FIF (5) : Une histoire de Palmarès !
Cette année, foin de billevesées…M’étant fixé comme objectifs de voir tous les films et de donner un palmarès exact le dimanche 23 mai à 18h45, je me suis attelé à mon travail de critique parallèle, pendant tout ce festival, ce qui implique de ne pas dormir aux films en compétition et de n’en rater aucun ! Sauf bien sûr, quand Nadine S et Eurielle D, deux de mes collaboratrices adorées, émergeant de la salle noire, me confièrent qu’elles avaient enfin vu le « navet » (il y en a toujours un !) de l’année, que son réalisateur portait un nom imprononçable et que le film avait un titre à coucher dehors ! J’ai donc fais l’impasse sur ce chef d’œuvre en péril et parmi les 32 pellicules ingérées, 18 appartenaient à la compétition, m’autorisant un jugement sûr et une autorité toute neuve…J’étais donc bien armé pour faire mon palmarès et prouver aux cinéphiles du monde entier la justesse de mes goûts !
19h, 15 devant mon écran. Les prix s’égrènent…L’homme qui crie du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, Prix du jury, parfait, mérité amplement ! Petit accroc avec le Prix de la mise en scène à Tournée, (que je n’ai pas aimé !) même s’il m’apparaissait évident qu’il se retrouverait parmi les élus. C’est un moindre mal, une médaille en chocolat, concession au style déjanté de Tim Burton, le président du jury….Pourquoi pas ?
Bingo avec le Prix du scénario pour Poetry du Coréen Lee Chang-dong. Là, il fallait le trouver, petit frisson d’adrénaline ! Pas de problème pour l’interprétation féminine de Juliette Binoche. J’ai détesté le film mais il était évident qu’elle obtiendrait son bâton de maréchale…Rebingo pour l’acteur masculin, Emilio Germano du film de Luchetti, La nostra vita avec une surprise, le partage de cet honneur avec l’éblouissant Javier Bardem de Biutiful…Tout va bien donc jusque là !
Arrive le Grand Prix du jury pour le magnifique film de Xavier Beauvois, Des Hommes et des dieux…encore dans le mille. Je suis au bord de l’apoplexie, comme le jour où sont sortis les 5 premiers chiffres du Loto… (Bon, pour la petite histoire, le 6ème, on l’attend toujours et mon gain potentiel de plusieurs millions s’est transformé en une enveloppe de 5000€, seulement !).
Du haut de mon Olympe cinématographique, il ne me reste plus qu’à ouïr le nom de la Palme d’Or, à l’évidence Biutiful d’Inarritu pour atteindre l’orgasme, la certitude d’être un visionnaire, au top de la critique… Quand, patatras ! Le président se lève et jette en pâture un nom totalement imprononçable, une nationalité thaïlandaise, un titre de l’autre monde : Oncle Bonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures de Apichatpong Weerasethakul, coiffe sur le poteau le Inarritu ou le Mike Leigh, voire le Hors La Loi ou l’autre coréen…Ô rage, ô désespoir, …le seul film de la sélection que je n’avais pas vu ! Le seul à avoir échappé à ma vigilance !
Bon, qu’à cela ne tienne, il me reste la séance du lundi pour rattraper la Palme d’Or et finir sur un sans faute. Chaque année, le vainqueur est présenté aux Cannois, le lendemain de la cérémonie de la remise des prix, pour 3 séances. Dès 15h, dans la grande salle, j’attends enfin de visionner l’objet du délit quand soudain, l’adjoint au Maire rentre sur scène et annonce que le film projeté ne sera pas la Palme d’Or, mais le Grand Prix du Jury, Des Hommes et des dieux… de Xavier Beauvois pour des raisons obscures où l’on comprend que le film thaïlandais, trop difficile, pourrait ne point plaire aux pauvres Cannois incultes et qu’une bonne dose de piété ne pourrait qu’élever leur âme !
Il va falloir que je m’y fasse, je ne verrai jamais la Palme d’Or 2010 ! Aurais-je voté comme les membres de cet éminent jury de choc ? Je ne le saurai jamais…Je vais réfléchir à l’an prochain…tous les films je verrai, c’est certain, et après, je sortirai un palmarès à moi, tout neuf, complet et personne ne pourra rien y redire, non mais !