Le grenier de la mémoire 40 : pause avec Guy Bedos !
Et la série mortifère continue ! Pendant l'écriture du précédent article, emporté par l'enthousiasme, j'étais en train d'écrire :"-J'ai réellement eu une larme sur la tirade bouleversante de Cyrano par un Pierre Santini éblouissant ! J'ai vibré en résonance sur les Moines de Shaolin, éclaté de rire sous les saillies de Guy Bedos...", quand j'entendis en direct à la radio que Guy Bedos venait de décéder ! Un de plus qui n'aura pas trouvé grâce à survivre sous les traits de ma plume ! Le énième d'une série létale que j'ai parfois une certaine difficulté à m'expliquer ! Il faut dire que Guy Bedos, c'est une belle aventure pour moi, un moment émouvant au tout début de ma carrière de programmateur Cannois !
Nous sommes dans un entre deux ! La Direction du Palais et Gilles Cima, l'adjoint au maire, viennent de m'annoncer la fusion des 2 évènementiels (culturel et animations) sous ma responsabilité et au passage, j'ai définis avec eux notre cahier des charges dans lequel trône en belle place la création de Saisons culturelles sur l'automne/hiver et un programme d'été ambitieux structuré autour des Festivals, de la re-création du Festival de la Pyrotechnie, et d'animations gratuites relookées ! La tâche qui m'attend est immense mais les délais font qu'entre décembre 96 et le début 97, il faut meubler comme l'on peut, en attendant la "vraie" première Saison Culturelle qui débutera en octobre 1997 pour aller jusqu'à avril 1998 !
Je bricole dans l'urgence un petit programme avec, au passage, quelques belles pépites ! Une soirée de polyphonies, rencontre entre les corses du Choeur de Sartène dirigé par Jean-Paul Poletti et les niçois du Corou de Berra (qui par la suite seront aux "Concerts sous la mer" de l'été 1999 et participeront à ma dernière soirée Voix Passions... mais je reviendrai sur cette clôture !). Beaucoup de Danse en profitant d'une belle tradition locale (Festival de Danse et Ecole Rosella Hightower sur Cannes depuis 35 ans), avec les Etoiles de Paris, Coppélia des Ballets de Marseille dirigé par Roland Petit et l'historique et fameuse Messe Pour le Temps Présent de Béjart...ma madeleine à moi dont je vous ai parlé précédemment !
J'y ajoute, avec une certaine audace, mon grain de sel d'une culture du monde pour ma première d'un réveillon du 31 décembre et du 1er janvier, Le mythique Opéra de Pékin avec Le Roi des Singes et La Princesse Cent-Fleurs... un coup de coeur et un triomphe !
C'est en préparant cette dizaine de soirées que je tombe sur une interview de Guy Bedos où il déplore de ne jamais passer dans le Sud-Est pour cause de "black-listing" par Jacques Médecin. Bien qu'il soit exilé depuis 1990 à Punta del Este en Uruguay (un pays qui n'expatrie pas les délinquants politiques !!!), les "bébés Médecin" qui lui ont succédé n'ont apparemment pas levé son excommunication. Cela me donne des idées et je prends mon téléphone pour contacter sa boite de production.
L'affaire fut rondement menée et le contrat signé, d'autant plus que Mireille Dumas préparait un sujet pour son émission et serait présente avec son équipe de tournage pour faire un film sur ce personnage atypique de la gauche à l'humour grinçant sans concessions ! Je l'avais vu deux fois en show, dont l'une dans une fête de la rose où il avait largement cartonné ces parents de gauche dont les enfants vireraient fatalement à droite !
Et je dois dire que sa programmation dans une Ville de Cannes, encore sous le choc de la chute du "Kennedy de la Côte d'Azur" qui faisait couler beaucoup d'encre, ne passa pas inaperçue ! Tous les élus s'étaient donnés rendez-vous ce soir-là dans la grande salle Louis Lumière (2400 places) bourrée à craquer... et le spectacle était aussi bien dans la loge et les travées de velours rouges que sur la scène !
Sa revue de presse fut mémorable et la distribution de gifles à la hauteur d'un Guy Bedos au zénith de son art iconoclaste !
Et pour l'anecdote, si vous visionnez le film de Mireille Dumas, vous me verrez en silhouette à la Hitchkok dans l'ombre de Bedos... et je n'en étais pas peu fier !
Désolé mon cher Guy de t'avoir cité dans mon article... mais tu ne pouvais que faire partie des Greniers de la Mémoire. Dans mon panthéon, tu occupes une place privilégiée, celle d'un coup de coeur et d'un coup médiatique, l'alliance parfaite d'une ouverture d'un cycle qui allait me porter à programmer des gens que j'aime (tu en faisais partie !), à découvrir les frontières de la Culture des autres, à casser le moule du conformisme et à proposer une évasion par le rire, le rêve et la musique !
Tu avais toute ta place dans cet interlude charnière de la fin 1996 et du début 1997 et je suis persuadé que dans l'acte de te choisir dans cette région où je t'ai permis de revenir, j'ai trouvé aussi mon style et une volonté de programmer ce qui dérange comme ce qui fascine !
Merci Guy Bedos pour ce moment que j'ai partagé avec toi !