J'ai enseigné pendant 9 années à l'Université de Nice. La semaine dernière, j'ai fait une intervention à la demande d'un responsable à l'IUT info/com de Sophia-Antipolis. J'aime
toujours autant ce contact, transmettre, regarder et analyser comme si cela me permettait de mieux comprendre ce que je fais, d'éclairer ma pratique. A la fin des deux heures, ils m'ont
applaudi...ce qui est toujours agréable pour son ego !
Cela m'a remis en mémoire de mauvais souvenirs. Comment l'Université de Nice m'avait amené à démissionner et à renoncer à cette volonté de transmettre. Je me suis aussi souvenu que jamais personne
n'a parlé de cet épisode, aucun responsable pour dialoguer, aucun retour comme si ce qui était arrivé n'existait point, n'avait jamais eu lieu.
J'ai décidé de publier dans mon blog cette lettre de démission adressées aux responsables de l'université qui ne m'ont jamais répondu... Vive l'Université française et ses cadres performants, vive
les enseignants courageux qui osent affronter le monde de la réalité !
Madame
B...,
Le 15/04/2005
Assesseur à la
pédagogie.
A
Cannes,
Copie : Madame la Doyenne.
Monsieur Jean-Pierre T....
Madame Marina N. : Responsable section Danse
Madame Ghislaine Del R... : Responsable théâtre
Enseignant, chargé de cours depuis 9 ans à l’Université de Nice, Licence arts du spectacle, je tiens par la présente à vous informer que ma démission sera effective à partir du 22 avril 2005. Je
n’effectuerai pas mon jubilé des dix ans, malgré l’intérêt réel et l’attachement que j’ai pour cette fonction de transmission d’une expérience acquise à un poste de responsabilités importantes.
Je suis depuis 15 ans Directeur de l’Evénementiel au Palais des Festivals et des Congrès de Cannes et par ailleurs titulaire de deux maîtrises et d’un DEA dans cette même université de Nice.
En effet, face aux décisions scandaleuses qui ont été prises le 7 avril, je ne peux que constater que ma hiérarchie ne m’a pas suivi, bien au contraire, donnant raison à trois étudiantes
(Charlotte C..., Marianne R..., Myriame B...) contre l’avis de l’enseignant, passant outre sa position, infirmant ses propos et la bonne marche administrative des règles énoncées par l’université
elle-même.
J’assume un cours mensuel de 3 heures d’Economie de la Culture et de Culture d’Entreprise pour les licences arts : théâtre, danse. Mon cours comprend une partie théorique d’une heure,
(économie du spectacle) et une partie pratique de deux heures, (gestion et encadrement d’un stage) obligatoire dans leur cursus…même si aucun créneau temps n’est prévu pour leur permettre
d’assumer ce stage dans des conditions normales comme je le demande instamment depuis toujours. Depuis quelques années l’accroissement des effectifs (40 étudiants) pose le problème d’un suivi
personnalisé de leurs travaux. J’ai toujours maintenu une réelle qualité d’enseignement et chaque étudiant a mon portable personnel et professionnel, mon mail et peut me contacter en permanence.
Ils ne s’en privent d’ailleurs point et je suis toujours disponible pour les aider dans leurs démarches !
Au premier cours théorique de cette année, 3 étudiantes ont décidé de contester mon enseignement après 30 minutes, m’obligeant à intervenir et à leur demander de sortir. C’est la première fois
qu’en 9 années d’enseignement je suis confronté à une telle situation.
Elles ont exigé un aménagement des modalités de validation vu « qu’elles ne pouvaient assister à des cours nuls » (dixit Myriame B... qui me l’a déclaré en face… en cela, elle avait au
moins le courage de ses opinions).
L’administration (qui ?) sous leur pression, a décidé de les exonérer de contrôle continu…laissant la porte ouverte à un absentéisme chronique de cette section théâtre, par rapport à la
section danse. De plus, comment peut-on passer en contrôle final un stage de 3 semaines qui implique le choix et la validation d’un stage, l’élaboration d’un mémoire et une soutenance
publique ?
L’obligation de réaliser ce stage les a réveillées 3 jours avant leur départ en vacances. J’ai reçu un mail de leur part le 4 avril à 22h22 (cf : documents joints) me demandant de faire
signer les conventions de stages par la Responsable de la section théâtre sans qu’il soit validé par mes soins...
J’ai répondu le 5 avril à 9h45 que je souhaitais qu’elles me présentent la structure dans laquelle elles devaient réaliser leur stage. Elle ont refusé (le 6 avril à 16h03) et malgré ma réponse à
18h16 ne m’ont pas contacté au téléphone pour trouver une solution. Vous avez apparemment décidé de faire avaliser cette conduite scandaleuse en prenant la décision de faire signer les
conventions par la responsable de la section théâtre malgré mon opposition claire et cela sans même avoir le courage de me téléphoner pour en parler et m’annoncer cette décision. Je l’ai apprise
le lendemain par un coup de fil volontariste de ma part à Ghislaine Del R....
J’en tire les conséquences.
Si je devais vous faire un cours sur la culture d’entreprise dont vous avez manifestement besoin, je vous dirais que le respect des règles et de la hiérarchie est la base même sur laquelle une
équipe de travail peut fonctionner et atteindre ses objectifs. Quels sont les vôtres en l’occurrence ? Surtout pas de vagues, pas d’étudiants en colère, pas de bruit, quitte à abandonner
toute autorité et à mettre l’enseignant en difficulté par le seul fait de refuser les règles que vous avez édictées et qu’il se doit d’appliquer.
Depuis des années je m’escrime avec passion à transmettre un « principe de réalité » à des jeunes bien démunis devant lui mais aussi devant une administration universitaire elle-même
désemparée par cette ouverture au monde des entreprises (j’en veux pour preuve cette absence de planification d’une période de stage…bien qu’obligatoire !) .
Mon cours économie du spectacle s’appuie sur mon expérience de terrain ( je gère 100 jours/spectacles pour un budget annuel de plusieurs millions d’€ et dirige une équipe de 12 personnes) et
sur une ouverture à la réalité des événements, sur ma pratique de Directeur et sur mes capacités pédagogiques à transmettre ce savoir et ces modes opératoires (en l’occurrence insuffisantes face
à trois étudiantes en recherche existentielle de certitudes).
Mais si la peur de voir ces trois étudiantes soupirer un peu trop fortement suffit à faire trembler tout l’édifice d’une université, alors je n’ai malheureusement plus rien à faire dans cet
établissement. J’aurais aimé que vous preniez vos responsabilités comme je prends les miennes quand je suis seul devant des étudiants.
PS : Je vous transmets ci-joint les mails concernés et mon CV.
Bernard Oheix
Ex-chargé de cours de l’Université de Nice, licence arts du spectacle.