Belmondo, un rendez-vous raté !
Repas de Gala des 25 ans des Rencontres Cinématographiques de Cannes, l'autre Festival de Cinéma de Cannes, celui de décembre, de l'Art et Essai, des stages pour les jeunes désirant apprendre à écrire, des cinéphiles aux cheveux blanchis par les innombrables pellicules ingérées, de tous les amateurs en attente de la folie du mois de mai. Gérard Camy, le Président de Cannes Cinéma avait bien fait les choses, réunissant (presque) tous les directeurs qui au fil du temps avaient géré la manifestation, sur la scène du Palais Marriott et dans une belle salle d’un hôtel pour un dîner de gala avec des invités de prestige.
J’en faisais partie puisque pendant 2 éditions, j’ai eu le privilège d’en assurer la direction, juste au début de ma carrière au Palais des Festivals, il y a bien longtemps, quand j’étais presque jeune et que j’avais encore des cheveux bouclés !
C’est en voyant un des invités que je me suis levé afin de lui raconter une belle anecdote le concernant...
Assis, il porte bien son âge, prestance d’une icône du cinéma, l’homme qui révéla une nouvelle façon de filmer sous l’oeil de Godard, qui enchaîna les succès même si certains fleuraient par la suite un peu trop ce cinéma de comédies à la Française. Belmondo, un mythe à ma table, une personnalité attachante dont les déboires actuels n’en provoquent que plus d’attachement envers ce personnage si haut en couleur.
-Monsieur Belmondo, puis-je prendre quelques minutes pour vous narrer une histoire qui vous concerne directement....
Il a eu un grand sourire charmeur, à la Belmondo flamboyant, et m’a encouragé pendant que Daniel Prévost à ses côtés s'esclaffait...
-Figurez-vous que j’étais, jusqu’au mois de juillet, le Directeur de l'Evénementiel Cannois, et à ce titre, je programmais les saisons culturelles de Cannes. Un bon programmateur rêve dans sa vie de programmateur d’accueillir au moins une fois Bebel et Delon... Bon, Alain, c’est jamais facile, 3 fois j’ai failli mais à chaque tentative, il y avait annulation de la tournée et l'affaire capotait...
Me restait donc Jean-Paul Belmondo qui ne tournait plus au théâtre depuis de longues années sauf qu’en 1999, pour la naissance du nouveau millénaire, j’apprends que vous partez en tournée avec Frédérick ou le boulevard du crime, une pièce d’Eric Emmanuel Schmitt qui avait obtenu un Molière, dans une mise en scène de Bernard Murat.
Imaginez... J’ai sauté sur l’occasion, elle trop belle la mariée. J’ai donc signé pour deux séances, les 7 et 8 janvier 2000 à la salle Debussy du Palais des Festivals de Cannes.
J’étais fier, Monsieur Belmondo, heureux, presque Dieu pendant quelques temps ! Pouvoir vous recevoir !
Les ventes de billets s’envolèrent jusqu’à solder même les strapontins, tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je me promenais chaque jour dans le Palais en sachant que mon jour de gloire se rapprochait, que votre venue coïnciderait avec l’extinction des lampions des fêtes de cette fin d’année exceptionnelle. Moi aussi, je m’étais hissé à la hauteur de l’an 2000 puisque je vous aurai en chair et en os sur les planches de Cannes !
Las ! Le 3 janvier 2000, un incendie se déclarait dans les cuisines du casino jouxtant la salle de théâtre rendant impraticable la réception du public et je dus, la mort dans l’âme, après avoir tout tenté, annuler les 2 représentations sans possibilité de les reporter, votre programme de tournée étant figé depuis bien longtemps et les autres salles de Cannes trop petites pour contenir votre décors..
Voilà Monsieur Belmondo, la triste histoire de la seule programmation de Jean-Paul Belmondo que j’ai effectué, un rendez-vous raté... et ce n’était ni de votre fait, ni du mien !
J’ai vu son visage s’illuminer, les convives rire et un zeste d’émotion traverser la table...
Jean-Paul, lui, m’a lancé un clin d’oeil amical, une oeillade complice. il ne m’a pas proposé de reprendre rendez-vous... Trop tard pour moi il fait nul doute, mais quand il s’est levé péniblement marchant vers la sortie, engoncé d’un corps malhabile qu’il ne maîtrise plus que partiellement, j’ai compris qu’il n’y aurait plus jamais son étoile sur les scènes de Cannes comme d’ailleurs. L’histoire a rendez-vous avec son passé, le futur de Belmondo s’écrit désormais au présent.
Merci Monsieur Belmondo de m’avoir écouter si gentiment et de m’avoir restitué un peu de cette magie dont un incendie stupide m’avait privé, il y a 12 ans !
Berand Oheix, Gérard Camy et mon rendez-vous raté, jean-Paul Belmondo avec ce sourire si particulier que les années ne peuvent effacer !