Montréal -20 °...
Se rendre à Montréal un 8 février 2014, n’est pas l’idée du siècle ! En effet, au sortir de l’aéroport, quand les -16° de la température extérieure vous tombent dessus comme une chape de plomb, l’homme devient infiniment petit dans un monde bien trop grand pour lui ! Et dire que les Québécois y vivent toute l’année ! Normal qu’ils aient faim de médailles à Sotchi, faut bien compenser cette glace qui s’accumule au long des routes, ce verglas traître qui se dissimule sous nos pas, ce vent aigre qui déjoue même les bonnets les plus engoncés !
Suite à l’édition à moitié avortée de Juste Pour Jouer, juillet 2013, mon séjour d’une semaine en septembre avec le grand maître Gilbert Rozon aux manettes, avait permis de décanter la situation, de constituer une équipe autour d’Arman Afkhani, un fidèle du sérail Juste pour Rire et d’un jeune intermittent (Guillaume Degré-Timmons) recruté pour l’occasion, tous éléments prouvant à l’évidence un réel engagement envers cette manifestation.
Et il faut bien le dire, la situation évolue, les choses avancent, les contours se précisent ! Mon retour en terre hivernale québécoise s’inscrit dans ce cadre, définition d’un modèle spécifique, architecture du Mondial des jeux adossé à Juste pour Rire, contenu programmatique, rencontre avec les partenaires et nec plus ultra, tentative d’harmonisation entre la machine de guerre de l’empire Juste pour Rire et les subtilités du monde des joueurs !
Tout avait commencé au début du siècle dernier, à la bourse Rideau (un marché du spectacle) perdu à Québec, début février, où quelques programmateurs européens étaient invités, dont moi qui présentais régulièrement des artistes de la Belle Province !
Cette année là, en 2001, le Carnaval de Québec se déroulait en même temps. Délices des fanfares aux doigts gelés, des jeunes sirènes aux épaules nues perchées sur des traineaux dérapant sur les plaques de verglas, tout cela par - 30°... Alors nous avons bu, dans des cornes de caribous élancées, un alcool innommable, et après avoir réchauffé nos coeurs en le brûlant au tord boyaux, nous avons parlé, aidé par les effluves alcoolisées, dans le froid saisissant, au milieu des flons-flons musettes verglacées ! Où donc peut se nicher l’art et l’amitié ?
Il s’avéra que le sémillant jeune homme à mes côtés avait pour nom, Gilbert Rozon, l’empereur de l’humour, l’homme par qui les fous-rires se déclenchaient sur la planète austère d’un nouveau millénaire, Les vidéo-gags, le Festival Juste pour Rire, c’était lui. Il s’était imposé en France en permettant à Charles Trenet de faire une nouvelle et ultime carrière... En le relançant, il s’était lancé ! Et il rebondissait toujours, jamais à court d’idées, réussissant souvent, échouant parfois, véritable leader dont les Stephane Rousseau, les Arturo Bracchetti et autres comiques naissant à Juste Pour Rire étaient les portes étendards d’un empire en train de se bâtir !!!
Quand l’amitié affleure, on se cherche, on se renifle... Il en allait ainsi entre Gilbert R et Bernard O, deux animaux au sang chaud en train de tendre des passerelles entre le vieux et le nouveau monde.
C’est en discutant de ma fonction et des actions que je menais en tant que Directeur de l’Evénementiel du Palais des Festivals de Cannes, qu’incidemment, je fus amené à lui parler du Festival des Jeux...150 000 visiteurs, 12 000 joueurs inscrits à des tournois, Plus de 10 000 nuitées générées...
J’ai réellement vu ses yeux s’ouvrir comme des billes, un éclair en point d’interrogation vacillant dans son regard. Il a dessoulé, mais 15 jours après, il débarquait sur le Festival des Jeux.
Je revois encore sa tête devant les 1000 scrabbleurs alignés sagement dans un silence de cathédrale, son effarement devant les milliers de gens agglutinés devant l’entrée du Palais des Festivals bloquée pour cause de saturation, sa perplexité devant les familles en train de jouer aux centaines de jeux du salon, devant des personnages déguisés simulant des combats préhistoriques, des maquettes des grandes batailles napoléoniennes, sa fatigue au bout de la nuit devant des centaines de joueurs attablés aux tables du Off en train de tester des boites grises dont certaines se retrouveraient commercialisées quelques années après dans de beaux emballages de couleurs !
Suite à cette plongée dans les nuits ludiques cannoises, il avait étoffé son Festival Juste pour Rire d’un volet Juste Pour Jouer, avec plus ou moins de bonheur suivant les années.
Nous avons continué à nous croiser, à entretenir des liens d’amitié, lui de plus en plus grand manitou du Québec, bureaux à Los Angeles, Londres, Paris... Moi, restant l’histrion de la Culture Cannoise, le saltimbanque devenu un épicier de luxe.
Et puis il y a eu ma décision de prendre ma retraite en 2012, avec la satisfaction du devoir accompli, la peur de la saison de trop, la volonté de transmettre le flambeau dans de bonnes conditions, à mon zénith...
Et en septembre 2012, un coup de fil surréaliste de mon pote Rozon.
«-Bernard, qu’est-ce que tu fais. Tu es à la retraite et tu te bronzes au soleil alors que je tu es mon directeur du Festival des Jeux de Montréal ! Et tu le sais même pas ! Allez, monte sur Paris, il faut que l’on se parle.»
Comment résister à une telle injonction ? Je me suis donc rendu en la capitale, dans son magnifique loft, un déjeuner d’amitié et il m’a proposé de travailler sur le chantier d’un grand festival des jeux avec pour objectif 2017...
On passera alors sur la première édition, tentative avortée, et après une semaine de septembre 2013 décisive où les bonnes décisions furent prise grâce à l’investissement personnel de Gilbert Rozon, me revoilà donc perdu en terres verglacées, dans les bourrasques de neige, par des températures polaires en train de rêver d’un grand Mondial des Jeux en train de naître au mois de juillet 2014 avec Bernard O comme consultant !
Alors donc, un Mondial des Jeux à Montréal... il faudra un peu de temps... mais pourquoi pas ? Je peux le penser désormais. En attendant, rendez-vous sur Cannes au Festival Des Jeux, le vrai, du 28 février au 2 mars.