Le centenaire triomphant !
Restaurant du tennis club à Cannes. Une petite foule est réunie pour fêter les 50 ans de Sophie Dupont, la Directrice de l'Evénementiel qui m'a succédé et d'Elisabeth Lara, la responsable de presse du Palais des Festivals. Dans l'émotion d'une aventure qui dure depuis près de 30 ans pour certaines, un petit discours, juste pour la route, se souvenir et communier... ou compatir, c'est au choix !
Deux fois 50 années, cela se fête !
Car derrière ces femmes d’un âge certain mais toujours désirables, un peu couguars, aux tréfonds de ces wonders-womens cannoises d’âge désormais mûrissant, c’est bien de deux midinettes qu’il s’agit, deux jeunes filles grandies en terre de culture, vendangeant les fruits des récoltes de l’esprit, à la moisson des succès d’esprits rebelles !
Car disons-le tout net : elles ne sont pas « si faciles que ça » ces femmes de tête et de coeur, ces cadres de la culture qui ont tout vécu… enfin suffisamment pour passer de stages en intérim, de contrats à l’OMACC à cadres sémillantes dans un Palais des Festivals balbutiant ses gammes, pour finir comme Directrice de l’Evénementiel et Responsable du service presse du Palais des Festivals de Cannes avec la ligne bleue d’une mission sacrée (donner un peu d’intelligence à ce monde et le faire savoir !) comme seul horizon !
Car ne vous y fiez pas... Derrière ces silhouettes graciles et ces oeillades langoureuses, ces tenues pimpantes qui mettent en valeur leurs charmes naturels, ces sourires enjôleurs sous un maquillage discret, ce port de reine qui les caractérise, il y a bien deux redoutables machines de guerre à l’oeuvre, deux destroyers en phase opérationnelle dans un combat sans merci contre l’ignorance et le mauvais goût.
Elles en ont vécu des escarmouches dans leur carrière, qui, au cumul, comptabilise un demi-siècle de Palais !
Les années Michel Mouillot avec un Bernard Oheix en jeune chef d’équipe avec son cri de ralliement (on est une belle jeunesse !!), sa garde de minettes comme un bataillon féminin rouge prêt à partir à l’assaut de tous les châteaux-forts de la bienséance à coup de « riffs » de guitare endiablés. Les années post-Mouillot, où « la vie est belle » (dixit le même), quand certains entendent les sirènes de l’événementiel corner délicieusement aux oreilles des Cannois et que se met en place une saison culturelle dont cette jeune équipe, exilée au boulevard Carnot, sera la pionnière, après l’absorption des rivaux de l’Animation et Fêtes (merci Daniel et Nadine de nous avoir rejoints et renforcés), et en corollaire, la main mise (enfin, dirons-nous !) sur tous les grands évènements produits par la Ville.
Fut-ce l’apothéose ? On eut pu le penser tant le Maire Bernard Brochand, son fidèle et brillant adjoint, Président de la SEMEC, David Lisnard, et une directrice particulièrement de choc, autorisèrent les rêves les plus fous ! Le Festival des Jeux et ses 150 000 entrées, les Concerts au Palm-Beach avec Massive Attack et ses 5000 spectateurs, le Pantiero sur la terrasse du Palais et ses milliers de fans en transe, Les Muvrini dans le vent d’été au stade des Héspérides, Archive avec l’ensemble symphonique de Cannes en une messe païenne foudroyante, les concerts de septembre où Iggy Pop et Pete Doherty imprimèrent leur marque en offrant leur corps décharnés, et même une oreille, à la ferveur du public…
Mais tout a une fin ! Les années d’insouciance s’envolaient. Certains disparurent, dans la tempête d’une vie, d’autres s’éclipsèrent bien heureusement remplacés par de jeunes et efficaces collaboratrices…
Et puis les opportunités s’enchevêtrèrent, rendant le présent plus flou et l’avenir incertain. Les départs à la retraite des vieux soixante-huitards (Oheix, Corbier), l’arrivée d’une jeune classe aux affaires politiques, sonnèrent le glas des années d’insouciance.
C’est bien à vous désormais de porter le flambeau, et ce flambeau est lourd à porter ! Elles qui connurent les joies d’une période bénie, se retrouvent dans un monde où l’on se doit d’être Charlie avant de compatir pour les trop nombreuses victimes au Bataclan d’un terrorisme aveugle aux sirènes de la beauté et de l’harmonie ! Elles, qui s’était construites dans la quiétude d’un art de vivre, se doivent désormais d’affronter les miasmes d’une histoire qui n’est pas la leur ! C’est ainsi ! Nous, les vieux, avons mangé le pain blanc, il vous reste à vous déchirer pour les miettes d’un festin auquel vous avez goûté !
Cela vous abattra-t-il ? Non, car vous êtes les battantes d’hier et les vainqueurs (il n’y a pas de féminin !) du lendemain !
Je sais que dans la tourmente actuelle, quand les repères s’estompent, que la matière se complique et que les faits sont tenaces, il vous reste la lucidité et le courage d’assumer vos responsabilités avec obstination, que vous creusez votre sillon avec cette force si féminine et l’altruisme de celles qui savent que la vie est plus forte que la mort, que les lendemains chanteront pour ceux qui se dressent et fixent l’horizon sans faillir.
Je vous souhaite à toutes les deux, le bonheur de voir vos certitudes s’avérer et vos espoirs renaître.
La vie n’est pas qu’un fleuve tranquille ! vous êtes à l’âge des possibles et vous accomplirez l’impossible, parce que vous êtes, Sophie et Elisabeth, le sel de la terre, le terreau de toutes les utopies et que rien ne pourra vous abattre.
Je vous aime et je sais que ces mots que j’ai écrits pour vous, résonnent aux oreilles de toutes et tous ceux et celles qui imaginent mal, qu’un monde ne soit pas celui de l’espoir et de la beauté.
Bon anniversaire à vous deux.
Et puis nous avons trinqué et bu, et la nuit s'est étirée, avec juste ce qu'il faut d'émotions et de tendresse pour que les souvenirs se parent de la beauté du passé ! L'avenir lui, on l'a laissé de côté en ce soir de retrouvailles ! Il sera toujours temps de le retrouver !