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Cannes : Festival de Danse 2021 : le temps retrouvé !

Publié le par Bernard Oheix

Il était temps ! Depuis deux ans, ces salles de spectacles pleines, ce rituel du rideau rouge qui se lève, ces discussions après les spectacles, nous manquaient cruellement. Chapeau bas devant l'équipe de l'Évènementiel dirigée par Sophie Dupond, les théâtres de la Côte d'Azur engagés dans le festival de danse et la directrice artistique, Brigitte Lefèvre pour nous avoir enfin permis de retrouver ce parfum suave d'une vie recommencée, dans la douleur d'une 5ème vague et de deux annulations, mais dans l'espoir d'ouvrir un nouveau chapitre dans la cohabitation avec un virus délétère.

Oui, il existe une vie après la Covid... même si nous devons, tous les jours en dessiner les contours nouveaux et étranges d'une cohabitation avec le cauchemar !

The show must go one !

Et quoi de plus merveilleux pour célébrer ces retrouvailles avec le passé qu'une création de La Castafiore qui nous permet d'embrasser le futur !

Et quoi de plus merveilleux pour célébrer ces retrouvailles avec le passé qu'une création de La Castafiore qui nous permet d'embrasser le futur !

Que se passe-t-il dans la tête et le coeur de ce duo forgé dans la passion constitué de Marcia Barcellos et Karl Biscuit ? Leur collaboration débouche depuis des années sur la création d'un univers si particulier, où la gestuelle se confronte aux légendes d'un imaginaire en perpétuelle évolution, où les costumes et la musique envoûtent le spectateur dans des voyages immobiles, entre le passé et le futur, entre le concret et l'utopie. 

Leurs créations sont des repères pour une rêverie qui mène vers l'abstraction, dans ce territoire qui se situe à la lisière de nos cauchemars, quand le spectateur découvre le monde enchanteur des porteurs d'un ailleurs fantasmé.

Avec Kantus, le long silence imposé par les deux années passées débouche sur l'emprise du passé dans un futur improbable où les espèces disparaissent et où les monstres renaissent. Il y a l'aboutissement logique d'un accaparement des thèmes de la dissolution (si prégnant dans notre réalité), mais aussi du rituel chamanique pour faire revivre ce monde disparu. Et c'est la voix qui porte le message de l'espoir, plus que le geste, plus que le rituel.

C'est un abécédaire de toutes leurs créations passées, comme si le présent autorisait cette plongée dans la mémoire vive du peuple spectateur.

On ne sort jamais totalement indemne d'une oeuvre du Système Castafiore. On peut se poser des questions, regretter que la danse ne soit pas assez mise en valeur dans la première partie, il n'en reste pas moins que leur inventivité et la profondeur de leurs mise en spectacle ouvrent les portes de la perception à l'infini.

Cannes : Festival de Danse 2021 : le temps retrouvé !

Mon coup de coeur du festival. Edouard Hue et la Beaver Dam Company nous plonge dans un premier duo fascinant "Shiver" puis enchaîne avec "All I need", où les danseurs évoluent en ligne, viennent chasser les zones d'absence et s'affrontent, hiératiques, dans un variation d'un jeu de Go qui ne laissent aucune place à l'arbitraire. 

Et même si le final de l'oeuvre est un peu brouillon et perd de sa rigueur, on sort enthousiasmé de cette plongée dans les corps déchirés des interprètes qui répètent à l'infini la mécanique déréglée de l'échange, de l'écoute et de la répétition d'une main tendue sans cesse refusée.

Et pour terminer, comment ne pas être subjugué par le solo de Marthe Krummenacher, Janet on the roof, chorégraphié par Pierre Pontvianne, un ancien de l'école de Rosella Hightower.  

Dans ce corps vêtu de bleu qui laisse transparaître des morceaux d'une chair dorée, où les muscles et l'effort transforment en matière vivante une danseuse possédée, il y a toute la poésie et la douleur qu'une technique transforme en fluidité sans limite vers le monde réel. C'est beau, fascinant, troublant et cela provoque un sentiment de perfection qui renvoie à une incarnation d'un geste libéré de toute contingence physique. Un très grand bonheur de solitude dans la salle remplie d'un silence sépulcral. 

Et pour finir, il y a tous les autres spectacles non vus, et une clôture au goût  acide, le dernier show d'une étoile de la danse, Carolyn Carlson, un mythe, l'émotion à l'état brut. Et même si son solo semble la pièce de trop, même si Crossroads to Synchronicity parait une pâle copie de sa carrière fulgurante, il est un au revoir à une grande dame qui aura marqué l'histoire de cet art du mouvement. Merci pour ce que vous avez réalisé et pour cette grâce éternelle qui brille dans vos yeux. 

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