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Chutes de Riens

Publié le par Bernard Oheix

 

Je me suis souvent demandé ce qu’il advenait de ces scènes tournées par les réalisateurs mais non-incluses dans le montage final présenté au public. Elles somnolent sur des étagères comme la Belle au Bois Dormant, attendant qu’un jour, par miracle, un remontage en version longue les exhument pour leur donner vie, (c’est le cas assez rarement, hélas !) où qu’un aventurier des archives perdus viennent fouiner parmi ces bobines afin de dénicher la perle rare, le trésor d’un plan magique à jamais éternel, que des étudiants en cinéma vont disséquer jusqu’à en extraire la quintessence…Plus généralement, ces plans s’assoupiront à jamais dans le vide de l’inconnu !


Il en est de même pour les écrits. Combien de textes barrés d’un trait nerveux présents dans une version initiale qu’une relecture condamnera à l’exil définitif et qui rejoindront un éther dans lequel errent des phrases sublimes, des approximations incertaines, des chapitres entiers qu’une logique perverse balaye, des assemblages hétéroclites, des mots d’autant plus abandonnés qu’ils ne sont plus destinés à la lecture mais à l’archivage ou à la poubelle.

Tous ceux qui écrivent ont ressenti un jour ce pincement douloureux de devoir sacrifier, sur l’autel de la cohérence et de l’efficacité, des phrases qui apparaissaient indispensables à la naissance du texte. Un vide se créé de devoir les abandonner comme orphelines d’une logique impitoyable.

C’est ce qui m’arrive aujourd’hui, dans la 3ème version d’un roman, La Métisse du Peuple des Epines, qui ne verra peut-être jamais le jour en tant que roman, mais dont les scories, elles, sont d’ores et déjà renvoyées dans les greniers de la mémoire !

Aussi, ai-je décidé de les mettre en ligne afin de les faire exister fugacement, juste l’espace d’un désarroi, avec l’idée peut-être, de ne pas laisser ces morceaux de moi-même sans sépulture. Vive les chutes des riens d’un grand néant !

 

Page 17

Au cœur de la nuit des temps, quand l'être humain a décidé de devenir un homme et qu'il s'est redressé pour regarder la ligne d'horizon et jouir des couleurs pourpres d'un coucher de soleil sur la crête des monts découpés sur le ciel, on peut imaginer que, dans un langage balbutiant, il a inventé des mots trop beaux pour naître du néant. Bien au-delà de ces paroles qu'il cherchait à crier dans l'azur, du fond de son âme et de l'esprit de son peuple, une voix discordante s'essayait à franchir des cordes vocales malhabiles. Avec un bâton ramassé dans la forêt, tapant sur des fûts évidés qui résonnaient dans la nuit tombante, il a entonné une curieuse mélopée, un grondement sourd de son souffle qu'il apprenait à dompter sur ces muscles cachés au fond de sa gorge. Les autres membres de la tribu décidèrent de suivre son rythme, son phrasé, ses ruptures de ton, de jouer sur les contrastes et les décalages pour se fondre à l'unisson quand l'ensemble des présents plongeaient les yeux dans les étoiles. Peut-être est-ce ainsi  que le chant polyphonique est né, une belle histoire traversant les âges et les cultures de l'oralité, un moyen de vaincre le vent qui emportait les coutumes dans ses rafales, première forme d'art, bien avant que les couleurs de la vie ne meublent les ombres dansantes sur la pierre des abris troglodytes ou que les outils taillés dans le silex ne se mettent à transformer le monde.

 

Ce texte n’a vraiment pas de chance. Il se trouvait déjà dans la première mouture d’un roman précédent. Je l’avais sauvé en le réincorporant dans « La Métisse » mais la malchance le poursuit, une 3ème correction lui sera fatale, je le condamne derechef en l’expulsant de nouveau. Exit l’histoire rêvée d’une polyphonie ancestrale, le musique continuera de s’électrifier sans que l’on sache d’où est né cet art majeur !

 

Page 42

Dely était une révolutionnaire dans l’âme. Elle possédait une haute conception de la place de la femme dans la société Malgache. « Les hommes sont souvent veules et cupides, ils ne cherchent que le plaisir immédiat et ont tendance à imaginer qu’ils sont les maîtres de nos corps » me disait-elle. « Les femmes sont puissantes quand elles le désirent, elles peuvent faire plier les mâles. » Elle me narra un jour, le rite du Palabre des Femmes en pays Tanale, une région qui jouxtait l’Androy. « -Si une femme est insultée, humiliée, frappée, qu’un homme du village se conduit mal contre sa propre épouse en jetant la honte sur toutes les autres, alors, les femmes se réunissent pour palabrer et guidées par la Déesse du ciel,  déclenchent le grand exode. Toutes les femmes, de la plus jeune à la plus vieille, s’en vont en colonnes, abandonnant les hommes à leur sort. Il faudra un émissaire qui demande pardon au nom de tous les mâles et une réparation en zébus d’autant plus importante qu’ils auront attendu, pour que la déesse du ciel accorde à la doyenne des femmes l’autorisation de reprendre leur place aux foyers. Ne l’oublie jamais ma fille, les femmes sont fortes quand elles sont unies. Ne sois jamais faible, ils en profiteraient pour t’arracher ton honneur »

Ma mère était ainsi, bien que respectueuse des traditions, elle refusait que celles-ci permettent aux hommes d’exercer leur pouvoir sans contrepartie. Elle s’ancrait dans un féminisme naturel où les responsabilités devaient être partagées, puisant dans son couple la preuve que l’harmonie pouvait se conjuguer à  deux.

 

J’ai entendu cette histoire de « la palabre des femmes Tanale» chez un conteur Malgache. J’avais aimé cette image d’une cohorte de femmes quittant les cases et laissant les hommes sans ressources, abandonnés, obligés de se faire la cuisine et de langer les enfants mâles… Las, dans l’histoire de « La Métisse », cela alourdissait le propos et le rendait trop didactique. Cette belle page de l’histoire de la lutte des femmes restera donc inconnu… Désolé, mesdames !

 

Page 18

Quand ma mère apparaissait, la lumière semblait plus brillante, quand elle vous regardait de ses yeux si doux, elle vous transmettait des mots d’amour sans paroles. Quand elle vous caressait, c’est comme si les ailes d’un ange vous enveloppaient. Elle était ainsi, fille du dernier roi du peuple des épines, épouse d’un prince blanc, reine dans le cœur des hommes et mère de tous les enfants du monde.

 

En hommage à toutes les mamans du monde…

 

Voilà quelques phrases sauvées du néant. Elles ont perdu leur âme de ne plus se renvoyer en écho d’une histoire en train de se construire, mais au moins auront-elles gagné un souffle de vie pour mourir de leur belle mort !

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Ultimes Colibris

Publié le par Bernard Oheix

Île paradisiaque. Le voyage se termine aujourd'hui, dans un avion qui nous fera remonter le temps et débarquer vendredi matin sur la Côte d'Azur pour retrouver nos vies d'antan, le présent au quotidien. Près de 3 semaines à rencontrer des gens étonnants dans un cadre de vie superbe, contrastes permanents, mer omniprésente, soleil ou pluie, sites somptueux, douceur de vivre... Et toujours ces "colibris", montages photographiques réalisés par mon frère Jean-Pierre O... qui nous accueille et nous permet de découvrir la Martinique de l'intérieur !


Barnabé, grand pêcheur devant l'éternel, nous fait découvrir son territoire...Le "rocher", couvert d'oiseaux et de sel qui ferme la baie de Tartane en sentinelle perdue de l'Atlantique, le cap de la Caravelle avec sa baie du galion, les fonds marins où les poissons jettent des tâches de couleurs, les vagues sur lesquelles le bateau danse...Ô combien de marins... ont ressenti cette sensation particulière de partager un moment d'éternité avec la nature ensorcelante !



Gaston est heureux. La pêche fut particulièrement bonne et directement vendue aux habitantes de Tartane qui se sont précipitées vers l'étal à peine la barque ancrée...Comment le savaient-elles que ses filets regorgeaient de daurades ventrues qu'il découperait et vendrait au poids de tranches juteuses ? Mystère... L'après-midi, sur le terrain de boules jouxtant les barques, il pourra oublier ses lignes et frapper des carreaux avec la régularité d'un métronome...


Sortie superbe avec Jean-Guy, conteur hors-pair qui nous fait découvrir la côte du Précheur, dernier village avant la montagne Pelée dont la cime est éternellement dans les nuages. Des baies mystérieuses, des rochers aux poissons multicolores, des dauphins paressants à nos côtés en animaux de compagnie, un déjeuner à Anse la Voile, plage accessible uniquement par barque, située à la charnière entre l'océan Atlantique et la mer des Caraîbes. Un repas composé d'accras et de poissons... le jaune du soleil, le vert de la végétation et le bleu de la mer comme des touches célestes pour une partition divine.

Un bon résumé d'une de nos journées...une petite marche en compagnie de gens passionnants dans des coins superbes. Un déjeuner au poisson dans un restaurant typique accompagné de vieux rhums, avec en riccochet, une sieste dans la chaleur moite pour évacuer le stress [quel stress !?)... et le soir, un repas entre amis qui finira par une belote et toujours beaucoup de rhum !!! Dur, dur la vie en Martinique ! Merci aux familles Clément et Jupiter pour leur accueil, un beau passeport sur l'art de vivre en Martinique et sur la convivialité. 

Voilà, le voyage touche à sa fin. Je garde avant tout à l'esprit la gentillesse naturelle des habitants, la diversité incroyable du métissage dans la luxuriance d'une île aux effluves chargées d'épices. C'est une grande île, avec ses montagnes et ses côtes qui jouent à se dérober l'horizon en permanence, dans la violence d'un océan présent à tout instant, l'odeur d'humus d'une décomposition qui enrichit la vie de son terreau fertile. Tout s'élance vers le ciel, comme si la surface plane des vagues ne pouvait contenir la force des éléments.
Il y a aussi les sourires des Martiniquais, légèrement en coin, pli de la lèvre moqueur, oeil à moitié fermé, la main dans les cheveux, comme si la vie valait vraiment le coup d'être vécue quand l'histoire des hommes s'ancre dans la douleur et que le passé ouvre des plaies béantes. La blessure des mémoires vivantes implique une distance que le Martiniquais vous offre avec respect, pour ne pas sentir le souffle de la haine embraser l'atmosphère quiète des douceurs océannes !
Le temps est venu de se comprendre,semble-t-il  vous proposer, à nous d'entendre les cris monter des nuits où le souffre brûlait !



PS : Et pour mon égo, un montage que je vous propose afin de garder la tête froide au moment de retrouver mon poste de Directeur de l'Evènementiel  du Palais des Festivals de Cannes !!!!

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les "colibris"

Publié le par Bernard Oheix


Les vacances se terminent...déjà ! La Martinique est fascinante pour peu que l'on se décide à sortir des sentiers battus pour s'enfoncer dans la jungle de ceux qui y vivent toute l'année avec la mer en horizon et le temps comme baromètre. Ils sont généreux quand la barrière se lève...mais cela se mérite !



Les photomontages de mon frère Jean-Pierre, chez qui nous résidons, font fureurs sur l'île. Chaque fois qu'il est invité, il produit ce type de document qu'il offre en retour avec un succès garanti. Là, chez Pat'yss (Jah est grand !) et Marie-Hélène (une sacrée bonne femme avec qui il vaut mieux ne pas se rater !), nous passons une journée géniale en dehors du temps. Un gué pour y arriver, en 4/4 pour finir, suspendu dans la colline verdoyante, un bout de terrain avec un cabanon sans électricité. Nous y boirons force verres de rhum, mangerons des plats typiques cuits au feu de bois(migan de morue, poissons volants grillés, poulets boucannés) et pour finir, terminerons par une belote d'anthologie auprès de laquelle celle de Pagnol ferait apparaître les marseillais comme de tristes sires coincés sans humour...Docteur Michel et Pat'yss mes adversaires impitoyables et Félix mon partenaire m'offriront l'occasion de vivre un vrai moment de bonheur...score final, pas de vainqueurs, le combat cessant à cause de l'obscurité sur la parité de 1-1...avec la promesse d'une belle à faire, un jour, si Jah le veut !


Docteur Michel est un lettré qui parle une langue suave, élégante et conte des histoires à dormir debout avec la verve d'un marabout. Jean-Marc est fin, réservé, plein de majesté et de discrétion. Ils vont débarquer, s'installer, boire et manger avec nos hôtes et l'après-midi passera dans les rires, l'alcool et la certitude de découvrir que les frontières n'existent pas. Une belle humanité en marche vers des aujourd'hui's chantants !

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Parler de Martinique

Publié le par Bernard Oheix

C'est d'abord une odeur et des couleurs. Une succession d'odeurs, un empilement de fragrances, un mille-feuille constitué de strates diverses qui montent vers le cerveau pour réveiller un parfum primitif, animal, respiré dans les couleurs de l'arc-en-ciel.

Celui d'une terre riche et meuble, sans cesse inondée, où les feuilles pourrissent pour se régénérer. Terre tropicale rouge, qui s'éventre au gré des averses violentes s'abattant à tout moment, rideau de pluie dérobant l'horizon, grains de folie sur cette terre qui exhale sa douleur de mourir pour vivifier l'esprit des ancêtres aux chants plaintifs...

Omniprésence liquide. Se déversant des nuages gonflés qui roulent dans le ciel, jaillit des replis des sols rouge pour rejoindre les côtes en serpentant au creux des vallons, montant à l'assaut des ilets décharnés par les rouleaux atlantiques parcourant les immensités aquatiques ou provenant des chaleurs caraïbes pour mourir sur le sable immaculée d'une baie brûlée par l'arc du soleil.

Aussi la canne à sucre coupée que l'on conduit vers les rhumeries crachant leur « part des anges », vers les sucreries qui dégorgent la fumée des « cabasses » à grosses volutes noires, camions à bennes ouvertes sillonnant les routes afin de livrer leurs charges, odeur douceâtre fleurant la promesse d'une ivresse future.

Toujours tant d'arbres et de fleurs parées de couleurs, avec leur message inscrit en lettres multicolores, chacune et chacun messager de fragrances inconnues qui se fondent dans la nature luxuriante... Des flamboyants grimpant vers les cieux pour dérober les cimes, aux toits carmin, à pétales jaune, des massifs aux élégantes immaculées, des lianes d'argent qui croulent vers le sol, arbres à pain, bougainvilliers rose, araucarias, frangipaniers, vanilliers de Cayenne, camélias et orchidées...

Manteaux d'or pour une luminosité qui se déchire d'un seul coup. Il y a si peu, du soleil clair et bleu qui brûle l'horizon, à la laiteuse perspective d'un ciel se dérobant, noir d'un grain, gouttes s'écrasant en gros flocons, vent qui tord les cimes vertes et remue les vagues en dégageant une odeur de sel marin.

L'arbre aux voyageurs nous tend ses bras en éventail. Il reste obstinément persuadé que les années s'écouleront, que le temps s'effacera, avant que les humains ne puissent dompter les éléments et s'imaginer à l'égal des dieux. Trop tard pour les esclaves morts, trop tard pour la terre des pleurs, il reste l'espoir des couleurs métisses et les rêves des survivants d'une terre orgueilleuse suspendue entre l'océan et la mer.

Odeurs mortelles, couleurs des lendemains qui chantent...C'est une île de Martinique pleine d'ivresse des senteurs, parée de couleurs, chargée de bruits et de fureurs que la voix chantante des enfants de douleur tente d'habiter d'humanité pour oublier le passé et feindre le bleu d'un avenir sans nuages.

 

 

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carte postale de la Martinique

Publié le par Bernard Oheix



Les vacances se passent bien...Aramis, ouvrier agricole et sculpteur sur bois de plage, nous reçoit avec son chapeau bicorne...Plage, soleil, randonées, Ti-punch, musique...affaire à suivre !

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