfermé dans un corps en train de grandir.

Dans la période de production de la bombe, on trouve sa responsabilité directe dans la constitution d'une équipe de chercheurs, son rôle fédérateur, l'organisation qu'il impose pour fonder la base secrète de Los Alamo où une ville surgit dans le désert habitée par une pléiade de ses relations acceptant de le suivre afin de résoudre le problème d'une première bombe atomique. Mais il y a aussi son rapport à l'armée et à l'autorité qui contrôle tout, ses amitiés avec des communistes, ses doutes, sa peur d'utiliser un fléau pour combattre un autre fléau... et les femmes de sa vies.

Reste la période de l'après-guerre où après avoir été célébré comme le père de la "bombe", il se retrouve dans les mailles du maccarthysme, devant une commission chargée de le piéger et de faire chuter l'idole du monde scientifique. Son retrait, son refus de se défendre, sa découverte des amis traitres et des traitres amis, jusqu'à un rebondissement final qui le lavera de toute tâche et le laisse avec ses doutes et la mort de centaines de milliers de japonais sur les épaules... mais aussi avec cette course définitive vers la bombe H et la création d'une arme que les blocs pourront faire peser comme une menace permanente contre l'humanité.

Cruelle plongée dans un monde qui nous rapproche de ce qui se déroule à l'heure d'une guerre d'Ukraine où les bombes sont brandies comme des flambeaux et menacent directement notre art de vivre. Il restera un homme déchirant, Oppenheimer, partagé entre des idéaux de fraternité, une volonté de paix, l'amour des autres qui restera celui qui a généré l'arme la plus extrême d'une humanité bien incapable de composer avec la raison pour faire cesser la course aux armements... et cela nous concerne tous !

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Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique !

Publié le par Bernard Oheix

Grâce à l'excellente programmation de Sophie Dupont, la directrice de l'Événementiel du Palais des Festivals de Cannes, 2000 spectateurs ont communié avec Phoenix, un des plus grands groupes de Rock de la scène musicale Française et internationale, et avec la pépite émergente de 23 ans, Zaho de Sagazan, qui  a convaincu tous les présents d'un avenir radieux.

Il faisait chaud sur Cannes en ce jeudi 13 juillet et la silhouette de l'église du Suquet en fond de scène découpait l'horizon, offrant un paysage magnifique à ceux qui avaient décidé de s'offrir une place sous les étoiles d'une Méditerranée envoûtante pour renouer avec le passé et l'avenir d'un rock aux multiples facettes.

Et ils ne l'ont pas regretté ! Et moi non plus, retrouvant toute cette équipe de l'Évènementiel si passionnée et évoquant les belles années d'un parcours commun qui nous a mené aux cimes de la béatitude musicale.

C'et Zaho de Sagazan qui a ouvert le bal des fous de musique !

C'et Zaho de Sagazan qui a ouvert le bal des fous de musique !

Zaho de Sagazan est toute jeune, elle vient de produire son premier opus, La Symphonie des éclairs dont elle est l'auteure et la compositrice. Accompagnée de deux musiciens qui jonglent avec leurs machines pour créer les sons électro qui sertissent sa voix si pure, elle s'empare de la scène, et captive le public, parle et bouge avec justesse, déclenche sa voix qui vient servir des mots étrangement cristallins parlant de la vie, de sa vie, de ses rencontres, de l'amour, de son corps et de l'attente de l'autre.

C'est magnifique et si frais dans un déferlement de plages sonores électro qu'elle maîtrise avec audace et simplicité.

Nul doute que son chemin est tout tracé et qu'elle s'imposera comme une grande artiste de scène comme de studio tant elle a à dire... et avec la manière en plus !

Le phoenix des hôtes de ce toit du Palais !

Le phoenix des hôtes de ce toit du Palais !

Phoenix est né en 1997, sur la base d'un groupe d'amis se connaissant depuis le collège. Ils vont exploser en surfant sur l'électro et la French Touch et conquérir la scène anglo-saxonne pour devenir un des plus grands groupes de rock international. On ne compte pas les premières et évènements exceptionnels qui parsèment leur carrière depuis 25 ans même s'ils affichent toujours ce désir de convaincre et d'emporter le public dans les volutes de leurs partitions échevelées.

Dans cette soirée cannoise, la première fois qu'ils jouent un concert complet dans la ville du Festival du Film, ils proposent un set particulièrement rock, deux guitares, basse et batterie, et la voix de Thomas Mars comme fil conducteur. C'est un rock tribal, une plongée dans les riffs et les sons déchirants, du rock pur et dur.

La mise en scène est superbe avec des effets visuels particulièrement réussis dans cet écrin magique. Ils vont emporter le public et le guider sur les traces de ces années de bonheur qu'ils ont traversées sous les sunlight d'une renommée qui n'a pas entamé leur désir de rocker avec les spectateurs.

Phoenix, un parfum d'histoire dans une page qui s'écrit chaque jour de notre existence. Et le public ne s'y est pas trompé qui leur a offert une ovation à la romaine !

Mais il y a aussi deux Cd hérités d'une plongée vers Lyon et La Bresse que je souhaite vous présenter ?

Le premier est issu d'une rencontre impromptue, une cousine de Thérèse qu'elle n'avait pas revue depuis 25 ans et des retrouvailles émues à Sathonay Camps. Le temps d'un repas avec un homme à la coupe de rocker sympathique, une discussion passionnée et déjà le temps de se séparer pour continuer notre route avec la certitude d'avoir passer un beau moment et la promesse de se retrouver sur les chemins de la musique !

Et quoi de plus sincère que de vous transmettre la lettre que j'ai écrite à Jean-Jacques Fau à l'issue des écoutes de ce CD venu d'un monde inconnu.

 
N’étant pas un grand spécialiste du Hard-Rock, j’avais quelques appréhensions à écouter ce CD que tu m’avais si gentiment 
offert.
Une semaine on the road again, et l’arrivée en mon home avec la Méditerranée comme horizon et enfin prêt à subir les affres des Fauz.
 
Et je dois dire que le 1er titre m’a un peu, légèrement, beaucoup... déstabilisé…. particulièrement hard dans le vrai sens du terme !
Mais je suis tenace, et j’ai continué mon écoute en bravant Le Cul des sorcières et puis, et puis… Bon, j’espère que cela ne vous décevra pas de la part d’un non-spécialiste du Hard… mais j’adore votre CD !
Les 2 intros musicales de Story of little Grapefrut et de Metalorganic Heart sont de vrais bijoux !
L’écume des jours est une superbe ballade avec un texte magnifique.
Et quelqu’un capable de ce rire satanique après avoir prononcé le nom honni de Donald Trump dans Poor James ne peut être que quelqu’un de bien !
 
On perçoit l’osmose du groupe, son métier né dans tant de plans galères et dans ces soirées à rêver d’un son unique, les guitare, basse, batterie en harmonie même parfois violente, les textes riches servis par des voix graves comme un élément à part entière de la composition.
 
Bravo à vous, vieux routiers du Hard et vive les riffs effrénés de vos passions !
 
Amitiés
 
Bernard Oheix, le mari de la cousine !
 
 N'hésitez pas, si vous avez la chance de croiser le chemin de Fau'z, allez les voir en concert et achetez leur CD, il vaut le détour par la voie du Hard-Rock ! 
Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique ! Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique !

Et le petit dernier pour la route, Astoria avec À l'écart du Chaos, un CD composé par Thomas Le Gall pour les paroles et la musique avec une bande de copains aux guitares, basse et batterie. Groupe de Boug en Bresse, composé de jeunes quadragénaires, ce CD est excellent et prouve que la richesse et la nouveauté ne sont pas incompatibles, qu'ils ne riment pas forcément avec un nom et une histoire. Ici, c'est le désir qui s'exprime dans de superbes ballades, et l'on sort des mots si intelligents portés par une musique de qualité un peu plus émerveillés par l'inventivité et le chaleur d'une jeunesse qui a tant de choses à dire.

Bravo à Thomas Le Gall (guitare et choeur), à Sylvain Eymery (voix et choeur), Guillaume Delage (batterie et clavier), Laurent Costechareyre (basse et choeur), et autres acteurs de cet opus. Et félicitations à l'équipe d'enregistrement et de  mixage du Studio de la Façonnerie dirigé par Fred Sonnery.

Le Phoenix, Zaho de Sagazan, et de la musique !

Et voilà une belle plongée dans un paradis de notes et de mots chargés d'espoir. Et cela n'est pas rien en cette période de doute général que des porteurs de lumières éclairent notre avenir. Quand le monde semble se figer dans l'horreur, il y a toujours des voix pour nous inciter à croire en un avenir meilleur. Les bateleurs des temps modernes sont toujours les hérauts d'une espérance et le vent l'emportera contre les tourmentes qui nous enchaînent à une réalité parfois bien trop pesante avec ses chaînes qui veulent nous ligoter dans le désespoir. Vive la musique !

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La Métisse du Peuple des Épines.

Publié le par Bernard Oheix

C’était dans la première décade d’un nouveau millénaire. De par mes fonctions de directeur de l’Évènementiel du Palais des Festivals de Cannes, j’avais le privilège de voyager à travers le monde, de sauter de la Russie aux États-Unis, de la Chine à l’Afrique.

Arrivant de New-York où j’avais rencontré un producteur de danse et écumé quelques salles de Broadway avec mon ami producteur Richard Stephan, Séville m’ouvrait ses nuits chaudes aux sons de la musique du monde : le Womex, marché international réunissant les producteurs et les artistes d’une musique qui tentait d’émerger et de rayonner à travers les scènes et de conquérir un public friand des sons d’ailleurs. J’en programmais avec constance, de Salif Keïta à Huun-Huur-Tu, des Mory Kanté Youssoun N’Dour, Idir et Tiken Jah Fakoly, Rokia Traore ou Ismaël Lô…

Présentés dans Les Saisons de Cannes que j’avais créées en 1997, une trentaine de soirées autour de la danse, du théâtre et de la musique de septembre à avril, complété par des festivals et des animations en été. Je ne pouvais imaginer que ces voix portant les siècles et les couleurs de l’ailleurs ne retentissent pas pour emporter le public dans les volutes de l’étrange. Et cela marchait formidablement. Des salles pleines d’un public chamarré et bon enfant.

Je venais donc faire mon marché à Séville, trouver des pépites, ouvrir des horizons, en compagnie d’une bande de jeunes producteurs et tourneurs particulièrement passionnants pour lesquels j’étais devenu, de par mon statut cannois, un grand frère amical. Trois jours de bonheur, de rencontres, de concerts, et de recherches d’un mystérieux chapeau vert, avant de prendre un taxi pour l’aéroport et un retour au bercail. Las, des incidents techniques en cascade, trois heures minimum de retard avant l’embarquement, un bar comble avec une table de libre, un café les yeux dans le vague.

-Pardon monsieur : mon avion pour Bruxelles a du retard, toutes les places sont prises. Acceptez-vous que je m’installe à votre table ?

Elle était superbe la belle inconnue qui venait d’interrompre le cours lâche de mes idées vagabondes. Une métisse au teint caramel, des cheveux noirs brillants, une lueur dans les yeux qui accrochait la lumière.

 

Comme deux inconnus que le hasard rapproche, des mots d’échange, de bienvenue, l’évidence pour moi qu’elle venait du Womex, sa surprise d’apprendre que j’étais un programmateur, et la discussion qui s’engage sur Madagascar : des anecdotes, son apprentissage du chant au long de la rivière Mandrare et des garçons qui rivalisaient avec elle par chants interposés en questions/réponses d’une rive à l’autre, son grand-père le dernier roi du Peuple des Épines, sa vie en Belgique avec son groupe Tiharea dont elle m’offrit un CD, comment elle avait grandi aux sons des veillées avec les vieux qui racontaient les louanges des anciens guerriers en luttent contre les envahisseurs.

Et le temps qui file, désormais trop vite, jusqu’à une annonce informant que les passagers pour Nice étaient attendus et mon départ, non sans avoir récupéré son numéro de téléphone, son mail et son adresse.

En arrivant à Cannes, j’avais sa voix dans la tête comme un litanie qui refusait de me quitter. Je me suis précipité sur mon ordinateur et j’ai commencé à taper, sans savoir où j’allais, brodant sur des mots entendus, des images imaginées. Trente pages dans la frénésie que je lui envoyais avec un message : « -Si tu le souhaites, on peut continuer ? ».

Elle m’a répondu, émue, me demandant comment j’avais réussi à rêver sa vie. Et nous avons entamé un véritable travail, à base de rencontres sur Paris ou Bruxelles. Je l’interviewais, remplissais des carnets de notes et retournais dans ma solitude pour orner sa vie à l’aide de mes phrases et de mes espoirs. Je les lui renvoyais alors et elle corrigeait, agrémentais de commentaires et de précisions mon travail.

C’est ainsi que cela a commencé. Rencontre impromptue, fascination mutuelle, amitié réelle naissant sur un livre en train de s’écrire au fil du temps et d’une matière si riche que mon imagination se contentait d’errer sur les chemins d’une île que je n’avais jamais parcourue mais qui me hantait désormais.

Au fil du temps et des rencontres, ce livre s’est dessiné, moitié sa vie, moitié rêvé. Elle en a lu des extraits à sa mère et me racontait en riant, qu’elle ne savait plus si ce qu’elle lisait à haute voix parlait d’elle ou d’une étrangère.

Les années ont passé et un jour, Basile Ngangue Ebelle, au cours d’une discussion, a appris l’existence de ce manuscrit dans les greniers de ma mémoire. Il m’a demandé de pouvoir le lire et après avoir créé une commission de lecture, a décidé de l’éditer pour la vingtième édition du Festival Panafricain de Cannes, en octobre 2023.

Vous l’aurez bientôt entre les mains et s’il vous guide en territoire inconnu, si vous chassez les épines en compagnie de la belle Talike, alors, peut-être que vous sentirez le parfum de la liberté errer sur la mémoire des hommes et des femmes qui tentent de vivre l’avenir sans renier leur passé.

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Festival du Film : cap sur l'ailleurs !

Publié le par Bernard Oheix

35 films et toujours cette interrogation au moment où l'écran s'illumine : être ou ne pas être ? Être scotché à l'image, dévoré par une histoire, fasciné par un plan, une lumière, un cadrage, l'écho d'une musique... ou bien rester sur la touche, à sentir le siège inconfortable, suivre paresseusement une intrigue sans saveur, sentir le temps s'écouler comme un jour sans fin, telle est la question que chaque séance nous pose et à laquelle nous répondons avec nos corps et notre esprit !

Et cette année 2023 nous offre beaucoup de propositions devant lesquelles il est impossible de rester insensible !

C'est avec Banel et Adama de Ramata Soulaye Sy en compétition que nous inaugurons une série de films particulièrement bien construits sur l'Afrique. Dans un Sénégal où les conventions de la communauté et les rites dépassent largement l'amour de deux êtres, quand la sécheresse et le vent bousculent les certitudes, l'amour fou ne trouve plus sa place et s'échoue sur les rives de la réalité. Film bien construit et particulièrement sensible sur la condition de la femme et le poids des traditions.

On enchaînera avec Goodbye Julia de Mohamed Kordofani, pour Un Certain Regard. Dans un Soudan déchiré entre les catholiques et les musulmans, entre le nord et le sud, entre les notables et les exclus, sur cette terre qui résonne cruellement des affres d'une guerre sanglante actuelle, le réalisateur pose un regard sans complaisance sur la culpabilité d'une femme, sur sa frustration d'avoir abandonné ses rêves et sur les désirs inassouvis. C'est un film magistral, ensorcelant.

Pierrette Mambar est couturière à Douala. Elle porte la responsabilité de ses enfants, de sa mère et son mari a disparu la laissant totalement démunie. Elle va subir un vol à la tire, une inondation dans son atelier et continuer son chemin sans jamais faillir, luttant au jour le jour pour assurer un avenir à ses proches, dans la solidarité de ceux qui n'ont rien, sinon leur courage et leur détermination. Un film qui ouvre les portes d'un ailleurs sans concessions.

On pourrait alors rajouter le If only i could Hibernate de la mongole Zoljargal Purevdash où Ulzii, un adolescent vivant dans un quartier défavorisé d'Oulan Bator, se retrouve en train d'assumer son frère et sa soeur pendant que sa mère retourne au village avec ses deux autres enfants. Brillant à l'école, il tente de présenter un concours national afin de gagner une bourse et pendant ce temps, doit trouver du bois pour se chauffer et à manger pour la fratrie. Un film déchirant qui renvoie à l'abondance de nos sociétés face au dénuement de ceux qui vivent au jour le jour.

 

En complétion officielle, Le Jeu de la Reine de Karim Aïnouz présente une page sanglante de l'histoire de l'Angleterre. La 6ème et dernière femme d'Henry VIII va tenter de survivre aux délires paranoïaques d'un roi rongé par la maladie et le délire de persécution. Une belle fresque qui fait passer notre Charles III actuel pour un roi bien sage et Camilla pour une gourgandine !

Anatomie d'une chute de Justine Triet malgré un Swann Arlaud particulièrement juste et un Antoine Reinartz sulfureux, trouve ses limites et manque de créer une authentique sensation. Les 2h30 de projection étaient par trop ambitieuses et 30 mn de moins eussent été salutaires pour l'attention (et la tension !) du spectateur. Hopeless du coréen du sud, Kim Chang-Hoon, restera une des belles surprises de ce festival. Un adolescent confronté à un beau-père qui le bat, est aspiré dans un réseau maffieux pour une dette d'honneur. Face à l'ultra-violence, devant un chef charismatique, il va grandir et vaincre ses démons pour trouver l'espoir et le bonheur. Un film coup de poing où derrière le sang de la mort se dessine l'espoir d'une vie meilleure.

Le 4ème volet de la trilogie d'Aki Kaurismaki, Les Feuilles Mortes, est une déambulation douce amère entre un homme et une femme paumés que tout doit séparer. Pourtant, dans leurs blessures et dans les hasards malencontreux comme bénéfiques de leurs solitudes, un unique et dernier amour va naître enfin. C'est beau comme du Karismaki et tendre comme ceux qui veulent encore espérer de la noirceur de la vie !

Perfect Days de Wim Wenders est une pérégrination passionnante sur les traces d'un homme que le quotidien écrase de son poids. Ce nettoyeur des toilettes de Tokyo, vit dans un rituel mutique mais va être confronté à des évènements qui vont bousculer sa solitude et dérégler ses habitudes. Fascinant même si exigeant ! 

35 films et moi, et moi ! Un appareil défaillant dans cette salle de la Licorne nous a privé du Bellocchio, du Ken Loach et de tant d'autres surprises. Il n'en reste pas moins que cette édition nous aura offert de belles propositions, un niveau de qualité réel et un regard aigüe sur l'état d'un monde en déliquescence.

À noter la confirmation de l'émergence de nombres réalisatrices qui occupent enfin une vraie place dans ce paysage de l'image animée, l'arrivée à maturité d'un cinéma africain qui se regarde dans un miroir sans concessions, et la prégnance d'une fibre "écologique" naturelle !

Pour le reste, pour ce palmarès qui va tomber dans quelques heures, il ne fait aucun doute à mes yeux, nonobstant ceux (nombreux) que je n'ai pu visionner, que The Zone of Interest de Jonathan Glazer sera ma Palme d'Or et que les filles d'Olpha un magnifique prix du Jury... et que le Kaurismaki pourrait créer une surprise !

Et pour le prochain festival, rendez-vous dans un an ! Et en attendant, rappelez-vous, le cinéma c'est dans une salle que cela se déguste, pas dans le fast-food d'un écran de salon !

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Festival du Film de Cannes 2023 : 4 jours, 16 films, et après ?

Publié le par Bernard Oheix

C'est reparti pour une rafale de films dans ce monde en colère où les images de la réalité sont bien plus dramatiques que celles des fictions d'un après-covid qui a laissé des traces. L'option pandémie semble trainer dans de nombreux films, comme si les certitudes d'antan vacillaient devant le spectacle de l'incertitude générée par un virus délétère.

Mais la vie doit continuer et regarder notre passé, c'est aussi construire l'avenir !

À l'évidence de ces premiers jours, deux films en compétition que l'on retrouvera dans le palmarès... si le jury est à la hauteur de sa mission ! Réponse dans une semaine !

Le premier est un chef d'oeuvre, The Zone of interest de Jonathan Glazer et fait la jonction avec mon précédent article consacré à Simone Weil, les combats d'une effrontée.

Rudolf Hoss est le commandant du camp d'Auschwitz, particulièrement apprécié pour son efficacité, sa capacité organisationnelle dans le traitement de l'extermination des juifs, sa rigueur dans la gestion des équipes de SS...

Sa femme et ses enfants ont construit un hâvre de paix sous les murs de ce camp que l'on ne verra jamais... si ce n'est quelques cheminées rougeoyantes, une litanie de cris sourds et les fumerolles de trains débarquant leurs cargaisons.

Mais une promotion va éloigner Rudolph de son lieu de vie et sa femme refuse de le suivre, s'accrochant à ce jardin fleuri, à cette paix si durement gagnéé par son mari.

C'est dans le final qu'enfin nous pourront entrevoir la réalité de l'horreur en jeu, dans un saut temporel où les vestiges d'une humanité perdue nous sautent aux yeux dans l'insoutenable tragédie d'un siècle perdu.

La construction originale, les vides d'un écran emplit des noirs desseins de la folie humaine, nous parlent au coeur et font de ce film une oeuvre majeure pour entrevoir les failles d'une humanité perdue.

Tout aussi passionnante est l'horreur moderne que dessine Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania. La plongée dans l'univers de Daesh de deux soeurs est confrontée au sort de la mère courage et des deux autres filles trop petites pour faire le grand saut. Des années après, dans un film sur le film passionnant, de la réalité à la fiction, quand les contours du jeu d'actrices affrontent le documentaire d'une vie, s'affrontent le silence des absentes aux regrets des présentes.

C'est un film sur la radicalisation de deux tunisiennes dans une après-dictature qui a libéré toutes les forces les plus néfastes de la société au service d'une religion intégriste mais dont le sourire d'une mère laisse augurer que la vie sera plus forte que la mort.

En attendant, les deux soeurs sont détenues dans un camp en Lybie et espèrent une extradition vers la Tunisie.

Reste quelques belles pépites qui font espérer... Ama Gloria de Marie Amachoukeli à la semaine de la critique (1er ou 2ème film), où les vacances d'une petite fille chez sa nounou adorée obligée de rentrer dans son pays, au Cap-Vert. Le rapport entre Cléo et Gloria rythme le tempo de ce beau film émouvant et sincère.

Dans la même catégorie, Vincent doit mourir de Stéphan Castang, où l'excellent Karim Leklou se retrouve agressé par des inconnus qui croisent sont regard à cause d'un virus (!) mystérieux. Le film est délirant et plein d'humour, un OFNI (Objet Filmique Non-Identifié) qui part dans tous les sens et nous offre quelques scènes d'anthologie sur la manière de faire l'amour sans croiser le regard de l'autre ou d'entraver sa partenaire avec des menottes sans esprit sm mais avec l'instinct de survie !

Le Retour de Catherine Corsini est un beau film loin du parfum de scandale dont il était précédé. Khédidja, une nounou (encore !) a le tort de retourner pour son travail en Corse avec ses 2 filles adolescentes Jessica et Farah. Le passé va resurgir, les haines d'antan se cristaliser, les non-dits se découvrir dans une île pas toujours tendre avec les autres. Mais la vie sera plus forte que les haines.

Et comment ne pas parler des films ratés qui auraient pu être bons, comme Los délincuestes de Rodrigo Moreno qui, sur une bonne idée, réussit à gâcher son film en l'étirant sur 2h30 et en massacrant la 2ème partie à coups de hache dans le scénario ! Tout aussi regrettable, l'explosion en plein vol de The New Boy de Warwick Thornton qui massacre ses images superbes, une Cate Blanchett sublime et une histoire qui aurait pu être passionnante en se perdant dans les tourments intérieurs d'une jeune aborigène fascinant !

Quand à Jeunesse de Wang Bing, 20mn sur les 3h de film m'auront suffit pour apprécier la qualité de la démarche sans en supporter la longueur insupportable infligé au spectateur !

Dommage !

Mais le grand cirque continue et les films de demain seront peut-être meilleurs  que ceux d'aujourd'hui, alors vite, aux écrans, dans une course contre la montre d'une horloge qui suspend son vol !

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Simone Veil, Les combats d'une effrontée.

Publié le par Bernard Oheix

Comment ne pas sortir bouleversé du spectacle Simone Veil, Les combats d'une effrontée, qui plus est, quand on a eu le privilège d'assister à cette représentation au Mémorial de la Shoah, à Paris, dans le Marais, dans ce temple d'un drame à nul autre pareil, dans cette période ou trop nombreux sont les héritiers de ce "détail de l'histoire"comme disait Le Pen, où même un bateleur de la dernière présidentielle a pu soutenir que Pétain avait sauvé des juifs.

Quand l'antisémitisme et tous les ostracismes fleurissent et que les portes du pouvoir s'ouvrent aux tenants d'une extrême droite même camouflée, alors il faut accepter ces mots d'une violence sans partage écrits par une survivante de ce massacre au regard lucide et à l'engagement sans faille.

 

Cette pièce, tirée de son autobiographie, écrite par Antoine Mory et Cristiana Reali, mise en scène par Pauline Susini parcourt les étapes d'une vie hors du commun. La déportation et la disparition d'êtres chers dans les soubresauts de la solution finale, l'extermination des juifs et des tsiganes, puis son engagement politique et cette lutte d'une violence inimaginable pour la légalisation de l'avortement devant une assemblée d'hommes ne reculant devant aucunes vilenies  pour couvrir sa voix.

Elle est la femme alibi comme elle se définit elle-même, celle qui offre une bonne conscience à ceux qui n'ont pas voulu voir la réalité ou en portant la parole des femmes dans une assemblée d'hommes pas du tout prêts à lâcher une partie de leurs pouvoirs pour laisser la parole à l'autre moitié de l'humanité.

Le droit de vote, la possession d'un chéquier, l'accès au travail et aux études supérieures se dessinent dans cette 2ème moitié d'un siècle de toutes les fureurs pour les femmes qui tentent d'exister.

Une jeune journaliste, Camille intervient dans une émission de radio pour parler de ses recherches sur Simone Veil. C'est alors qu'elle entre littéralement sur scène, une Cristiana Reali incarnant jusqu'à la fascination les traits de Simone Veil. Tailleur, visage encadré par des cheveux tirés, elle en est la porte parole troublante, lui permettant de la faire revivre le temps d'une scène, d'une tirade, d'une larme.

Dans une mise en abîme incroyable, l'actrice offre son corps et sa voix à l'expression d'un passé toujours présent.

C'est bouleversant, d'autant plus que les auteurs ont évité le pathétique des situations extrêmes pour faire sonner les mots justes d'un éveil de la conscience. 

Cette pièce est d'utilité publique, elle enchante l'esprit et donne le ton d'un regard sans concession mais jamais misérabiliste sur les pages troubles qu'ont vécu nos anciens. C'est aussi une leçon salutaire pour tous ces jeunes qui imaginent des vérités multiples au fil de ces réseaux où tout peut se dire, même l'inconcevable.

Oui l'être humain a une valeur, oui, il y a des principes auxquels on ne peut et doit déroger et Simone Weil, l'effrontée, nous porte vers un éveil de la conscience bien salutaire.

Et comment ne pas terminer par une plongée dans les arcanes du mémorial de la Shoah. Quand les mots de la pièce résonnent encore en nous et que nous découvrons ces bribes de l'horreur. 76 000 noms de victimes, portraits infinis de visages où les sourires nient l'horreur qui arrive à marche forcée, débris et oripeaux d'étoiles jaunies, vestiges d'une vie projetée dans le vide, photos de charniers et corps décharnés.

Oui le drame des juifs nous concerne, oui, nous nous devons de ne jamais oublier que "La Bête est toujours vivante" et qu'il suffit de si peu de choses (l'actualité nous le démontre tous les jours) pour que l'horreur fige à jamais le sourire des enfants ! 

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Pas de deux sur La Croisette : entre l'Europe et l'Afrique !

Publié le par Bernard Oheix

Aimé Ouédraogo est un personnage étrange, lunaire et flamboyant, exubérant mais pudique, toujours sur le chemin d'une danse qui parle au corps en invoquant l'esprit.

Créateur avec une équipe de bénévoles du Festival des 2 Terres, pont entre ces 2 continents qui l'habitent et  donnent un sens à sa vie, il avait depuis 3 ans dû mettre en sommeil le Festival pour cause de Covid.

En ce 22 avril 2023, dans la salle Miramar de Cannes, le Festival renaissait de ses cendres devant un public avide de renouer avec les fils d'une histoire en train de se forger, entre le Nord et le Sud, entre le noir de la peau et la blancheur de l'âme.

Après une après-midi de stages de danse, l'exposition des tableaux de Manuela Biocca et afin de sceller une convivialité de circonstance, un apéro délicieux, (verrines de taboulet et de betteraves accompagnées d'un verre de gingembre particulièrement corsé), la soirée pouvait commencer par un solo de Patricia Lionel chorégraphié par Aimé Ouédraogo. Mécanique des gestes, brisure des lignes, silence sépulcral pour cette mise en image d'un texte écrit par la danseuse portant sur les violences faites aux femmes. Un moment d'intense sensation ou le corps féminin se plie au désespoir d'un lendemain qui ne chante pas.

Le 2ème ballet sera d'inspiration ivoirienne avec une danseuse, Aminata Traoré déconstruisant la danse traditionnelle pour reconstruire un univers où le corps doit s'adapter aux balises d'un univers qui change. Fort et puissant.

La jeune compagnie Unidanse de Puget sur Argens enchaine alors avec La Valise, une oeuvre portée par l'énergie et la grâce d'une dizaine de jeunes danseuses à la recherche de leur passé, de leurs moments de vie symbolisés par ces valises que nous emportons avec nous et qui contiennent nos rêves et nos espoirs, nos déceptions et nos regrets.

Des danseuses éblouissantes dans une chorégraphie enlevée qui leur permet, entre le classique et le moderne, de développer toute la game des émotions qui touchent le public, du rire aux larmes.

Ange Kodro Aoussou-Dettman, est la chorégraphe et l'interprète (Ivoirienne et Allemande) d'un solo intimiste sur le péril encouru par les femmes quand elles donnent la vie, situation tragique que trop d'entres elles subissent dans un univers où leurs blessures sont acceptées comme une fatalité par une société qui refuse de partager leurs souffrances.

Enfin pour terminer ce cycle danse, la 5ème pièce, création d'Aimé Ouédraogo, offrira somptueusement Hors-Ligne. Un solo avec un mannequin en alter ego, des jeux d'ombres et de lumières où sa silhouette se découpe et sculpte l'espace, des mouvements fluides se heurtant à la mémoire de ceux qui peuplent nos souvenirs. Une oeuvre magistrale esthétiquement, entre la fluidité et l'ambiguïté, avec des plages de sons qui déchirent le silence et des flashs qui transpercent l'obscurité.

 

Et pour terminer en musique, après Moe Gin, un duo chant/guitare flamenco aux accents pop-rock, 2 tunisiens, Salah el-Ouergli et Medhi Belhassen, nous emportèrent avec ivresse dans une musique de transe, le Stambeli, guidant le public dans les interstices d'une raison captivée par les accords et percussions sertissant les voix des chanteurs d'une mélodie envoutante. Cet art musicolo-thérapeutique (comme celui des gnawas), est en train de sombrer dans l'oubli mais tant que des musiciens peuvent encore l'offrir aux oreilles d'un public même non-averti, alors le stambeli existera toujours pour le bonheur de ceux qui ont eu le privilège de l'entendre, un soir de Festival, entre 2 Terres, à Cannes, la ville de tant de lumières !

À l'an prochain donc, pour le Festival Les Deux Terres où Aimé et sa bande sauront encore nous surprendre et prouver que la différence n'est pas un vain mot, mais bien une valeur à chérir avec tendresse.

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Juan Carmona : la fusion pour l'éternité !

Publié le par Bernard Oheix

Juan Carmona est un guitariste flamenco pour l'éternité et un jour. Virtuose de la guitare, bardé de reconnaissance, dont ce Grand Prix Paco de Lucia remporté de haute lutte sur la scène du Palais des Festivals de Cannes à 20 ans, le Prix Charles Cros, des Latins Grammy Awards et avant tout, la ferveur constante d'un public qui le suit, le pousse et lui permet de rêver ses notes pures qui emportent les spectateurs dans un éther de douceur et de magie.

Juan Carmona qui vient de produire son 12ème album et a été programmé par Sophie Dupont, la Directrice de la programmation du Palais des Festivals de Cannes dans une salle conquise et éblouie par la virtuosité de son groupe. C'est dans un projet muri pendant les deux dernières années autour de Zyriab 6/7 qu'il vous invite. Un personnage qui l'obsède depuis qu'il l'a découvert dans une rencontre déterminante au Festival International de Luth de Tétouan au Maroc où il avait été invité et où il remporta un trophée de plus, le Zyriab des Virtuoses, à la saveur nulle autre pareille d'une rencontre fortuite à travers les époques et les cultures.

Et cela a débouché sur cet album et une tournée somptueuse.

Zyriab est un personnage hors du commun, né en 789 à Mossoul et mort en 857 à Cordoue après avoir traversé les 6700 km qui séparent ces deux régions (d'ou le 6/7 du titre de l'album), entre l'orient et l'occident, à dos de chameau, par des haltes oasiennes, dans une épopée inimaginable pour l'époque. Chassé de Bagdad à cause de la jalousie de ceux qui ne pouvaient accepter son génie musical, réfugié à à Kairouan dont il fut aussi chassé à cause d'un poème frondeur, il s'établit à Cordoue, accueilli princièrement par l'émir Abd al-Rahman où il vécu les 30 dernières années de sa vie dans le luxe. Musicien il a inventé la forme moderne de l'oud en y rajoutant une 5ème corde et il est considéré comme le père de la musique arabo-andalouse.

Mais le musicien Abu Hassan Ali ben Nafi, dit Zyriab, est aussi un lettré, poète, astronome, géographe, un homme  qui influença l'art de vivre en Andalousie et dont les découvertes ont bouleversé les cultures de ce IXème siècle qui allait ouvrir un nouveau millénaire. 

C'est ce personnage de légende trop méconnu qui a percuté l'univers de Juan Carmona, un gitan doué du talent de comprendre le monde et de l'interpréter avec des notes de musiques cristallines. Il fait nul doute que si Zyriab avait été génois ou vénitien, son nom serait devenu le symbole d'un aventurier à l'égal d'un Marco Polo ou d'un Christophe Colomb... mais il était né dans un petit village du mauvais côté de la Méditerranée !

Alors, courrez acheter cet opus de Juan Carmona. À son écoute vous allez partager un univers fascinant de fusion entre la musique orientale et le flamenco. En cette période ou l'obscurité tente de noyer le génie des hommes, vous pourrez partager un moment d'écoute de ceux qui marquent la différence comme une valeur positive.

Et si vous en avez la possibilité, prenez un billet pour assister au spectacle dans une salle, vous allez vivre un voyage intérieur en résonance avec l'épopée de ceux qui font l'histoire, les découvreurs, les magiciens du temps présent.

le groupe est somptueux avec deux percussionnistes aux tonalités différentes, un clavier, un oud et la guitare de Juan Carmona. Deux chanteurs, un de flamenco et l'autre orientaliste vont rivaliser d'audace dans une complémentarité de génie. Un danseur de flamenco sertira ses notes dans un écrin de beauté.

Alors, à vous de jouer votre partition intérieure et très longtemps après, vous aurez encore cette musique entêtante comme des vagues pour vous bercer du rêve d'un monde meilleur.

Et si vous voulez les contacter, Nomades Kultur se tient à votre disposition. Cendryne Roé, au gout si sûr, qui partage la vie et les rêves de Juan Carmona, saura répondre à vos questions.

Hasta Luego Compañero !

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Empire of Light.... Ma madeleine à moi !

Publié le par Bernard Oheix

Il y a une délicieuse saveur nostalgique dans les ombres cachées de ce Palais des Lumières de la côte sud anglaise. C'est à une plongée dans les années du punk et des skinheads ultras racistes, des ravages de la politique de Tatcher, que Sam Mendes nous invite sur fond d'un cinéma agonisant et de sa gérante, femme mûre brisée, malade et qu'un souffle d'espoir va entrainer dans un tourbillon d'émotions qu'elle ne pourra maîtriser.

L'arrivée d'un jeune noir dans l'équipe qui ouvre les séances au public va bouleverser l'équilibre précaire qui la maintenait en mode survie. 

Brève rencontre impossible, agonie d'un monde dans lequel les faibles n'ont plus leur place et qui annonce d'autres drames à venir. Mais il reste la magie d'un flux de lumières créant l'illusion du mouvement et d'une réalité que personne ne peut emprisonner, celle d'un univers artificiel qu'un projectionniste peut enclencher en pesant sur un bouton pour faire vaciller les certitudes. 

Quand Stephen, jeune noir brillant qui ne peut intégrer l'université, débarque dans l'équipe de bras cassés qui gère un cinéma, il ne se doute pas que son arrivée va ébranler tout l'édifice, un magnifique bâtiment à l'ancienne dont une partie est désormais abandonnée mais que deux salles aux velours rouges et aux charmes surannés continuent à faire vivre aux ors d'un passé glorieux.

Entre la formidable actrice Olivia Colman, femme subissant les blessures d'une vie, une mère qui ne l'a pas aimée, des hommes qui ont abusé d'elle, dont ce directeur du cinéma, son patron, qui profite d'elle au rythme de ses désirs lubriques, et qui survit avec des médicaments aux dérapages de son inconscient, et ce jeune noir brillant, une étrange amitié amoureuse va naître. Quelques étreintes, ce "lithium" que l'on décide de ne plus ingérer pour se sentir vivante à ses côtés, et surtout, la découverte de ce racisme viscéral d'une société qui chasse le nègre, "le bamboula", afin d'exorciser ses démons !

les maigres fils qui la reliaient à la réalité vont exploser, la laissant face à ses démons, provoquant une nouvelle crise et son enfermement.

Pourtant, ils vont se léguer mutuellement deux cadeaux inestimables : pour lui, la poursuite de ses rêves avec son intégration à l'université et un parcours de vie qui s'ouvre enfin à l'avenir, pour elle, grâce à Stephen, le visionnement pour la première fois d'un film avec une plongée dans un monde d'artifice qui bannit la peur du présent.

Alors c'est vrai que le film est brouillon, part dans tous les sens, manque de rigueur dans son écriture... mais qu'importe devant ce projectionniste fascinant qui créé la l'illusion, devant le sourire d'une femme qui cherche un peu de bonheur et le trouve dans le faisceau d'un arc de lumière, devant ce jeune exilé qui part à la conquête d'un monde entre deux univers.

C'est un hommage au 7ème Art et à un monde qui change. C'est une plongée dans la vie de quelques individus réunis par les hasards de la vie qui voient s'écrouler le monde d'avant pour plonger dans le futur.

C'est avant tout un formidable film sur le racisme à l'heure où il s'est banalisé jusqu'à devenir le crédo officiel de tant de gouvernants et de faiseurs d'une histoire frelatée.

A l'heure où on laisse se noyer des familles dans l'eau saumâtre d'une Méditerranée sans un regard pour leur désespoir, où l'on érige des murs pour ne pas voir les gens mourir, où des guerres trouvent des boucs émissaires aux plus nauséabonds des exutoires  ou l'autre devient un ennemi de la raison, il est salutaire de sentir qu'un film peut avoir envie d'aimer la différence et que l'humanité peut se nicher dans un regard, dans un geste dans un coeur libéré de toute obsession par l'alchimie d'un projecteur qui braque son faisceau sur le rêve d'un monde meilleur. 

Alors je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager la 1ère page d'un livre sur mon "cinéma Paradiso" que j'ai composé en hommage à cette lucarne qui m'a tenu éveillé tout au long d'une vie où les films ont jonglé avec ma réalité. Le cinéma m'a façonné et m'a accompagné toute une vie consacré à la culture et à la fraternité. Mon Empire Of Light s'est échoué  sur les bords de la Manche, dans une Angleterre qui nous a offert tant de bonheur avant de sombrer dans le cauchemar d'un monde moderne où le présent s'écrit avec le sang de ceux qui n'ont plus rien !

1) L’Enfance Nue ou comment devenir un cinéphile.

1) L’arrivée d’un train en gare de ... Nice !

J’ai échappé une nouvelle fois à la surveillance de ma mère. Il faut avouer qu’avec mes deux frères et tout le travail de la maison, elle a fort à faire. Il y a toujours un moment où je peux franchir la porte, traverser la petite cour et ouvrir les deux battants qui me permettent de pénétrer dans ma caverne mystérieuse ! Je me faufile dans le bruit électrique d’une musique et de mots que je ne comprends pas. Ce n’est pas grave ! J’ai l’habitude et même pas peur ! Je m’assieds sur un des fauteuils, mes pieds ballants dans le vide. Il fait noir, mais en levant la tête, je vois un pinceau de lumières qui jaillit d’une ouverture en scintillant.

Et quand je regarde devant moi, c’est l’illumination. Des ombres noires et des taches blanches, des silhouettes qui courent, des masses qui dérapent, des pleurs et des rires. C’est ma caverne secrète et j’aime m’y réfugier même si je ne comprends rien à ce qui s’y déroule.

Nous sommes en 1955 et j’ai cinq ans. Mes parents habitent un appartement de pauvres parce qu’on l’est ! Traverse Longchamps à Nice, derrière la rue de France. Deux pièces où l’on s’entasse, donnant sur l’arrière-cour du « Cinémonde », avec la cabine du projectionniste à laquelle on accède par un escalier métallique extérieur en face de notre entrée et l’issue de secours du cinéma barrée par cette porte à deux battants que j’ai appris à franchir discrètement.

Mais il y a toujours un moment où je sens une main me saisir pour me ramener dans la cour et tomber les reproches de ma mère, « -J’étais folle d’inquiétude, je t’ai dit de ne pas aller dans la salle tout seul, c’est dangereux ! » Frisson rétrospectif délicieux. Il faut alors que je promette de ne plus m’y rendre, ce que je fais en sachant pertinemment que, dès que je le pourrai, je retournerai dans ce monde d’une « lanterne magique » où rien n’est vrai, mais tout si réaliste...et que ma mère viendra de nouveau pour me récupérer.

Au fond, entre l’affolement des premiers spectateurs d’un art nouveau, qui se lèvent précipitamment et fuient devant une locomotive entrant en gare de La Ciotat en fonçant sur eux, et mon attirance pour cet objet confus qui me fascine, il y a la même part de mystère, la même dose de magie qui échappe à la raison. L’inconscience du public en ce 25 janvier 1896 devant ce film de 50 secondes n’a d’égale que mon jeune âge qui obère ma perception de la réalité, 60 ans plus tard. Le spectateur est toujours prêt à être un grand enfant, moi, j’étais un petit enfant toujours prêt à être un grand spectateur !

En 1957, nous deviendrons un peu moins pauvres. Mon père troquera sa tenue de livreur en vélo pour une maroquinerie niçoise contre celle plus chamarrée d’un sapeur-pompier à Cannes, et nous déménagerons. Entre temps, j’avais appris à escalader cet escalier de fer, et le projectionniste m’avait ouvert les entrailles de son domaine. Des appareils qui grondent, de la pellicule qui défile, le contrôle par la lucarne, le point à l’objectif... même tout petit encore, je comprenais que derrière le mystère, il y avait la mécanique d’une technique bien rodée que des accidents pouvaient entraver, déchirure de la pellicule, les charbons générateurs de l’arc électrique à changer en urgence...

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